Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

BIOGRAPHIE RELIGIEUSE

Menno Simons

Né à Witmarsum en Frise, en 1496, et mort à Oldesloo, en 1561

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Menno Simons mérite à tous égards une mention honorable de notre part, parce que l’histoire de sa vie et de sa conversion nous le fait connaître comme un vrai croyant, parce qu’il amena plusieurs âmes à la connaissance de Christ, en les retirant de leurs erreurs et de leurs péchés, et enfin, parce qu’il fut le seul homme dans les Pays-Bas qui, à l’époque de la réformation, parut sur la scène comme un réformateur et fonda une société chrétienne qui s’est maintenue jusqu’à aujourd’hui parmi les communions protestantes, quoiqu'elle ne soit pas toujours restée fidèle à l’esprit de son fondateur (les Mennonites).

Il naquit à Witmarsum; en Frise, embrassa l’état ecclésiastique à vingt-six ans, et devint prêtre à Penningam (à deux lieues de Franeker), où deux jeunes gens de son âge officiaient avec lui dans la même église.

Quoiqu'il s’occupât, en général, peu des choses spirituelles, il conçut néanmoins, à la lecture du Nouveau Testament, des doutes sur la doctrine de l’Église romaine touchant, le baptême et la sainte cène, doutes qui furent fortifiés par la lecture de quelques ouvrages de Luther.

On s’aperçut bientôt qu’il étudiait les Écritures, et pour cette raison, on lui donna, quoiqu’il tort, le nom de prédicateur évangélique.

«Chacun, écrit-il lui-même en parlant de cette époque, me cherchait et me désirait, car le monde m’aimait et j’aimais le monde, et cependant je passais pour un prédicateur de la Parole de Dieu et pour un homme dévot

Peu de temps après, il fut convaincu que la transsubstantiation et le baptême des petits enfants n’étaient pas fondés sur l'Écriture, parce que la manière dont les principaux réformateurs envisageaient alors le baptême ne le satisfaisait pas.

Environ à la même époque, il fut nommé curé de Witmarsum, lieu de sa naissance, et il s'y rendit principalement dans l’espoir de se faire un grand nom.

«J’ai, dit-il encore lui-même, beaucoup parlé, dans cette ville, de la Parole de Dieu, sans esprit et sans amour, comme font tous les hypocrites, et j’y ai formé des disciples semblables à moi c'est-à-dire de vains parleurs, de frivoles discoureurs qui, hélas! se souciaient aussi peu que moi de LA SEULE CHOSE NÉCESSAIRE.

J’appris alors beaucoup de choses par l'étude de la Parole de Dieu; mais, entraîné par les passions de la jeunesse, je perdis, sans aucun fruit, cette connaissance dans une vie impure et charnelle, et ne cherchai que la fortune, le plaisir, la faveur des hommes, la gloire et la renommée, comme font ordinairement tous ceux qui mènent un tel train de vie.»

La réputation déjà grande de Menno et sa conduite relâchée encourageaient les pécheurs impénitents dans leurs mauvaises voies.

Enfin, le crédit toujours croissant dont il jouissait auprès de plusieurs personnes qu'il avait convaincues des erreurs de l’Église romaine et les excès des anabaptistes, qui s'opposaient avec violence aux autorités établies et prétendaient qu’il était l’apologiste de leurs principes, lui firent faire de sérieuses réflexions.

«En pensant à ces choses, dit-il, mon âme fut tellement angoissée que je ne pus» le supporter plus longtemps. Misérable que je suis, me disais-je à moi-même, que fais-je:

Si je persévère dans une telle conduite,

si je n’obéis pas à la Parole du Seigneur, selon la connaissance de la vérité que j’ai reçue,

si, avec mes faibles talents, je ne reprends pas l'hypocrisie des savants, leur vie impénitente et charnelle, leur baptême erroné, leur cène entachée d’idolâtrie et leur fausse religion;

si, par crainte des hommes, je ne mets pas en évidence les vrais principes de l’Évangile, si je ne m’efforce de conduire dans les bons pâturages du Seigneur ces pauvres brebis errantes, qui n’attendent que de connaître le droit chemin pour y marcher,

Ha! ce sang répandu témoignera un jour contre moi devant le tribunal du Dieu tout-puissant et condamnera mon âme malheureuse.

Mon cœur tremblait au-dedans de moi, je priai Dieu avec soupirs et avec larmes de m’accorder à moi, pécheur affligé, le don de sa grâce, de créer en moi un cœur pur, de vouloir me pardonner par les mérites et le sang du Seigneur, ma conduite déréglée, ma vie frivole et pécheresse, et de me donner la sagesse, l’esprit de hardiesse et un franc courage pour confesser son grand nom, prêcher droitement sa Parole et publier sa vérité et sa gloire.

Dès lors je commençai à annoncer ouvertement au nom du Seigneur la nécessité de la repentance et de la conversion, à montrer au peuple le chemin étroit qui mène à la vie, a censurer avec force, d’après la Parole de Dieu, tous les péchés et les désordres, à combattre toute idolâtrie et fausse religion, et à proposer le baptême et la Sainte-Cène dans le sens et l’esprit de Christ, selon la grâce que mon Dieu daignait me départir.

C’est ainsi, chers lecteurs, que le Dieu des miséricordes, dans ses grandes compassions envers moi, misérable pécheur, a d’abord jeté mon cœur dans le trouble, ensuite m’a donné un nouvel esprit, m’a humilié dans sa crainte, m’a appris à me connaître moi-même en quelques degrés, m’a détourné du chemin de la mort, m'a conduit dans le chemin étroit de la vie et appelé à la communion de ses saints.

À lui en soit la gloire éternellement! Amen»


Après s’être séparé de l’Église romaine, en 1536, Menno fut quelque temps indécis s'il se joindrait aux anabaptistes, ou s’il formerait une église distincte de la leur. Sur ces entrefaites, un député des anabaptistes de Munster, nommé Ubbo Philips, vint à Groningue, rebaptisa Menno, lui imposa les mains, à la demande de quelques personnes qui désiraient l’avoir pour leur pasteur, et l’envoya prêcher l’Évangile. Mais ce Philips avant, dans la suite, révoqué cette ordination, et exhorté Menno et d’autres pasteurs qu'il avait consacrés au saint ministère à se détourner des erreurs ou il disait les avoir entraînés, Menno en appela à une vocation immédiate de Dieu:

«En vérité, dit-il, je ne puis être trompé dans cette affaire par ta Parole, ô Père céleste! je l'ai crue et reçue pur le Saint-Esprit comme la parole certaine de la vérité.»

Il nous explique lui-même comment il parvint à une aussi pleine assurance au sujet de sa vocation, dans son ouvrage intitulé: Ma sortie du papisme.

«Mon cœur était angoissé et oppressé: c’était, de toutes parts, inquiétudes et frayeurs. D’un coté, je considérais la médiocrité de mes talents, ma grande ignorance, ma faiblesse et ma timidité, l’excessive méchanceté, la violence et la tyrannie du monde, les sectes, les subtilités des sophistes et la pesante croix que j’aurais à porter si je mettais la main à l'œuvre.

D’un autre côté, j’étais vivement touché de l’extrême faim spirituelle, de la détresse et du dénuement des hommes pieux et des enfants de Dieu, car je voyais clairement qu’ils erraient comme de pauvres brebis qui n’ont point de pasteur.

Enfin, après beaucoup de combats et de prières, je me mis à la disposition du petit troupeau qui m’appelait par ses vœux, moyennant cette condition que nous prierions ensemble avec ferveur pendant quelque temps le Seigneur, si c’était sa sainte volonté de m'appeler au ministère de sa Parole, de daigner me donner, dans son infinie miséricorde, un tel esprit et un tel cœur que je pusse dire avec Paul: Malheur à moi si je ne prêche pas l’Évangile! sinon de faire échouer mon dessein. Car Christ a dit: si deux d'entre vous s'accordent sur la terre à demander une même chose elle leur sera donnée par mon Père qui est aux cieux; car là où deux ou trois sont assemblés en mon nom, je suis au milieu d'eux.

Comme les frères ne se désistèrent pas de leur demande et que ma propre conscience me causait de l’angoisse, en voyant leur détresse et leur faim spirituelle, je me suis donné corps et âme au Seigneur, et en me recommandant à la conduite de sa grâce, j’ai commencé à enseigner et à baptiser selon sa sainte Parole, et à travailler à l’édification de son église.

C’est ainsi que moi, grand et misérable pécheur, ai été éclairé par le Seigneur et converti à de nouveaux sentiments; c’est ainsi qu’après m’être enfui de Babylone, je me suis mis en marche vers Jérusalem, et suis parvenu, malgré mon extrême indignité, à ce pénible ministère.»

Les dangers auxquels il se vit exposé par ses prédications publiques étaient certainement très grands; car, quelque temps après, un père de famille des environs d’Harlingen, fut mis à mort pour l’avoir logé dans sa maison.

En 1543, on afficha dans toute la Frise occidentale un placard dans lequel on promettait le pardon de leurs crimes, la grâce de l’empereur et une récompense de cent florins à tous les malfaiteurs et meurtriers qui le livreraient mort ou vif.

Il ne se serait cependant pas soustrait par la fuite à un péril aussi imminent, si les protestants des Pays-Bas, au lieu de suivre en partie les principes des réformateurs étrangers, Luther, Mélanchton, Zwingle et Calvin, eussent généralement embrassé sa doctrine et sa discipline. Mais la non-réussite de ses desseins, jointe au relâchement de quelques luthériens de ce pays, le rendit peu à peu exclusif et intolérant.

L’esprit acerbe des anabaptistes, auxquels il se joignait d’ordinaire à cause de sa répugnance pour le baptême des petits enfants, l’anima de plus en plus et lui fit envisager tous les autres protestants comme souillés du levain du papisme.

Depuis 1555, il rompit toute communion avec eux, parcourut la Frise, la Gueldre, la Hollande, le Brabant, la Westphalie et les côtes de la mer Baltique jusqu’à la Livonie, et rassembla dans toutes ces contrées des disciples, qui formèrent une secte distincte des autres protestants.

Il s’établit enfin dans le Holstein, où il fut accueilli par le duc régnant alors, qui avait servi auparavant dans les troupes des Provinces-Unies et avait appris à connaître ses sectateurs d’une manière favorable; il obtint de ce prince la permission d’établir une imprimerie à Oldesloo, où il fixa son séjour, et demeura jusqu’à sa mort, arrivée en 1561; néanmoins il faisait de temps en temps des voyages pour visiter ses sectateurs et leur donner ses conseils et ses instructions.

On dit qu’à son lit de mort il reconnut et avoua s’être laissé trop entraîner par l'influence de quelques violents anabaptistes, et qu’il donna de ses lèvres mourantes cette dernière leçon aux assistants: «Ne devenez pas les esclaves des hommes comme je l'ai été.»

Archives du christianisme 1835 12 26


 

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