Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

BIOGRAPHIE RELIGIEUSE

Jean-Frédéric Ostervald

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(1663-1747)


On connaît dans toutes nos églises le nom de ce vénérable pasteur. Personne n'ignore qu’il a corrigé nos anciennes versions de la Bible, et publié plusieurs éditions des Écritures connues sous la dénomination de Bible d’Ostervald.

Nos liturgies contiennent aussi différentes prières de circonstance composées par ce serviteur de Christ. Enfin, le catéchisme d’Ostervald a joui longtemps d’une grande popularité, et il est encore en usage dans beaucoup d’églises. On lira donc avec intérêt quelques détails biographiques sur cet ancien pasteur du canton de Neuchâtel. Nous les puiserons dans une notice placée au-devant d’une édition de ses sermons, imprimée à Genève en 1756. Cette notice a pour titre: Particularités concernant la vie et la mort de M. Jean Frédéric Ostervald, pasteur de l'Église de Neuchâtel, membre de la Société Royale de Londres pour la propagation de la foi, etc. Nous conserverons autant que possible les expressions employées dans ce document biographique.

Il nous paraît convenable, cependant, de faire encore une réflexion préliminaire. En publiant un travail rédigé par un admirateur d’Ostervald, nous ne prétendons pas accepter la responsabilité de tous les éloges qu’il lui donne. Ostervald appartenait déjà à une école de théologiens, qui essayaient de tenir une sorte de milieu entre les pures doctrines de la Réformation et les idées d’un siècle moins orthodoxe. Nous sommes fort loin, assurément, de confondre ce pasteur avec ceux qui ont prêché plus tard, soit à Genève, soit à Neuchâtel, les opinions relâchées du latitudinarisme (Œcuménisme, largesse d'esprit en matière d'opinions religieuses), nous avons la conviction qu’il adoptait du fond de son cœur les dogmes fondamentaux de l’Évangile; mais ce qu’on doit remarquer et désapprouver dans ses écrits, c'est une tendance constante à mitiger l’expression des doctrines chrétiennes, et à diminuer l’importance du dogme, pour augmenter celle des préceptes moraux qui en dépendent. Cette réflexion faite (et nous prions le lecteur de s’en souvenir) venons à la notice.


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Jean-Frédéric Ostervald naquit à Neuchâtel, le 25 novembre 1663; son père était pasteur dans le chef-lieu du canton. Le jeune Frédéric fit ses études à Zurich et à Saumur, où il commença à développer ses heureux talents naturels.

En 1679, n’étant âgé que de 16 ans, il soutint publiquement ses premières thèses qui furent imprimées à Saumur, et dédiées à son père, doyen de la vénérable compagnie des pasteurs; elles traitaient des principes des choses naturelles. Quelques mois après, il soutint d’autres thèses sur toutes les parties de la philosophie. L’académie de Saumur lui donna alors ses lettres de Maître-es-arts, qui renfermaient un témoignage glorieux de son application à l’étude. On vit déjà briller dans ces thèses la justesse de raisonnement, la netteté d’idées et la solidité, qui distinguèrent plus tard les productions de ce théologien.

Le jeune Ostervald fit un voyage à La Rochelle en 1680, pour lier connaissance avec les savants qui se trouvaient dans cette ville. Puis il se rendit à Orléans, où il entreprit ses études théologiques sous la direction du pasteur Pajou; de là, il vint à Paris où il continua ses travaux avec les conseils d’Allix , pasteur de Charenton. Il eut aussi l’occasion de fréquenter le célèbre Claude , et soutint de cette manière des rapports avec les principaux théologiens de la France réformée.

Il aurait prolongé son séjour dans ce pays, mais la santé chancelante de son père le força de retourner à Neuchâtel, lorsqu’il commençait à peine à pénétrer dans les profondeurs des sciences théologiques. Au mois d'avril 1682, il quitta Paris, et dix jours après, il se trouvait dans la demeure paternelle. Le vieillard éprouva une douce joie, en voyant que son fils avait si bien répondu à ses tendres soins, et il souhaita de l’entendre prononcer une proposition ou sermon. C’est ce qui eut lieu à deux reprises pendant le mois de juin 1682. Les discours du jeune orateur furent très goûtés, et annonçaient les talents qu’il apporterait un jour dans la chaire chrétienne. Ostervald le père mourut dans la même année, environ trois mois après le retour de son fils.

Alors Frédéric Ostervald, n’aspirant qu’à perfectionner ses études, se rendit à Genève, où il se lia particulièrement avec quelques-uns des professeurs de l’Académie. Revenu à Neuchâtel l’année suivante, il fut admis par la vénérable compagnie des pasteurs à l’examen pour le ministère évangélique, et consacré par l’imposition des mains, le 5 juillet 1683. À cette époque remarquable de sa vie, Ostervald n’avait pas encore vingt ans.

Il n’eut d’abord aucune charge fixe à remplir, mais le diaconat de Neuchâtel étant venu à vaquer, en 1686 , il y fut nommé par les pasteurs et les magistrats civils. L’instruction de la jeunesse devint alors son principal objet; il s'appliqua à l’éclairer, à graver dans son cœur des idées nettes et solides de la religion, et à la porter à la pratique de ses devoirs. Les personnes de tout âge et de tout rang assistaient en foule à ses leçons de catéchisme. Le Seigneur daigna bénir ses travaux, et en peu d’années on vit l’Église de Neuchâtel prendre une face toute nouvelle.

Le Conseil-de-Ville, appréciant le mérite et les services d’Ostervald, s’adressa à la vénérable classe, en 1693, pour lui demander qu’elle voulût bien lui donner voix et rang de pasteur dans la compagnie des ecclésiastiques, et consentir qu’il prêchât une fois par semaine. C’est ce qu’elle accorda avec plaisir, et en donnant les plus grandes marques d’estime pour ce zélé serviteur de Dieu. Ostervald prêcha, tous les mardis, sur des matières de morale. Il s’attachait principalement à expliquer à son auditoire, qui était toujours très nombreux, les devoirs les moins connus et les moins pratiqués. Il fit beaucoup de bien dans ses fonctions, et contribua puissamment à maintenir ou à raffermir les bonnes mœurs. Son attention se porta aussi sur certaines formes du service public, et il y introduisit quelques changements qui furent adoptés dans plusieurs autres églises.

Un trait qui confirma, dans cette même année 1693, la haute idée que l’on avait de ses talents oratoires, mérite d’être rapporté ici.

L’un des pasteurs de la ville se trouvant indisposé, on avait négligé de pourvoir à ses fonctions, et, au moment où tout le troupeau était assemblé, il ne se trouva aucun pasteur pour prêcher et faire le service. Ostervald, qui s’était rendu au temple pour être simple auditeur, fut appelé à monter en chaire, et à prêcher sans aucune préparation. Il tira le sujet de son discours du psaume 104 que l’on chantait, psaume dans lequel la grandeur, la puissance, la sagesse et la bonté de Dieu, qui se manifestent dans les ouvrages de la création et de la Providence, sont célébrées en termes magnifiques. Le prédicateur répondit à l'excellence de la matière, et ses auditeurs l'écoutèrent avec beaucoup d’intérêt et d'édification.

Il fut élu pasteur de la ville, le 14 juin 1699. et présenté à l'Église le dimanche suivant. Depuis lors, il continua ses fonctions jusqu'à la fin de sa carrière avec une scrupuleuse exactitude et un zèle admirable. Il ne négligeait aucun des plus petits devoirs. Ses sermons, quoiqu’il prêchât fréquemment, étaient la moindre partie de son travail. Il les écrivait cependant tous, et, dans l’espace de 61 ans qu’il annonça l'Évangile dans la même église, il composa toujours de nouveaux sermons, qui édifiaient son nombreux auditoire.

Ce fut aussi sur la fin de l’année 1699 qu’il commença à entretenir des relations intimes avec le célèbre Jean Alphonse Turretin, pasteur et professeur à Genève. Il se lia également avec le docte Samuel Werenfels, docteur et professeur dans l'université de Bâle. Ces trois théologiens ont été unis jusqu’à leur mort par une tendre amitié, et par une estime réciproque, fondée sur leur piété, sur leurs talents, sur leur honorable caractère, et sur la conformité de leurs vues religieuses. Cette union a été appelée le triumvirat des théologiens de la Suisse.

En 1700, la compagnie des pasteurs nomma Ostervald pour son doyen, et il occupa plusieurs fois ce poste avec distinction jusqu'en 1739, époque où il souhaita d'en être dispensé, à cause de son grand âge et des pénibles fonctions qui accompagnent cette dignité ecclésiastique. Il devint l’un des membres correspondants de la Société royale établie à Londres pour la propagation de la foi, et il ne se contenta pas d’en porter le titre, ses relations avec cette Société étaient aussi utiles que fréquentes.

Le premier ouvrage qu’il donna au public fut imprimé à Amsterdam et à Neuchâtel en 1700. C'est son excellent traité des Sources de la corruption. Il fut souvent réimprimé, et traduit dans les principales langues de l’Europe. En même temps Ostervald consentit à donner des leçons de théologie aux jeunes étudiants de Neuchâtel, et continua à remplir ces fonctions de professeur jusqu’en 1746 avec un entier désintéressement; car il ne voulut jamais recevoir aucune rétribution. Beaucoup de jeunes théologiens étrangers affluaient à Neuchâtel pour entendre ce pieux professeur.

On érigea en 1702 une nouvelle église aux Planchettes, et Ostervald en fit la dédicace. On introduisit à cette occasion l’édifiante liturgie dont se servent encore quelques-unes de nos Églises. Dans la même année, ce pasteur publia son catéchisme. On en fit d’abord à Genève deux éditions, une édition française et une anglaise à Londres, une française à Amsterdam, et une infinité d'autres à La Haie, à Bâle, à Lausanne, etc. Il fut aussi traduit en allemand, et il en parut deux éditions à Francfort et à Leipsick. On le traduisit même en flamand. L’abrégé de l’histoire sainte, qui est à la tête de ce catéchisme, fut traduit et imprimé en arabe, pour servir à l'évangélisation des Mahométans. De célèbres théologiens de la communion romaine faisaient aussi un grand cas de ce catéchisme; on doit citer, avant tous les autres, Fénélon qui a déclaré à des témoins dignes de foi qu’il mettait cet écrit au rang des livres les plus précieux.

En 1707, on imprima à Amsterdam le traité d’Ostervald contre l'impureté. Il en existe des traductions anglaises et allemandes. Aucun théologien n'avait encore osé traiter à fond cette matière, et il fallait une plume aussi délicate et aussi circonspecte que celle d’Ostervald pour y réussir.

La vénérable classe chargea Ostervald, en 1711, de veiller spécialement sur les mœurs et les études des candidats en théologie. Personne ne pouvait mieux que ce digne serviteur de Dieu former de bons ouvriers pour la moisson du Seigneur. Il était leur modèle pour le travail, la science, les talents de la chaire et la pratique des bonnes œuvres. Ostervald avait une déclamation nette, une voix forte et agréable, un maintien grave, un geste mesuré, noble, expressif. Tout s’accordait avec les bienséances de la chaire, tout inspirait la piété. Dans ses leçons de théologie il se mettait à la portée de tous les étudiants; il leur expliquait chaque matière avec une clarté admirable, et à la fin des leçons un d’entre eux était toujours forcé d’en faire la récapitulation; ce qui leur donnait l’habitude de s’énoncer en langue latine et de mettre de l’ordre dans leurs discours.

Cette utile méthode était soutenue par une autre non moins avantageuse: c’est que le professeur s’appliquait à connaître les talents, le caractère, les tempéraments et les mœurs de ceux qui étudiaient sous lui, afin de leur donner des avertissements et des conseils appropriés à leurs différents besoins. Pour cet effet, il prenait la peine d’écrire des remarques sur les bonnes et mauvaises qualités du cœur et de l’esprit des étudiants, ce qui lui était d’un grand usage pour les diriger, soit en les reprenant ou en les encourageant, suivant les cas, chacun en particulier, avec cette douce persuasion, cette prudence, et cette autorité de père spirituel, qui le caractérisaient éminemment.

Il avait composé, depuis plusieurs années, un livre d’arguments et de réflexions sur l’Ecriture-Sainte. On se servait de cet ouvrage dans les églises, mais il était resté manuscrit. L’archevêque de Cantorbery, ayant entendu parler avec éloge de ce travail d’Ostervald, en demanda une copie à l’auteur. Il trouva que cet ouvrage était instructif, et l’on en publia bientôt une traduction en anglais, sous la surveillance de la Société pour la propagation de la foi. Cette traduction fut dédiée à la princesse Anne. Le succès de ce livre engagea les libraires de Hollande à demander à Ostervald son manuscrit français, qu’il ne trouva pas à propos de donner, n’ayant aucun empressement pour l’impression de ses ouvrages. Mais comme, sur son refus, ils lui déclarèrent qu’ils allaient faire traduire l’écrit de l’anglais en français, il consentit enfin à le laisser imprimer. On en fit de nombreuses éditions, soit en les joignant aux exemplaires de la Bible, soit dans des publications spéciales.


Enfin, à l’âge de 80 ans, sans interrompre aucune de ses fonctions pastorales, et en moins de deux années, il acheva un ouvrage auquel tout autre théologien moins laborieux aurait employé plus de dix années. Non seulement il revit et corrigea ses arguments et ses réflexions, mais il collationna la Bible avec le texte original, la Vulgate, la version des Septante, et toutes les versions données en allemand ou en français, même parmi les catholiques, afin de voir celles qui avaient le mieux rendu le texte. Après s'être assuré du sens d’un passage par ces différents examens, il se déterminait à faire ses corrections à la Bible française.

Au reste, il faut remarquer que le pasteur Ostervald n’avait en vue dans ses travaux et dans ses productions que l'avancement du règne de Dieu. On a des preuves certaines de son désintéressement. Il aurait pu retirer beaucoup de ses ouvrages; on lui avait offert une somme considérable pour son travail sur la Bible, mais il a généreusement et constamment refusé tous ces avantages, s’en réservant un beaucoup plus précieux dans sa propre conscience.

Ostervald fut frappé d’une espèce d’apoplexie en chaire, le dimanche 24 août 1746, au moment où il annonçait son texte, tiré des huit premiers versets du chapitre XX de l’Évangile selon Saint-Jean. Ce sermon était le 221e qu’il faisait sur cet Évangile, et l'on a trouvé écrit de sa main le 222e qu’il devait prononcer la semaine suivante. On reconnut, dans cette occasion, l’amour et l’attachement de l'Église pour son vénérable pasteur; chacun fondait en larmes: on eut dit que tous auraient donné leurs jours pour prolonger les siens. M. d’Ivernois , médecin du roi, qui avait la plus grande vénération pour lui, s’empressa de lui porter dans la chaire même les secours convenables. On le transporta dans sa maison, et une foule de personnes de tout ordre le suivaient en pleurant.

Quand Ostervald reconnut que ses infirmités l’empêchaient de remplir les fonctions du pastorat, il ne voulut point, disait-il, manger le pain d'oisiveté, et offrit sa démission; mais toute la ville de Neuchâtel, pasteurs, magistrats, simples fidèles, le supplia avec les plus vives instances de ne pas leur causer cette douleur, et il céda.

Citons encore un trait bien touchant. L’un des pasteurs qui priaient près de son lit ayant loué dans une prière le zèle et la fidélité d’Ostervald, celui-ci en marqua son déplaisir par un mouvement de la tête et de la main. Alors ce pasteur se reprit et dit: «Mais comme ce qu'il y a de meilleur en nous est mêlé d’imperfections, et qu’il a déclaré plusieurs fois dans sa maladie qu’il était le néant même, tu sais, Seigneur, qu’il n’attend rien que de ta pure grâce et de ta miséricorde en Jésus-Christ!» Ostervald fit alors connaître par des signes qu’il approuvait ce langage. Un peu de temps après, il rendit son âme au Seigneur.

Archives du christianisme 1837 09 23

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