Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

BIOGRAPHIE RELIGIEUSE.

Legh Richmond.

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(1772-1827)


Nous avons lu avec beaucoup d’intérêt la notice qui vient de paraître sous ce titre: «Vie du révérend Legh Richmond, pasteur de Turvey , comté de Bedford, etc., par le révérend T.-S. Grimshaw; traduite de l’anglais sur la cinquième édition,» et nous nous empressons d’en mettre quelques fragments sous les yeux de nos lecteurs.

Legh Richmond naquit à Liverpool le 29 janvier 1772. Son père et sa mère appartenaient l’un et l’autre à des familles respectables. Son père, le docteur Henry Richmond, était un habile médecin; sa mère, douée d’un jugement sain et d’un esprit élevé, avait reçu une éducation distinguée. Sincèrement convaincue des vérités de la religion chrétienne, elle mit tous ses soins à instruire son fils, dès sa plus tendre enfance, dans la connaissance des Saintes-Écritures, et ses soins furent payés de retour par le zèle avec lequel son fils chercha à lui rendre ce qu’il avait reçu d'elle, lorsqu'il eut acquis lui-même une connaissance plus étendue et plus claire des choses divines. Tout porte à croire que les semences de piété, répandues alors dans son jeune cœur étaient, dans l’intention de Dieu, destinées à croître et à produire une riche moisson.


En 1789, le jeune Richmond fut envoyé au collège de la Trinité à Cambridge; mais c’est seulement en 1796 qu’il commença à s’occuper sérieusement du choix d'une carrière. Le docteur Richmond, son père, aurait souhaité qu’il se destinât au barreau; mais les vues du jeune homme avaient déjà pris une autre direction.

«En examinant avec attention les mérites respectifs des diverses professions, écrivait-il à son père, je vois qu’il faut beaucoup réfléchir avant de se décider. Depuis cinq mois je m’en occupe sérieusement. J’ai particulièrement dirigé mon attention sur l’Église et sur le barreau.

J’ai consulté tour à tour, et sous divers points de vue, ma propre inclination, mes moyens, mes défauts, mes qualités et mes imperfections, pour savoir à laquelle de ces deux professions je devais me vouer, en vue de mon propre bien et de celui qui pourrait en résulter pour les autres. Voici les considérations qui m’ont décidé en faveur de l’Église. Nul doute que ce ne soit de toutes les vocations la plus sainte, la plus respectable et la plus utile à laquelle puisse se vouer un homme bien élevé et qui a des principes moraux. Le bien qu’un pasteur peut faire à ses frères est plus grand que celui de toutes les autres professions réunies.»

Legh Richmond fut ordonné diacre en juin 1797, et prit les degrés de ministre de l’Église anglicane au commencement du mois suivant. Le 22 juillet suivant, il épousa Marie, fille de J.-W. Chambers , esq. de la ville de Bath. Immédiatement après il partit pour l'île de Wight, où il devait desservir les deux paroisses contiguës de Brading et de Yaverland.

Il fut ordonné pasteur en février 1798.Il entra dans les saints ordres avec le désir de remplir en conscience les devoirs qui lui étaient imposés. Dès son début, il se présenta avec tant de convenance, qu’il obtint en fort peu de temps la réputation d’un pasteur aussi respectable qu’utile. Cependant, il se préparait en lui une révolution importante qui devait produire un changement complet dans ses sentiments et dans le mode de sa prédication. Il n’avait pas à se convertir de l’immoralité à la morale, car il était strictement moral dans le sens ordinaire de ce mot; mais il passa d’une sorte d’orthodoxie nominale à une orthodoxie vraie d’esprit, de sentiment, et par conséquent d’influence. Ceci mérite que nous nous y arrêtions avec quelques détails.

Il y avait peu de temps qu’il résidait à Brading, lorsqu’un de ses amis de collège, à la veille de prendre les ordres, lui envoya un livre qu’on venait de lui adresser; c’était le Christianisme des gens du monde de M. Wilberforce. Le jeune homme, peu pénétré de la gravité de la charge qu’il postulait, priait M. Richmond de parcourir ce livre, et de lui dire ce qu’il devait y répondre.

Cédant au désir de son ami, il en commença la lecture, et la poursuivit avec un intérêt si vif qu’il ne posa le livre qu’après l’avoir achevé. Il passa toute la nuit à réfléchir aux importantes vérités renfermées dans cet excellent écrit. Son âme en fut profondément pénétrée, et reçut une impulsion assez puissante pour briser les entraves qui l’avaient retenue jusque-là. Les vérités divines lui apparurent sous un nouveau jour.

Dès lors, les croyances spéculatives furent impuissantes à le satisfaire. Il dut s’avouer à lui-même qu’il était coupable, pécheur, condamné, et cette conviction lui fit chercher son pardon dans la croix du Sauveur.

Quelque irréprochable que fût sa conduite morale, il sentit que son cœur n’était pas tout entier à Dieu. Il reconnut que grande était la différence entre une simple manifestation extérieure de croyance à l’Évangile, et cet empire permanent que la vérité divine doit exercer sur le cœur de l’homme. Ce ne furent pas chez lui de vagues et stériles impressions; car dès lors il consacra son temps, ses talents et ses affections au service de Dieu son Sauveur, et au bien spirituel du troupeau confié à ses soins.

Tandis que son esprit était ainsi travaillé au-dedans, il s’occupait sans relâche à chercher la vérité dans la Bible; il en faisait l’objet particulier de ses études, puis il priait et méditait sur ses lectures; car il voulait puiser à la source même de la vérité. Il étudia ensuite avec soin les écrits des réformateurs, dont la lecture servit à lui confirmer la justesse de ses nouvelles convictions.

«Jeune ministre que j’étais, écrivait-il plus tard à l’un de ses amis, nouvellement ordonné, chargé depuis peu de temps de desservir deux paroisses dans l'île de Wight, j'avais commencé mes travaux dans un esprit trop mondain. Je basais mes instructions publiques sur les notions erronées que j’avais puisées auprès de mes camarades, dans nos cours académiques et littéraires.

L’étude approfondie du bel ouvrage de Wilberforce me convainquit de mon erreur, et m’engagea à lire les Écritures avec une ardeur à laquelle j’étais demeuré étranger jusqu’à ce jour. L’humilité entra dans mon cœur, et m’amena à chercher l'amour et la bénédiction de ce Sauveur qui seul donne cette paix que le monde ne saurait procurer. Je fus conduit aussi à examiner les écrits des réformateurs français et étrangers, et je fus frappé du parfait accord de leurs doctrines avec celles de l’Évangile. Je sais trop bien ce qui s’est passé dans mon cœur depuis beaucoup d’années, pour ne pas reconnaître que je dois à cet incident cette foi entière aux vérités du Christianisme, sur laquelle je fonde toute mon espérance pour le temps et pour l’éternité.»

Le changement remarquable qui s’était opéré chez M. Richmond exerça une grande influence sur les qualités de son esprit et de son cœur, sur sa conduite pastorale, sur sa correspondance, et sur les mouvements les plus secrets de son âme.

Tout ce qu’il y avait en lui de bon fut consacré à la cause de la religion; toute son énergie fut employée à glorifier Dieu et à former des projets bons et utiles, qu’il réalisait après les avoir longtemps médités dans un esprit de piété.


En 1801, il forma à Brading une société qui se réunissait une fois par semaine; il y expliquait les Saintes-Écritures, la liturgie de l'Église d'Angleterre, ou tels autres livres de choix qui pouvaient instruire ou édifier. La forme de ces réunions était très familière: il y répondait à toutes les questions qui lui étaient adressées sur la Bible et sur la religion en général, puis il terminait en invoquant la bénédiction du Très-Haut sur ceux qui étaient présents, sur leurs familles, sur la patrie commune et sur toute l’Église de Dieu.

«Je ferai tout ce qui dépendra de moi, dit-il à cette occasion, pour vous aider et vous conduire dans le chemin de la sainteté. — Vous soulager dans vos affections, éclairer vos doutes, censurer vos fautes, encourager vos bonnes résolutions, sera, avec l’aide de Dieu, ma pensée habituelle. En un mot, votre pasteur essaiera de vous diriger, pendant votre pèlerinage terrestre, en vue du bonheur et des joies du ciel.

Tout ce que je désire maintenant, et ce que je vous supplie de faire, c’est de ne point vous relâcher dans la sainte recherche à laquelle vous êtes livrés. Combattez de cœur et d'âme pour suivre cette bonne route.

Souvenez-vous du triste sort qui attend ceux qui, ayant une fois mis la main à la charrue, se retournent pour regarder en arrière. La Parole de Dieu déclare qu’ils ne sont pas dignes du royaume des cieux. Soyez donc fermes dans la foi; et puisse la grâce vous maintenir dans vos bonnes résolutions, et vous amener à l’entière connaissance de l'excellence de Jésus-Christ! Puisse-t-il vous accorder dès ce moment la première de toutes les bénédictions, le pardon de vos péchés, et dans le ciel la vie éternelle!»

C’est dans l'île de Wight que se sont passées les scènes rapportées dans plusieurs traités religieux de M. Richmond, dont la popularité est si grande aujourd’hui dans le monde chrétien.

La Fille du laitier vivait à Arreton , village situé à deux lieues de Brading. M. Richmond la visitait souvent, surtout pendant sa dernière maladie. Il est impossible de lire cette touchante histoire sans une vive émotion. Jamais piété ne fut plus simple; jamais affliction ne servit autant à produire une vraie sanctification.

Le Domestique nègre, dont il a raconté la conversion dans un autre de ses traités, appartenait à un officier qui vivait dans son voisinage, et la Jeune villageoise était une des enfants qui assistaient à son école du dimanche, et les prémices de son ministère dans la paroisse de Brading. Le charme du style, les belles descriptions de la nature, se trouvent réunis sous cette plume habile à la fidèle narration des faits, et concourent ensemble à l’avancement de la vérité évangélique.

Ses sentiments et ses espérances nous semblent exprimés avec beaucoup de vie dans la lettre suivante adressée à un ami:

«J’ai lu beaucoup d’ouvrages de théologie depuis notre séparation. Plus je m’occupe des écrits et des sentiments des auteurs vraiment pieux et exempts de préjugés, plus je suis convaincu de l’importance du christianisme. Il y a dans cette religion vivante de Jésus une science qu’il faut acquérir à tout prix. Il est infiniment intéressant de rechercher avec quelle simplicité les anciens écrivains soutenaient ces mêmes doctrines, qu’on repousse aujourd’hui comme méthodistes, puritaines ou fanatiques. Le sens littéral des articles de foi de notre Église est le fondement de tous leurs discours, de toutes leurs explications scripturaires. La foi pratique à la Sainte-Trinité est le commencement et le but de tout ce qu’ils pensent, disent et écrivent.

On dira peut-être que les théologiens modernes admettent aussi la vérité de ces choses, c’est possible: mais ils n’en renversent pas moins presque toutes les doctrines, puisqu’ils n’en font pas la base de leurs sermons. Cependant, il faut le dire, et c’est un fait réjouissant, depuis quelque temps beaucoup de pasteurs ont adopté un mode de prédication entièrement différent.»

En 1805. Legh Richmond quitta la paroisse de Brading pour remplir les fonctions de chapelain à l’hôpital du Lock, à Londres. Il ne resta pas longtemps dans cette place; car, vers le milieu de la même année 1805, il accepta le poste de pasteur à Turvey, dans le comté de Bedford. Ce village avait été fort négligé avant l’arrivée de M. Richmond. Les services de l’église s’y faisaient avec beaucoup d’irrégularité; le dimanche, il n’y en avait qu’un seul pour une population d’au moins huit cents habitants; le culte religieux n’y était point respecté; le peuple était plongé dans une grossière ignorance, et sa moralité se ressentait de cette absence d’instruction.

M. Richmond y arriva précédé d’une telle réputation de piété et de talents que tout le voisinage en fut ému. Le texte de son premier sermon fut tiré de la première épître aux Corinthiens, chap. II, v. 2. «Je n’ai pas jugé que je dusse savoir autre chose parmi vous que Jésus-Christ, et Jésus-Christ crucifié.» Jusqu’à la fin de sa vie, à chaque anniversaire de son installation, il prêcha sur ces mêmes paroles.

M. Richmond s’occupa immédiatement d’établir de nouveaux services religieux. Il s’astreignit à en faire régulièrement deux chaque dimanche, et, dans la soirée du même jour, il en faisait encore un troisième, plus spécialement destiné à la jeunesse.

Ses travaux de la semaine commencèrent par ce qu’il appelait ses soirées de chaumière; elles avaient lieu tous les mardis au soir, dans les maisons des pauvres. Son but était de donner à ceux-ci des instructions plus familières et plus directes qu’on ne peut le faire en public.

Le vendredi au soir, après la lecture des prières dans l’église, il improvisait un discours, et tous les mois il réunissait les communiants, le samedi avant la sainte cène. Chaque semaine il faisait aussi un service dans la maison de travail. Toutefois, il ne se bornait pas à ces divers moyens d’avancer l’instruction publique; à l'exemple de son divin Maître, «il allait de lieu en lieu en faisant du bien.» Il visitait souvent la demeure du pauvre, où il répandait la précieuse semence de la Parole, sondant l’état spirituel des âmes, et mettant à profit les réponses qui lui étaient faites, pour le service du dimanche suivant. Ces visites pastorales contribuaient à attacher toujours plus le troupeau à son pasteur.

L’église se remplit toujours davantage; le dimanche devint un jour de sanctification; l’on s’en occupait à l’avance avec joie. C’est que l'Évangile était annoncé avec onction, avec fidélité, et écouté avec une attention solennelle. Un grand nombre de ceux qui entendaient habituellement les prédications de M. Richmond passèrent de leur insensibilité spirituelle à un réveil complet, à la voix de ce pasteur bien-aimé qui leur signalait le véritable état de leur cœur. Des conversions sincères eurent lieu, et ceux-là mêmes qui ne reçurent pas d’impressions profondes apprirent du moins à envisager le christianisme avec respect et à se comporter décemment.

La prédication de M. Richmond, essentiellement scripturaire, témoignait toujours de la liaison intime qui existe entre la loi mosaïque et les vérités de la nouvelle alliance. Profondément convaincu par lui-même que, sans la sanctification nul ne peut voir le Seigneur, il insistait avec force sur cette doctrine auprès de ses auditeurs. M. Richmond était un véritable orateur; mais il avait cette éloquence simple et naturelle qui évite tout ce qui paraît affecté, tout ce qui vise trop à l’effet: ses expressions étaient celles d’une âme douée d’une grande sensibilité et profondément pénétrée de l’importance de son sujet; aussi n’est-il pas difficile de s’expliquer la rapidité avec laquelle sa propre émotion se communiquait à tout son auditoire.

Nul ne comprit mieux que lui ce que doit être cette partie du discours qu’on appelle L’APPLICATION. C’est là que son éloquence était surtout pressante et persuasive; c’est là qu’il atteignait le cœur et la conscience de ceux qui avaient alors le bonheur de l’entendre, «il reprenait, censurait, exhortait, avec toute douceur d’esprit et avec doctrine.» Les traits les plus touchants de la miséricorde, de la puissance et de la grâce de Dieu, se reproduisaient dans ses exhortations sous mille formes diverses, et avec une force, une onction et un entraînement admirables. Est-il besoin d'ajouter que Jésus-Christ était l’âme de tous ses discours?

À propos du choix des expressions à employer dans un discours, il aimait à citer l’avis que son instituteur lui avait donné au collège.

«Ne vous servez pas, lui disait-il, de termes scientifiques; le peuple n’a pas des idées abstraites; il ne peut saisir des allusions ou des comparaisons tirées d’habitudes qu’il ne connaît pas, ni le sens des mots d’origine grecque ou latine, qui ne sont pas à son usage. Présentez la même idée sous des formes variées; sur toutes choses, ayez vous-même une idée claire du sujet que vous avez à traiter; c’est le plus sur moyen d’être bien compris.»

Convaincu de la vérité de ces observations, M. Richmond s’exprimait de manière à être entendu de la partie la plus ignorante et la plus pauvre de son troupeau, et nous savons qu’en général cette classe de fidèles n’est pas la moins nombreuse; «car Dieu a choisi les pauvres de ce monde qui sont riches en la foi,» afin d'émouvoir à jalousie et d’humilier ceux qui, enflés de leur vaine science, sont enclins à les mépriser.

M. Richmond avait adopté la méthode d’improviser ses sermons, sans s’inquiéter à l’avance des mots à employer, mais après s’être recueilli par la prière, et avoir coordonné ses matériaux. Il ne fut cependant pas heureux dans son premier essai d’improvisation, qui eut lieu dans l’île de Wight: il échoua complètement; et il en fut si honteux qu’il déclara ne pas vouloir essayer une seconde fois ce genre de prédication. Néanmoins, il le reprit ensuite, vaincu par les sollicitations de ses amis, et il y réussit de telle sorte qu’il n’éprouva plus dès lors aucune difficulté.

(La fin à un prochain numéro.)

Archives du christianisme 1838 01 27


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