Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

ÉTUDES CHRÉTIENNES

LETTRE DE LUTHER À MELANCHTHON


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Que les chrétiens qui seraient disposés à se laisser abattre par les efforts des ennemis de la religion lisent la lettre suivante, adressée par Luther à Mélanchthon. Elle nous offre un bel exemple de la puissance de la foi chrétienne pour élever l'âme au-dessus de la crainte et pour la remplir du plus noble courage au milieu des plus grands dangers.

«Que la grâce et la paix te soient données en Jésus! Mon cher Philippe, je ne sais réellement pas que t’écrire, tellement tes vaincs et criminelles inquiétudes paralysent mes efforts, et me donnent la conviction que je parle à un sourd.

Cela vient de ce que tu n’as de confiance qu’en toi-mème, et que tu n’en as aucune, ni en moi, ni en d'autres. Je dirai la vérité. Je me suis trouvé dans de plus grandes difficultés que tu n’en rencontreras jamais.

Je ne souhaite à personne, pas même à nos ennemis, qui, dans ce moment, se déchaînent contre nous, d’être exposés aux périls dans lesquels je me suis trouvé; et cependant, au milieu de ces angoisses, mon cœur a toujours été soulagé par les paroles de mes frères, celles de Poméranus, de Jonas, les tiennes, ou celles de quelque autre; pourquoi, à ton tour, ne nous écoutes-tu pas?


Nous ne parlons pas le langage de la chair ou celui du monde, mais nous parlons selon Dieu, et j’en ai la confiance, sous la direction de son Saint-Esprit. Quoique par nous-mêmes nous soyons indignes, je le supplie de ne pas mépriser Celui qui parle par notre bouche.

S'il est faux que Dieu ait donné son Fils pour nous, alors que Satan, ou qui voudra, prenne ma place; mais si cela est vrai, que signifient nos inquiétudes, notre anxiété, nos tristesses, nos craintes?


Comme si Celui qui a livré son Fils pour nous sauver pouvait nous abandonner dans des choses d’une bien moindre importance! ou comme si Satan était plus fort que lui!


Dans les luttes personnelles (si mes luttes avec Satan peuvent s’appeler personnelles), je suis faible et tu es fort. Dans les luttes publiques, c'est précisément le contraire. Tu es prêt à donner ta vie; mais tu trembles pour notre cause! Au contraire, pour ce qui concerne la cause que nous défendons, j’ai confiance et je suis à mon aise, étant assuré qu'elle est juste, que c’est la cause de la vérité, la cause de Dieu et de son Christ, qui n’a pas, comme moi, pauvre et imparfait chrétien, à redouter les peines dues au péché.

C'est pourquoi je suis comme le spectateur d’une victoire certaine, et je n’ai pas la plus petite crainte de ces papistes si fiers et si menaçants.


Si nous tombons, Christ, le Souverain de l’univers, tombera avec nous; et s’il tombe, je préfère tomber avec Christ que de rester debout avec César.


Tu n’es pas seul à Augsbourg à soutenir cette cause. Je suis fidèlement avec toi par mes prières et mes supplications. Je voudrais être personnellement auprès de toi; car certainement cette cause m'appartient autant et même plus qu'à aucun de vous.

Je ne l’ai pas embrassée avec précipitation, et je n’y ai cherché ni ma gloire, ni mon intérêt, comme l’Esprit lui-même m'en rend témoignage, et comme les faits l'ont prouvé et le prouveront encore. C’est pourquoi je te supplie au nom de Christ, ne négliges pas ainsi ces promesses et ces consolations divines:


«Rejette ta charge sur l’Éternel.»

«Attends l'Éternel; sois ferme, et il fortifiera ton cœur.»


Les Psaumes et les Évangiles sont pleins de pareils passages: 


«Ayez bon courage; j'ai vaincu le monde


Christ a vaincu le monde! Quoi donc! craindrons-nous un ennemi vaincu, comme s’il était vainqueur? Une pareille déclaration vaudrait le voyage de Rome ou de Jérusalem pour l’aller chercher, nous fallût-il ramper tout le long sur nos mains et nos genoux. Mais l’abondance et l'habitude nous empêchent de sentir la valeur des biens les plus précieux.

Notre foi est faible? Eh bien! disons avec les apôtres: «Seigneur, augmente-nous la foi!» Mais c’est en vain que je t’écris, car, égaré par ta philosophie, tu veux tout régler par la raison seule.

La raison te conduit à la folie, et tu t’imposes Les plus insupportables tourments, ne considérant pas que cette œuvre est hors de la portée de ton bras et de la sagesse, et qu’elle avancera indépendamment de tes soucis. Et à Christ ne plaise qu’elle tombe jamais entre tes mains! nous arriverions à une prompte issue, mais elle serait glorieuse, assurément! Ne te mêles pas de choses trop élevées pour toi... Que le Seigneur Jésus te garde, afin que ta foi ne défaille pas, mais qu’elle croisse et remporte la victoire! Amen.

J’ai prié, je prie et je prierai pour toi, et je ne doute pas que je sois entendu, car je sens cet amen dans mon cœur. Si ce que nous souhaitons n’arrive pas, c’est qu’il arrivera mieux que ce que nous souhaitons; car le royaume que nous cherchons, nous le trouverons quand toutes les choses de ce monde auront passé....

«Je hais ces inquiétudes qui te consument: C’est, non pas la grandeur de notre cause, mais la grandeur de notre incrédulité qui les produit.

La cause était plus difficile du temps de Huss et de bien d’autres. Et quelque grande qu’elle soit, Celui qu’elle concerne et qui la dirige est grand; car ce n’est pas notre cause. Si nous avons tort, rétractons-nous; mais si nous avons raison, pourquoi ferions-nous menteur Celui qui, dans sa Parole, nous ordonne d’être calmes cl joyeux?

C’est votre philosophie, et non votre théologie, qui vous trouble, toi et ton ami Joachim (Camérarius), qui paraît malade de la même maladie que toi.

Que nous peut Satan de pire que de nous tuer?

Quant à la cause elle-même (je laisse à Christ de juger si c’est par insensibilité ou par courage), je n’en suis pas inquiet, et même j’ai plus d’espoir que je n’avais cru pouvoir en entretenir.

Si nous ne sommes pas dignes de la soutenir, d’autres le seront. Si le danger augmente, je pourrai difficilement être empêché de voler auprès de loi pour être témoin de la terrible rage de Satan.»


Archives du christianisme 1835 03 14



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