Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

HISTOIRE ECCLÉSIASTIQUE

Réveil religieux dans l’île de Fionie

(Danemark).

***

Cette île de la Mer Baltique renferme plus de cent mille habitants. Elle jouit d’un climat très doux pour cette latitude, et les habitants y vivent, en général, dans une honnête aisance, qu'ils doivent à leurs travaux agricoles.

La capitale de l'île est Odensée, où l’on trouve plusieurs monuments remarquables. La religion réformée est dominante dans ce pays.

Le réveil religieux sur lequel nous allons donner quelques détails, commença en 1818.


À cette époque, un vieux cordonnier, Séelandais de naissance, et qui avait eu des relations avec des personnes pieuses pendant ses voyages, vint s’établir à Kjerteminde, bourgade assez considérable de l'île de Fionie. Il se nommait Ole Henri Svane.

Ce fidèle serviteur de Christ, établit d'abord un culte de famille dans la maison où il demeurait; bientôt après quelques voisins s’y joignirent, heureux d'entendre le vieux Henri Svane rendre témoignage aux bénédictions spirituelles dont le Seigneur l’avait comblé.


Vers la fin de l’année 1818, se rencontra parmi les assistants une femme, qui fut profondément émue des exhortations du vieillard, et se sentit pressée d'aller elle-même auprès de Christ pour lui demander la paix de la conscience. Revenue à la maison, elle raconta à son mari, Chrétien Madsen, charpentier de son état, combien elle avait été édifiée par les discours d'Henri Svane, ajoutant qu’elle avait éprouvé des impressions tout autres que dans le temple où elle entendait les pièces d’éloquence du pasteur. Puis elle engagea instamment son mari à l’accompagner le dimanche suivant dans la réunion. Mais Chrétien Madsen, tout en permettant à sa femme de s’y rendre, s’excusa, quant à lui, sur le manque de temps; car il travaillait dimanches et fêtes.

La pieuse femme ne se rebuta point, et ses instances obtinrent enfin le résultat qu’elle en espérait. Chrétien Madsen alla aussi écouter Henri Svane. Affaire de complaisance, de curiosité, il le croyait; mais le Seigneur avait sur lui des vues de miséricorde, et la puissance de la vérité se manifesta dans son cœur. Il dut soutenir pourtant un combat terrible pendant six semaines, avant de s'humilier devant la croix de Jésus-Christ, et sa constitution physique en fut tellement ébranlée que ses amis craignirent pour sa vie.

La force de l’Esprit de Dieu gagna la victoire sur le vieil homme.

Chrétien Madsen devint réellement chrétien; il sentit que ses péchés étaient pardonnés, que Dieu l’avait adopté pour son enfant; et tout joyeux, brûlant de zèle, il s’en alla de maison en maison, exhortant les pécheurs à sortir de leur mauvais train de vie et les suppliant de partager ses joies et ses espérances.

Chrétien Madsen était fort estimé dans toute la contrée. Il avait beaucoup d’esprit naturel, une grande facilité d'élocution, et chaque famille l’invitait volontiers aux repas de noces, parce qu’il savait amuser ses hôtes par de plaisantes saillies, et dire sur les épousés quelques-uns mots qui divertissaient tout le monde.

Mais, devenu sérieux, le voilà qui se met à exhorter les jeunes mariés et autres gens de noces, et à leur annoncer la bonne nouvelle en Jésus-Christ. Cela déplut à quelques-uns; la plupart s’en moquèrent ou se fâchèrent.

Madsen fut invité plus rarement à ces fêtes mondaines; mais il y eut aussi, comme il arrive toujours quand le zèle est sincère et persévérant, des âmes qui furent rendues attentives. Leur nombre peu à peu s’augmenta; tout naturellement ils se réunirent entre eux, et chaque dimanche après-midi, on pouvait les entendre lisant l’Écriture, chantant des psaumes, priant et s’entretenant de bonnes choses.


Grande rumeur dans la bourgade et aux environs.

Après les premiers moments de surprise vinrent les injures, et chacun de crier: Ce sont des fanatiques, des sectaires, de nouveaux saints, des gens qui veulent changer la religion, et le reste.

Mais plus on criait, plus la curiosité s'éveillait, et beaucoup de personnes trouvèrent que Chrétien Madsen et ses amis, loin d’enseigner une nouvelle religion, ne faisaient que purger l'ancienne des nouveautés qu’on y avait introduites.

L’affluence des auditeurs dut s’accroître par cette découverte, et au bout de quelque temps des assemblées d’édification se formèrent dans toute l’étendue de l'île de Fionie.

Les pasteurs de cette contrée, rationalistes pour la plupart, virent ce mouvement de très mauvais œil. C’était chose inouïe pour eux que le peuple s'occupât si vivement de questions religieuses; car depuis longtemps ils y avaient mis bon ordre par leur pauvre manière de prêcher.

Ils furent d’autant plus mécontents qu’ils ne savaient souvent que répondre aux objections de leurs paroissiens, plus instruits qu’eux-mêmes dans la connaissance des Écritures.

On ajoute que des pasteurs orthodoxes (car il en restait quelques-uns), trompés par de faux bruits, troublés peut-être dans leurs vieilles habitudes, exprimèrent une sorte de blâme sur ce réveil religieux et le déclarèrent suspect, parce qu’il avait pris naissance, non dans la prédication des ecclésiastiques, mais dans celle des laïques.

De là, séparation toujours plus tranchée.

Le pasteur d’alors Kjerteminde, M. Andresen, rationaliste achevé, prononça de violentes déclamations contre les nouveaux sectaires, les représentant comme une bande d'hypocrites, pharisiens, fanatiques, et leur reprochant surtout d’affecter un éloignement puritain pour les plaisirs du monde.

Voici, entre autres, une phrase de ce prédicateur, laquelle a été rapportée sous serment devant les tribunaux du pays: Je danse, ma femme danse, et quiconque prétend qu’il y a péché à danser est un pharisien et un hypocrite!

On ne fut guère ému de ces injures, sinon que le troupeau de Chrétien Madsen s’augmenta de ceux qui ne jugeaient pas convenable qu’un pasteur prêchât en faveur de la danse.

Voyant ses armes spirituelles impuissantes, M. Andresen eut recours aux armes du pouvoir séculier, et porta plainte contre ces bonnes gens qui priaient, chantaient et lisaient ensemble.


La chancellerie danoise, déjà instruite de ce mouvement par la police, exhuma une vieille ordonnance du 13 janvier 1741, dirigée dans ce temps là contre les anabaptistes, et qui fut appliquée aux chrétiens récemment convertis.

D’après cette ordonnance, permission était laissée à chacun de s’édifier en famille, mais défense expresse de se réunir sans l’autorisation du pasteur.

En lisant ces détails, il nous semblait, en vérité, relire le récit des affaires religieuses de contrées plus rapprochées de nous, tant les analogies sont nombreuses et frappantes; il n’y manqua pas même les mauvais traitements de la population, les vitres cassées, et les citations des chrétiens devant les tribunaux. C’est que la haine du monde contre l’Évangile est partout la même, et ne peut employer que les mêmes moyens.

Chrétien Madsen fut appelé devant le magistrat d’Odensée, qui lui parla avec une grande douceur, l’engageant à réfléchir qu’il n’avait pas reçu, après tout, vocation d’annoncer la Parole de Dieu, et qu'il lui devait suffire de s'édifier chez soi avec les siens.

Cette affabilité de manières et de langage toucha le cœur de l’honnête artisan, et il promit d'obéir. Mais à peine rentré dans sa maison, il en eut regret et repentir, s’accusant de n’avoir pas confessé Jésus-Christ comme il devait, et d’avoir cédé à la crainte des hommes. Incontinent donc il s'en retourna vers le magistrat pour retirer sa promesse. On le menaça de prison; il obtint pourtant la liberté de revenir chez lui.


Cette indulgence dura peu.

Les chrétiens de la Fionie furent maltraités, persécutés de diverses façons, et vainement essayèrent de se justifier en disant que, toutes les réunions plus ou moins bruyantes et scandaleuses étant permises, les leurs, paisibles et utiles, devaient l’être aussi.

Pasteurs et juges rationalistes, se moquèrent de cet argument.

Alors, c’était en 1821 , nos frères de ce pays s’adressèrent en toute simplicité chrétienne à sa majesté la reine de Danemark. Le charpentier Madsen rédigea la lettre, pièce curieuse dont il vaut la peine de citer quelques fragments:

«À la très noble épouse du roi, la reine, la mère bien-aimée du peuple, nous souhaitons grâce et paix, toute bénédiction temporelle et spirituelle en notre Père, et en Jésus-Christ notre Seigneur!

«Ayant ouï-dire ici que Votre Majesté est une digne servante de Jésus, et quelle a fort à cœur le bien de l’Église chrétienne, nous nous sommes hasardés à lui écrire, et à la prier de recevoir favorablement notre simple et humble lettre.

«Depuis quelques années, dans la paroisse de Kjerteminde, plusieurs habitants se sont réveillés de leur sommeil de mort à la vie spirituelle en Jésus-Christ, ayant appris à connaître le vrai sens du péché originel, et étant troublés dans leur conscience à cause de leurs iniquités. Mais quelques-uns, plus avancés, nous ont donné de bons conseils, et nous étant prosternés dans la poussière devant le Seigneur pour lui demander pardon et grâce au nom du Seigneur Jésus, voici le poids qui écrasait notre conscience a été enlevé, et le Dieu miséricordieux a répandu dans nos cœurs l’Esprit de la promesse, en sorte que nous avons éprouvé, en toute vérité, que le sang de Jésus-Christ le Fils de Dieu, purifie de tout péché, et que nous avons la guérison par ses meurtrissures.

«Ce changement remarquable étant opéré dans nos âmes, nous nous sommes abstenus des plaisirs et convoitises du monde; car en Dieu et en sa Parole était toute notre joie. Au jour du dimanche, après avoir assisté aux offices de l’Église, nous nous sommes réunis, comme se trouvait l’occasion, pour chanter ensemble un ou deux cantiques, lire quelques pages de la bible ou d'un bon livre, bénir le Seigneur de ses bontés, grâces et miséricordes, sans oublier de prier pour le roi, l’auguste famille royale, et le pays, pour nos amis et ennemis, selon le précepte de l'Évangile. Dieu daigna bénir ces assemblées, et ainsi plusieurs passeront d’une mauvaise vie à une vie tranquille et pieuse, et d’autres encore, qui avaient de grands sujets de tristesse, furent consolés.

«Maintenant donc, à cause que nous ne voulons plus nous joindre à la foule pour vivre dans le dérèglement, ceux-ci ont pris beaucoup d'humeur contre nous. Il faut dire, outre cela, que nos pasteurs, qui devraient nous enseigner la crainte de Dieu, nous instruisent à boire, à danser, à jouer aux cartes, et ne se contentent pas de faire ainsi, mais traitent de pharisiens et hypocrites ceux qui y voient du péché. Et comme nous ne voulons pas rentrer dans la voie large des pécheurs, ils ont écrit à la chancellerie royale que nous étions une secte fanatique. Et sur cela, défenses ont été faites de nous réunir, visites dans nos maisons, citations devant les tribunaux et menaces d’emprisonnement.

«Nous lisons au chapitre cinquième du livre d’Esther comment la reine se présenta devant le roi, et pria pour son peuple; elle trouva grâce devant les yeux du roi, et son peuple fut sauvé. Or donc, comme notre très gracieuse reine forme un seul peuple avec nous au Seigneur, étant membre de Christ, sarment de la véritable vigne, et comme Votre Majesté peut voir par cette lettre dans quelle extrémité nous sommes, nous la prions très humblement de présenter requête au roi pour son peuple.... Et de même que les Juifs jeûnèrent et prièrent trois jours et trois nuits, avant que la reine Esther se présentât devant le roi, nous nous prosternerons tous les jours aux pieds de Jésus-Christ crucifié, en le priant d’incliner le cœur du roi à prêter une oreille favorable à notre demande. Que Dieu nous donne à tous sa grâce par Jésus-Christ! Amen.»

À cette lettre on répondit, comment? Par une prise de corps contre Chrétien Madsen, accusé d’avoir calomnié dans sa pétition le pasteur Andresen, ci-dessus nommé. De plus, une circulaire de la chancellerie danoise, enjoignant de poursuivre sans délai et avec sévérité les membres de la secte fanatique. Cela se passait au mois de janvier 1832.

L’affaire de Madsen dura sept ans.

De temps à antre, on le relâchait sous caution, puis, quand il recommençait à annoncer l’Évangile, on le remettait en prison. Mais en 1829, comme il devait comparaître devant la haute cour du Danemark, Dieu l'appela devant un tribunal encore plus élevé, et Chrétien Madsen alla se reposer de ses travaux.

Est-il besoin de dire ce que produisit la persécution?

Tout homme de bon sens le sait déjà. Le mouvement religieux se propagea rapidement d’un bout de la Fionie à l’autre.

Au lieu de petites réunions, il y en eut de grandes, et le zèle des victimes croissait avec l’injustice des persécuteurs. Quand Madsen était en prison, ses amis le remplaçaient dans les assemblées; quand il était libre, il parcourait la Fionie, avertissant les pécheurs, affermissant les fidèles avec toute l'autorité de ses souffrances. Menaces, procès-verbaux, nouvelles sentences de prise de corps, rien n’y faisait; Chrétien Madsen savait souffrir, et non se taire ni abandonner le service de son divin Maître.

D'après l'ordonnance de 1741, quand le pasteur du lieu annonçait du haut de la chaire les réunions privées, elles étaient permises. Or, voici ce qui arriva, en 1824, dans la paroisse d'Ellinge.

Deux, individus furent cités devant la justice pour avoir tenu réunion. Ils se justifièrent en disant que ces assemblées avaient été légalement annoncées et produisirent deux, témoins pour le certifier. Mais cas deux témoins avaient assisté à la réunion, et furent contraints de passer au banc des accusés. On nomme deux autres témoins: même grief, et même résultat. Encore deux nouveaux témoins, qui deviennent de nouveaux accusés, et ainsi de suite.

Il fallut renoncer à la preuve du témoignage, et comme le pasteur n’avouait pas le fait, les pauvres gens d'Ellinge furent condamnés à une forte amende, après avoir été assaillis à coups de pierre, en sortant du cabaret où se jugeait le procès. Toutes ces iniquités n’étaient pas propres à rétablir la paix religieuse dans l'île de Fionie.


Mais soudainement l'état des choses changea. Le prince royal, Chrétien Frédéric, gouverneur de la Fionie, voulut examiner l'affaire par lui-même. Homme de tête et de cœur, à ce qu'on assure, il reconnut aisément qu’il y avait tout ensemble injustice et imprudence à persécuter les nouveaux convertis. Il fit prévaloir ses vues à Copenhague, puis envoya au docteur Plum, évêque, de Fionie, une lettre que nous résumerons en peu de mots.

Les hommes et femmes qui prennent part à ces réunions, disait le prince royal, ont la bonne intention de s’édifier et de s’améliorer, et l'on peut voir, en effet, qu'ils sont moralement supérieurs à ceux qui ne vont pas dans ces assemblées.

Chrétien Madsen a eu tort d'attaquer ses adversaires par des paroles trop vives, mais le clergé ne doit employer ici que des armes spirituelles.

Qu'il enseigne un véritable Christianisme évangélique dans les écoles, temples, assemblées particulières; qu'il encourage les fidèles à la lecture de la bible, et s’y applique avec eux: c'est le meilleur moyen d'arrêter les progrès de la secte.

Les pasteurs ne doivent pas s’emporter contre les vues religieuses de ces gens-là, mais leur montrer avec douceur par l'Écriture en quoi ils ont tort. Quant au gouvernement, son devoir est de punir les mauvaises actions, et non les opinions.

Le docteur Plum, évêque de Fionie, écrivit en conséquence une circulaire à tous les ecclésiastiques de son diocèse, les invitant à la patience, à la douceur, et a la réconciliation avec les sectaires, s’il était possible. Depuis lors, les réunions se sont tenues librement et sans intervention de la justice. Mais bien que le gouvernement eut cessé de poursuivre les chrétiens, la haine du monde subsistait toujours, et se déclarait quelquefois par des excès violents.

Ajoutons que les nouveaux convertis se laissaient aller de temps en temps à un zèle non tempéré par la prudence. Il est arrivé plus d’une fois que, mondains et chrétiens étant réunis dans un repas de famille, les premiers voulaient chanter des chansons, les autres des cantiques; ceux-là entamaient une conversation peu édifiante, ceux-ci répondaient par de graves avertissements.

Les chrétiens, en pareille circonstance, gardaient ordinairement le champ de bataille, et les mondains interrompaient, non sans dispute, leurs chansons à boire pour écouter un psaume. Ceci, toutefois, s’est corrigé à l’heure qu'il est, et les chrétiens, quand ils se joignent aux mondains, ce qu’ils évitent tant qu’ils peuvent, s’efforcent de dire de bonnes choses mieux à propos.


Revenons à Chrétien Madsen.

Il mourut le 19 février 1829, âgé de 52 ans. Tous les amis de l'Évangile, en Fionie, rendirent le témoignage qu’il avait été droit, intègre, zélé pour le salut des âmes, ardent à répandre la connaissance de la vérité, laborieux et actif dans son état de;charpentier.

Ses ennemis eux-mêmes ne pouvaient s'empêcher de lui accorder un tribut d'estime.

On raconte qu’il parlait quelquefois tout un jour, sans prendre aucune nourriture, et sans se reposer autrement que par le chant des cantiques. C'est ce qu’il faisait spécialement à l'anniversaire du jour de sa conversion; l'assemblée durait du matin au soir, présidée et nourrie par lui du pain de la Parole. Son nom qui est resté en bonne odeur, vivra dans le souvenir de ceux qu’il a conduits au pied de la croix.

Après sa mort, Dieu suscita d’autres ouvriers pour tenir les réunions. Elles se composent de cent à quatre cents personnes, et se tiennent dans les fermes des paysans. Des planches rangées autour des murs servent de banquettes. Dès qu'une partie des auditeurs est venue, on commence à chanter. Ensuite se fait la prière, puis la prédication tirée habituellement des Hauspostillen (sermons familiers) de Luther. À chaque partie du discours, le lecteur ajoute ses réflexions, et applique le sujet aux différentes classes d’assistants. Le service achevé, ceux qui ont la plus longue route à faire s’en vont; les autres font encore de pieuses lectures, ou chantent des cantiques. Tout se passe en ordre et en paix.

Le monde a prononcé contre ces chrétiens, dans les dernières années une sorte d'excommunication! L'excommunication du monde! Tous les métiers forment dans ce pays des corporations ou confréries, dont on a soin d’exclure les amis de l'Évangile.

Il est d'usage que les cultivateurs qui n’ont point de chevaux empruntent, moyennant rétribution, ceux de leurs voisins. Or les enfants du siècle ne veulent plus, ni pour argent, ni pour bonnes paroles, prêter leurs chevaux à ceux qui sont enfants de Dieu. Petites tracasseries, qui n’arrêteront pas les progrès de la vérité!

Quant aux pasteurs rationalistes, ils ne se résignent pas toujours à supporter patiemment les choses. Écoutez ceci.

Quelques bonnes gens, qui habitent l’un des îlots semés autour de la Fionie, invitèrent un homme pieux, nommé Pierre Larson , à venir former chez eux une assemblée d’édification. Le pasteur dit en apprenant cela: Non, que ce coquin n'approche pas, et qu'il laisse mon île en repos!

Pierre Larson arriva pourtant. Mais à peine débarqué, il reçut du pasteur qui était allé à sa rencontre, il recut... l’un des plus vigoureux soufflets qui se puissent donner.

Monsieur le pasteur, répondit tranquillement Larsen, ce ne sont pas là les armes dont vous devez vous servir.

Ah! cria le prédicateur rationaliste, je sais bien que vous autres, vauriens, vous ne tenez plus compte des pasteurs; mais je suis aussi commissaire de quarantaine, et je vous apprendrai à me respecter.

Au reste, point d’opposition systématique contre les pasteurs chez les chrétiens. Ils s’estiment heureux de posséder dans leurs villages de vrais serviteurs de Christ, et font souvent plusieurs lieues pour les entendre. Mais la confiance et l’affection mutuelles sont loin d’exister partout. La faute en est beaucoup d’un côté, et quelque peu, sans doute, de

l’autre.


Les chrétiens de la Fionie, c’est une justice à leur rendre, sont généralement des hommes de bonnes mœurs, contents de leur état, sans reproche, unis entre eux, et portant la sérénité de leur âme empreinte sur leur visage.

Ils exercent franchement la correction fraternelle dans leurs réunions, sans orgueil chez ceux qui corrigent, et sans aigreur chez ceux qui sont corrigés, vertus peu communes ailleurs.

Ils aiment leurs conducteurs spirituels et les respectent, mais sans aucun esprit de servilité.


Leur habitude est d'éprouver toutes choses par la bible, et ils s'en trouvent bien.


Que la bénédiction du Seigneur continue à reposer sur eux!

Archives du christianisme 1836 08 27


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