Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

BIOGRAPHIE RELIGIEUSE

JOHN BUNYAN

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Auteur du Pèlerinage du Chrétien.


On a lu, dans deux des derniers numéros de cette feuille, une notice historique sur John Newton. Nous ferons aujourd’hui connaître à nos lecteurs un autre écrivain plus célèbre et plus remarquable encore, John Bunyan.

Sa biographie a déjà été publiée, dans notre langue, sous forme de traité religieux; mais cette brochure est trop peu répandue, et l’on nous saura gré d’offrir ici le résumé d’une vie consacrée tout entière à l’œuvre du Seigneur. Nous nous servons pour ce travail d'une notice écrite en anglais, parce que nous n’avons pas le traité français entre les mains.

John Bunyan naquit en Angleterre, à Elstow, près de Bedford, en 1628. Il reçut une bonne éducation, bien qu'il fut né de parents pauvres; mais il s'adonna, dès l'enfance, aux habitudes les plus vicieuses, et laissa en arrière tous ses misérables compagnons de péché par l’impudente audace de ses blasphèmes et de ses imprécations.

Cependant, il se sentait souvent repris dans sa conscience; la crainte de la mort troublait ses heures les plus joyeuses, et les rêves mêmes de ses nuits contribuaient à le plonger dans la terreur. Dieu lui accorda, pendant ces alternatives de crainte et d’endurcissement, les délivrances les plus signalées; une fois entre autres, à l’âge de dix-sept ans, le jeune Bunyan montait la garde comme soldat; et l’un de ses camarades lui ayant demandé de prendre sa place, il n’eut pas plus tôt consenti à sa demande qu’une balle traversa la tête de son malheureux compagnon.

Mais ni les jugements ni les grâces du Seigneur ne produisirent une impression durable sur ce cœur endurci. Il haïssait tout ce qui était sérieux; il ne pouvait souffrir l'apparence même de la religion.

Son mariage avec une personne dont les parents étaient pieux, sembla pourtant exercer sur lui une salutaire influence, il lut quelques bons livres. Un sermon qu’il entendit touchant la profanation du dimanche lui fit prendre de sages résolutions, mais il ne les observa point.

Comme il jouait pendant une après-midi du dimanche, celte pensée lui vint tout à coup:

Veux-tu abandonner tes péchés et aller au ciel, ou persévérer dans tes péchés et aller en enfer?

Il en fut frappé, et jugea qu’il était maintenant trop tard, pour un aussi grand pécheur que lui, de chercher le royaume des cieux. Le désespoir s’empara de lui, et il conclut de ses raisonnements qu’il ne pouvait que périr, soit qu’il délaissât son mauvais train, soit qu’il y persistât, et qu’il n’avait par conséquent rien de mieux à faire que de se rassasier des plaisirs du monde. Combien de milliers d’âmes qui se perdent par cette fatale suggestion de Satan , qu’il n’y a plus d’espérance!

Un mois plus tard, Dieu jugea bon de reprendre Bunyan par le moyen d'une femme qui, bien qu’elle fut elle-même de mauvaise conduite, se trouva si scandalisée de ses imprécations qu’elle lui dit:

«Vous êtes dans vos jurements le plus affreux de tous les impies que j’aie jamais entendus, et il ne faudrait que vous pour corrompre toute la jeunesse de toute la ville, si elle fréquentait votre société.»

Ce reproche, de la part d’une telle personne, couvrit Bunyan de confusion, et depuis lors, en général, il s’abstint de blasphémer.

Peu de temps après, ayant fait la connaissance d'un homme pauvre, mais sérieux, il fut tellement touché de ses discours qu’il se mit à lire la Bible et changea de conduite.

Cette réforme lui attira beaucoup d’éloges, ce qui devint une nouvelle et dangereuse tentation pour lui. L’orgueil s’empara de son cœur et il s’imagina que personne, dans toute l'Angleterre, n’était plus que lui agréable à Dieu, et cependant il n’avait fait que retrancher quelques branches de son iniquité; la racine en était toujours au fond de son cœur, et ne connaissant point Christ, il cherchait à établir sa propre justice.


Mais la Providence le conduisit, à quelque temps de là, dans la ville de Bedford, où il entendit deux femmes assises à leur porte, et conversant sur des choses qui lui parurent bien étranges.

Elles parlaient de la nouvelle naissance et de l’œuvre de Dieu dans les âmes; elles racontaient comment elles avaient été convaincues de péché, comment Dieu les avait appelées, élues dans son amour, et par quel les promesses elles avaient été réjouies, fortifiées, consolées dans les jours de malheur.

Elles s’entretenaient aussi de la misère de leurs cœurs, de leurs fréquents retours vers l’incrédulité, du devoir de renoncer à ses œuvres et à sa propre justice, comme étant insuffisants pour nous justifier devant Dieu.

Tout cela était dit d’une manière si sérieuse, avec des expressions si élevées, avec un tel air de paix et de contentement, que Bunyan se crut transporté dans un autre monde.

Il médita beaucoup sur cette conversation;

il reconnut que jusqu’alors il avait ignoré tout ce qui est essentiel dans l’Évangile,


la plaie de son cœur,

la misère de sa nature,

les ruses de Satan,

les promesses de Dieu,

la nécessité de la conversion.


Il rechercha la société de ces femmes, et s’instruisit dans les choses spirituelles; il ouvrit les yeux pour lire la Bible, et y trouva partout le Sauveur. Plusieurs tentations l'assaillirent encore.

Suis-je élu? se demanda-t-il;

Oh! si le jour de grâce était passé pour moi!

L'Écriture dissipa ces amertumes de son âme par les plus consolantes promesses, et l’Esprit vint le remplir de paix et de joie en Christ.


À l’âge de vingt-sept ans, John Bunyan se joignit à une congrégation chrétienne de Bedford. Ses talents naturels, les grâces éminentes qu’il avait reçues, les nombreuses expériences qu’il avait faites, le signalèrent bientôt comme un excellent sujet pour le ministère évangélique.

Une multitude de personnes accouraient l’entendre, et il ne tarda pas à remarquer que ses travaux étaient bénis.

Sa modestie était si grande qu'il ne put croire d’abord que Dieu daignât parler par sa bouche à la conscience des pécheurs. Mais le sceau de l’Esprit reposa sur son ministère, et il amena beaucoup d’âmes au Rédempteur.

«Dans ma prédication, dit Bunyan, le Seigneur m’a fait commencer là où commence sa Parole, par la condamnation du péché; je dénonçais la malédiction de Dieu sur toute chair, parce que toute chair a commis le mal. Cette partie de mon œuvre, je la remplissais avec les terreurs de la loi et le fardeau de mes transgressions pesant sur ma propre conscience. Je venais, comme enchaîné moi-même, prêcher à ceux qui étaient enchaînés, et je portais dans mon propre cœur les traits du remords.

Cependant, chaque fois que je montais en chaire, je pouvais parler avec liberté jusqu’à ce que j’eusse achevé mon œuvre, mais le poids du péché m'écrasait ensuite comme auparavant....

C’est ainsi que je passai deux années, après lesquelles la paix et la consolation rentrèrent dans mon âme. J’annonçais Christ, dans sa personne, ses charges, ses bienfaits, ses rapports avec nous, et je m’efforçais de montrer combien sont faux les appuis auxquels se confie le monde.

Pendant ma prédication, mon cœur était en prière fervente auprès de Dieu, afin qu’il daignât bénir sa Parole pour le salut des âmes, et le service achevé, je priais encore, disant: Oh! que ceux qui viennent de m’entendre reconnaissent, comme moi, ce que c’est que le péché, et la mort, et l’enfer, et la malédiction de Dieu! ce que c’est que la grâce, et l’amour, et la miséricorde de Dieu en Christ! ....

Souvent j’ai répété à mes auditeurs que s’il me fallait périr immédiatement en leur présence par un supplice cruel, pour les réveiller et les confirmer dans la vérité, j’y consentirais avec joie....


Je ne m’occupais pas des points secondaires qui étaient débattus entre les fidèles; mais j’enseignais avec force la parole de la foi, et la rémission des péchés par les souffrances et la mort de Christ...

Si quelqu’un de ceux qui avaient été réveillés par mon ministère retombait, j’en éprouvais plus de peine que si mon propre enfant fut descendu au sépulcre. Mon cœur était si frappé de l'excellence de l’œuvre évangélique que j'estimais à un plus grand honneur de m’en voir chargé que si mon Dieu m’eût fait roi du monde entier et seigneur de toutes les gloires de la terre. Ces mots:

«Celui qui aura ramené un pécheur de son égarement, sauvera une âme de la mort et couvrira une multitude de péchés» (Jacq. V, 20);

«ceux qui en auront amené plusieurs à la justice luiront comme des étoiles, à toujours et à perpétuité» (Daniel XII, 5);

ces passages et beaucoup d’autres semblables furent pour moi des sources abondantes de rafraîchissement.»


Son zèle et sa fidélité lui suscitèrent un grand nombre d’ennemis, et comme il vivait dans un temps de persécution religieuse, on le jeta dans une prison où il demeura douze ans. Il supporta ce malheur avec patience, et le Seigneur fut bon envers lui.

«Je n’ai jamais eu, disait-il dans sa prison, une vue plus claire de la Parole de Dieu que maintenant. Là où je ne voyais rien auparavant, je trouve des choses resplendissantes de lumière. J’ai fait de douces découvertes sur le pardon de mes péchés, et sur mon assurance d'être avec Jésus dans un autre monde....»

Les souvenirs de sa famille affligée venaient seuls l’attrister dans sa prison, particulièrement la pensée de l’un de ses quatre enfants, lequel était aveugle. Mais il fut soutenu par les déclarations miséricordieuses de la Parole sainte.

Il ne resta pas oisif pendant cette longue détention, mais il étudia diligemment la Bible qui, avec le livre des martyrs, composait toute sa bibliothèque.

Il travaillait aussi de ses mains pour subvenir aux besoins de sa famille, et ne négligeait pas d’annoncer avec force le salut de Dieu à tous ceux qui venaient le voir.


C’est en prison que Bunyan composa plusieurs excellents écrits, entre autres le Pèlerinage du Chrétien, livre qui a produit peut-être plus de bien que nul autre ouvrage sorti de la main de l’homme, et qui, après la Bible, a peut-être le plus contribué à faire connaître et sentir la spiritualité du Christianisme.

Évidemment l’auteur a été puissamment secondé par l’assistance de Dieu. On trouve dans cet écrit les descriptions les plus variées et les plus fidèles du caractère du chrétien, de ses tentations, ses combats, ses chutes, ses consolations, ses espérances; on y remarque aussi les portraits les plus frappants des différentes classes de personnes qui n’ont que l'apparence de la piété.

La narration est intéressante, la marche du livre animée, et les critiques anglais ont reconnu que le style appartient à la meilleure école littéraire.


Après douze ans de solitude, John Bunyan fut rendu à la liberté par l’intervention de l’évêque de Lincoln. Il recommença ses visites pastorales et ses prédications; il alla voir les affligés et les malheureux pour lesquels il éprouvait la plus tendre sympathie, et annonça l’Évangile avec un grand succès, particulièrement à la congrégation de Bedford dont il avait été nommé pasteur.


La conduite de Bunyan était exemplaire, et ses ennemis mêmes n’y pouvaient rien trouver à reprendre.

Sa vie, usée par les travaux les plus assidus, se termina pendant l’accomplissement d’un acte de charité. Il avait été invité par un jeune homme à rétablir la bonne harmonie entre son père et lui. Bunyan accepta volontiers cette mission. Il fut surpris, à son retour, par des pluies excessives qui lui causèrent une fièvre violente, et il mourut au bout de dix jours, plein de confiance aux promesses de son bien-aimé Sauveur. Il n’était âgé que d’un peu plus de quarante ans; mais son âme était mûre pour le ciel.

Peu de chrétiens ont égalé John Bunyan dans les traits caractéristiques d’un véritable disciple de Christ. Il avait un esprit pénétrant, un jugement solide, un courage héroïque, un zèle a toute épreuve, un ardent amour pour les âmes. On a pu lui appliquer dans toute leur étendue ces paroles de l’apôtre:

«Considérez, mes frères, qui vous êtes, vous que Dieu a appelés; il n’y a pas parmi vous beaucoup de sages selon la chair, ni beaucoup de puissants, ni beaucoup de nobles; mais Dieu a choisi les choses folles du monde pour confondre les sages, — afin que personne ne se glorifie devant lui

Archives du christianisme 1835 09 26


 
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