Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

ÉTUDES CHRÉTIENNES

LE MONDE

***

Si le chrétien avait constamment devant les yeux:

l’idée de sa vocation,

la pensée de ses devoirs et de ses privilèges,

la notion de ce qu’il doit être,

l’image de la destinée à laquelle il est appelé,

ne serait-ce pas là comme un moniteur efficace qui l’avertirait au moment de la tentation, le retiendrait sur la pente du péché, et ferait régner dans toutes ses actions et dans la teneur générale de sa vie une uniformité d’intentions et d’efforts, un caractère élevé, solennel, progressif, qui manque, hélas! à bien des existences pieuses?


Le monde, en effet, les choses visibles, les choses des sens ont une tendance continuelle à supplanter dans nos pensées et nos affections les choses invisibles et célestes.

De là, chez le chrétien, lutte incessante entre deux principes opposés, et de là, par conséquent, inconséquence de conduite, mobilité de volonté, de là, sainteté par accès, ou plutôt, il faut le dire, un fond constant de misère et de corruption, au milieu duquel se développe une œuvre dont la propriété, il est vrai, est de s’étendre et d’envahir le domaine du péché, mais dont les progrès sont d’une triste lenteur.

Mais il est des personnes qui, ne sachant pas reconnaître la nécessité naturelle de cette lutte, s’en fatiguent bientôt et recherchent une position plus calme, une existence intérieure plus uniforme, une paix que la sanctification aux prises avec le péché leur permet d’autant moins de goûter QU’ELLES ONT PLUS DE RÉPUGNANCE POUR UNE CONSÉCRATION SANS RÉSERVE À DIEU.

Aussi que font-elles?

Comme la paix ne peut résulter, selon elles, que du triomphe, ou au moins de l’ascendant habituel de l’un des deux principes sur l’autre, c’est aux affections terrestres qu’elles donnent cet ascendant; comme leurs bras se sont bientôt lassés des faibles combats qu’elles ont essayé de livrer au mal et au monde, elles prennent le parti plus facile de rabaisser l’idéal de la sainteté, l’altérer afin de mieux mettre à leur portée la notion de la vocation chrétienne.

Elles ont désormais à leur service pour cet objet une foule d’interprétations de l’Écriture, les unes avouées et raisonnées, les autres tacites et mentales

– à la Parole de Dieu, au système évangélique,

– à la sanctification,

– à la foi vitale,

– au secours de l’Esprit,


elles substituent un Évangile, des doctrines, un but particulier et accommodes à leurs besoins; elles abusent, en l’isolant, de telle ou telle vérité.

Et s’il est des passages qui demeurent rebelles à toute leur industrie d’interprétation, comme, par exemple, «la porte est étroite,» il survient comme un voile qui enveloppe ces passages pour eux; le sens en frappe bien encore leur esprit à la lecture,

mais reste sans effet,

n'éveille plus leur conscience,

ne donne plus lieu à un retour sur eux-mêmes;


L’ESPRIT DE DIEU S’ÉLOIGNE CONTRISTÉ; l'endurcissement arrive, et l'on est effrayé de voir par quelle pente insensible et cependant rapide l'âme arrive à la fois à une bonne opinion de son état et à un degré déplorable de sommeil spirituel, dont le charme fatal menace de ne se rompre qu’en présence de l’éternité.

C’est avec une vérité d’observation et une profondeur d’expérience remarquables que John Bunyan a tracé les pas de cette carrière d'aveuglement et d’endurcissement. Nous ne pouvons nous empêcher de citer ces lignes:

1° Ils détournent autant que possible leurs pensées de Dieu, de la mort et du jugement à venir.

2° Puis ils se débarrassent par degrés de certains exercices, tels que la prière secrète, la résistance aux passions, la vigilance, la contrition, etc.

3° Ils abandonnent ensuite le commerce des chrétiens vivants et zélés.

4° Après cela, ils deviennent indifférents aux exercices publics de piété, tels que la prédication, les entretiens pieux, etc.

5° Puis ils prennent l’habitude d’attirer l’attention sur les défauts des chrétiens, afin de tirer de là comme un prétexte pour abandonner les voies de la piété.

6° Puis ils commencent à fréquenter la société d’hommes charnels et sans principes.

7° Puis ils se laissent aller en secret à des propos mondains et licencieux, et se réjouissent s’ils voient des gens réputés vertueux en faire autant, parce qu’ils s’imaginent être autorisés par là à plus de hardiesse.

8° Après cela, ils se jouent ouvertement de ce qu’ils appellent péchés sans conséquence.

9° Et enfin,devenus endurcis, ils se montrent tels qu’ils sont. Lancés de nouveau dans le gouffre de la misère, ils périssent éternellement au milieu de leurs propres déceptions, si un miracle de grâce ne les arrête et ne les retient.


De là vient la prostitution du nom de chrétien, et la profession de tant de gens qui n’appartiennent plus au Christianisme que par quelques formes, comme un corps que la vie vient de quitter retient encore pour un temps les traits de la nature humaine.

De là, des afflictions et des scandales dans l’Église.

De là, de funestes exemples qui séduisent l'homme ignorant ou simple, et dont les auteurs auront à rendre compte.


LE SECRET DE CETTE RELIGION...

– est d’établir un perpétuel compromis entre le ciel et la terre,

– c'est de s’occuper aussi peu que possible des choses d’en haut et de s'accorder aux inclinations terrestres autant que faire se peut

sans troubler une conscience endormie,

sans se mettre en dehors de l'église visible,

sans sortir de la foule de ces gens du monde qui s'appellent aussi chrétiens et qui sont si tolérants contre la vérité.

Est-ce donc là le Christianisme, ô mon Dieu!

Parole du Sauveur, réponds-moi; répondez, apôtres de Jésus; répondez, écrivains sacrés!

Est-il un plus étrange aveuglement que celui de ces hommes qui prétendent croire en Dieu, et refusent de lui appartenir, lui refusent un cœur qu’il demande tout entier?

Ils prétendent croire à l'Évangile, ils y lisent:

que le chrétien ne vit pas lui-même, mais que Christ vit en lui;

que sa vie est cachée avec Christ en Dieu;

qu’il ne s’appartient pas à lui même, mais à Celui qui l'a racheté;

qu'il fait tout au nom et à la gloire du Seigneur;

et ils n’ont pour ce Sauveur qu’une fugitive pensée le matin et le soir de chaque jour!


Ils sont chrétiens, disent-ils, c’est-à-dire citoyens des cieux,

et je les vois rechercher les bals et les danses, et fréquenter des scènes de dissipation indignes, je ne dirai pas seulement d’un homme pieux, mais d’un homme qui pense.


Ils sont chrétiens, et par conséquent héritiers de la gloire, et leur espérance glorieuse est de grossir un jour de leurs voix les chœurs des anges, de contempler et de servir le Sauveur, d’être sans péché,

et je les vois demeurer étrangers, dans cette vie, à la louange et à la méditation, déployer une certaine activité, mais dont les ressorts sont tout humains, et tourner vers un monde qui leur échappe des pensées, des affections qui devraient avoir pour objet Dieu qui les jugera.


Infortunés, pensez-vous à l'éternité, pensez-vous au salut, pensez-vous à la charité de Jésus, et si vous n’y pensez pas, si vous n’y retrempez sans cesse votre vie, qui êtes-vous?

Hélas! je ne puis tracer ces lignes sans un triste retour sur moi-même.

Qui suis-je pour condamner et pour exhorter?

Et cependant je ne dois pas me taire.


Cessez donc de vous abuser, vous, chrétiens de nom, vous, chrétiens chancelants et indécis, et vous tous qui professez la foi en Jésus et l’espérance du salut;

IL FAUT CHOISIR ENTRE LE CIEL ET LA TERRE,

LE MONDE ET DIEU,

LE TEMPS ET L’ÉTERNITÉ.

Soyez sincères avec vous-mêmes et défiez-vous des sophismes d'un cœur idolâtre. L’esprit de l’homme n’est que trop industrieux à interpréter et à tordre les enseignements divins.

Vous avez, je le sais, votre système arrêté au sujet de ces sentences que l’Évangile passe sur le monde; vous êtes prêts à vous joindre dans cette condamnation; mais vous éludez la définition du mot, et vous en profitez pour demeurer dans un balancement funeste entre les conseils de votre conscience et ceux d’un vain amour des plaisirs.


Le monde, sachez-le bien, c’est, dans la société humaine, TOUT CE QUI N’EST PAS L'ÉGLISE.

Le monde comprend toutes les âmes étrangères et par conséquent hostiles à l'Église, les indifférents comme les incrédules avoués, ceux qui ne pensent pas à Dieu comme ceux qui le blasphèment.

Écoutez Paul consacrant la légitimité d’un commerce utile ou nécessaire avec un monde «impudique, avare, ravisseur, idolâtre»

(1 Cor. V, 9-11: Je vous ai écrit dans ma lettre de ne pas avoir des relations avec les impudiques, – non pas d’une manière absolue avec les impudiques de ce monde, ou avec les cupides et les ravisseurs, ou avec les idolâtres; autrement, il vous faudrait sortir du monde. Maintenant, ce que je vous ai écrit, c’est de ne pas avoir des relations avec quelqu’un qui, se nommant frère, est impudique, ou cupide, ou idolâtre, ou outrageux, ou ivrogne, ou ravisseur, de ne pas même manger avec un tel homme.);

mais écoutez-le aussi réprouvant avec énergie une communauté plus intime.

«Ne vous unissez pas avec les infidèles, dit-il; car qu’y a-t-il de commun entre la justice et l’iniquité; et quelle union y a-t-il entre la lumière et les ténèbres? Quel accord y a-t-il entre Christ et Bélial? Où qu'est-ce que le fidèle a de commun avec l’infidèle? Et quel rapport y a-t-il du temple de Dieu avec les idoles? Car vous êtes le temple de Dieu vivant.»

Ces infidèles, à la vérité, étaient des païens; mais ne puis-je pas vous demander quelle est la différence devant Dieu entre l’idolâtre de l’ancienne Achaïe et l’incrédule de nos jours, et s’il est une des expressions de l’apôtre qui ne convienne trop bien à ce monde où vous pouvez vous plaire et respirer à l’aise?

Enfin, quand Tertullien dit aux Gentils: «Nous profitons de vos places publiques, de vos marchés, de vos bains, de vos boutiques, de vos hôtelleries,» il ne parle pas de la présence du chrétien au cirque et à l’amphithéâtre;

et si ces fêtes étaient odieuses et ces spectacles impies, les vôtres le sont-ils moins par l’oubli de Dieu qui y préside?

La force de l’Église comme la force de la vérité, ce n’est pas d’agir par accommodement et par compromis, mais de se présenter dans toute l'intégrité de ses prétentions et de ses droits.

Ce n’est pas en la déshonorant par une demi-apostasie qu’on lui prête des charmes ou qu’on la revêt d’autorité.

S’il est quelqu’un qui ait droit d'être entier dans ses principes et inflexible dans ses sentiments, c’est le prédicateur chrétien (ET TOUT CHRÉTIEN EST PRÉDICATEUR), avec les magnifiques promesses de l’Évangile dans une main et ses terribles menaces dans l’autre.

Ne cherchons donc pas à servir deux maîtres, SOYONS BOUILLANTS SI NOUS VOULONS APPARTENIR À CHRIST!

Que les tièdes n’espèrent pas échapper à la condamnation de ceux qui sont froids.

Rappelons-nous que notre trésor doit être tout entier au ciel, afin que là soient nos affections, nos pensées, nos espérances.

Maintenons-nous dans la pensée de la vocation à laquelle nous sommes appelés;

sentons bien que la sainteté est notre privilège comme notre devoir.


Enfin, faisons au monde une bonne guerre;

– que les camps et les étendards soient distincts,

– qu'il n’y ait point d’intelligence et de pacte avec l’ennemi;

– que l'incrédule, pressé par sa conscience, sache, par notre attitude, nos actes et notre profession de foi, ce que c’est que le Christianisme, ce qu’il a à en attendre, ce qu’il doit y trouver, afin que de funestes malentendus ne se perpétuent pas.


Soyons persuadés que, si le monde se mêle à l’Église,

c'est que l’Église se mêle trop au monde.


Archives du christianisme 1836 02 27


 

- Table des matières -