Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

BIOGRAPHIE RELIGIEUSE

HUGUES BOURNE.

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Que de bien peut faire un seul homme, lorsqu’il possède une piété sincère et une vraie charité! Nous en trouvons un nouveau témoignage dans le récit suivant, qui nous vient d’une source digne de foi.

Lorsque j’arrivai, en 1828, dans la petite ville de***, j’entendis beaucoup parler d’un homme très-pauvre, mais éminemment pieux, et je m’empressai d'aller le voir pour faire connaissance avec lui. Je trouvai que son indigence n’avait pas été exagérée, et que sa piété surpassait encore tout ce qu’on m’en avait dit. Cet humble serviteur de Christ, déjà fort avancé en âge, était atteint de paralysie; mais son âme demeurait paisible et joyeuse au milieu de ces grandes épreuves. Il me raconta les principales circonstances de sa conversion.


* * *

Hugues Bourne faisait remonter ses premières impressions religieuses à une maladie qui l’avait mis aux portes du tombeau.

Il était alors âgé de quinze à seize ans; mais son cœur ne fut véritablement converti que beaucoup plus tard. Il n’avait pas, à cette époque, l’occasion d’entendre l’Évangile fidèlement annoncé; il voyait la plupart de ses amis s’appuyer sur leur propre justice, et il s’égara longtemps avec eux dans la voie du pharisaïsme.

L’Écriture était pour lui un livre fermé. Cependant il ne cessa point de la lire dans un esprit de prière; et telle était, par intervalles, l’angoisse de son âme, qu’il employait des nuits entières à la méditation du texte sacré.

Lorsqu'il rencontrait des passages qu’il ne pouvait comprendre, il avait coutume de se mettre à genoux et d’en demander l’explication au Seigneur. Enfin, sans autre guide que sa Bible; et après de longues années, il parvint à connaître le chemin du salut qui est en Jésus-Christ, et ses espérances ne se détournèrent plus du Rédempteur.

Le Saint-Esprit lui avait enseigné, par le moyen de la Parole écrite, à renoncer à l’impiété et aux convoitises du monde, et à vivre dans le présent siècle sobrement, justement et religieusement.

Depuis ce moment, sa maison devint une maison de prière, et toute sa conduite montra qu’il n’était plus seulement chrétien de nom, mais de fait. Ses voisins prirent l’habitude de l’envoyer chercher pour consoler les malades, et Hugues Bourne s’acquitta de ce devoir en bénissant Dieu.

À toute heure du jour et de la nuit, il répondait avec empressement aux appels qui lui étaient adressés, et l’on peut dire qu’il vécut, pendant plusieurs années, avec les affligés et les mourants.

Voici deux ou trois exemples de la manière dont il leur parlait du Sauveur.


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Une femme le pria, un jour, de venir voir son mari, homme âgé de soixante-dix ans. Hugues Bourne, le trouvant à la dernière extrémité, lui demanda s’il espérait d’aller, après la mort, dans un monde meilleur; mais ce malheureux lui répondit qu’il ne croyait ni au ciel, ni à l’enfer, ni à Dieu, ni à l’existence de l’âme.

Et depuis quand, s’écria Bourne, avez-vous adopté ces tristes idées?

Depuis quarante ans, répliqua le vieillard.

Il avait été employé dans une ville de fabrique, et les entretiens de ses compagnons de travail lui avaient inspiré ces sentiments d’irréligion.

Mais vos anciens amis, poursuivit alors Bourne, n’étaient-ils point, pour la plupart, des jureurs, des ivrognes, des gens qui ne se faisaient aucun scrupule de causer du dommage à leur maître ou à leur prochain?

Le vieillard fut obligé de l’avouer.

Eh bien! continua le pieux visiteur, comment avez-vous pu croire au témoignage de ces gens-là plutôt qu’à celui des hommes les plus saints et les plus vénérables, tels que Moïse, Ésaïe, Daniel, Jean, Pierre, Paul et tant d’autres?

Mais s’apercevant que cette réflexion touchait peu le malade:

En croiriez-vous, lui demanda-t-il, ces compagnons dépravés plutôt que vous-même?

Non, assurément.

Dites-moi donc si vous n’avez pas senti au-dedans de vous quelque chose qui vous attestait que ceux qui renient Dieu font mal.

Il est vrai.

Eh bien! ce murmure, d’où venait-il? De votre conscience, de votre âme. Vous-même, vous avez protesté plus d’une foi contre l’impiété de ces faux amis.

Le vieillard ne répondit rien, et Hugues Bourne prononça une prière. Quelques jours après, il fut appelé par le malade.

Oh! s’écria celui-ci en le voyant entrer, Dieu aura-t-il pitié de moi? Ce Sauveur dont vous m’avez parlé aura-t-il pitié de moi? Je l’ai renié, je l’ai blasphémé, je l’ai comme foulé aux pieds; aura-t-il donc pitié de moi?

Oui, répondit ce messager de bonnes nouvelles; car «Dieu a tellement aimé le monde, qu’il a donné son Fils unique, afin, que quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu’il ait la vie éternelle.»

Il lui expliqua les vérités fondamentales de l'Évangile, et le vieillard vécut encore assez longtemps pour donner des preuves évidentes d’un véritable changement de cœur.


* * *

Une autre fois, Hugues Bourne vit arriver dans sa maison un vétéran, qui avait perdu la vue pendant ses campagnes, et qui était saisi d’un tel dégoût de la vie qu’il avait essayé d’en sortir par le suicide. On comprit que la religion seule pourrait verser du baume sur les cruelles angoisses de cet invalide, et on l’amena près du pieux serviteur de Jésus-Christ.

Bourne l’interrogea avec beaucoup de douceur, compatit à ses peines, et pria avec lui. Ils eurent plusieurs entrevues, et le vieux soldat s’approcha peu à peu de son Rédempteur. Il fait maintenant l'admiration de tous ceux qui le connaissent, et le Seigneur l’a laissé parmi nous comme un témoin des travaux bénis de Hugues Bourne. Ce n’est point la volonté de l’homme, ni la puissance de l’homme; c’est l’œuvre de l’Esprit, dit le Seigneur.


* * *

Les visites de ce chrétien auprès des malades, les réunions pieuses qui se tenaient chez lui, son zèle, ses travaux qui commençaient à produire un réveil religieux, excitèrent, comme il arrive toujours, l’animosité du monde, et quelques personnes dirent à Bourne qu’il s’exposait, en formant des conventicules, à être mis en prison et à payer une forte amende.

Quant à l’amende, répondit-il, chacun sait bien que je ne puis pas la payer; quant à la prison, j’irai, s’il faut y aller, plutôt que de suspendre des réunions qui sont en bénédiction à beaucoup d’âmes. Il ne fut plus inquiété dans la suite, et continua paisiblement ses assemblées chrétiennes.


Sa charité n’était pas inférieure à sa piété; il partageait son pain avec les pauvres, et ne donnait pas seulement la nourriture qui périt, mais il indiquait au dernier mendiant qui se rencontrait sur sa route comment on peut acquérir la nourriture qui ne périt point. Il savait toujours dire un mot à propos pour défendre la cause de l’Évangile.

Une fois qu’il s’entretenait avec quelques personnes peu instruites et qu’il en appelait à la Bible, un individu qui l’écoutait lui dit: Pourquoi en appelez-vous à la Bible? Ce n’est qu’une imposture. Comment pouvez-vous dire que les choses qu’elle raconte sont vraies, puisque vous ne les avez ni vues de vos yeux, ni entendues de vos oreilles?

Avez-vous été en Amérique, Monsieur? lui répondit avec calme Hugues Bourne.

Non, dit l’incrédule.

Et vous croyez que l’Amérique existe! C’est une imposture: il n’y a point d’Amérique.

L’individu s’en alla, sans répliquer une syllabe.

On a souvent répété que la plus éloquente des prédications, c’est une vie intègre et sainte. Rien n’est plus vrai, et l’on en trouverait de nouvelles preuves dans la vie de Hugues Bourne, s’il était nécessaire. Un de ses voisins, entre autres, avait conçu une si violente inimitié contre lui, qu'il déclarait souvent qu’il préférerait aller en enfer que de se laisser convertir par cet homme.

Le Seigneur les fit se rencontrer ensemble dans le même atelier; et l’incrédule fut tellement touché des discours et des actions de son compagnon chrétien, qu’il s’appliqua sérieusement aux choses du ciel, en rendant ce témoignage que la parfaite conduite de Bourne lui avait fait plus de bien que tous les sermons qu’il avait entendus.

Voilà un genre de prédication qui est à la portée de tous les disciples de Christ, et si l’un d’eux le néglige, il doit craindre que le Sauveur ne lui dise un jour: Je ne vous ai jamais connu.

La plus grande joie de Hugues Bourne, jusqu'à la fin de sa vie, fut de lire dans sa Bible. La nuit, lorsqu’il ne pouvait goûter du sommeil, ce qui lui arrivait fort souvent, il avait coutume de se lever et de répandre toute son âme devant le Seigneur. Il priait pour être délivré des tentations qui le poursuivaient particulièrement dans ces heures d’insomnie; il priait aussi, durant ces longues veilles, pour ses frères, ses amis, ses voisins, et tous les hommes.


Je me hâte d’arriver aux circonstances de sa dernière maladie.

Pendant dix-huit mois il fut incapable de travailler, et quoiqu’il n’eut aucune ressource pour sa vieillesse, la confiance en Dieu ne l’abandonna jamais.

Il recevait fréquemment de quoi suffire à ses besoins par des voies si admirables que ses amis et lui devaient s’écrier ensemble: C’est le doigt de Dieu!

Chose qui mérite d'être rapportée, les secours les plus abondants lui vinrent surtout, comme il se plaisait à le dire, de quelques pauvres veuves et de quelques jeunes gens. Mais lors même qu’il se voyait le plus dénué, son contentement habituel ne le quittait point.

Un ami lui demandant un jour s'il avait ce qui lui était nécessaire, il sourit et dit: Oh! j’ai déjà fait trois repas aujourd’hui: l'un, en me réveillant; l’autre, après m’être levé; un troisième depuis lors; ne dois-je donc pas être joyeux et reconnaissant:

Mais il parlait de sa nourriture spirituelle, et quoiqu’il fût onze heures du matin, il y a lieu de craindre qu'il n’avait encore rien mangé de la journée.


Beaucoup de personnes vinrent le visiter dans ses derniers moments. Il avait pour toutes des paroles pleines d’édification. Il avertissait les indifférents; il relevait par les précieuses promesses de l’Évangile les cœurs abattus, il conjurait les pharisaïstes de ne plus s’appuyer sur leurs propres œuvres; il invitait les jeunes gens à se tourner vers Celui qui a dit: Laissez venir à moi les petits enfants, et ne les empêchez point.

Vous avez fait votre paix avec Dieu, lui disait quelqu’un.

Dites plutôt, répondit-il, que c’est Jésus-Christ qui l’a faite pour moi.


Son Nouveau-Testament ne le quittait plus, et comme sa grande faiblesse ne lui permettait pas de le lire lui-même, il priait ses amis de le remplacer dans ce pieux exercice.

Quelques instants avant sa mort, il prit le Nouveau-Testament, et l’ayant ouvert il s’écria: J’attends le salut éternel, et voilà les titres de mon héritage!

Il désirait pouvoir mourir sur ses genoux. Il se fit lever de son lit, lorsqu’il sentit sa fin approcher, et au moment où il s’agenouillait, son âme fut portée, comme celle de Lazare, dans le sein de son Dieu et de son Sauveur.

Il s’endormit du sommeil des justes, le 27 mai 1829.

Archives du christianisme 1835 12 26b


 

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