Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

SITUATION RELIGIEUSE EXTÉRIEURE

Persécutions exercées en Hollande contre les Chrétiens séparés.

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Les persécutions auxquelles le gouvernement hollandais ne craint pas de se livrer depuis quelque temps contre les chrétiens qui ont établi des réunions de culte en dehors de l’Église nationale, ont pris un caractère de violence qui nous les fait considérer comme l’une des attaques les plus déplorables à la liberté de conscience dont nous ayons eu encore à enregistrer les détails.

Les autorités du pays qui a servi de principal refuge contre les dragonnades inventées par Louis XIV semblent reprendre, après un siècle et demi, et approprier à leur usage le système de l’auteur de la révocation de l’Édit de Nantes.

C’est en imposant le logement de vingt, de trente, de cinquante garnisaires à ceux qui tiennent dans leurs maisons des réunions religieuses ou qui y assistent; c’est en les condamnant à des amendes, pour le paiement desquelles on vend à l’encan (aux enchères) leurs meubles et leurs bardes; c’est en les jetant en prison et en tolérant contre eux l’émeute qu'on espère rétablir en Hollande cette unité qui paraît être devenue le rêve de certains gouvernements protestants, comme il a toujours été celui de Rome.

À de si funestes mesures nous ne pouvons, nous, opposer que la publicité; mais du moins cette publicité sera étendue et complète. Témoigner ainsi notre sympathie chrétienne pour les souffrances des descendants des hommes généreux qui ont autrefois accueilli nos pères aux jours de l’exil, provoquer l’indignation de tous ceux qui portent le nom de protestants contre un formalisme qui s’affuble des oripeaux d’un fanatisme qui n’est plus de notre temps, exciter la prière en faveur de coreligionnaires auxquels on fait une guerre sans trêve; et, s’il en est besoin, préparer les mesures que des circonstances si graves peuvent réclamer; tel est notre devoir, et nous saurons le remplir avec persévérance.

Il ne s’agit pas dans cette lutte de formes extérieures; ce sont quelques-unes des doctrines distinctives de la Réformation qui sont en cause; mais nous ne voulons pas aujourd’hui soulever les questions controversées: peu importe, pour l’application des principes de la liberté religieuse, ce qu’affirment ou ce que nient ceux qui sont en butte aux rigueurs du pouvoir; il suffit de savoir que c’est pour des croyances qu'en Hollande on incarcère, on condamne à l’amende, et on soumet à des logements militaires.

C’est parce qu’il avait permis, le 18 décembre, l’usage de sa maison pour une réunion du culte séparé, que M. Smitt d’Osterlwode reçut, dès le même soir, l’ordre de loger pendant quatre jours un détachement composé d’un officier, de quatre sous-officiers et de vingt-six soldats, vexation contre laquelle il a en vain porté plainte au roi!

Des faits semblables se sont répétés un grand nombre de fois!

Les chrétiens séparés de la Frise ont déjà payé 9,140 fr. pour amendes, et ils en doivent encore 4,900. Ceux de la Hollande méridionale et de la Basse-Gueldre ont payé pour amendes et frais de procès 12,597 francs. Quelques-uns d’entre eux continuent d’être en prison. Malgré ces violences, le nombre des Églises séparées de la Hollande s’élève, en ce moment, à près de deux cents. À ces faits généraux nous en ajouterons quelques autres plus particuliers, que nous empruntons aux numéros 6 , 7 et 8 du journal mensuel La Réformation, qui paraît à Amsterdam:


Le 26 mars, M. G. Pellikaan a été saisi par les gendarmes et conduit garrotté à Woudrickem (Brabant-Septentrional).

Deux jours après, le même traitement a été exercé contre M. J. Van Ryswyk. Le prétexte de la condamnation du premier était qu’il avait lu un sermon et prié dans une réunion de fidèles; le second a dû partager son sort, parce que la réunion avait eu lieu dans sa maison. Après quelques jours passés dans la prison de Woudrickem, ils ont été conduits à Bois-le-Duc, les menottes aux mains et garrottés ensemble comme des criminels. Dans cette dernière ville, on les a jetés dans une prison remplie de malfaiteurs. M. Van Ryswyk a été mis en liberté, parce que les amendes auxquelles il avait été condamné ont été payées pour lui. Son Compagnon est encore détenu.


Amsterdam, dimanche 16 avril. —Vers le soir, la populace s’est attroupée devant la maison d’un des membres de l’Eglise  ; elle a enfoncé la porte, cassé les vitres et traité indignement sa femme qui est près d’accoucher; et pourtant la police n’a rien fait pour le protéger.

Kesteren, près Rhenen. — Dans la soirée du 29 mars, a eu lieu une réunion chez M. A. de Weert. Le culte n’a pas été interrompu, quoiqu’il y eût du tumulte devant la maison. Un grand bruit se faisant entendre sur le toit, on l’attribua d’abord au vent; mais bientôt on vit tout le toit en feu, ainsi qu’une partie de la maison. Les fidèles eurent à peine le temps d’échapper à cet horrible incendie; ils venaient de sortir, quand ils virent toute la maison tomber en ruines.

À la dernière fête de Pâques, M. le pasteur Brummelkamp a visité une église près des frontières de la Prusse; il s’est rendu chez M. Haastert, pasteur de l’Église réformée de Wertherbruch, sur le territoire prussien. Sur l’invitation de celui-ci, M. Brummelkamp l’a remplacé deux fois dans ses fonctions. Les chrétiens de la Hollande en étant avertis, se sont rendus en grand nombre dans cet endroit, où, grâce à l’hospitalité de ce pasteur étranger, ils ont pu entendre la prédication de l’Évangile sans trouble et sans vexation.

Herwynen, dimanche 21 mai. — Le garde-champêtre s’est présenté, au nom du bourgmestre, dans une réunion tenue ce jour et a ordonné à ceux qui la formaient de se séparer à l’instant. Sur leur refus, il les menaça de faire venir des soldats. «Nos armes n’étant point charnelles, lui répondit-on, nous serons obligés de céder à la force.» La menace fut bientôt réalisée; le bourgmestre arriva avec cinq dragons qui poussèrent toutes les personnes présentes hors de la maison, sans excepter le propriétaire lui-même, et qui se mirent à les frapper de coups de plat de sabres, en prononçant contre eux les plus affreuses imprécations. Ces malheureux soldats ont passé le reste de ce saint jour dans les excès de la débauche, dans la même maison où quelques heures auparavant, on entonnait les louanges de l’Éternel. Dans l’après-midi, les fidèles se sont réunis dans une autre maison, où leur dévotion n’a pas été troublée par leurs adversaires.

Dans la province d’Over-Yssel, presque tous les soldats ont été retirés des villages. On se contente actuellement de faire des procès-verbaux. En conséquence de cette plus grande liberté, M. le pasteur Van Raalte a pu prêcher huit fois dans l’espace de trois semaines devant un auditoire de 1,500 personnes.

Amsterdam; dimanche 28 mai. — Dix-huit personnes se sont réunies dans la maison de M. Hiddes. Vers neuf heures, la populace s’est rassemblée devant la maison, a insulté les fidèles et frappé très fort à la porte. Deux heures après, on a cassé les vitres à coups de pierres. Sur le rapport des voisins, un greffier, accompagné de deux agents de police, s’est rendu à la maison où se tenait la réunion; il a compté par deux fois les personnes réunies, et n’en ayant trouvé que dix-huit, il est sorti pour dire au peuple qui était attroupé dans des intentions hostiles, que l’assemblée ne dépassait pas le nombre permis par la loi, et qu’en conséquence on ne devait plus la troubler dans son culte. Bientôt une compagnie de soldats est venue se poster devant la maison. D’une heure à cinq heures, aucun trouble n’a eu lieu; mais de cinq à onze heures, le peuple s’est de nouveau agité, sans que les soldats aient cherché à le disperser. Il paraît cependant, à ce que nous avons appris, qu’on procédera à la poursuite de quelques rebelles dont on a enregistré les noms, et entre autres d’une femme qui a dit qu’on devrait brûler les scholtiens, surnom qu’on donne à Amsterdam aux chrétiens séparés.

Les églises d’Oudloosdrecht et de Bunschotten , qui voient depuis plusieurs mois leurs réunions troublées par les garnisaires, viennent de recevoir, par une direction toute providentielle, le privilège d’entendre la libre prédication de l’Évangile.

Vendredi 9 juin. — M. Scholte a visité l’église d’Oudloosdrecht; à l’instant où il est arrivé, deux soldats se sont mis à le suivre, pour épier ses pas de nuit et de jour. S’il se rendait dans une maison où l’on eût des enfants à baptiser, ils l’y accompagnaient pour l’en empêcher. Voyant qu’il leur était impossible de célébrer leur culte sur la terre, les séparés ont eu l’idée de se réunir sur l’eau. Un de leurs diacres, M. N. Cos, fit préparer â cet effet son bateau. Dimanche, à sept heures du matin, plusieurs y sont montés. Vers sept heures et demie, les soldats coururent aux armes; à huit heures, le bateau s’éloigna du rivage. Les soldats, les fusils chargés, suivirent par terre le bateau aussi longtemps que le chemin le leur permit. À la fin, ils furent obligés de s’arrêter et de l’abandonner. Dieu permit que le vent retînt près du bord une chaloupe que devaient monter des militaires pour troubler les fidèles dans leur culte. Bientôt, on vit encore d’autres nacelles s’approcher du bateau pour assister à la prédication de l’Évangile. Le pasteur arriva sur une d’elles. L’église, qui depuis si longtemps avait été privée de culte, eut le bonheur dans ce jour d’entendre deux sermons et de faire baptiser trois enfants. Le lundi et le mardi suivants, la prédication et l’administration du baptême ont eu lieu à Oukoop et à Kockinge, et cela sans empêchement, parce que dans ces endroits il n’y a pas de soldats pour s'y opposer.

Dimanche 18 juin. — M. Scholte a tenu un nouveau culte sur le Zuiderzée, dans un bateau appartenant à un homme pieux de la province de Drenthe. Il a prêché deux fois et baptisé deux enfants. Descendu à terre, M. Scholte s’est vu encore une fois suivi d’une patrouille qui s’est postée devant la maison qu’il visitait, pour empêcher ceux qui voulaient le voir, d’entrer, quand il y eut vingt personnes dans la maison; pendant qu’on prenait ces précautions au-dehors, un garnisaire veillait au-dedans à ce qu’aucun culte ni aucune cérémonie religieuse ne se fissent.

Le bourgmestre de Bunschoten avait envoyé un garde champêtre vers le bateau, pour qu’il pût rapporter ce qui s’y passerait. Cela nous fait craindre de nouveau un procès, le pasteur ayant prêché et baptisé sur la mer.

Zwolle. 31 mai. — Trois membres de l’Église séparée ont été mis en prison, parce que les amendes auxquelles ils ont été condamnés pour avoir assisté aux réunions, n’ont pas été payées.

Hoorn, 2 juin. — Le pasteur séparé, M. H de Lock , a consacré sur l'île d’Urk, le 13 juillet de l’année dernière, des anciens et des diacres. Pour cet acte il vient d’être appelé à comparaître devant le tribunal. L’interrogatoire et l’accusation ont duré cinq heures, depuis dix heures du matin jusqu’à trois heures de l’après-midi. La défense, remise à cinq heures, a duré jusqu’à huit. La décision ne s’est, pas fait longtemps attendre. Elle est conforme à la demande du procureur-général; elle condamne M. de Lock et M. Smitt à 200 fr. d’amende, les anciens et les diacres à 50 fr.. et la veuve, dans la maison de laquelle la réunion a eu lieu, à 100 fr.

Avant que les juges eussent sanctionné cette condamnation. la populace était tranquille. Mais dès qu’ils ont fait connaître leur décision, elle s’est livrée à une grande agitation, et a poursuivi les chrétiens séparés de ses huées, de pierres et de boue. Les agents de police ne se sont pas opposés à ces indignités. La foule s’est rassemblée devant la maison de M. Van de Velde. Les agents de police, au lieu de la disperser, ou d'empêcher ces désordres, ce sont tenus à l'écart. M, Van de Velde s'est rendu alors auprès du commissaire de police pour lui demander sa protection; ne l'ayant pas trouvé, il a été prié l'officier de justice de lui prêter son assistance. Celui-ci a envoyé quelques soldats qui ont chassé la populace et rétabli l'ordre. À dix heures et demie tout était tranquille.

Archives du christianisme 1837 08 12



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