Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

BIOGRAPHIE RELIGIEUSE

ISABELLE C***

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On nous communique une intéressante notice sur les derniers moments d’une jeune femme que Dieu a rappelée à lui au mois de mai de l’an passé. Nous publions les principaux détails de ce récit, eu conservant, autant que possible, les expressions de notre correspondant.


Isabelle G*** tomba malade dans la nuit du 14 mai 1854; elle était alors en visite chez des amis. Quoique cette indisposition ne parût pas offrir, dans ses commencements, un caractère bien sérieux, nous nous empressâmes de retourner dans notre demeure. Cependant la maladie devint plus grave de jour en jour, et malgré les secours de la science humaine, il fallut bientôt abandonner tout espoir de guérison.

L’une des convictions qu’elle éprouvait le plus fortement, c'était la grande folie et le danger de remettre jusqu’à l’heure de la mort le soin de ses intérêts religieux.

«Oh! si j’avais agi de cette manière, disait-elle, où serait maintenant mon espérance? Je n’ai pas la faculté de fixer en ce moment mes réflexions sur une si grave matière; je ne puis pas même prier comme je voudrais.

Dites cela à ceux qui sont près ou qui sont loin, aux jeunes gens et aux vieillards; invitez-les à ne pas renvoyer leur repentance jusqu’au jour où ils seront étendus sur une couche de douleur, et aux portes du tombeau.

Ce n’est pas alors le moment de chercher Dieu; mais c’est Dieu qui doit alors nous soutenir.»


Son plus jeune frère étant venu près d’elle, quelques heures avant sa mort, elle lui adressa les plus pressantes exhortations sur le devoir de se convertir sans délai, et le pria de ne pas se livrer au sommeil avant d’avoir supplié Christ de faire de lui une nouvelle créature.

Elle éprouvait le plus vif intérêt pour le bien-être spirituel des membres de sa famille. Elle fit dire à sa sœur qui ne pouvait venir la voir:

«Dites-lui de ma part que j’espère la retrouver, elle et ses enfants, dans le grand jour où Dieu mettra les élus à sa droite.»


Et comme l’un de ses frères lui faisait observer que c'est par beaucoup d’afflictions que les disciples de Christ peuvent entrer dans le royaume des cieux:

«Oui, répondit-elle, si nous sommes réellement ses disciples!»


Quant à son état personnel, rien de plus touchant et de plus beau que son humble dépendance des mérites du Sauveur, et sa ferme attente qu’elle entrerait par lui dans la demeure des rachetés.

Jamais nous n’oublierons la douce paix, le calme heureux dont elle jouissait au milieu des plus pénibles souffrances du corps; tout en elle respirait une entière confiance en Jésus-Christ. Quelqu’un lui demandant comment elle se trouvait:

«Mal, bien mal, répliqua-t-elle; mais, chose étonnante! j’ai eu toute ma vie une grande crainte de la mort et du dernier combat; et maintenant ma crainte est entièrement passée, et je suis assurée de franchir sans peine ce dernier moment. Ma paix est si grande, si parfaite, que je crains que ce ne soit reflet d’une illusion


Et quand on lui rappela le fondement de la paix du fidèle, c’est-à-dire une simple et immuable assurance en Christ:

«Oh! oui, dit-elle, voilà le fondement; je sais en qui j’ai cru; je m’appuie sur le rocher des siècles... Heureux ceux qui ne trouvent jamais la porte fermée! O douce pensée? Encore un moment, et je serai dans mon repos; oui tout est bien!»


En voyant l’une de ses sœurs qui fondait en larmes, elle lui dit:

«Ne pleure pas, chère amie; il est vrai que je vais quitter ma mère et toi, mais je monte vers mon Père et vers mon Sauveur.»


Elle souffrait beaucoup de sa maladie, et l’un des assistants remarqua que toutes nos peines sont infligées avec amour, et que Dieu ne nous châtie pas au-delà de ce qui est nécessaire:

«Oui, je sens cela. Que mes maux seraient affreux, que ma misère serait grande, si j’étais maintenant frappée par un Maître irrité dont les coups s’uniraient aux remords du désespoir!»


Elle posa sa tête sur le sein de sa mère en disant:

«Il n'y a rien de si doux que le sein d'une mère pour s'y appuyer ici-bas, mais vous ne pouvez venir avec moi dans la vallée de l'ombre de la mort; Christ seul, le peut»


Elle la remercia de tous les soins affectueux qu'elle lui prodiguait.

«Je ne puis faire que bien peu de chose pour toi, dit cette mère affligée.»

«Mais quand mon père et ma mère me quitteront, le Seigneur me prendra à lui.»


Peu d’heures avant de mourir, se sentant fort épuisée, elle me demanda de prier avec elle. La prière achevée, elle me dit:

«Cela m’a fait du bien et m’a donné de la paix;»

«Vous savez, chère amie, lui dis-je, que vous allez être avec Christ, et obtenir la vie, la joie, la gloire éternelle.»

«Oui, je le sais.»


Je lui rappelai la pensée d’un chrétien qui parle de Dieu comme de la patrie de l'âme; elle leva la main et dit avec le regard le plus expressif: «O douce patrie!»


* * * *

Elle conserva sa présence d’esprit jusqu'au dernier instant. Deux ou trois minutes avant que son âme quittât sa dépouille terrestre, elle dit avec une clarté remarquable et une grande tranquillité d’esprit: «Voici la mort! Levez-moi; mes sens sont partis.» Sa main droite tomba: «Elle est morte,» dit-elle. Elle approcha sa main gauche de son oreille: «Cela s’en est allé.» Couvrant ensuite ses yeux:  «Ils sont partis... je m’en vais; adieu, adieu;» et elle s’endormit paisiblement en Jésus.

Il est impossible de lire le récit qui précède (c’est toujours notre correspondant qui parle) sans en être ému, et sans reconnaître l'inestimable prix de la vraie religion.

Quelle autre chose dans le monde entier aurait pu donner ces consolations et cette paix à notre amie au milieu de circonstances si particulièrement affligeantes!

Il faut observer que c’était une personne dans la fleur de l’âge (n’ayant que vingt-cinq ans); elle avait formé, neuf mois auparavant, le plus doux et le plus tendre des liens; elle répétait souvent qu’elle craignait d'être trop heureuse; elle éprouvait pour les scènes de la vie présente une affection plus vive qu’à aucune autre époque de sa carrière; elle était aimée de sa famille et entourée d’un cercle d'amis dévoués; elle possédait, en un mot, tout ce qui peut rendre l’existence précieuse, et s’il faut ajouter un dernier trait, elle craignait beaucoup les souffrances du corps.

Eh bien! cette même personne supporte la plus cruelle maladie avec un calme inaltérable; elle ne prononce pas un seul murmure contre les dispensations de Dieu qui l'arrachaient si vite à la terre; elle s'approche de la mort avec une humble confiance et une ferme espérance que des rassasiements de joie l’attendent à la droite de Dieu pour jamais.

Assurément le Seigneur était avec elle, et c’est la puissance de la foi chrétienne qui peut seule expliquer cette force d'âme et cette paix qui sembleront aux hommes du monde la plus mystérieuse des énigmes.


* * * *

Elle était chrétienne, en effet, dans le sens le plus positif de cette expression.

Sa piété était solide, profonde, pratique, et se manifestait dans tous les devoirs et toutes les relations de sa vie.

C’est à l’âge de seize ans qu’elle avait commencé à marcher avec Dieu, et elle persévéra, par sa grâce; à suivre le chemin où elle était entrée, jusqu’à ce que les ombres de la vie actuelle eussent fait placé pour elle aux réalités du monde à venir.

Ses lumières sur la vérité chrétienne étaient étendues et mûries; elle embrassait dans sa foi tout l'ensemble des révélations bibliques: doctrines, devoirs, promesses. C’est pour cela qu'elle était enracinée dans ses principes religieux et qu’elle y demeurait ferme, ne se laissant ébranler par aucune objection, et ne s’écartant point des vérités fondamentales qui sont nécessaires à notre salut.

La délicatesse de sa conscience frappait tous ceux qui ont pu la voir dans l'intimité. Toute sa nature morale se soulevait contre les manifestations du péché, et s’il s’élevait une question que l’on put considérer sous différentes faces, tant sur des sujets de théorie que sur des matières de pratique, elle savait habituellement déterminer le point précis où le juste se sépare de l’injuste et le bien du mal.

Le jour du dimanche faisait tous ses délices. Assidue au culte public, après y avoir assisté deux fois, elle consacrait une grande partie de la journée à des prières secrètes et à de pieuses méditations.

Elle s’occupait avec activité de l'éducation des enfants, et la mort vint interrompre son projet de porter des consolations à de pauvres prisonniers auprès desquels elle aurait obtenu accès.

Mais il est temps d’achever ce récit. Je sens tout ce que j’ai perdu; puissé-je sentir aussi loin ce que notre amie a gagné par ce prompt départ!

Encore quelques jours, et les douleurs et les joies de cette vie s’évanouiront pour nous; et qui ne désirerait pas alors de ressembler à celle qui a été enlevée sitôt du séjour des vivants?


Puissions-nous, par la grâce du Seigneur, marcher dans le même chemin, afin d’être faits participants des mêmes promesses!

Archives du christianisme 1835 06 13





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