Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

BIOGRAPHIE RELIGIEUSE

Jean Eliot

(1603 — 1690)


***


Jean Eliot appartenait à une famille honorable, qui l'envoya faire ses études de biologiques à l'université de Cambridge. Ses talents distingués et ses habitudes laborieuses lui aplanirent le chemin de la science, et il entra, fort jeune encore, dans l'institut d’éducation du pasteur Thomas Hooker pour y remplir les fonctions de professeur.

Hooker était l’un des hommes les plus éclairés et les plus pieux de l’Angleterre; il inspira au jeune Eliot ce qui lui avait manqué jusqu’alors, une véritable vocation pour la carrière ecclésiastique avec une foi vivante en Jésus-Christ; mais il lui communiqua aussi des préventions contre la hiérarchie épiscopale de l’église anglicane.

C’est pourquoi Eliot résolut de quitter l'Angleterre pour l’Amérique, afin de jouir d’une pleine liberté de conscience.


Il était âgé de vingt-huit ans, lorsqu’il fit voile vers Boston, au mois de novembre 1631. Arrivé dans cette dernière ville, il y trouva aussitôt l’occasion de s’employer au service de Christ; car un pasteur de Boston cherchait un suffragant pour le remplacer pendant un voyage qu’il voulait faire en Europe.

Jean Eliot s’acquitta des devoirs de cette charge avec tant de zèle et de fidélité que les membres du troupeau lui offrirent, au retour du titulaire, de le nommer second pasteur dans leur congrégation. Mais à la même époque, de nouveaux colons anglais, qui venaient de s’établir à Roxburg, lui adressèrent une vocation pastorale. C’est là qu’il rencontra une chère compagne, dont la piété et la charité lui furent d’un grand secours dans l’exercice de son ministère.

Mais il se sentit invinciblement pressé de porter la bonne nouvelle du salut aux peuplades indiennes, qui occupaient dans ce temps-là une grande partie du territoire de l’Amérique du Nord.

Il employa donc tous ses moments de loisir, et en particulier les heures du matin, à étudier la langue de ces sauvages, et plusieurs années se passèrent avant qu’il se jugeât capable d’entrer dans le champ de cette nouvelle mission.


Enfin, le 28 octobre 1646, il se rendit au milieu d’une peuplade d'Indiens, à laquelle il avait fait annoncer qu’il venait l’entretenir d’une affaire extrêmement importante.

Il se présenta sans armes, sans aucun moyen de défense, n’ayant pas même le calumet, symbole de paix et d’alliance, mais tenant seulement une Bible entre les mains, — il se présenta de cette manière, disons-nous, aux regards étonnés des Indiens.

Sa taille élevée leur inspira une sorte de respect. Un des chefs, nommé Waubon, vint au-devant de lui, et le mena dans sa hutte. Après avoir pris un peu de repos, le missionnaire sortit, et adressa la parole aux Indiens qui formaient un cercle immense autour de lui. Il fit d'abord une courte prière en anglais, puis il prononça dans la langue des indigènes un discours qui renfermait les principales vérités du Christianisme.

Ce sermon dura plus d’une heure, mais il ne parut pas trop long à ces sauvages, qui se laissaient émouvoir aux pathétiques exportations de l’orateur. Beaucoup de larmes coulaient sur le visage des hommes rouges, et après que le ministre de Christ eut achevé sa prédication, chacun se mit à l’interroger avec le plus vif intérêt sur les choses qu’il avait enseignées. Ces entretiens durèrent jusqu’à la nuit; ensuite Eliot rentra dans la hutte de Waubon.

À peine avait-il goûté un peu de sommeil qu'on vint lui apprendre qu'un Indien, agité, angoissé de ce qu’il avait entendu, s’était retiré dans les profondeurs de la forêt. Jean Eliot courut après cette âme travaillée et chargée pour lui montrer la paix qui est en Christ.

Il revint au bout de quinze jours et fixa spécialement son attention sur les enfants.

Lorsqu'il retourna, pour la troisième fois, parmi les mêmes peuplades, beaucoup d'Indiens plantèrent leurs tentes près du lieu de réunion, afin d'assister à toutes les assemblées. Mais les magiciens ou sorciers, qui craignaient de perdre leur vieille influence, ne tardèrent pas à tramer des Complots contre lui.

Cependant la Parole de Dieu se montra puissante en cette occasion comme toujours, comme partout, et Jean Eliot demanda bientôt au gouvernement anglais la permission de prendre du terrain pour y fonder une ville, dans laquelle devaient s’établir les Indiens qui voulaient profiter de ses enseignements.

On vit s’élever alors la bourgade de Nonanetum (joie ou délices, dans le langage du pays).


Les Indiens écoutaient avec une respectueuse déférence les paroles du missionnaire; ils faisaient surtout des pas de géant dans les arts matériels. Eliot enseigna aux hommes l'agriculture et plusieurs métiers, aux femmes l’art de filer, de coudre, etc.

Les progrès des sauvages dans la foi chrétienne furent naturellement moins prompts; mais le bourg de Nonanetum offrait un centre duquel le Christianisme pouvait rayonner et propager jusque dans les tribus les plus lointaines.

Dès la seconde année de cette mission, en 1647, une autre ville fut fondée sous le nom de Concord. À mesure que les indigènes connurent mieux les bienfaits dont Eliot était pour eux la source et l'instrument, leurs préjugés s’effacèrent, leurs défiances s’évanouirent, et chaque nouvelle victoire augmentait le zèle et le courage du pieux, missionnaire.

Lorsque la foi et la vie de la foi eurent jeté de fortes racines dans les deux bourgades qu’il avait fondées, Eliot pénétra plus avant dans le territoire indien, et s’appuyant toujours sur le bras du Seigneur, il visita successivement la plupart des peuplades de cette contrée pour leur annoncer la rémission des péchés en Jésus-Christ.


Ce n’était pas une œuvre facile ni un voyage commode. Il fallait traverser d’immenses déserts, franchir des torrents impétueux, affronter les périls les plus imminents, se confier au caractère cruel des Indiens, et braver chaque jour, pour ainsi dire, un nouveau genre de mort. Ce que l’intrépide Eliot souffrit dans ces longues excursions est au-dessus de tout ce qu’on en pourrait dire. Il portait en quelque sorte sa vie dans ses mains, toujours prêt à la sacrifier pour la cause du Seigneur.

Un chef de ces hordes barbares l’ayant menacé de l'étendre à ses pieds d’un coup de massue: «Je ne te crains pas, répondit tranquillement Eliot, ni toi ni tous les chefs du pays ensemble; car j’ai un Protecteur qui est plus puissant que vous tous.»

Ces paroles, prononcées d'un ton calme et grave, produisirent une impression extraordinaire sur le farouche Indien, et le lion rugissant fut transformé en agneau.


Quelques années après, en 1651, Eliot se fraya un chemin jusqu’aux solitudes presque entièrement inconnues où demeurait la tribu des Sowahèges, et comme leur chef l'invitait à s’établir parmi eux, il y consentit, à condition que les Sowahèges bâtissent une ville et abandonnent leurs féroces coutumes. C’est là que subsiste aujourd’hui la ville de Naticke.

Si l’on demande comment Eliot était soutenu et entretenu dans ces courses lointaines, nous répondrons qu’il ne vivait que de ce que Dieu daignait chaque jour lui donner. Ses moyens d’existence augmentèrent avec les bénédictions répandues sur son travail.

Plus tard, lorsque la Société pour la propagation du Christianisme s'établit à Londres, avec l’autorisation du parlement, Eliot en reçut, non seulement des secours en argent, mais des aides qui étaient généralement des ouvriers dévoués et instruits dans les arts mécaniques.

Il eut alors le temps de consacrer une partie de ses journées à la traduction de la bible dans la langue des Indiens.


Le Nouveau Testament fut imprimé en 1661, l’Ancien Testament en 1664, et les Saintes Écritures furent accueillies avec empressement par les hommes rouges.

Eliot traduisit ensuite d’autres livres d’édification, entre autres les écrits de Baxter. Ses fils le secondèrent dans tous ses travaux d’évangélisation; mais il eut la douleur d’en porter trois dans la tombe, lorsqu’ils avaient à peine fait leurs premiers pas dans la carrière que sa piété leur avait ouverte!


L’année 1674 fut profondément pénible pour lui; car une guerre s’étant élevée entre les Anglais et les Indiens, il ne resta plus, des quatorze villes qu'il avait fondées, que quatre établissements qui avaient eux-mêmes souffert.

Beaucoup d'indiens étaient morts; d’autres s’étaient dispersés; mais ils se rassemblèrent de nouveau, à la voix du vénérable vieillard de 70 ans, et rebâtirent leurs bourgades, ayant toujours pour lui le même respect et la même confiance; car ils ne le confondaient pas avec ses concitoyens. Sept établissements recommencèrent à fleurir au bout de quelques années.

Enfin, il eut encore une grande épreuve, lorsqu’il dut accompagner au champ du repos les restes mortels de sa pieuse compagne. Il était alors âgé de 89 ans, et il se prépara lui-même à quitter bientôt cette vallée de pèlerinage.

Il travailla cinq ans encore parmi les Indiens, puis son heure arriva, et il mourut en disant: «Viens, Seigneur, viens dans ta gloire! Je t’ai attendu depuis longtemps. Puisse l'œuvre que j’ai commencée au milieu de ce peuple me survivre et prospérer sous ta bénédiction


On raconte beaucoup de traits édifiants de ce digne serviteur de Dieu.

Étant venu un jour dans le bureau d’un homme de négoce, et voyant sur le comptoir ses livres de comptes, tandis que la Bible et tous les livres de piété reposaient sur les rayons de sa bibliothèque, il lui dit: Monsieur, vous avez le monde sur votre comptoir, et le ciel dans votre bibliothèque. Ne pensez pas trop, je vous prie, à votre comptoir, de peur que la bibliothèque ne soit oubliée. Que le monde ne chasse pas le ciel de votre cœur!

Un de ses collègues se plaignant du mauvais esprit de sa congrégation; Frère, lui dit-il, tachez de bien comprendre le sens de ces trois mots: Supporter, pardonner, aimer.

Sa libéralité allait fort au-delà de ce que ses moyens semblaient lui permettre de faire. Il ne regardait comme à lui que ce qu’il avait donné.

Comme il devenait vieux, et qu’il ne pouvait plus remplir ses fonctions pastorales, quelqu’un lui demanda comment il se trouvait: J’ai tout perdu, répondit-il; mon intelligence me quitte; ma mémoire ne veut plus rien retenir; ma langue refuse de parler, mon corps de se mouvoir; mais,


grâces en soient rendues à Dieu!

mon amour tient ferme, et s’accroît même tandis que tout le reste se détruit!


Archives du christianisme 1836 11 26


- Table des matières -