Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

BIOGRAPHIE RELIGIEUSE.

Jean Knox, réformateur de l’Écosse.

***

(1505-1572).


Dès son enfance Jean Knox éprouva une inclination prononcée pour les études théologiques. Il eut pour maître Jean Major, l'un des plus savants scolastiques de ce temps-là, et bientôt le disciple surpassa le professeur en science et en subtilité.

Le jeune étudiant aimait beaucoup la dialectique déliée, ergoteuse, pointilleuse des docteurs du moyen-âge, et lui-même savait défendre une thèse à coups de syllogismes aussi bien que personne.

Il entra dans les ordres avant l’âge fixé par les canons, et se mit tout aussitôt à enseigner la scolastique avec beaucoup de succès. Mais la lecture des Pères de l’Église, et en particulier des écrits de Jérôme et d’Augustin , lui donna le goût d’une théologie plus simple et plus solide. Il renonça aux subtilités de l'école, et en même temps à beaucoup d’opinions professées dans l’église romaine, ce qui le fit accuser d’hérésie.


Knox devint gouverneur des fils de deux lords d’Écosse, Orminstown et Languidry, qui étaient l’un et l’autre attachés à la cause de la réforme. Il enseigna à ses élèves, outre les sciences classiques, les principes de la religion protestante, action hardie à cette époque, et qui l’exposa aux persécutions de l'archevêque de Saint-André.

Knox fut souvent forcé de se cacher, tantôt dans une retraite, tantôt dans une autre, et comme il était fatigué de cette vie errante, il avait résolu d’aller en Allemagne pour y approfondir les doctrines de la réformation. Mais les parents de ses élèves lui firent beaucoup d’instances pour qu’il ne les quittât point, et il alla s’enfermer avec eux dans le château de Saint-André, où il était à l’abri des persécutions de l’archevêque.

Il lut avec ses élèves, dans la chapelle de la forteresse, l'Évangile selon Saint-Jean, et accompagna celte lecture d’explications édifiantes. Plusieurs personnes y assistaient, entre autres le chapelain. Celui-ci pria vivement Knox d’accepter la charge de prédicateur; et comme il refusait par le sentiment d'une extrême humilité, le chapelain le somma publiquement de répondre à cette vocation.

«Frère, dit-il en se tournant vers lui du haut de la chaire, vous me pardonnerez si je vous adresse en un tel moment l'appel qui vous est fait, non seulement par moi, mais par tous ceux qui sont ici présents. Je vous invite, au nom de Dieu et de son Fils Jésus-Christ, et au nom de toutes les personnes qui m’écoutent, à ne pas rejeter votre sainte vocation. Mais si la gloire de Dieu, l’avancement de son règne, l'éducation des hommes et l’Évangile du salut vous sont chers, vous accepterez la charge de prédicateur, et vous deviendrez entre les mains de Dieu un puissant instrument de bénédiction.»

Puis, se tournant vers ses auditeurs:

«Ne suis-je pas en ce moment votre interprète à tous? s'écria le chapelain, et ne confirmez-vous pas cette vocation?»

Tous répondirent: Nous la confirmons!

Sur quoi, Knox, ne pouvant plus refuser, versa d'abondantes larmes et courut s’enfermer dans son cabinet.

Aucun sourire n'effleura ses lèvres depuis cet instant jusqu’au jour où il devait monter en chaire. Il était triste, abattu sous le poids de son insuffisance, et recherchait la solitude, cependant, à l’heure fixée, il monta en chaire, et ayant pris pour texte Daniel, VII, 25-28, il prouva fortement et courageusement que la doctrine de l’église romaine était contraire à celle de Christ et des apôtres.

Ce discours fit grand bruit; tout le clergé catholique s’en émut; une assemblée générale des dominicains et des franciscains fut convoquée, sur l’ordre de l’archevêque de Saint-André, dans la cour de Saint-Léonard; et Jean Knox, ayant été sommé de comparaître, fut accusé avec violence d’avoir annoncé des opinions hérétiques. Mais il se défendit en s’appuyant sur les déclarations de la Parole de Dieu, et ce débat ne tourna point à l’avantage ni à l’honneur du catholicisme.

On établit alors un règlement d’après lequel chaque ecclésiastique devait prêcher le dimanche, à tour de rôle, dans la chapelle du château, avec injonction de ne pas traiter les matières controversées. Évidemment cette mesure était dirigée contre Jean Knox; mais il se mit à prêcher pendant les jours ordinaires de la semaine, et rassembla un concours toujours plus considérable d’auditeurs. Beaucoup d’habitants de la ville se joignirent à ceux du château pour entendre la Parole de vie, et la sainte cène leur fut distribuée pour la première fois en 1547, selon le rite réformé.

Vers la même époque, une troupe de soldats français assiégea et prit la forteresse de Saint-André. Knox fut conduit en France, comme prisonnier; quelques-uns disent même qu'il fut envoyé aux galères, chose qui n’aurait étonné personne dans un siècle qui a vu les atrocités de Mérindole et de la Saint-Barthélemy.

Le réformateur d’Écosse resta dans les liens jusqu’en 1549 puis il fut remis en liberté, et se dirigea vers l'Angleterre, parce que les portes de sa patrie lui étaient fermées.

Il devint chapelain du roi Édouard V, et prêcha avec une grande véhémence contre les pseudo-papistes qui remplissaient encore l’église et la cour d’Angleterre. On lui offrit la dignité épiscopale; mais il la refusa, parce qu’il n’approuvait point la liturgie de la communion anglicane.


Peu de temps après, Marie, celle qui a été surnommée la sanglante Marie, à cause des affreux supplices auxquels les protestants furent condamnés sous son règne, succéda au prince Édouard, et Jean Knox dut fuir à l'instant même une contrée qui ne lui présentait plus d'autre perspective que les flammes d’un bûcher. Il vint à Dieppe, et de là se rendit à Genève, où il écouta les leçons de Calvin.

Les Anglais réfugiés à Francfort l’invitèrent à exercer au milieu d’eux la charge de pasteur, mais de vives discussions sur le contenu de la liturgie anglicane lui firent bientôt quitter ce poste. Il revint à Genève, et au mois d’août 1555, il prit la résolution de rentrer dans sa patrie, qui paraissait être de plus en plus mûre pour la prédication de la réforme.

Knox fut accueilli avec joie par plusieurs membres de la noblesse et par une grande partie de la population. Il annonça successivement l’Évangile dans les différentes provinces de l’Écosse, et spécialement à Édimbourg.

Le clergé catholique, alarmé et irrité des progrès de la nouvelle doctrine, somma le réformateur de comparaître dans le temple des dominicains à Édimbourg, le 15 mai 1556. Beaucoup de lords s’offrirent pour l’accompagner, et les évêques, l’ayant appris, refusèrent de donner suite à la citation. Néanmoins Knox se rendit dans la capitale, au jour indiqué, et prêcha pendant dix jours consécutifs à une immense multitude qui était avide de l’entendre. Ainsi, les mauvaises intentions des ennemis de l’Évangile tournèrent contre eux-mêmes, et la réforme s’enracinait toujours davantage dans le cœur des peuples.

Le comte de Glencairn et d’autres lords écossais engagèrent Knox à écrire une lettre à la sanglante Marie, pour la supplier de suspendre ses persécutions contre les protestants. Le pieux serviteur de Christ rédigea cette requête dans les termes les

plus pathétiques et les plus pressants qu’il pût trouver; mais la sanglante Marie , après avoir lu sa lettre, la donna en riant au cardinal Beatown, et lui dit: Milord, voulez-vous lire cette pasquinade?


Jean Knox alla pour la seconde fois à Genève, en 1556; il y était instamment appelé par ses compatriotes réfugiés. À peine était-il sorti de la terre d’Écosse que les évêques le citèrent devant leur tribunal, et le condamnèrent par contumace à être brûlé en effigie sur la place d’Édimbourg.

Knox publia sa justification à Genève, et demeura dans cette ville jusqu’à l’année suivante. Il aurait été heureux d'y prolonger son séjour, mais les vives et continuelles sollicitations de la noblesse écossaise le ramenèrent dans son pays.

Nous ne le suivrons pas dans ses nombreux voyages, durant lesquels il ne négligea aucune occasion de travailler à l’avancement du règne de Dieu.

L’Écosse fut agitée de longues et profondes discussions religieuses; les deux partis, commandés par des membres de la noblesse, ne surent pas toujours se défendre de l’emportement des passions. Il se forma, d'un côté et de l’autre, des ligues qui recouraient à la force des armes bien plus qu’à la puissance de la persuasion.

Les catholiques avaient sonné le tocsin de la guerre civile, et les protestants y répondirent. Le sang des victimes demanda du sang; les bûchers allumés pour les disciples de la réforme servirent quelquefois à brûler leurs adversaires. Malheureux effets de la méchanceté du cœur humain, qui croit soutenir la cause du Père des miséricordes, et rendre service à Dieu, en s’abandonnant aux plus atroces vengeances!


Le réformateur Knox a été accusé d'avoir pris part à ces coupables représailles. Loin de nous la pensée de l’absoudre des excès qu’il a pu commettre! En supposant même qu’on lui ait reproché beaucoup plus de fautes qu'il n'en a faites, ce qui est vraisemblable si l’on considère que tous les chefs de la réforme ont été en butte aux plus indignes calomnies, nous devons avouer, cependant, que le caractère de Knox était fougueux, âpre, inflexible, et que, dans ses relations avec Marie Stuart en particulier, il ne garda pas toujours la mesure qui lui était imposée par l’Évangile et par sa condition de sujet.

Les protestants avaient de grandes plaintes à faire, sans doute, contre cette reine artificieuse, qui leur donnait la liberté de culte d’une main, et les opprimait de l’autre. Marie Stuart essaya de jouer en Écosse le rôle de Catherine de Médicis, et ses désordres personnels vinrent encore augmenter l'irritation que produisaient ses mensonges en matière de liberté religieuse.

Toutes ces causes expliquent la rudesse et les injures de Knox contre cette malheureuse reine, mais ne les justifient pas. Il faut seulement ajouter, pour être équitable, que l'esprit du seizième siècle était tout différent du nôtre sous le rapport de la tolérance, et que ce qui nous paraît un crime aujourd’hui était alors tenu pour un acte de zèle et de dévouement.

Nos réformateurs étaient des hommes exposés à faillir comme les autres, et si nous n'avons aucun motif de cacher leurs erreurs, nous ferons observer, du moins, que ce n'est pas aux docteurs d’une église qui a donné son suffrage à la Saint-Barthélemy, qu’il appartient de leur jeter la première pierre.


Knox fut nommé pasteur à Édimbourg en 1559. C'est là qu’il eut à soutenir des luttes violentes contre les gens de cour, étrangers pour la plupart à l’Écosse, venus de France et d'Italie, méprisable ramas de toute sorte de vices et de corruptions.

Ces courtisans pliaient humblement la tête, quand les huguenots français obtenaient des avantages signalés contre leurs adversaires. Mais quand la famille des Guise, dont Marie Stuart était membre, parvenait à reprendre tout son ascendant près de Charles IX, et promettait d'envoyer en Écosse des troupes auxiliaires pour soutenir le parti catholique, la reine et ses favoris renouvelaient leurs menaces et leurs persécutions contre les protestants. Il est facile de comprendre que ces revirements continuels durent porter au comble l'irritation populaire.

Jean Knox en était le principal organe, soit dans la chaire chrétienne, soit dans les assemblées générales du clergé réformé d'Écosse, et plus d'une fois ses mâles avertissements arrêtèrent de sinistres complots qui allaient éclater.

Marie Stuart le faisait appeler parfois auprès d'elle, et tâchait de le séduire par les formes gracieuses et les aimables artifices dont elle avait appris l'usage et la puissance à la cour de Catherine de Médicis. Mais l’austère piété du réformateur savait résister à ces tentatives, et la reine pleurait alors avec tout le dépit d’une femme blessée dans son orgueil.

C’est ainsi que se passèrent plusieurs années de la vie de Knox. Enfin Jacques VI, qui devint plus tard Jacques 1er d’Angleterre, fut couronné roi d’Écosse, en 1567. Jean Knox prononça le discours du sacre: avec quelle reconnaissance envers Dieu et avec quelle joie de cœur, il n'est pas besoin de le dire!

La lutte entre le catholicisme et le protestantisme était finie. Désormais la réforme, tranquillement assise sur le terrain qu’elle avait conquis par trente ans de cruels combats, pouvait étendre ses racines dans le sol, porter des fruits de justice dans la paix, et couvrir l’Écosse de son ombre tutélaire.

Si le voyageur est heureux de se reposer dans sa patrie, après avoir surmonté tous les obstacles et tous les périls d’une route longue et pénible; si le pilote bénit Dieu de l’avoir ramené au port, à travers les tempêtes qui avaient mille fois entr'ouvert un sépulcre sous ses pieds; combien plus encore Jean Knox devait rendre grâces à l’Éternel et goûter une joie profonde, en voyant son travail achevé, son œuvre affermie, après tant d'orages, et la sainte bannière de la réforme plantée sur les hauteurs qui avaient été si longtemps couvertes de ses plus opiniâtres ennemis!

Cependant il y eut encore des troubles suscités, non par des différences d’opinions religieuses, mais par la turbulente ambition de quelques lords écossais. Placé au milieu de ces agitations politiques, Knox apprit à connaître par sa propre expérience la mobilité de l’affection des grands et de la reconnaissance des peuples.

Il fut exilé d’Édimbourg, puis rappelé; mais il n’y rentra qu’à la condition de pouvoir parler avec franchise contre ceux qui troublaient l'ordre et attaquaient les lois de son pays.

Une dernière et poignante douleur attendait le vénérable vieillard: c’était l’effroyable nouvelle du massacre de la Saint-Barthélemy. Le dimanche suivant, il prêcha dans l’un des temples d’Édimbourg, mais sa voix était si faible qu'elle parvenait à peine aux oreilles de ses plus proches auditeurs; il dénonça dans son discours les jugements du Seigneur contre ceux qui avaient si lâchement égorgé des milliers de ses frères.

Le 9 novembre 1572, il installa son successeur, et quinze jours après, il se coucha dans son tombeau. Ses derniers moments furent remplis par les discours pieux qu’il adressa à sa femme, à ses domestiques et à tous ceux qui le venaient visiter.

La mémoire de Jean Knox est révérée chez les Écossais, et subsistera parmi eux aussi longtemps que la religion chrétienne conservera de fidèles disciples dans l’antique Calédonie. Ils lui ont élevé, en 1826, un monument à Glasgow. C’était l’un de ces hommes puissants en paroles et en œuvres, l’un de ces caractères vigoureux et persévérants, comme on en a vu beaucoup dans le seizième siècle, mais dont il reste bien peu d’exemples dans le nôtre.


Que nous manque-t-il donc pour les égaler? 

IL NOUS MANQUE LEUR FOI!


* * *


LE BRAS DE DIEU N’EST PAS RACCOURCI,

MAIS NOTRE FOI EST PLUS TIÈDE,

ET NOTRE CŒUR PLUS PARTAGÉ.


Archives du christianisme 1837 01 28


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