Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

BIOGRAPHIE RELIGIEUSE

Louise Scheppler.

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Ce n’est pas une biographie proprement dite que nous offrons aujourd’hui à nos lecteurs; nous nous sommes bornés à recueillir quelques documents relatifs à l’humble chrétienne que le Ban-de-la-Roche vient de perdre.

L’un est un écrit que Louise Scheppler avait laissé pour être lu en chaire le jour de son enterrement, selon un usage qui s’est établi dans quelques parties de l’Allemagne: ce sont de touchants adieux, pleins d’une ferme espérance, exprimée avec cette simplicité de langage qui caractérisait le maître, l’ami de Louise, le vénérable pasteur Oberlin.

La seconde pièce que nous publions est le discours prononcé, le 28 juillet, par M. Rauscher fils, pasteur à Saint-Dié, et petit-fils d’Oberlin, sur la tombe de Louise Scheppler. Heureux le ministre de l’Évangile qui accompagne à la fosse qui doit les renfermer jusqu’au jour de la résurrection les restes mortels d'une rachetée de Jésus-Christ! Combien le sentiment qui inonde son âme ne doit-il pas être différent de ce qu’était celui de Bossuet en prononçant la plupart de ses oraisons funèbres! Il vaut mieux avoir à s’incliner sur la tombe d’un pauvre fidèle, serviteur, il est vrai, mais aussi sacrificateur et roi, que sur celle des grands de la terre dont la gloire est destinée à périr avec eux; c’est dans cette pensée et pour donner, nous aussi, un témoignage d’affection à la mémoire de cette servante chrétienne, que nous insérons les pieuses paroles du pasteur qui a rappelé, après sa mort, quel a été le grand mobile de toute sa vie.


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Louise Scheppler a ouvert, le 10 juin 1779, sous la direction de son maître, la première salle d’asile en France. Elle s’est consacrée pendant plus d’un demi-siècle à inspirer l’amour du Sauveur aux petits enfants. Encore cinq jours avant sa mort, la veille de celui où se déclara sa courte maladie, elle avait rassemblé autour d’elle les enfants de Walderbach. Les conductrices des quatre autres villages ont suivi son convoi avec les plus âgés des élèves qui leur sont confiés. M. Rauscher père a aidé son fils, le pasteur de Saint-Dié, à rendre les derniers devoirs à Louise. Ils l’ont fait avec un touchant respect et une tendresse vraiment filiale.


ÉCRIT LAISSÉ PAR LOUISE SCHEPPLER.

Ce 14 mai 1837.

À lire en chaire le jour de mon enterrement.

Depuis quelque temps, j’ai comme un pressentiment que bientôt le Seigneur me rappellera de ce monde; c’est pourquoi j’ai résolu de tracer ici mes derniers souhaits.

Il y a bien des années déjà que j’ai choisi pour mon texte funèbre les paroles de notre cher Sauveur, en Saint-Luc, chap. XVII v. 10:

«Quand vous aurez fait tout ce qui vous est commandé, dites: nous sommes des serviteurs inutiles, parce que nous n’avons fait que ce que nous étions obligés de faire.»

Je prie notre cher Pasteur, de s’en tenir à cela et de ne pas dire un mot d’éloge sur mon cours de vie, car Saint-Paul dit dans son Épître aux Corinthiens, chap. I, v. 17: «Qu’as-tu que tu n’aies reçu; et si tu l’as reçu, pourquoi t’en glorifies-tu comme si tu ne l'avais pas reçu?»

C’est donc à Dieu, à son honneur et à sa gloire, que doit être rapporté tout ce que nous avons reçu de lui par grâce, oui, par grâce! car, que sommes-nous et que pouvons-nous sans le secours de son Esprit? Où prendre en nous des motifs d'éloges et de louanges, tandis que toute notre capacité tout ce que nous possédons, toute notre existence est un don de la grâce de Dieu, et il ne me reste que de m’écrier avec le péager: Seigneur, aie pitié de moi par ta miséricorde.

Je fais mes adieux à tous mes bienfaiteurs et bienfaitrices; que le Seigneur les bénisse et les récompense dans l’éternité, pour tout le bien qu’ils m’ont fait et les soins qu’ils ont eus pour moi.

Je fais mes adieux généralement à tous mes amis et amies, à tous mes voisins; je les remercie pour les attentions qu'ils ont toujours eues pour moi; à tous mes neveux et nièces, je les prie et sollicite de chercher la vie en Jésus-Christ; à tous mes filleuls et filleules, je fais mes adieux jusqu'au grand revoir, où je désire les retrouver dans une bienheureuse éternité.

Et à vous, chers enfants du Poêle à tricoter de Waldbach et de toute la paroisse, je fais mes adieux; je vous quitte, mais de corps seulement; car je continuerai à prier le cher Sauveur de vous bénir, et de vous attirer tous à lui. Pensez souvent à votre Louise qui vous a beaucoup aimés; je continuerai à prier le Seigneur de vouloir vous donner pour la personne qui me remplacera, le même amour, le même respect, et l’obéissance que vous avez eus pour moi. Oui, faites-le, chers enfants, et je m'en réjouirai dans l'éternité.

Adieu enfin, toute la paroisse; ah! que je voudrais pouvoir dire à notre cher pasteur et papa défunt, quand je le verrai, de bonnes nouvelles de la paroisse si chère à son cœur! Mais, hélas! Oh! Seigneur Jésus-Christ; toi qui es venu pour nous chercher et sauver ce qui était perdu, oh! veuille par ta grâce et ta charité infinie ramener toutes les brebis égarées de notre paroisse; veuille amollir les cœurs, enlever cette triste légèreté et insouciance pour ta Parole et les instructions; ramène, oh! ramène, Seigneur, à la vie, à la vie en toi, tous les morts et vivants de notre paroisse. Amen, Amen.

Et vous, mes chères amies les conductrices, en vous quittant jusqu’au grand revoir, je voudrais vous prier de ne pas perdre patience, mais de redoubler de courage, de fidélité, de zèle et d’ardeur pour enseigner à ces jeunes troupeaux le chemin de la sagesse et de la vertu, pour conduire cette jeunesse à notre bon Sauveur le grand ami des enfants; tâchez de leur donner du goût pour l’application et la fidélité; parlez-leur souvent de la présence de Dieu; inspirez-leur de l’amour pour le Seigneur, pour le prochain et les uns pour les autres; tâchez de leur inspirer surtout de l'horreur pour le mensonge, les jurements, la désobéissance et toute espèce de vice et de mal.

Oh! chers amis, tous ceux et celles qui sont appelés à l’instruction de la jeunesse, le Seigneur vous a imposé une noble mais pénible tâche. Puissiez-vous la remplir à son honneur et à sa gloire, jusqu'au temps de la moisson!


Discours prononce par M. Rauscher fils, pasteur à Saint-Dié,

sur la tombe de Louise Scheppler.


Mes frères, je me suis transporté volontiers au milieu de vous, pour remplir un dernier devoir de piété filiale envers notre bonne et chère Louise.

La voilà donc entrée dans le repos, après lequel son âme soupirait! elle voit maintenant Celui en qui elle a cru; elle contemple avec ravissement le Sauveur dont l'amour l’a rachetée!

Nous sommes ici, non pour la plaindre, mais pour nous réjouir de son triomphe, en même temps que pour regretter sa perte quant à nous-mêmes.

Elle est heureuse! nous pouvons prononcer ce mot avec une entière certitude. Il n’est personne d’entre nous qui ne s’écrie: Ah! puissé-je mourir de la mort de cette juste.

Mais prenons garde, mes frères, de ne point nous méprendre sur la cause de son salut, ni sur le véritable fondement de notre propre espérance.

Prenons garde de ne pas vouer à la créature un culte et des hommages qui n'appartiennent qu’au Créateur et au Sauveur miséricordieux de nos âmes!

Prenons garde de ne pas nous laisser éblouir par les œuvres, tellement que nous oubliions Celui qui peut seul donner le vouloir et l’exécution!

Notre chère défunte au moins ne serait pas cause d’une si déplorable erreur.

Vous tous qui l’avez connue, vous savez si jamais elle a souffert qu’on ravit au Seigneur la louange qui lui appartient.

Vous savez si jamais elle s’est glorifiée d’autre chose que de sa faiblesse, afin que toute gloire demeure à Celui qui seul est adorable et bon!

Vous savez si jamais elle a eu honte de confesser sa misère et ses infidélités, attribuant tout le bien qu’il lui avait été donné de faire à Christ seul et aux effets de sa miséricorde.

Que Christ donc soit glorifié sur cette tombe, comme il l’a été par la vie de notre bien-aimée sœur et mère !!! Elle était pécheresse comme nous, mes frères; comme nous, elle était privée de toute gloire devant Dieu; comme nous, elle était placée sous le joug de la condamnation et de la mort.

Mais elle avait appris la bonne nouvelle que Jésus-Christ est venu pour sauver les pécheurs!

Mais elle avait accepté cette nouvelle avec joie et confiance!

Mais elle s’était précipitée aux pieds de son Sauveur avec un profond sentiment de sa corruption, de sa pauvreté, de sa nudité spirituelle!

Voilà pourquoi miséricorde lui fut faite; voilà pourquoi le Seigneur, qui est doux et humble de cœur, lui cria: «Lève-toi, ma fille, tes péchés te sont pardonnés.» Voilà pourquoi il la revêtit de sa robe de justice, et la fit passer de la mort à la vie.

Ses œuvres, sa vie pure et sainte, son dévouement à toute épreuve, sa charité, son zèle n’ont été que le fruit, et non la cause de sa rédemption; une seconde grâce ajoutée à la première grâce, le sceau dont le Seigneur marque les siens, afin qu’on puisse les distinguer de ceux qui n’ont pas la foi et qui ne l'ont que dans la bouche et sur les lèvres.

Eh bien! mes frères, nous tous, pauvres et indignes pécheurs que nous sommes, nous serions capables de faire ce qu’a fait notre chère défunte, si nous avions la même foi, la même confiance au Sauveur, la même humilité.

Si notre piété est si loin d’égaler la sienne, si les mérites, que nous croyons avoir, sont si peu de chose en comparaison de ceux qu’elle a eus; ce n’est pas que nous ayons moins de forces naturelles, ce n’est pas non plus que les secours de Dieu nous manquent;

c’est que nous ne sommes pas assez pénétrés de notre misère;

c’est que nous ne sommes pas assez petits à nos yeux;

c’est que nous ne nous jetons pas avec assez d’abandon aux pieds de la croix.

Nous croyons, mais nous croyons de mémoire et de tête, plutôt que de cœur.

Nous cherchons le Seigneur, mais nous ne nous attachons pas à lui comme le naufragé se cramponne à sa dernière planche de salut;nous ne tenons pas sa main, comme celui qui se sent tomber dans le précipice.

Nous aimons Christ; mais, hélas! notre amour pour lui est si froid, si glacé, si réservé, et toujours si craintif d’en trop faire; tandis que pour tant d'autres choses nous sommes tout feu et tout ardeur!

Mes frères! que l’exemple de notre bonne Louise nous confonde et nous humilie! Elle n’est plus au milieu de nous, cette pieuse et fidèle servante de Dieu, dont la seule vue édifiait, et dont toutes les paroles étaient une prédication vivante du Sauveur.

Mais nous possédons mieux qu’elle.

Nous avons à notre portée la source où elle-même était allée puiser tout ce qu’il y avait de bon en elle — Le Seigneur n’a-t-il pas promis d’être avec les siens jusqu'à la fin du monde?

N'appelle-t-il pas à lui, tous ceux qui sont travaillés et chargés? Ne leur offre-t-il pas journellement la plénitude de ses grâces, de ses lumières, de sa puissance? Bon Sauveur, il n’attend pas que nous venions à lui. — Il heurte lui-même à notre porte, et nous conjure d’accepter la rançon qu’il a payée pour nous, les droits d’enfants qu’il nous a acquis!

Mépriserons-nous sa voix, mes frères?

Souffrirons-nous qu’il nous tende inutilement ses bras miséricordieux?

Foulerons-nous aux pieds les fruits de sa passion et de sa mort?

Nous qui, en retour de ce sang précieux par lequel il nous a rachetés, n'avons à lui offrir qu’un cœur souillé par le péché, hésiterons-nous à faire ce trop heureux échange, et ne nous empresserons-nous point de lui donner ce qu’il nous demande, afin de recevoir de lui un cœur nouveau, un cœur de chair purifié par son sang, sanctifié par son Esprit, transformé à sa ressemblance.

Nous qui avons vu, dans cette contrée bénie du ciel, tant de signes éclatants de la présence de Dieu, tant de miracles de sa grâce, tant de preuves de sa puissance efficace sur le cœur des pécheurs, aurions-nous été en vain témoins de grandes choses, et ne sentirons-nous pas au-dedans de nous la sainte ambition d’entrer, nous aussi, dans les rangs du peuple de Dieu, des justes et des élus qui ont lavé leurs robes dans le sang de l’Agneau?

Nous qui, aujourd’hui même, déplorons le grand vide que notre bonne Louise laisse au milieu de nous, ne prierons-nous pas le Seigneur de se susciter en nous de nouveaux instruments de sa miséricorde, et de faire descendre sur chacun de nous en abondante mesure l’Esprit qu’il avait répandu sur son humble servante?

Seigneur, ton Esprit! c’est là ce que nous te demandons. Du fond de notre misère spirituelle, de notre profonde corruption, de notre désespérante malignité, nous crions vers toi; aie pitié de nous, ô notre Dieu.

Ah! si tu le veux, nous serons nets, si tu le veux nos yeux verront, nos pieds seront affermis, notre bouche s'ouvrira pour te glorifier, nos œuvres te loueront. Rien ne t’est impossible, ô notre Dieu; souffle donc, souffle sur les ossements de mort; triomphe de la résistance de nos âmes, et qu’ici comme partout tout genou fléchisse devant le nom de ton Fils bien-aimé et qu’ici comme partout toute langue confesse que Jésus est le Seigneur à sa gloire et pour le salut de tous.

À lui qui nous a aimés le premier, à lui qui nous a rachetés, à lui qui nous a arrosés de son sang, soient louanges et bénédictions aux siècles des siècles! Amen.

Archives du christianisme 1837 08 26


(voir aussi le document intitulé: Louise Scheppler, pieuse et fidèle servante d'Oberlin) Ici

 
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