Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

BIOGRAPHIE RELIGIEUSE.

Polycarpe

Évêque de Smyrne.

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Il reste peu de documents authentiques sur la vie de ce vénérable Père de l’Église. On suppose qu’il naquit dans la ville de Smyrne vers la fin du règne de Néron; ses parents sont entièrement inconnus. Il était très jeune encore lorsqu’il fut vendu comme esclave à une femme de qualité, nommée Calis ou Calista, qui habitait à Smyrne.

Cette femme était chrétienne, et avait rendu son nom célèbre par sa foi, son humilité et ses bonnes œuvres. Le joug de la servitude ne pouvait être pesant dans une semblable maison: Polycarpe en fit l'heureuse expérience. Jamais esclave ne se vit traité avec plus de bienveillance et de douceur. Bucolus, le vigilant évêque de Smyrne, l’instruisit dans la religion chrétienne, et lorsque Calista mourut, elle laissa tous ses biens à Polycarpe qui les employa en œuvres de charité.

Peu de temps après il devint diacre et catéchiste, sous la direction de Bucolus et comme il avait montré autant de sagesse que de zèle dans l’exercice de ces deux charges, il fut nommé évêque de Smyrne, après la mort de son protecteur.

On assure que les apôtres eux-mêmes consacrèrent Polycarpe au ministère de la Parole. Il est probable que sa nomination eut lieu sur les conseils et les instances de l’apôtre Saint-Jean, dont il était le fidèle disciple, et qui éprouvait pour lui la plus tendre affection.

Polycarpe ne se détourna jamais, dans le cours d’un long ministère, du sentier de la pure doctrine évangélique: chose difficile peut-être à une époque où s’élevaient de toutes parts les plus audacieuses hérésies. On connaît les noms de Cérinthe, d’Ebion, de Marcion, de Valentin, qui, bien qu’ils fussent si près de la source du Christianisme, essayaient déjà d’y verser le poison de leurs impostures. L’évêque de Smyrne s’opposa de toutes ses forces à ces faux docteurs, et prêcha constamment, avec une charité pleine d’énergie les doctrines qu’il avait reçues des apôtres et des premiers disciples du Seigneur.

Entre les différentes controverses qu’il eut à soutenir, l’histoire ecclésiastique fait mention de celle qui concernait le jour où la fête de Pâques doit être célébrée. Il y avait désaccord sur ce point entre les chrétiens d’orient et ceux d'occident. Polycarpe se rendit à Rome pour en conférer avec Anicet, qui était évêque de cette ville; car on ne connaissait point alors la dignité de souverain pontife ou de pape. Les discussions des deux évêques ne produisirent aucun résultat; mais si chaque parti garda son opinion. Polycarpe et Anicet se traitèrent du moins l’un l’autre avec les sentiments les plus fraternels, et l’unité d’esprit fut maintenue par le lien de la paix.

L’hérétique Marcion et ses disciples étaient établis à Rome, et désiraient beaucoup obtenir l'approbation du pieux évêque de Smyrne qui avait vécu dans l’intimité des apôtres, et dont l'opinion était d’un grand poids sur les églises. Irénée nous apprend que Marcion ayant rencontré un jour Polycarpe dans la rue, lui dit: Polycarpe, reconnais-nous!Oui, je te reconnais, lui répondit l'évêque, pour le premier-né de Satan!

Irénée ajoute que, lorsque Polycarpe entendait professer des doctrines hérétiques, il se bouchait les oreilles, et quittait la place en disant: Bon Dieu! à quel temps m'as-tu réservé, pour que je doive entendre de telles choses!

Après son retour à Smyrne, Polycarpe exerça encore paisiblement son ministère, sous la bénédiction de Dieu, pendant plusieurs années. Nous ne possédons aucun détail sur sa manière de prêcher et d'agir au milieu de son troupeau; mais d’anciens écrivains rendent hommage à sa douceur, à son courage, à son activité, à ses constants efforts pour l’avancement du règne de Dieu, tant en particulier qu’en public. Il marchait sur les traces de l’apôtre Saint Jean, et rendait l'Évangile honorable en toutes choses par ses œuvres et par ses discours.


La persécution, qui avait été suspendue dans les dernières années du règne de Trajan se renouvela sous les empereurs Adrien et Antonin, elle s’étendit de proche en proche dans toutes les provinces de l’empire, et parvint à Smyrne, où elle rassembla toutes ses fureurs pour frapper le vénérable évêque. Il restait à Polycarpe, selon le cours ordinaire de la Providence, peu d’années à vivre, mais il fut appelé, dans sa blanche vieillesse, à augmenter cette noble armée de martyrs qui ont donné leur vie avec joie pour le nom du Seigneur Jésus.

L’historien Eusèbe nous a conservé une lettre écrite par l’église de Smyrne, immédiatement après la mort de Polycarpe, à celle de Philadelphie ou de Philomelium , en Lycaonie; c’est un document très précieux qu’on lisait publiquement dans les églises d’Asie, en mémoire de ce martyr, longtemps après l’événement. Il se trouve dans les collections des Pères apostoliques, et nous allons en présenter un extrait suffisamment étendu.

Au premier bruit de la persécution, Polycarpe s’était décidé à l’attendre d’un cœur ferme, et à ne pas quitter son poste; mais ses frères, ses amis, tous les chrétiens le supplièrent avec tant d’instances de s'éloigner du péril qui le menaçait, qu’il se retira enfin dans un village près de Smyrne. Là, entouré de quelques fidèles membres de son troupeau, il priait jour et nuit, selon sa coutume, pour toutes les églises et pour tous les hommes. Mais ses ennemis ne tardèrent pas à découvrir le lieu de sa retraite.

Polycarpe s’en alla dans un autre village. Les persécuteurs, ne l'ayant pas trouvé, s’emparèrent de deux jeunes gens; ils les mirent à la torture, et il y en eut un qui consentit à servir de guide aux soldats. Le chef de la troupe, nommé Hérode, se remit en route avec les siens. Ils avaient tous des armes, comme s’ils eussent été à la recherche d'un brigand.

Polycarpe aurait pu fuir encore: mais il ne l'essaya point, et s’écria en voyant ses persécuteurs: La volonté de Dieu soit faite! Il vint au-devant d'eux, et quelques soldats, étonnés de son grand âge et de sa fermeté, disaient: devait-on poursuivre ce vieillard avec tant d’opiniâtreté? Polycarpe leur fit servir à manger, et les pria de lui accorder une heure de liberté pour la passer en prières. Cette permission lui ayant été donnée, il se mit à genoux et pria, étant rempli de la grâce de Dieu; en sorte que pendant deux heures il continua ses ferventes requêtes, à la grande admiration de tous ceux qui l'entendaient; plusieurs soldats commençaient à se repentir d’avoir été à la recherche d’un si respectable vieillard.

Ses prières finies, les gardes le firent monter sur un âne, et l’amenèrent à Smyrne: c’était le jour du grand sabbat. Hérode, le chef de la troupe, et son père Nicélas le reçurent ensuite dans leur chariot, et commencèrent à lui offrir des exhortations, disant: Quel mal y a-t-il à donner le nom de seigneur à César, à faire des sacrifices, et à sauver ainsi sa vie? Polycarpe ne leur fil d’abord aucune réponse. Comme ils continuaient à le presser, il leur dit enfin: Je ne ferai pas ce que vous me conseillez de faire.

N’espérant plus de l’emporter sur lui, Hérode et Nicétas l’accablèrent d’insolentes dérisions: puis, dans un mouvement de fureur, le jetèrent en bas du chariot. Polycarpe fut blessé par sa chute; mais il se releva, et marcha entre les gardes jusqu’au pied du tribunal. Le tumulte était si grand dans cette partie de la ville que personne ne pouvait se faire entendre. Mais une voix d’en haut retentit dans le cœur de Polycarpe, tandis qu’il s’avançait vers le tribunal, et lui dit: SOIS FERME, POLYCARPE, ET AGIS EN HOMME!

Quand il fut arrivé devant le siège du juge, le proconsul lui demanda s’il était Polycarpe , évêque de Smyrne. Sur sa réponse affirmative, il lui dit, pour l’engagera renier sa foi: Aie pitié de ta vieillesse! et beaucoup d’autres choses semblables; il termina son exhortation en ces termes: Jure par la fortune de César; repens-toi, et dis: Arrière l'infâme!

Alors Polycarpe, fixant un regard ferme et tranquille sur la multitude des gentils qui entouraient le tribunal étendit les mains vers eux, leva ensuite les yeux vers le ciel, et dit: Arrière l’infâme!

Mais le proconsul insista: Jure par César; renie le Christ, et je te remettrai en liberté. Polycarpe répondit: Voilà quatre-vingt-six ans que je sers Jésus-Christ, et il ne m’a jamais fait le moindre mal: comment pourrais-je blasphémer mon Roi et mon Sauveur!

Jure par le génie de César , cria le proconsul avec emportement.

Puisque tu me presses avec tant d’instances de jurer, comme tu dis, par le génie de César, répliqua Polycarpe, et que tu semblés ne pas savoir ce que je suis, écoute donc ma libre et franche confession: JE SUIS CHRÉTIEN!

Eh! tâche de persuader le peuple, dit le proconsul avec dédain.

C’est à toi, poursuivit Polycarpe , que j’ai offert de rendre compte de ma foi; car nous sommes instruits à rendre I'honneur qui est dû aux puissances et aux autorités qui sont établies de Dieu. Quant à ce peuple, il ne me paraît pas digne d’entendre ma confession de foi.

Mais j'ai des bêtes féroces toute prêtes, dit le proconsul, et je te livrerai à elles, si tu ne te repents.

Fais les donc venir, s’écria l’évêque; car nous, chrétiens, nous n’avons pas coutume d’aller du bien au mal mais il sera bon pour moi d’aller du mal au bien.

Puisque tu méprises les bêtes féroces, je te condamnerai à être jeté au feu, si tu ne changes de langage.

Tu me menaces du feu qui ne brûle qu’une heure, et puis s’éteint, répondit tranquillement Polycarpe; mais tu ne sais pas que LE FEU DU JUGEMENT FUTUR EST ÉTERNEL, et qu’il est réservé aux méchants. Pourquoi tardes-tu? Fais promptement ce que tu as l'intention de faire!

Polycarpe avait un air si calme, une si intrépide contenance, il était si puissamment soutenu du Seigneur, que le proconsul, pénétré d’admiration malgré lui, n’osa pas pousser plus loin l’interrogatoire. Il ordonna à un hérault de s’avancer au milieu du tribunal, et de crier trois fois: POLYCARPE A CONFESSÉ QU’IL EST CHRÉTIEN!

À ce message toute la multitude, tant des gentils que des juifs qui demeuraient à Smyrne, répondit avec des clameurs furieuses: C’est le docteur de l’Asie, le père des chrétiens, le destructeur de nos divinités; il a enseigné à beaucoup de gens à ne pas offrir de sacrifices et à ne rendre aucun culte aux dieux. Et disant cela, ils pressaient l’asiarque Philippe de faire amener un lion contre Polycarpe. Mais Philippe répondit que la saison de ce genre de spectacle était passée et qu’il violerait la loi eu leur accordant ce qu’ils demandaient. Eh bien! qu’il soit brûlé vif! s’écrièrent-ils tous d’un commun accord.

L’action fut aussi prompte que la parole. De tous côtés des boutiques, des bains, des maisons particulières, la multitude apporta du bois; les juifs surtout se distinguaient par leur empressement. Le bûcher étant prêt; Polycarpe ôta ses vêtements de dessus, et dénoua sa ceinture. On voulut le clouer au poteau; mais il les empêcha, disant; laissez-moi comme je suis; car Celui qui m’a donné la force d'affronter le supplice du feu me rendra aussi capable, sans qu’il y ait besoin de m’attacher par des clous, de rester paisible au milieu des flammes, ils se contentèrent alors de le lier au poteau. Le fidèle serviteur de Christ, élevant les mains, et regardant vers le ciel, prononça cette prière:

«Ô Seigneur Dieu tout puissant. Père de ton bien-aimé Fils Jésus-Christ, par lequel nous avons reçu la connaissance de ton nom; Dieu des anges et des puissances, et de toute créature, et spécialement de toute la race des hommes justes qui vivent en ta présence; je te rends du fond de mon cœur des actions de grâces de ce que tu m’as conservé pour m’amener à ce jour et à cette heure, afin que je puisse avoir une part au nombre des martyrs, à la coupe de ton Christ, à la résurrection de la vie éternelle, tant du corps que de l’âme, dans la nature incorruptible du Saint-Esprit!

Cependant, puissé-je être aujourd’hui devant toi une offrande acceptable et agréable, selon que tu l’avais préordonné. Dieu fidèle en qui il n’y a point de fraude, et comme tu le manifestes et l’accomplis maintenant en moi. Pour cette grâce et pour toutes les autres, je te loue, je te bénis, je te glorifie, par l’éternel et divin Grand Prêtre, Jésus-Christ, ton Fils bien-aimé, auquel, comme à Toi, et au Saint-Esprit, soit gloire dès maintenant et dans tous les siècles. Amen.»

Il venait à peine de finir sa prière que les hommes chargés de le mettre à mort allumèrent le feu. Mais comme la flamme ne le consumait pas assez vite à leur gré, l’un de ceux qui avaient l’emploi de tueries bêtes féroces aux spectacles du Cirque le frappa de sa lance. On jeta ensuite le corps de Polycarpe dans le milieu des flammes pour empêcher les chrétiens de recueillir ses restes.

«Nicétas alla auprès du gouverneur, disent dans leur lettre les fidèles de Smyrne, et le persuada de ne point nous donner son corps, de peur que nous n’adorions ce Polycarpe à la place de Celui qui avait été crucifié. Nicétas disait cela à la suggestion des juifs; mais, ajoutaient les chrétiens de Smyrne, ils ne considéraient pas qu’ils nous est impossible d’oublier le Christ qui a souffert pour le salut de tous ceux qui seront sauvés dans le monde entier, lui juste pour tous les justes, et que nous ne devons rendre un culte à nul autre qu’à lui.

Nous l'adorons, en effet, parce qu’il est le Fils de Dieu; mais pour les martyrs nous les aimons comme les disciples et les imitateurs du Seigneur, et à cause de leur grande affection envers leur Maître et leur Roi. Puissions-nous être leurs compagnons de travaux et marcher sur leurs traces!»

Onze chrétiens d’un nom moins connu partagèrent le martyre de Polycarpe. Cet événement arriva, suivant les recherches les plus exactes, l’an 167. Polycarpe a écrit différentes lettres et homélies, qui ne sont point parvenues jusqu’à nous.

Il ne subsiste que son épître aux Philippiens, qui était lue, du temps de Jérôme , dans quelques églises d’Asie.

Cette épître est très importante, en ce qu’elle SERT À CONFIRMER L’AUTHENTICITÉ DES LIVRES DU NOUVEAU-TESTAMENT; car on y trouve plusieurs citations extraites de Saint-Matthieu, de Saint-Luc, des Actes des apôtres, et de la plupart des épîtres de Saint-Paul, de Saint-Pierre et de Saint-Jean.

Lettre de Polycarpe aux Philippiens - format pdf ICI

Archives du christianisme 1837 06 24

 
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