Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

LIBERTÉ DES CULTES.

Le Procès de Montargis.

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Affaire de liberté des cultes jugée en appel par la Cour royale d’Orléans. Brochure in-8°. Paris, 1838. — Le produit de la vente servira à couvrir les frais du procès. Prix: 1 fr.

Cette brochure s’ouvre par le jugement du tribunal de Montargis et se termine par l’arrêt de la Cour royale d’Orléans. Rien n’est plus étrange que le contraste entre ces deux pièces.

Les premiers juges déclarent que reconnaître que l’article 291 n’est pas applicable au culte protestant, ce serait créer un privilège en faveur de la religion réformée;

Les seconds juges proclament que l’article 291, incompatible avec l’article 5 de la Charte, est abrogé par l’article 70 du pacte fondamental en ce qui est relatif à l'exercice des cultes.

Les premiers juges admettent une jurisprudence qui permet de prononcer la peine de l’emprisonnement, en vertu de la loi sur les associations, contre nos pasteurs et les membres de nos églises, et même de les placer sous la surveillance de la haute police, pour chaque réunion religieuse qu’ils auraient tenue dans quelque pauvre village, sans avoir sollicité et obtenu l'agrément du gouvernement;

celle des seconds juges, au contraire, repose sur ce principe, qu’en se livrant à des actes appartenant à l’exercice de son culte, on ne contrevient à aucune loi pénale encore en vigueur.

Il y a entre ces deux systèmes toute la distance qui sépare l’asservissement de la liberté.


Ce procès, où notre droit de libre exercice a été remis en question, et où l’on a voulu faire peser sur nous une législation pénale toute nouvelle, a donc pour les protestants français une grande importance. On l’a compris dans nos églises; et nous croyons être certains que si l’arrêt de la Cour de cassation était hostile à leur liberté, les protestants sauraient agir de concert et avec persévérance pour combattre une si menaçante jurisprudence.

Tout ce qui arrive aujourd’hui, nous l’avions redouté, quand la loi sur les associations fut présentée aux chambres en 1834. M. le baron Roger aussi a prévu quel usage on ferait de la loi nouvelle; le discours qu’il prononça pour développer son amendement contenait la prévision de toutes les entraves qu’on nous suscite aujourd’hui. Pour faire bien apprécier notre situation actuelle, il suffit donc de transcrire les paroles qu’il prononça en cette occasion:

«En vertu de la loi que vous allez voter, disait-il alors, ne sera-t-il pas permis au gouvernement, ou à quelqu’un des fonctionnaires qu’il déléguera, d’intervenir dans les réunions qui se forment pour la prière et pour la célébration, des cultes?

De les approuver ou de les interdire?

Mais si vous lui accordez un droit si exorbitant, ne pourra-t-il pas favoriser une secte aux dépens d’une autre?

Décider quelles sont les bonnes et les mauvaises religions?

Empêcher le prosélytisme dans l’intérêt de telle ou telle croyance?

Y aura-t-il alors la liberté? et ne pourra-t-on pas dire que l’article 5 de la Charte qui assure une égale liberté à tous les cultes sans distinction, sera devenu le plus impudent de tous les mensonges politiques?

Pour qu’il y ait liberté du culte, il faut que les citoyens puissent se réunir pour prier en commun sans que le gouvernement y mette obstacle. Mais si votre loi autorise le gouvernement à empêcher ou à punir ces réunions, votre loi détruit la liberté des cultes!

..... « Souvent les réunions religieuses sont imprévues; souvent ce sont des actes de prosélytisme; ce sont des pasteurs qui traversent un pays, qui n’y séjournent que quinze ou vingt jours, et qui pendant ces quinze ou vingt jours réunissent régulièrement et à heures fixes les fidèles qui veulent les entendre. Eh bien! voilà des réunions, des associations, qui se perpétuent de jour en jour, à heures fixes. Comment voulez-vous qu’elles soient préalablement autorisées par le ministère, par le gouvernement? Et quand je dis le gouvernement, je le dis à dessein; car si vous avez fait attention aux termes de l'article 291 du Code pénal, vous savez qu’il s’agit de l’autorisation..., je me trompe, de l'agrément, du bon plaisir du gouvernement. Ainsi, quand à Marseille, à Bordeaux, à toutes les extrémités de la France, on voudra se réunir pour prier, pour s’instruire en commun des matières religieuses, il faudra attendre la permission des commis des bureaux de Paris.

... «On nous répète, je le sais: Soyez tranquilles, il n’y aura pas de condamnations en matières religieuses; le gouvernement est trop sage pour en provoquer. Ici, Messieurs, se présente un dilemme. Si vous avez le droit de refuser l’autorisation aux réunions religieuses et de faire punir les contrevenants, avouez qu’il n’y aura plus de liberté des cultes; car vous pourrez déclarer que tel culte est autorisé, et que tel autre ne l’est pas.

Si au contraire vous ne voulez pas user du droit de refuser les autorisations, alors vous devez l’inscrire dans la loi, vous devez admettre mon amendement.... On a parlé, je le sais, des bonnes intentions des ministres; mais êtes-vous sûrs que les mêmes hommes seront toujours au ministère pour exécuter la loi? Êtes-vous sûrs des mains par lesquelles elle passera? Pouvez-vous savoir ce que feront tous les ministres que l'avenir nous réserve?

.... « Dans tous les cas, il faudrait que MM. les ministres s’expliquassent d’une manière formelle sur la distinction qu’ils entendent établir entre les réunions et les associations. Je voudrais qu’un piège ne fût pas tendu aux citoyens; qui, croyant ne faire partie que d’une réunion licite, ils ne fussent pas exposés à être frappés d’une condamnation, comme ayant participé, à leur insu, à une association défendue. Tant que cette distinction ne sera pas faite, la loi organisera la plus insupportable tyrannie.»


C’est à la suite de l’expression de ces craintes que M. Persil, alors garde des Sceaux, prit l'engagement positif de ne jamais considérer les réunions de culte comme pouvant être interdites, ni en vertu de la loi nouvelle, ni en vertu de l’article 291. Et nous devons le reconnaître, M. Persil a tenu parole. Toutes les fois qu’il a eu à se prononcer sur la liberté des cultes, il l’a fait dans le sens de sa déclaration à la tribune.

Mais ce que M. Roger avait prévu est arrivé, les successeurs de M. Persil ne se sont pas crus liés par sa promesse; M. Sauzet, sans l’enfreindre par ses actes a évité d’agir dans le même sens lorsqu'il l’aurait fallu; mais M. Barthe a été moins timide que son devancier; il s’est proposé ouvertement l’asservissement des cultes.

Le procès de Montargis eu lieu par son ordre; toutes les affaires du même genre se traitent, assure-t-on, non dans les bureaux du ministère, mais dans le cabinet du ministre. C’est là qu’on prépare en ce moment, dit-on encore, le procès de Siouville, qui ne manquera pas d’avoir lieu, si l’arrêt de la Cour de cassation dans l’affaire actuelle est suffisamment restrictif pour le permettre.

M. Barthe ne veut pas que les exercices du culte protestant deviennent plus nombreux qu’il ne le juge à propos. Il pousse même si loin cette prétention qu’il a osé défendre à l’un de nos pasteurs d’admettre qui bon lui semble à son culte domestique.

Le procès de Montargis montre jusqu’où va le mauvais vouloir du ministre; mais il fait voir aussi ce qu’on peut obtenir en se défendant avec modération et courage.

Nous recommandons la lecture de ces débats à tous ceux qui s’intéressent à la prospérité de nos églises et qui ont à cœur leur liberté.

Les souscriptions pour les frais du procès continuent à être reçues aux adresses que nous avons indiquées. Nous publierons dans notre prochain numéro la troisième liste des dons qui ont été faits.

Archives du christianisme 1838 03 24

Le procès de Montargis, affaire de liberté des cultes de La Cour royale d'Orléans (143 pages) – format pdf: ICI

Suite du procès de Montargis, affaire de liberté des cultes.... (112 pages): ICI



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