Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

Liberté des cultes.

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Voici l’arrêt rendu le 10 février par la cour royale de Metz dans le procès intenté à M. Oster. Il n’est guère d’accord avec celui du tribunal de première instance. (Archives, page 19.)

«Attendu, en fait, qu’il résulte d’un procès-verbal dressé par le commissaire de police Lionnard et de l’aveu du prévenu, que, dans le courant de décembre dernier, P.-J. Oster, se disant ministre de l’église chrétienne de la confession d’Augsbourg, a, sans la permission de l’autorité, et même malgré sa défense, accordé, pour l’exercice d’un culte, à une réunion de vingt-trois personnes l’usage d’une partie de l’appartement qu’il occupe dans la maison sise en cette ville, rue des Trinitaires, n° 6;

«Attendu que ce fait est prévu et réprimé par les dispositions précises de l’article 294 du Code pénal;

«Attendu que, pour se soustraire à l’application de ces dispositions, Oster prétend qu’elles ont du cesser d’exister depuis la publication de l’article 5 de la charte de 1830 , avec lequel elles sont inconciliables; qu’on doit donc les considérer comme abrogées, aux termes des articles 59 et 70 de la même charte;

Attendu qu’il est hors de contestation qu’aucune disposition expresse de loi n’a prononcé cette abrogation, qu’elle ne pourrait donc être que tacite, et résulter uniquement, ainsi que l’a soutenu Oster, de ce que les dispositions de l’article 294 seraient inconciliables avec les dispositions de l’article 5 de la charte;

«Attendu que le principe de la liberté des cultes est formellement proclamé par la charte, article 5, comme la liberté individuelle l’est par l’article 4, et la liberté de la presse par l’article 7;

«Attendu que la liberté de la presse et la liberté individuelle sont, sans contredit, aussi précieuses aux Français que la liberté des cultes, et que cependant il ne peut être contesté que l’une et l’autre ne soient soumises à de nombreuses précautions de surveillance et de police, précautions, on peut le dire, nécessaires pour en assurer l’usage;

«Attendu qu’évidemment il n’en peut être autrement pour la liberté des cultes; que jamais personne n’a pu prétendre raisonnablement que cette liberté fut tellement illimitée que l’exercice public d’un culte quelconque ne put être soumis à aucune mesure de surveillance ou de police; qu’en effet, de l’admission de la proposition contraire il résulterait des conséquences si incompatibles avec l’existence de toute société organisée, qu’il ne peut pas même y avoir lieu sur ce point à une discussion sérieuse;

«Attendu qu’il faut donc reconnaître qu’en admettant le principe de la liberté des cultes aussi illimité que possible, l’exercice de cette liberté n’en doit pas moins être soumis aux restrictions que la loi aura reconnues nécessaires pour la sécurité de la société, et que dès lors les dispositions légales qui contiendront ces restrictions, ne seront pas en contradiction avec le principe de l’article 5 de la charte;

«Attendu que la faculté de se livrer à l’exercice d’un culte quelconque, dans quelque lieu que ce soit, sans aucun égard à l’heure du jour ou de la nuit, et sans s’inquiéter davantage du nombre des personnes qui doivent se livrer ensemble à l’exercice de ce culte, ne pourrait être tolérée sans exposer évidemment la société aux plus grands troubles et aux plus grands désordres; que dès lors il est aussi évident que les mesures qui prescrivent des précautions à prendre pour le lieu, l’époque et le nombre des personnes qui doivent former ces réunions, loin d’être eu contradiction avec le principe de la liberté des cultes, ne sont que des mesures de police et de surveillance que le législateur ne pouvait se dispenser de prendre et de déterminer d’une manière précise;

«Attendu que l’article 294 du Code pénal ne contient que des mesures de police, de la nature de celles qui viennent d’être exprimées, et que dès lors il n’est pas possible de dire qu’elles soient contraires à l’article 5 de la charte et inconciliables avec son principe;

«Attendu que cela peut d’autant mieux être contesté, que cet article 294 du Code pénal a été maintenu lors de la révision du code, faite en exécution de la loi du 28 avril 1802, révision lois de laquelle les articles en opposition avec les dispositions de la charte ont été supprimés, sans qu’il fût besoin d'une disposition expresse de la loi; que cela a été fait ainsi pour les articles 37, 38 et 39, qui se trouvaient en opposition avec l'article 57 de la charte;

«Attendu que cette interprétation de l’article 294 a été sanctionnée par la jurisprudence, notamment sous l’empire de la charte de 1814, dont les dispositions étaient identiques, sous ce rapport, avec celles de la charte de 1830, par l’arrêt rendu par la cour de Metz, en audience solennelle, le 29 décembre 1826, et sous l’empire de la charte de 1830, par l'arrêt de la Cour de cassation, chambre criminelle, du 18 septembre 1830;


«Attendu que la loi du 11 avril 1834 sur les associations, qui avait pour but unique de donner plus de force au gouvernement et plus de moyens de répression contre les associations dangereuses, n’a pu avoir pour effet de paralyser entre les mains de l’autorité les moyens de police et d’ordre qui lui avaient été confiés par des lois antérieures;


«Par ces motifs:

«Vu et lu à l’audience, par M. le président, l’article 294 du Code pénal ainsi conçu:

«Tout individu qui, sans la permission de l’autorité municipale, aura accordé ou consenti l’usage de sa maison ou de son appartement, en tout ou en partie, pour la réunion des membres d’une association, même autorisée, ou pour l’exercice d’un culte, sera puni d’une amende de 16 fr. à 200 fr.»

«Vu également les articles 211 et 194 du code d’instruction criminelle, la cour, faisant droit à l’appel du procureur du roi de Metz, annule le jugement de première instance; en conséquence, condamne P.-J. Oster à 16 fr. d’amende et aux frais de première instance et d’appel, liquidés à 21 fr. 15 c., en ce non compris le coût du présent arrêt.»


Par cet arrêt la liberté des cultes est remise tout entière en question, et nous nous retrouverions, à cet égard, en 1836, au même point où nous étions en 1830; c’est-à-dire que cette liberté serait reconnue en principe et méconnue en fait.

Liberté, dit la cour royale de Metz, mais à condition que vous ne vous réunirez nulle part sans l’autorisation du maire, et cette autorisation, le maire peut la refuser.

Nous ne discuterons pas aujourd’hui cet étonnant et affligeant arrêt.

Nous ferons remarquer seulement que tous les besoins de surveillance et de police sont satisfaits par la déclaration préalable, faite à l’autorité, du lieu et des heures où le culte aura lieu, à huis ouverts; déclaration faite par M. Oster.

Reste à savoir ce que décidera la Cour de cassation; car M. Oster s’est pourvu devant cette cour.il ne s’agit pas ici seulement de l’affaire particulière de Metz, mais de la liberté des cultes dans la France entière.

Sur plusieurs autres points encore les autorités locales ont tenté d’y apporter des entraves, et plus d’une fois elles y ont réussi, car une lutte devant les tribunaux entraîne à des frais devant lesquels la partie lésée dans ses droits les plus sacrés est souvent arrêtée. Il en aurait été de même de M. Oster, si quelques amis de la liberté de culte ne s'étaient réunis pour lui garantir le remboursement des frais extraordinaires qu’entraîne un pourvoi en cassation. Ils ont compté à leur tour sur le zèle et le dévouement des nombreux amis de cette liberté en France.

Il importe de poursuivre un pareil procès à travers tous les degrés de juridiction, et de mettre en oeuvre tous les autres moyens d'arriver à une solution générale et définitive de cette importante question, qui semble dépendre aujourd’hui de l’arbitraire des autorités locales et de l'influence sous laquelle elles se trouvent placées; de telle sorte que ce qui est réputé légal à Paris ne l’est pas à Metz, et que, de département à département, même de commune à commune, la liberté des cultes est assujettie à des règles, dirons-nous, ou à des caprices différents.


N’a-t-on pas vu dernièrement à Lyon l’autorité permettre l'annonce sur tous les murs de la ville d’une indigne diatribe contre le protestantisme, tandis qu’elle a empêché l’annonce sur ces mêmes murs d’un sermon très pacifique, par la publication duquel M. Martin, pasteur-président du consistoire, a cru devoir répondre à cette attaque?

Le clergé catholique romain s’essaie à ressaisir son influence sur les autorités civiles; si nous ne défendons pas nos droits avec persévérance et au prix de tous les sacrifices, ils seront envahis.

C’est ici, comme l’affaire des tentures de M. Roman, de Lourmarin, l’affaire de chacun et de tous; et nous appelons tous ceux qui pensent que nos lois, d’accord avec les droits imprescriptibles de la conscience, assurent à chacun le libre exercice de son culte, à concourir, par quelques sacrifices pécuniaires, à la poursuite de cet important procès.

Les dons seront reçus, à Paris, par M. le pasteur F. Monod... ; par M. de Pressensé, ...; et au bureau des Archives, par M. Risler,....

Messieurs les pasteurs des départements sont priés de vouloir bien recueillir et transmettre les contributions qu’ils pourront procurer.

Les dons et les noms des donateurs, sauf ceux qui exprimeront le désir de garder l’anonyme, seront publiés dans les Archives.

Archives du christianisme 1836 02 27


 

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