Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

BIOGRAPHIE RELIGIEUSE

PHILIPPE DODDRIDGE

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Ce pieux ministre de l’Évangile est connu en France par son excellent écrit sur les Commencements et les progrès de la vraie piété. Quelques détails biographiques sur sa vie et sur ses travaux dans la carrière pastorale seront donc lus avec intérêt. Nous nous attacherons surtout à reproduire ce qui peut servir de leçon et d’exemple à ceux qui suivent la même vocation que lui.

Philippe DODDRIDGE naquit à Londres en 1702. À peine âgé de vingt ans, il fut appelé à desservir la paroisse de Kibworth; mais comme le troupeau remis à ses soins était peu nombreux, il put continuer ses études, et employer de longues heures à la lecture et à la méditation. Il en profita pour écrire ses sermons avec beaucoup de soin, ce qui lui permit plus tard de prêcher d’abondance, parce qu’il possédait à fond la Bible et les principaux articles de la théologie chrétienne.

Ses auteurs favoris étaient Baxter, Tillotson et Howe; il apprit d’eux à faire des discours solides et pressants, et leur commerce assidu le fortifia dans sa foi. Il consacrait beaucoup de temps à la prière et à l’examen de lui-même; le dimanche surtout, il se réservait quelques heures de la matinée ou de la soirée, pour prêcher à son propre cœur ce qu’il enseignait à son troupeau. La soirée du vendredi, il l’employait toute entière à mettre devant Dieu sa propre situation et celle des brebis qui lui étaient confiées.

Il attachait beaucoup de prix au bon usage du temps, et les moyens dont il se servait pour le rendre utile, ou plutôt pour le racheter, méritent d’obtenir une mention particulière.

Il se levait habituellement, hiver comme été, à cinq heures du matin, et ç’est à cette circonstance qu’il attribuait une grande part de ses progrès et de ses travaux dans les sciences théologiques.

Au commencement de chaque année, il se traçait un plan aussi exact et complet que possible pour les douze mois qu’il allait parcourir; il y marquait les livres qu’il se proposait d’étudier, les parties de la science qu’il voulait approfondir, les discours qu'il avait l'intention de composer, les méthodes qu’il désirait d’employer pour le bien de son troupeau.

Et comme ce plan eût été à la fois trop vague et trop vaste, il le subdivisait eu d’autres plans pour chaque mois et pour chaque semaine; c’est là qu’il désignait d’une manière nette et précise l’étendue et la suite de ses occupations; il ne laissait qu’un petit nombre d’heures sans emploi déterminé, lesquelles lui servaient, soit à s'acquitter d’affaires imprévues, soit à regagner le temps qu’il avait dû perdre dans des cas fortuits.

Il s’efforçait donc de faire, chaque jour, tout ce qu’il pouvait faire et de ne rien remettre au lendemain par paresse, attendu qu’il savait que le lendemain avait aussi son œuvre fixée, et non seulement le lendemain, mais tous les jours de son année et de sa vie.

À la fin de chaque mois, il examinait scrupuleusement, d’après son journal, s’il avait bien rempli le plan qu’il s’était proposé. Il revoyait l’ensemble d’une manière encore plus exacte deux fois par an, savoir au jour de sa naissance et au premier jour de l’année. Il accompagnait cette recherche de ferventes prières, et il s’humiliait devant Dieu ou lui exprimait sa vive gratitude, suivant qu'il avait accompli ou non l’œuvre qu’il s’était prescrite.

Ces deux jours étaient entièrement consacrés à de pieuses méditations, et il relisait alors tout ce qu’il avait consigné dans son journal sur les bénédictions spéciales de Dieu, sur ses péchés et ses chutes, sur les circonstances qui lui étaient arrivées, en un mot, sur toutes les choses qui l’intéressaient comme homme, comme chrétien et comme pasteur.

Une pareille méthode devait rendre Doddridge très attentif à s’abstenir de l'oisiveté. Il estimait que les plus petites parcelles de temps sont précieuses, et tâchait d’employer chaque moment à un travail utile.

Ne rien faire lui paraissait une grande faute. Il répétait souvent qu’une bonne occupation est le meilleur délassement d’une autre, et ne se permettait aucun intervalle entre ses divers travaux. 


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Lorsqu’il s’habillait ou se livrait à d’autres soins semblables, une personne de sa maison était chargée de lui faire quelque lecture. Allait-il en voyage ou chez l’un de ses amis, il portait ses tablettes et des livres, et gagnait toujours quelques heures, surtout les heures du matin.

On s’explique par là comment ce digne serviteur de Christ a pu composer un si grand nombre d’ouvrages, et déployer en même temps une si prodigieuse activité dans l’exercice de ses fonctions pastorales.

Son mérite ne tarda pas à se faire jour, et il reçut de toutes parts les appels les plus flatteurs. Il refusa longtemps de quitter son humble paroisse. Jeune encore, aimé des villageois de Kibworth, accoutumé au paisible séjour de la campagne, il craignait de monter sur un plus grand théâtre. Enfin, les plus vives instances l’emportèrent auprès de lui sur son amour de la retraite, et il accepta, en 1729, la direction spirituelle de l'église dissidente de Northampton. Ses amis employèrent les motifs les plus élevés et les plus pressants pour le décider à accepter cette nouvelle vocation.

Dès que Philippe Doddridge fut arrivé, son premier soin fut d’apprendre à connaître les membres du troupeau. Comme ils étaient disséminés, non seulement dans la ville, mais dans plusieurs villages voisins, ce pieux pasteur s’informa exactement auprès des diacres et de quelques autres personnes recommandables de tout ce qui concernait les membres de sa congrégation, de leurs noms, de leurs familles, de leurs demeures, de leurs relations et de leur caractère. Il écrivit dans un journal particulier tous les renseignements qui lui furent donnés et tous ceux qu’il recueillit ensuite par lui-même.

Ce journal était son manuel, son guide pastoral, et avant de faire ses visites dans le troupeau, il consultait son livre pour savoir quel entretien, quelles exhortations, quels avis, quelles remontrances, quelles consolations il devait apporter à chacune des personnes qu’il voyait. Il parlait et agissait ainsi en connaissance de cause.

Visiter ses paroissiens était à ses yeux un devoir dont rien ne le pouvait dispenser.

Il ne se passait presque pas un seul jour qu’il ne visitât quelques personnes, et tout particulièrement les pauvres, les affligés et les malades. Aussitôt qu’il entrait dans une maison, il s’efforçait d’amener l’entretien sur un sujet religieux.

Chefs de famille, serviteurs, et même petits enfants, tout le monde le connaissait, et à chacun d’eux il savait donner un bon conseil. Il leur indiquait un passage de la Bible, en les priant de s’en souvenir et de le méditer; il leur distribuait les livres saints et d’autres écrits religieux, qu’il avait composés et publiés expressément pour cet objet. Comme il était naturellement ouvert et cordial, et que ces précieuses qualités avaient été développées en lui par la foi chrétienne, les pauvres lui parlaient avec une grande confiance, et lui laissaient voir jusqu’au fond de leur état spirituel et temporel.

Malgré ces soins actifs et infatigables, Doddridge trouva que les membres de sa congrégation étaient trop nombreux pour qu’il pût les visiter aussi souvent qu’il le désirait. C'est pourquoi, après avoir demandé le secours du Seigneur par la prière, et le consentement du troupeau, il choisit quatre personnes craignant Dieu, de bonne réputation et d’expérience pour faire des visites pieuses.

Ces quatre anciens se partagèrent le troupeau, se rendirent auprès des malades, fréquentèrent les membres de la congrégation pour les affermir dans la foi, et prirent sur eux une partie du fardeau de la cure d’âmes. Ils se réunissaient une fois chaque semaine avec le pasteur pour se communiquer leurs réflexions, et Doddridge leur prêtait, dans les cas douteux, le secours de ses lumières et de ses conseils.

Il n’avait plus le loisir de travailler à ses sermons avec autant de soin qu’il le faisait dans le village de Kibworth; mais il était si parfaitement maître de sa matière, ses pensées étaient si justes, son élocution si vive et si prompte, sa piété si fervente, que peu de prédicateurs pouvaient égaler, par une laborieuse composition, les discours qu’il prononçait au moyen d’une courte analyse. Toutefois, quand ses autres occupations le lui permettaient, ou à l’occasion d’une fête solennelle, ou enfin lorsqu’il se sentait le cœur froid et l’esprit abattu, Doddridge regardait comme un devoir d’écrire ses sermons avec plus de détails.

Si l’on en juge par les discours qu’il a livrés à la presse, il ne perdait jamais de vue le grand but de la prédication évangélique. Les vérités fondamentales du Christianisme occupent partout la première place dans ses exhortations; il prêche Jésus Christ, et Jésus-Christ crucifié.

Il ne présente pas à ses auditeurs de sèches et arides dissertations; il leur apporte encore moins des phrases sonores et retentissantes qui ne renferment rien de solide ni de substantiel, il ne se jette pas dans des digressions métaphysiques auxquelles la plus grande partie des auditeurs ne saurait rien comprendre.

Il parle avec force et onction, avec courage et charité à de pauvres pécheurs qu’il veut conduire aux pieds de Jésus-Christ, ou à des chrétiens refroidis dont il doit réveiller la première ferveur.

On trouve bien peu de ses discours en tête desquels on puisse mettre un autre passage qui traite de la même matière; Doddridge tire habituellement ses matériaux et ses divisions du texte même qu’il a choisi.

Lorsque son sujet est trop étendu, et qu’il doit en donner la suite dans d’autres sermons, il prend d’ordinaire un nouveau texte afin d’y puiser de nouvelles divisions, d’entretenir l’attention de ses auditeurs et d’étendre leurs connaissances scripturaires.

Dans les applications, il est affectueux et véhément, parlant au cœur beaucoup plus qu’à l'imagination, et soigneux de toucher la conscience bien plus que d’éblouir l’esprit. Il y fait souvent mention des circonstances mémorables qui venaient d’avoir lieu, soit dans le pays en général, soit dans la ville ou dans son troupeau, et il en déduit des instructions plus directes pour la masse de ses auditeurs.

Doddridge prêchait deux fois chaque dimanche, et s’il était remplacé par un collègue, il célébrait un service le soir. Quelles qu’eussent été ses fatigues de la journée, il répétait toujours ses sermons dans sa propre maison, en présence de sa famille et de quelques amis et il y ajoutait alors des exhortations plus intimes.

Il tenait aussi une réunion pieuse le vendredi, soit dans le temple, soit, dans sa maison, selon que l’exigeaient l’époque de l’année ou sa santé.

Il allait enfin prêcher dans les villages voisins, et il lui arrivait quelquefois de prononcer chaque jour un ou deux sermons pendant des semaines entières.

Il regardait la catéchisation comme l’un des offices le plus essentiels de son ministère, et il y apportait le plus grand soin. Il avait établi pour cet effet plusieurs assemblées d'édification entre les jeunes gens de son troupeau, et il les employait à des lectures édifiantes, à de pieuses conversations et à la prière.

Ces réunions étaient arrangées suivant le sexe et l’âge, et les plus avancés y prenaient une part active. Doddridge leur proposait fréquemment une question pratique à laquelle les jeunes gens devaient faire une réponse par écrit; ensuite, il développait lui-même le sujet. Cette méthode produisit de très bons résultats.

Doddridge fonda plusieurs institutions de charité, entre autres une école gratuite dans laquelle vingt enfants pauvres étaient instruits et entretenus. Les membres de la congrégation avaient souscrit, chacun selon ses moyens, pour une certaine somme qu’ils versaient, chaque semaine, dans la caisse de l'école; et le pasteur prononçait tous les ans un sermon après lequel on faisait une collecte pour le même objet.

Il s’occupa également des malfaiteurs qui étaient détenus dans la prison de Northampton. Il allait les visiter, prier avec eux, leur expliquer la Bible et leur offrir les moyens de gagner honnêtement leur vie, après que leur temps de détention serait achevé.

L’avancement du règne de Dieu chez les peuples idolâtres ne le trouvait pas non plus indifférent. II contribuait à la prospérité des missions par ses sacrifices personnels, par ses écrits, et en travaillant à préparer des ouvriers instruits et fidèles.

Sa charité ne se montrait pas seulement en paroles, mais par des actes. Tandis qu’il exhortait les membres de son troupeau à subvenir aux besoins des nécessiteux, il en donnait lui-même l'exemple. Il avait promis solennellement au Seigneur de consacrer la dixième partie des revenus de sa charge, et la huitième partie de ce que lui rapportaient ses écrits, à des œuvres de piété et de bienfaisance.

On a pu voir dans ses papiers, après sa mort, avec quelle rigoureuse fidélité il a rempli cette promesse, et comment il allait souvent au-delà, bien loin de rester en deçà. On ne s’étonnera point, après ces détails, qu’il ait réussi à fonder un hôpital dans la ville de Northampton.

Philippe Doddridge, épuisé par ses immenses travaux, fut obligé d’aller respirer un air plus tiède et plus pur que celui de l’Angleterre. Il se rendit à Lisbonne ou il mourut en 1751, à l’âge de 49 ans.

Sa vie fut courte, mais pleine, et le Seigneur lui permit de se reposer de ses fatigues avant l’heure du soir.

Archives du christianisme 1835 02 28


 
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