Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

BIOGRAPHIE RELIGIEUSE

Sir Robert-Henry Blosset

Grand-Juge (Chief-justice) au Bengale

***

(1776-1823)


Robert Henry naquit en 1776 de parents honorablement connus. Sa mère, qui fut veuve de bonne heure, avait une piété solide, et consacra tous ses soins à l’éducation de ses enfants. Elle ajoutait l’exemple au précepte, et la prière à l’exemple.

Pendant longtemps le jeune Robert Henry parut être insensible aux exhortations de sa mère; il avait donné son cœur au monde, il aimait à vivre dans le tumulte des passions, il s'efforçait d'oublier Dieu et de s'étourdir. Mais la bonne semence, qui a été répandue avec foi et avec larmes par une mère pieuse, porte presque toujours du fruit. C’est ce qui arriva encore pour ce jeune homme. Il fut réveillé par la prédication d’un fidèle ministre du Seigneur, et depuis lors il marcha d’un pas ferme dans la voie du salut.

Sa vocation le portait vers les études du barreau. Il passa quelques années dans l’université d’Oxford, puis embrassa la profession d’avocat. Ses talents distingués lui ouvrirent une brillante carrière dans la magistrature. Il monta successivement les divers degrés de la hiérarchie, jusqu’à ce qu’il fut nommé aux fonctions de grand juge dans l’Inde britannique.

Henry Blosset possédait parfaitement les langues classiques et les principaux idiomes de l’Europe; il avait aussi appris l'hébreu, et pendant la traversée qui le conduisit au Bengale, il étudia avec beaucoup de succès le sanscrit et les langues populaires de l'Orient.

Mais il était loin de consacrer toute son attention aux sciences humaines. La piété occupait toujours le premier rang dans son esprit aussi bien que dans son cœur, et c'est même par des motifs de religion qu’il accepta la charge qui lui était offerte dans les Indes.

Sir Henry avait une grande fortune, et ses fonctions en Angleterre lui procuraient des revenus plus considérables que ceux qu’il pouvait espérer en Orient; mais le désir de contribuer aux progrès de l’Évangile dans ces contrées lointaines, et les facilités qu’il trouvait dans ce nouveau poste pour servir la cause du Seigneur, déterminèrent sa résolution. Il aimait les Indiens; il avait pitié d’eux, il priait pour eux, et la perspective de concourir à leur conversion était réjouissante pour son âme.


Il s’embarqua donc en 1822 , et l’on voit par une lettre qu’il écrivit au mois de juillet de la même année, que ses méditations étaient principalement tournées vers les choses du ciel.

«J’ai plus de loisirs ici, disait-il, qu’à aucune époque de ma vie, et je puis employer une grande partie de mon temps à la lecture de la Bible et à la prière. Nos chapelains (c'était à bord du vaisseau) sont très attentifs à remplir leurs devoirs religieux, et célèbrent régulièrement le service matin et soir.

Ma cabine est devenue une sorte de temple, et les heures que j’y ai passées formeront, je crois, une période de progrès dans ma vie. Rien ne venant distraire mon attention, je me suis replié sur mes précédentes années: j’ai considéré ensuite avec beaucoup d’anxiété les obligations qui me sont imposées, les tentations qui vont m’assaillir; et je sens toujours plus fortement combien le secours de Dieu me sera nécessaire pour me mettre en état de remplir, du moins à un certain degré, les espérances de mes amis et de ceux qui m’ont envoyé dans cette station.

Mais j’espère que Celui qui m’a ouvert cette route d’une manière si remarquable ne me laissera pas sans guide pour y marcher, et qu’il ne me refusera pas les bénédictions du Saint-Esprit que j'implore continuellement. Il me semble que j’en ai déjà une preuve dans l'emploi que je fais de mes journées, dans le plaisir croissant que je goûte à lire la Parole de Dieu, et dans mon sincère désir de suivre le chemin de la sanctification.»

Mais les pensées de Dieu ne sont point nos pensées, et les voies de Dieu ne sont point nos voies. À peine débarqué à Calcutta, Henry Blosset fut saisi de violentes douleurs d’entrailles qui résistèrent à tous les efforts de la science, et le conduisirent en peu de temps aux portes du tombeau. Sa dernière maladie manifesta la puissance de ses sentiments religieux, et nous emprunterons à diverses lettres écrites par ses amis les principaux faits qui ont marqué les derniers jours de ce fidèle disciple du Sauveur.

Un pasteur anglican, M. Thomason, écrivit à la sœur de Henry Blosset:

«Le mardi avant sa mort qui eut lieu le samedi, il me fit inviter à me rendre auprès de lui. J’allai le voir immédiatement, et je le trouvai sur son lit dans un état de grande faiblesse. Sa maladie l'avait attaqué avec une extrême violence, et le menaçait d’une prompte fin. Il me reçut avec tant de sérieux, de solennité et d’intérêt pour le motif de notre entrevue, que j’en fus profondément touché.

Après quelques réflexions sur la soudaineté de cette attaque et la nature mystérieuse de sa maladie, il me parla aussitôt des dispensations de Dieu à son égard; il s’exprima avec beaucoup d’humilité sur sa vie passée, et me parut comme accablé du sentiment de la bonté de Dieu envers lui. Au milieu de son discours, il me rappela que j’avais connu son excellente mère, et que je pouvais dès lors apprécier combien le Seigneur l’avait honoré et béni de ce côté-là; le souvenir de la piété et de la tendresse de sa mère lui fit verser d’abondantes larmes.

Étant revenu à sa condition présente, il avoua qu’il était un peu abattu; mais il est bon, ajouta-t-il, qu’il en soit ainsi; cet état de l’âme m'est salutaire, et nous devrions nous y trouver plus souvent: je puis, du reste, déclarer du fond de mon cœur que s’il y a beaucoup de choses qui m'humilient et m'attristent, je sens en même temps que la miséricorde de Dieu surpasse infiniment mes transgressions.

Il me parla ensuite de son voyage dans les Indes comme de la plus précieuse de toutes les bénédictions qu’il avait reçues. Il s'y arrêtait avec une reconnaissance particulière, disant qu'un voyage sur mer était spécialement propre à rendre l'esprit sérieux. Cette traversée avait été pour lui un temps de réflexions solennelles et de joies religieuses. II avait goûté au fond de sa cabine la présence de Dieu plus que dans aucune autre situation, et quoique le voyage eût été prolongé au-delà de sa durée habituelle, il avait eu regret de le voir finir.

Il pouvait bénir Dieu pour toutes les afflictions qu’il lui avait dispensées, et attester que c’était là des œuvres excellentes de miséricorde. En faisant cette remarque, il cita avec beaucoup de solennité la promesse qui se lit dans le prophète Ésaïe:

Le Seigneur vous donnera bien du pain de détresse et de l’eau d'angoisse; mais ceux qui t’enseignent ne disparaîtront plus, et tes yeux verront ceux qui t’enseignent; et tes oreilles entendront la parole de celui qui sera derrière toi et qui te dira: C'est ici le chemin; marchez-y, sans vous détourner ni à droite ni à gauche (Ésaïe XXX, 20-21).

De toutes ces choses je tirai cette conclusion , que son voyage sur mer avait été pour lui une époque de progrès spirituel que son cœur avait été fortifié dans la foi, et que son âme était mûre pour l'éternité.

La conversation se tourna ensuite sur l'obscurité des dispensations de Dieu qui l’avait amené dans les Indes pour l’étendre aussitôt sur un lit de douleur, qui devait être selon toute apparence, un lit de mort. II avait espéré sous le bon plaisir du Seigneur, avoir le temps d’employer l’influence de sa charge à l’avancement du Christianisme, et d’encourager en particulier les institutions fondées pour le bien-être de ce pays; mais la gravité de sa maladie était venue renverser tous ses plans, et l’avait conduit à examiner rigoureusement ses motifs et à reconnaître qu’il n’était rien. Maintenant son profond désir était de montrer sa confiance dans les voies de Dieu par sa patience et par une résignation entière à la volonté du Seigneur.

Il m'invita à prier avec lui, après que nous eûmes fait lecture du chapitre douzième de l’Épître aux Hébreux, où l’on trouve des passages parfaitement applicables â un état de maladie. Il fut visiblement touché de cette déclaration, que Dieu nous châtie pour notre profit, afin de nous rendre participants de sa sainteté, et il s’écria avec ferveur: Amen!

..... Le lendemain, je le visitai de nouveau. Il était assis sur un fauteuil; on venait de lui appliquer des sangsues, et il se plaignait de souffrir beaucoup, en ajoutant que sa maladie était encore un mystère; il ne savait pas comment elle se terminerait; mais nous savons une chose, s’écria-t-il, c’est que Dieu fait tout pour le bien; et quelle que soit l’issue de cette épreuve, je suis assuré que cette issue sera bonne! En disant ces mots, il avait une expression de joie qui manifestait la paix et la sérénité de son esprit. Le moment n’étant pas favorable pour converser longtemps sur des sujets religieux, je le quittai avec la promesse d’une nouvelle visite pour le soir.

Dans la soirée, je le trouvai au lit, dans un état de grande faiblesse et d’épuisement. Il ne pouvait guère parler, et il était bon qu’il ne parlât point. Je lus le psaume cent troisième, en y joignant quelques remarques relatives à sa position, et je priai avec lui. Après la prière, il m'exprima le désir de recevoir le sacrement de la communion aussitôt que possible; car il craignait, s’il y avait du retard, d’être trop affaibli par son mal pour goûter les joies de la sainte cène. Nous fixâmes le lendemain ou le surlendemain pour la célébration de cet auguste sacrement. Le peu de paroles qu’il prononça dans notre entrevue montraient un heureux état d’esprit. On l’avait entendu, le matin, répéter plusieurs fois ces paroles:


Ô Jésus, qui peut seul donner la délivrance,

Viens, mon Rédempteur, viens à moi!

Dissipe mes terreurs, abrège ma souffrance;

Je n’attends la paix que de toi!


Le jeudi, j’allai le revoir. Il me reçut avec beaucoup d’affection, et m’exprima sa reconnaissance de ce que je venais l’aider à recueillir ses méditations et à les fixer sur les choses spirituelles, dont il se sentait détourné par ses infirmités corporelles. Je lui lus le chapitre quatorzième de Sain-Jean, et je prononçai une prière. Ces paroles: Afin que là où je serai, vous y soyez aussi, parurent lui donner une grande consolation.

Le soir, il était fort épuisé, et je passai peu de temps auprès de lui. Je lus les premiers versets du quinzième chapitre de Saint-Jean, et je fis une courte prière.

Les mêmes remarques s’appliquent à ma visite du vendredi matin. La maladie avait fait de terribles ravages dans sa constitution; il souffrait cruellement; cependant nous fûmes édifiés de voir combien il se trouva rafraîchi par le psaume cent trentième et par quelques mots de prière. Comme il ne pouvait parler beaucoup sans se fatiguer, je tâchai de lui présenter des réflexions qui n’exigeaient point de réponse, et de lui suggérer des idées conformes à sa position.


Vers les deux heures de l’après-midi, un message du médecin m’apprit qu’il déclinait rapidement, et qu’il n’y avait pas de temps à perdre pour lui donner la sainte cène. Je m’empressai donc de le faire participer à ce sacrement qu’il désirait depuis longtemps avec tant d’ardeur. Ce fut une circonstance mémorable. Je souhaite que tous ceux qui étaient présents en gardent perpétuellement le souvenir; car c’est un grand privilège d’avoir pu être témoin d’un tel spectacle.

On ne saurait peindre la ferveur, l’humilité et la sainte joie que montra le malade dans cette occasion. Son corps était affaibli par la souffrance; mais son âme semblait s’élever au-dessus des choses terrestres, en se nourrissant par la foi du corps de Christ. Voulant abréger le service, parce que je craignais qu’il ne fatiguât trop le malade, je ne récitai pas l’hymne d’actions de grâces: Gloire à Dieu aux lieux très hauts! et je me disposais à prononcer la bénédiction. Mais il remarqua cette omission, et m’interrompit pour prononcer lui-même, autant que sa voix put le permettre, toutes les paroles du service liturgique. Nous étions tous vivement émus. Je le remerciai d’avoir pris garde à l'omission, et nous achevâmes le service avec des larmes de joie. Je m’estimais heureux d’avoir provoqué ce mouvement qui attestait que son âme était parfaitement attentive, et suivait dans tous ses détails la célébration de la sainte cène.

Quand la cérémonie fut achevée, il me pria d’approcher mon siège de son lit, et fit sortir tous les autres assistants. Alors, étendant la main, il m’invita à implorer la grâce de Dieu pour qu’il fût délivré de toute fausse confiance, je lui répondis que DIEU NE TROMPE POINT L’ATTENTE DE CEUX QUI SE FONDENT SUR LES MÉRITES DE SON FILS, et que l’Écriture contient des promesses particulières pour ceux qui, dans le sentiment profond de leurs péchés, se confient pleinement à la miséricorde de Dieu.

C’est vrai, me répondit-il. Je suis complètement tranquille sur ce point. Mes sentiments sont arrêtés. Je n’ai ni doutes ni incertitudes, et je désire d’être avec mon Dieu et mon Sauveur. Oh! quand ce temps viendra-t-il? Ô mon Dieu, tu le sais! Il n’y aura point de surprise pour moi. J’ai pu me préparer à la mort. Depuis plusieurs années, je me suis retiré du monde, et j’ai évité autant que possible de former de nouvelles relations. Je soupire après mon repos.

Ici j’exprimai mes actions de grâces envers Dieu pour la force qu’il lui donnait dans ces moments d’épreuve. — Je puis voir des preuves de miséricorde, me dit-il, dans toute la route par laquelle j’ai été conduit, et je découvre des motifs d’amour dans toutes les afflictions dont j’ai été visité. Que le Seigneur est admirable dans ses voies! La bonté et la miséricorde ont accompagné mes pas et je demeurerai pour toujours dans la maison du Seigneur. Il prononça ces dernières paroles en élevant les mains et avec une grande ferveur.

Les cœurs de beaucoup d’amis, lui dis-je, seraient réjouis de vous voir si puissamment soutenu dans ce moment. — J’ai une sœur bien-aimée, répondit-il, qui sera consolée en apprenant que je suis avec le Seigneur. Écrivez-lui que je meurs heureux!»

M. Stevenson, qui habitait dans la maison de Henry Blosset, rapporte des faits qui montrent combien ce pieux chrétien s'occupait du salut de ceux dont il était entouré:

«Je lui proposai, dit M. Stevenson, de lire la portion de l’Écriture qu’il choisirait. Il indiqua immédiatement les psaumes 27 et 90, et les chapitres 4 et 5 de la première épître aux Thessaloniciens.

Il me parla ensuite de l’importance de la religion, et de la nécessité de s’en occuper de bonne heure. — Ce n’est pas une tâche pénible, me dit-il; on n’a pas besoin de se singulariser ni de se précipiter dans les extrêmes. Tout consiste à étudier attentivement les révélations de Dieu, à prier le Seigneur de nous bénir et de subvenir à nos besoins. En agissant ainsi, vous prospérerez en toutes choses, et vous goûterez cette paix et ces consolations que la religion seule peut donner.

Le jour de sa mort, sir Henry me demanda souvent si je croyais que sa vie se prolongerait encore beaucoup. Je lui répondis que ce jour serait probablement le dernier. Il en exprima sa joie, et s’écria: seigneur Jésus, viens bientôt! Dans peu d’heures je serai délivré de toute souffrance! Il témoigna alors le désir de s’entretenir avec ses deux médecins, MM. Russel et Nicholson; puis me prenant par la main: M. Stevenson, me dit-il, j’espère que vous n’éloignerez jamais d’aucun de vos malades le flambeau de la céleste vérité. C’est la seule source de la consolation, dans la vie et dans la mort. Quelle doit être la condition de ceux qui vivent sans Dieu, et qui n’ont aucune espérance à l’heure de la mort! Que ferais-je maintenant sans le secours de la religion? Dans la prospérité je me suis trop peu souvenu de Dieu. Mais béni soit son nom de ce que j’ai été réveillé! Vivez dans la crainte de Dieu, et tout ira bien pour vous.

Ses médecins étant arrivés, il eut avec chacun d’eux une conversation particulière; et l’un de ces médecins m’a déclaré qu’il n'avait jamais vu une manifestation si frappante du pouvoir de la religion; car quoique sir Henry fut presque incapable de parler, son âme était aussi active que jamais, et toutes ses pensées étaient tournées vers l’éternité.»

«Le jour de sa mort, écrivait enfin un autre ami, il prononça successivement les noms de tous ceux qu’il connaissait, en commençant par les personnes qui étaient autour de lui, et à chaque nom il ajoutait: Dieu veuille le bénir, ainsi que tous ceux que j’ai déjà nommés!»


Il cessa de vivre le samedi, 1er février 1823, à neuf heures du soir. Ses derniers moments furent très calmes. Il n’éprouva pas la moindre agonie, et son visage conserva toute sa sérénité dans la mort. Sir Henry Blosset emporta les regrets de tous les chrétiens de Calcutta. Une grande lumière s’était éteinte en lui, mais Dieu en a suscité d’autres pour l’évangélisation des Indiens.

Archives du christianisme 1837 10 14

 
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