Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

BIOGRAPHIE RELIGIEUSE.

Richard Cecil.

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(1748-1810)


Richard Cecil naquit à Londres au mois de décembre 1748. Son père était membre de l’Église anglicane, tandis que sa mère s’était jointe aux non-conformistes. Étant très pieuse, elle s’efforçait, par son exemple et par ses leçons, d’inspirer de bonne heure à son cher enfant des sentiments religieux. Elle lui acheta dans ce but le Présent de Janeway aux enfants, livre qui le toucha beaucoup, et qui l’engagea à se retirer dans un coin pour prier. Mais les premières impressions sérieuses se dissipèrent, et il se livra peu à peu à ses mauvais penchants, tellement qu’il s’en faisait une sorte de gloire.

Son père l’avait placé dans une des premières maisons de commerce de la capitale. Il la quitta pour entrer dans une autre; mais une maladie grave le força à retourner quelque temps après sous le toit paternel. Le jeune Cecil était passionné pour la littérature et les beaux-arts; il éprouvait de l’aversion pour le commerce. Il s'était hasardé à envoyer des vers de sa composition aux éditeurs de quelques journaux littéraires qui les jugèrent dignes d’y être insérés.

Son père lut un de ces fragments de poésie qu’il admirait sans en connaître l’auteur, et lorsque Richard se fut nommé, il ne voulut pas le croire, jusqu’à ce que le jeune homme en eût composé d’autres sur un sujet qu’il lui donna; ces derniers prouvèrent qu’il avait été capable d’écrire aussi les précédents.

Cecil avait été doué de facultés intellectuelles qui l’auraient distingué dans quelque carrière qu’il eût suivie. Il aimait tous les arts, mais particulièrement la peinture, pour laquelle il était si passionné qu’il assistait à toutes les ventes publiques de tableaux, et qu’il ne se lassait point de peindre chez lui. Cependant, il s’enfonçait toujours plus dans la fange du vice, et il endurcissait tellement sa conscience par la lecture d’ouvrages impies, qu’il n’avait point honte de se montrer ouvertement incrédule et d’inspirer à d’autres ses détestables principes.


Tandis que Cecil avançait dans cette carrière de perdition, il plut à Dieu d’éveiller en lui, par son Saint-Esprit, des réflexions qui produisirent, dès ce moment, un changement complet dans sa vie. Un soir, s’étant couché sans pouvoir dormir, il pensait à sa mère.

Je remarque en elle, se disait-il en lui-même, deux faits incontestables:

Premièrement, c’est qu’elle souffre des maux dans son corps et des afflictions dans son âme, et je vois qu’elle supporte tout cela avec le courage qu’elle puise dans la prière et dans la lecture de la Bible.

Secondement, elle doit avoir une source secrète de consolation que je ne connais pas, puisque moi, qui me livre sans retenue à mes passions, et qui cherche à jouir du plaisir par toutes sortes de moyens, je ne puis y parvenir. S’il y a un si heureux secret dans la religion, pourquoi ne pourrais-je pas en profiter aussi bien que ma mère? Je veux chercher sans retard à l’obtenir de Dieu.

Il se leva à cette pensée, et commença à prier; mais bientôt il se sentit abattu par l’idée que les consolations que sa mère éprouvait, semblaient surtout provenir de sa foi en Christ; — et c’est Jésus-Christ, pensait-il encore, que j’ai tourné en ridicule. Il est comme un obstacle sur mon chemin, je ne peux le faire entrer dans mes prières.

Il se recoucha, mais son esprit demeura inquiet et troublé. Le jour suivant, il continua à prier l’Être suprême; il commença à consulter des livres et à écouter des prédications. Peu à peu ses doutes se dissipèrent, les objections qu’il opposait aux vérités de la religion se trouvèrent réfutées, toute sa conduite s’améliora sensiblement. Il prêta alors l’oreille aux pieux conseils de sa mère, qu’il avait auparavant affecté de recevoir avec orgueil et dédain, mais qui avaient cependant pénétré dans son cœur comme une flèche acérée; car souvent ils lui avaient fait répandre de secrètes larmes. Maintenant, loin de lui répondre d’une manière insolente, il l’interroge, l’écoute avec attention. Sa mère avait lieu d’espérer que la grâce avait commencé à toucher son cœur, et qu’elle continuerait à y produire de plus grands effets.

Les progrès du jeune Cecil étaient cependant lents, car il avait beaucoup de peine à rompre ses liaisons favorites; mais la lumière pénétrant graduellement dans son esprit, il parvint enfin à reconnaître que Jésus-Christ, loin d’être un obstacle sur son sentier, est seul «le chemin, la vérité et la vie pour tous ceux qui vont au Père par lui


Cecil voulut se consacrer au service du Seigneur, et fit ses études à Oxford. Il eut à supporter là plusieurs combats intérieurs et pénibles, et souvent des railleries que des jeunes gens irréligieux faisaient sur sa piété. Un jour que son esprit en avait été agité, il se promenait dans le jardin botanique, où il remarqua un grenadier formant auparavant un arbre élevé, mais que le jardinier avait coupé fort bas. Lui en ayant demandé la raison, ce dernier répondit: Il ne faisait que pousser des branches et des feuilles inutiles, mais, depuis que je l’ai ainsi coupé, il commence à produire beaucoup de fruits. Ces simples paroles furent pour Cecil comme une lumière; il s’en retourna instruit et consolé par cette image.

En 1776 il fut fait diacre; puis il parvint aux autres degrés dans l’université: et, après avoir été consacré au saint ministère, il partit pour aller desservir trois églises dans le comté de Leicester. Lorsqu’il commença à y prêcher, il y avait bien peu de religion réelle; mais sa prédication ne tarda pas à fixer l’attention de ses auditeurs sur les vérités évangéliques, tellement que beaucoup d’entre eux crurent et s’attachèrent au Seigneur.

M. Abbot, fils du dernier vicaire, et une de ses sœurs furent redevables à ce zélé serviteur de Christ de la connaissance de la vérité; il fut entre les mains de Dieu un instrument pour les amener à la foi vivante. Enfin une congrégation florissante de fidèles fut formée dans chacune de ces églises.

M. Cecil fut informé que ses amis lui avaient procuré deux petits bénéfices à Lews, dans le comté de Sussex. Il se rendit dans ce nouveau poste; mais la maison où il habita se trouvant dans un endroit humide, il y souffrit longtemps d'un rhumatisme dans la tête, qui le rendit même incapable d’officier pendant quelques mois, et qui l’obligea à se faire remplacer pendant cet intervalle par un suffragant. II est à remarquer que ces deux bénéfices ne rapportaient à M. Cecil qu’environ 80 livres sterling par an, et lorsque le mauvais état de sa santé l’eut obligé de payer un suffragant, il ne lui restait rien pour lui-même: mais il ne voulut cependant point abandonner cette place, désirant d’y continuer la prédication fidèle de l’Évangile; et, malgré tous les obstacles, il persévéra dans cette résolution pendant plusieurs années, jusqu’à ce qu’il pût remettre cette charge avec confiance au révérend M. Dale.


Il fut appelé, en 1780 , à une sphère plus étendue de devoirs pastoraux, étant chargé du service religieux de la chapelle de Saint-Jean, la plus grande de l’Église anglicane, à Londres. Elle avait été fort négligée, et il fallait pour la réparer une somme considérable. N’ayant pas de fortune, M. Cecil ne pouvait se charger d’une telle entreprise; mais une dame très riche avança une grande partie de l’argent, et se rendit caution pour une autre; plusieurs amis se joignirent à elle, et les frais pour les réparations qui montaient à quelques centaines de livres sterling furent acquittés.

En de pareilles circonstances, M. Cecil ne s’attendait point à recevoir des avantages considérables de cette place; mais, pouvant y être utile, il s’y crut appelé providentiellement,

Lorsqu’il commença son ministère à Saint-Jean, il eut une tâche difficile à accomplir. D’un côté, il devait prêcher à un peuple ennemi de l’esprit de l’Évangile; de l’autre, à des personnes religieuses, mais pleines de préventions, et qui, ne comprenant pas son but, étaient disposées à le blâmer, comme s’il eut évité de «déclarer tout le conseil de Dieu.» Cependant, il suivit sagement l’exemple de son divin Maître, en annonçant la vérité progressivement, de manière à ce que ses auditeurs entendissent peu à peu l’exposition complète de toutes les doctrines scripturaires. Les résultats du culte religieux, établi dans la chapelle de Saint-Jean par les soins de M. Cecil , manifestèrent la sagesse du plan qu’il avait adopté.


En 1800, il y commença, dès le printemps, une prédication particulière pour les jeunes gens. Il désirait aussi que le service religieux de cette chapelle fût utile aux établissements de charité du voisinage, et il prêchait de temps en temps spécialement pour eux; il réunissait, outre cela, à Saint-Jean une école du dimanche, et se proposait d’y prêcher une fois par année en faveur de la Société des Missions.

M. Cecil avait beaucoup souffert pendant plusieurs années d’une maladie qu’on supposait être la sciatique. Après une attaque violente, le résultat de la consultation médicale fut qu’il ne devait point prêcher tant que les mêmes symptômes continueraient; on craignait un squirre (Cancer caractérisé par sa dureté et par une rétraction importante des tissus atteints – Lexilogos), et l’on croyait son état dangereux.

Le dimanche suivant, une scène touchante se passa dans la chapelle. On savait que le pasteur devait prêcher le matin pour les enfants de l’école du dimanche, et le soir pour leurs parents; il voulut en conséquence, malgré l’avis des médecins, s'adresser encore une fois à son cher troupeau. Un de ses amis dit qu'en fixant sur lui ses regards, il eut le cœur déchiré, le voyant pâle, défait et languissant. «Le fort a été abattu,» pensait-il. Le texte du prédicateur souffrant ajoutait à la solennité de la scène; il avait choisi les paroles qui terminent l’Apocalypse: «Celui qui témoigne ces choses dit certainement: Je viens bientôt! amen! Oui, Seigneur Jésus, viens.»

Il dit à l’assemblée que, prêchant contre l’avis des médecins, il ne pourrait point s’adresser à elle dans la soirée, et il n’avait pas parlé plus de cinq minutes que I'on pouvait facilement s’apercevoir de l’excès de sa souffrance; la faiblesse de sa voix annonçait en même temps l’épuisement de sa poitrine. Il ne put prolonger son discours au-delà de vingt minutes, et il congédia la congrégation, non avec la bénédiction usitée, mais avec les dernières paroles de la Bible qui suivaient son texte. Bien des personnes avaient le pressentiment que ce sermon terminerait son ministère, et le sujet ainsi que la conclusion de son discours contribuaient à le leur persuader. Mais Dieu, «dont les voies ne sont pas nos voies, et dont les pensées ne sont pas nos pensées,» daigna encore ajouter douze ans à sa vie.

Durant cette maladie, qui se prolongea pendant l’hiver de 1798 , M. Cecil fut en édification et en exemple à plusieurs. Il disait:

Au milieu de mes souffrances, excepté lorsque mes douleurs sont extrêmes, je puis dire jusqu’à un certain point que je les supporte avec joie; et, quand elles vont jusqu’à me causer une sorte de torture, j’éprouve encore quelques satisfactions à pouvoir les supporter sans murmure; mais je ne puis dire alors qu’elles me causent de la joie. Quant à l'humilité, je conviens parfaitement que l’affliction, la pauvreté, le blâme, les infirmités, sont d’excellentes choses pour humilier un esprit hautain. Les médecins ne connaissent pas mon état, mais je le connais: c’est le doigt de Dieu! Je dois en retirer d’importantes leçons, entre autres celle de la suffisance de sa grâce. J’ai prié aussi trois fois, et sûrement je dois me contenter de la réponse qui fut faite à Paul.

Il disait aussi dans une autre occasion: Dieu connaît mon état, et il me dit au milieu de mes peines, de mes maux et de mes angoisses: «C’est moi, n’aie point de peur; confie-toi à moi.»

Jésus est mon grand appui; rien ne peut arriver sans sa connaissance et sa permission.

Il répondit à quelqu'un qui le questionnait sur son état: Tout cela vient du Seigneur; je ne perds point, la mort de vue. S’il ne plaît pas au Seigneur que je me relève d’ici, il me prépare quelque chose de meilleur. «Je sais en qui j’ai cru

Que nous pensons peu à profiter du temps lorsque nous en avons l'occasion! Tout me paraît vanité excepté la religion; je suis disposé, de ce lit de souffrance, à prêcher aux prédicateurs. Je me demande: Quel est mon appui? que me restera-t-il lorsque toutes choses me seront enlevées? LES PROMESSES DE LA BIBLE: voilà la réalité.

Rien ne peut remplacer la Bible. Quand je lis différents auteurs et que j’entends leurs opinions, je ne puis dire: C’est la vérité; je ne puis m’en saisir comme d’une substance; mais la Bible en est une pour moi. J’ai plus appris en elle sur ce lit de maladie que dans tous les livres que j’ai jamais lus. Quelquefois je réfléchis à l’état d’une âme, lorsque, quittant le corps qu’elle animait, elle entre dans l’espace, seule, errante, inquiète, effrayée. Ah! si un rayon de justice brille alors sur elle, où qu’elle se trouve, n’importe, elle est heureuse.

M. Cecil, on l'a dit plus haut, se releva de cette maladie, mais il ne parvint jamais à une guérison complète. Souvent. après avoir été tourmenté toute la nuit, il se rendait à ses devoirs publics du matin, si faible et si abattu, que sa femme tremblait en le voyant monter en chaire. Cependant, animé par son zèle et par sa charité, il s’acquittait de sa tâche avec l’aide de Dieu, sans laisser apercevoir son état de souffrance autrement que par le sentiment et l'onction qui accompagnaient ses paroles.

Comme le visage de Moïse était resplendissant lorsqu’il descendit de la sainte montagne, ainsi l’on pouvait apercevoir par sa prédication qu’il n'avait pas été vainement éprouvé au creuset de la douleur, et il glorifiait de cette manière Celui qui l’avait appelé â son service. Ayant acquis une perception et un sentiment plus vifs de la vanité des choses terrestres, il ôtait au monde le masque qui le transforme; il en manifestait la misère, le vide, les artifices, les séductions; il faisait comprendre combien ses promesses sont fausses et illusoires, et il opposait à ce triste tableau les glorieuses réalités qui appartiennent aux fidèles. C’était pour lui une source de délices de parler des biens infinis dont il a maintenant obtenu la parfaite jouissance.

Il persévéra à prêcher dans cet état, faisant usage d’un siège dans la chaire, jusqu’à ce qu’une paralysie privât entièrement l’église de ses travaux. Après plusieurs voyages entrepris pour le rétablissement de sa santé, il revint à Londres au printemps de 1809, les nerfs fort ébranlés, et dans un état de grande souffrance. La chaleur soudaine du temps, et en particulier l’air étouffant et le bruit de la capitale lui devinrent insupportables; et il désirait vivement s’en éloigner, dans l’espérance de jouir de quelque repos. Il alla donc s’établir à la campagne pendant deux années consécutives, en revenant passer l’hiver à Londres. Sa santé paraissait éprouver d’heureux effets du séjour des champs; ses esprits vitaux semblaient se ranimer, lorsqu'il plut au Seigneur de le transporter tout à coup de cette demeure terrestre dans une habitation plus conforme au désir de son cœur, «dans le domicile immuable et céleste.» Son âme fut délivrée de ce corps de mort par une attaque d’apoplexie, le 15 août 1810.

Il n’est pas douteux, humainement parlant, que la fatigue abrégeât les jours de M. Cecil; mais il est bien consolant de penser combien sa vie fut éminemment utile. En quelque lieu qu’il allât résider, son ministère fut béni par le Seigneur et eut d’abondants succès; au dernier jour, bien des âmes lui en rendront témoignage et contribueront à sa joie éternelle, mais en même temps que ses prédications étaient si bien accueillies et accompagnées de si heureux résultats, cette faveur populaire n’ôta rien à son humilité: tous ceux qui l’ont connu particulièrement le savent assez. Personne n’était plus éloigné que lui de l'ostentation. Sensible à l’encouragement, la flatterie le trouvait inébranlable.

La maladie de M. Cecil tendait à lui occasionner de l’irritation. L’impulsion était soudaine et irrésistible; mais cette irritation aurait été tout à fait inaperçue sans le vif sentiment de regret qui l’accompagnait. Il revenait immédiatement à ses principes religieux, et, témoignant dans les termes les plus forts combien il détestait de tels mouvements, il demandait avec la plus profonde humilité à ceux qui l’entouraient leur pardon, leur support et leur patience.

Ses facultés intellectuelles avaient été fortement altérées par ses souffrances; mais il conservait encore quelque chose de son caractère pastoral dans ses intervalles lucides. Il disait quelquefois que, s’il plaisait à Dieu de lui permettre de prêcher encore, Christ serait son unique sujet.

C’était sur ce rocher des siècles qu’il avait construit pour l’éternité un édifice que le vent et les tempêtes de l’adversité ne pouvaient ébranler. Son refuge et son trésor étaient dans les cieux, ainsi que son cœur. Une fois qu’il conversait avec un jeune ministre il lui dit:

Présentez toujours Christ dans vos prédications; qu’il en soit le grand objet. Quelques personnes prétendaient que je prêchais trop sur la foi; s’il était possible que je montasse encore en chaire, j’en parlerais bien davantage.

Archives du christianisme 1837 12 23a

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