Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

MOEURS RELIGIEUSES

PHARISAÏSME


***


Je fus appelé dernièrement auprès d’une pauvre femme d'un âge avancé, qui était malade et s’approchait évidemment de sa dernière fin. Après m’être informé de ce que je pouvais faire pour elle, je m’efforçai d’amener la conversation sur des choses plus importantes, et je lui demandai si la perspective d’une mort prochaine lui inspirait quelque inquiétude.

Oh! pas du tout, me répondit-elle. Qu’est-ce qui m’attacherait à la vie, moi pauvre créature qui ne suis bonne à rien ni utile à personne, et qui n’ai pour vivre que les secours du bureau de charité? Ce n’est pas une position bien agréable que d’être sur un lit de douleur, n’ayant plus un seul être au monde pour prendre soin de moi. J’ai eu sur cette terre une grande part d’afflictions; il est temps que j’en sorte, et quand la mort viendra, elle me donnera du repos.

En effet, lui dis-je, ce galetas solitaire et sombre n’est pas un lieu fort attrayant. Mais je ne comprends pas également bien que vous comptiez sur la mort pour vous donner du repos, comme si tout était fini quand nous descendons au sépulcre. La mort est le commencement d’une joie éternelle OU d’une peine éternelle pour notre âme; c’est donc quelque chose de plus que le repos. Mais pour varier ma question, dites-moi, puisque vous ne désirez pas de vivre, si vous ne craignez pas de mourir.

Craindre de mourir! non, Dieu en soit loué! Il n’y a rien qui doive me faire peur. J’ai été, toute ma vie, une femme honnête et vertueuse. Je n’ai fait de tort à personne. Mes parents m’ont bien élevée, et mon mari s’est toujours parfaitement comporté avec moi. Ils sont allés dans le ciel, et j’irai les rejoindre.

C’est très bien que de louer Dieu de toutes ces choses en admettant qu’il n’y ait pas d’erreur dans vos suppositions. Mais permettez-moi de vous demander SI VOUS AVEZ L'HABITUDE DE LIRE LA BIBLE?

Eh! pourquoi pas? répondit-elle avec un peu d’humeur. Je ne suis pas une si pauvre ignorante créature que vous le pensez. J’ai reçu une bonne éducation; je savais lire autrefois l’anglais.

On trouve d’excellents écrits en anglais; mais ce n'est pas précisément ce que je désirerais savoir; JE DEMANDE SI VOUS AVEZ LU VOTRE BIBLE.

Mais, sans doute, reprit cette femme qui s’animait de plus en plus; j’ai été régulièrement au service divin; j’ai dit mes prières matin et soir presque depuis le jour de ma naissance, et il y a de cela plus de soixante ans; je ne changerai pas aujourd’hui, j’espère. Il est vrai que je n’ai pas pu aller au temple, cet hiver, parce que mon infirmité m’empêchait de descendre de mon lit. Mais Dieu ne nous demande pas l’impossible; il sait que j’ai rempli mon devoir tant que j’ai pu, et il m’en récompensera. Ce Dieu si bon me tiendra compte de toutes les souffrances que j’ai endurées ici-bas. Il est tout amour et miséricorde; que son saint nom soit béni!

MAIS AVEZ-VOUS PUISÉ QUELQUE CONSOLATION DANS VOTRE BIBLE, dis-je en l’interrompant, depuis que vous êtes malade?

De la consolation! bien certainement; c’est toute la consolation que je possède. Où en trouverais-je une autre, malheureuse et abandonnée comme je suis? Oh! oui, il y a là une grande consolation; j’ai eu mes souffrances dans ce monde, et j’aurai ma récompense plus tard.

Mais permettez-moi de VOUS DEMANDER ENCORE SI LA PRIÈRE VOUS DONNE DE LA FORCE ET DU COURAGE?

Oui, oui, et beaucoup. Je n’ai jamais négligé de dire mes prières. Mes parents avaient coutume de me faire réciter «Notre Père» et «Je crois en Dieu» tous les soirs. Bonne habitude que celle-là! Beaucoup de gens ne prient jamais, parce qu’on ne leur a pas enseigné à prier. Dieu soit béni! j’ai été élevée dans la religion. Je prie Dieu la nuit, quoique je ne puisse pas me mettre à genoux; mais il ne regarde pas à cela. Je me suis mise à genoux aussi longtemps que je l’ai pu. Combien de personnes qui ne prient pas! Dieu veuille leur pardonner!

Ma chère femme, AVEZ-VOUS DÉJÀ DEMANDÉ À DIEU, DANS VOS PRIÈRES, DE VOUS PARDONNER VOS PÉCHÉS?

Mes péchés! mais bien certainement. J’ai commis des péchés autant que les autres. Nous sommes tous pécheurs. Dans la jeunesse on n’y pense pas, et je n’y pensais pas non plus. J’étais une jeune fille assez légère; c’est ainsi que va le monde. Mais je n’ai jamais eu une mauvaise conduite. J’ai gagné ma vie honnêtement, et je n’ai rien dépensé mal à propos; et aujourd’hui que je n’ai rien, je ne murmure pas. Je sais que Dieu fait tout pour le mieux, et je ne m’inquiète pas de l’avenir; j’ai la conscience tranquille, grâce à Dieu, et je supporte mes peines avec patience.

Mais n’avez-vous jamais réfléchi que vous méritiez ces peines, ou que vous avez attiré sur vous un châtiment qui est réservé pour le monde à venir?

Non, je ne me souviens pas d’avoir rien fait qui mérite un châtiment. À la bonne heure pour ceux qui prospèrent dans ce monde, et qui usent mal de leurs richesses. Je lisais dernièrement ce qui est écrit de l’homme riche et du pauvre Lazare. Cela revient parfaitement à ma situation. Dieu en soit loué!

Un moment, lui dis-je. Vous avez rendu grâces à Dieu pour beaucoup de choses, mais il y en a une que vous avez oubliée, ce me semble. Avez-vous quelquefois remercié le Seigneur de ce qu’il nous a donné Jésus-Christ pour nous affranchir de la malédiction?


Cette femme me regarda sans répondre.

Puisque vous avez beaucoup lu dans la Bible, continuai-je, vous devez connaître Jésus-Christ, et ce qu’il est venu faire dans le monde.

Oh! oui, bien certainement, je le connais. Hélas! ses souffrances furent plus grandes que les miennes. Ces Juifs étaient des pécheurs bien endurcis; mais ils ont eu leur salaire. Nous avons tôt ou tard ce que nous méritons. Dieu gouverne tous les hommes. Les méchants n’échapperont pas.

Mais, ma chère femme, il semble que les souffrances de Christ ne vous intéressent pas personnellement. NE SAVEZ-VOUS PAS POUR QUI IL EST MORT?

Pour qui? Est-ce que Jésus-Christ n’est pas mort pour nous tous, pour les pauvres comme pour les riches, pour les Juifs comme pour les gentils? Oui, oui, il est mort pour tous.

Elle dit ces paroles d’un ton si froid et si indifférent que je dus craindre qu’elle n’y attachât aucun sens positif, et je ne savais comment poursuivre l’entretien.

Je lui dis enfin:

Est-ce que la pensée de la mort de Christ vous réjouit dans vos douleurs?

Assurément; quand je souffre, je pense à Christ, à ses souffrances, et alors je suis honteuse de me plaindre. Il n’a jamais mérité de souffrir.

Mais éprouvez-vous aussi de la honte d’avoir été la cause de ses souffrances par les révoltes....

Ah! ce monde est bien méchant et bien incrédule, dit-elle en m’interrompant. J’en ai assez pour ma part. Dieu soit loué! Je ne suis pas tombée dans les mêmes égarements que tant d’autres. Nous péchons tous en quelque manière, cela est vrai puisque la Bible le dit. Mais je n’ai rien à me reprocher. Je peux regarder en arrière avec reconnaissance; car...

J’ai bien peur, m’écriai-je en prenant ma petite Bible, que vous ne soyez dans une déplorable illusion. Avez-vous quelquefois entendu parler de David?

Quoi! du roi d’Israël? De celui qui a écrit les Psaumes? J’en savais autrefois beaucoup, mais je n’ai plus de mémoire. J’ai aussi appris dans mon catéchisme que David était un homme selon le cœur de Dieu. Oui, certainement, je le connais. Homme admirable, si jamais il y en eut un sur la terre!

Vous croyez donc que David valait probablement autant que vous?

Autant que moi! mais vous ne supposez pas, j’espère, que j’ose me comparer avec les saints hommes dont il est parlé dans les Écritures. Moi, valoir autant que David qui écrivit ces magnifiques Psaumes, qui tua Goliath avec sa fronde, qui devint roi après avoir été berger! Et pourquoi? Parce qu’il se confiait en Dieu, et que Dieu l’aimait. Non, non, je ne suis pas si extravagante que cela. J’ai souvent désiré d’être comme David, mais nous devons êtreire reconnaissants de ce que nous sommes...

Très bien, je me réjouis de voir que vous ayez tant de connaissances sur le roi David. Vous entendrez donc volontiers ce qu’il dit au Psaume XL, versets 13 et 14 • «Mes iniquités m’ont atteint, et je ne les ai pu voir; elles surpassent en nombre les cheveux de ma tête, et le cœur me manque; Éternel, veuille me délivrer! Éternel, hâte-toi de venir à mon aide!»

Je lui lus aussi quelques versets des Psaumes LI et CXVI, où le roi-prophète décrit les angoisses de son cœur et supplie l’Éternel de le délivrer.

Vous voyez, dis-je en achevant cette lecture, que David n’avait pas de lui-même une aussi bonne opinion que vous.


La pauvre femme, qui s’exprimait tout à l'heure avec tant de volubilité, n’avait plus envie de reprendre la parole. Une larme: coulait dans ses yeux. Je rouvris le livre des Psaumes, et je lui montrai combien le langage de David était différent du sien.

Cette femme continua à garder le silence; elle semblait pensive; elle réfléchissait peut-être à son indignité et au besoin qu’elle avait d’un Sauveur.

Que de rapports entre cette pauvre créature et les Pharisiens du Nouveau-Testament! Comme eux, elle admettait une grande partie de la vérité, mais dans la tête SEULEMENT, et non dans le coeur; comme eux, elle lisait les Écritures, prononçait des prières, citait souvent le nom de Dieu, lui rendait des actions de grâces, pratiquait strictement les actes de dévotion, présumait qu'elle était pieuse, et se croyait mûre pour le ciel.


Cependant le Seigneur déclare

que les Pharisiens ne seront pas justifiés par ces choses-là.


Ce qui est bien remarquable encore, c’est que cette femme ne tenait guère plus de compte de Jésus-Christ que les Pharisiens, sinon qu’elle l’appelait Fils de Dieu.

Elle ne s’occupait point de lui d’une manière PERSONNELLE et VIVANTE; elle rappelait ses souffrances et sa mort, SANS DOULEUR POUR LES PÉCHÉS QUI L’AVAIENT RENDUE NÉCESSAIRE, et SANS RECONNAISSANCE POUR CELUI QUI L’AVAIT ENDURÉE.

Elle remerciait Dieu de sa prétendue justice, comme les Pharisiens, et ne le remerciait pas d’avoir donné son Fils au monde.


Et en effet, quel besoin pouvait-elle sentir d’un Sauveur,

puisqu'elle ne connaissait pas ses transgressions,

ni surtout la peine qui doit frapper les transgresseurs de la loi?


Point de conviction du péché;

Point de remords;

Point de repentance;

Point de recours à Christ pour être sauvé:

c’est le pharisaïsme ancien et nouveau.


Le pharisien reconnaît qu’il est pécheur, mais pas assez pécheur pour mériter la condamnation.

Ôtez-Iui ce moyen de sécurité, IL SE RÉFUGIE DANS SES BONNES ŒUVRES ET DANS SA FIDÉLITÉ À REMPLIR SES DEVOIRS RELIGIEUX.

Chassez-le encore de ce retranchement, il se réclame de l’infinie bonté du Seigneur.


Ce qu’il y a de plus incontestable en ceci, c’est que le pharisien anéantit la mort de Jésus, en la rendant inutile.


On se demande, après, avoir entendu sa confession de foi ou plutôt sa justification, pourquoi Jésus-Christ a habité parmi nous,

pourquoi il a souffert dans le jardin de Gethsemané,

pourquoi il est mort sur la croix,

pourquoi il est venu réconcilier l'homme avec Dieu.

Tout cela était parfaitement superflu dans la doctrine du pharisaïsme.


Lecteur, à quelle classe de chrétiens appartenez-vous? Êtes-vous de ceux du dehors ou de ceux du dedans?

Si vous vous confiez en votre cœur, l’Écriture déclare que vous êtes un insensé (Prov. XXVIII, 26).

Si vous vous assurez en vos bonnes œuvres, pour votre salut, vous fondez votre maison sur le sable.

Cherchez le vrai fondement que Dieu a posé dans la mort de Christ et dans la justification qui vient de lui; «car personne», dit Saint Paul, «ne peut poser d’autre fondement que celui qui a été posé, qui est Jésus-Christ» (1 Cor. III, 11).


«Pour moi, Dieu me garde de me glorifier en autre chose

qu'en la croix de notre Seigneur Jésus-Christ,

par laquelle le monde est crucifié à mon égard, et moi au monde»

(Gal. VI, 14)!


Archives du christianisme 1835 01 24




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