Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

ÉTUDES CHRÉTIENNES

Hérode Antipas

***

Caractéristique, ou Vérité des caractères de quelques

personnages du Nouveau-Testament.

(Extrait d’un ouvrage inédit.)

En général toutes les actions d'un homme portent plus ou moins le cachet de son caractère. Des circonstances les plus diverses de sa vie percent toujours quelques indices de la tournure de son esprit, du degré de sa moralité, de sa tendance, de sa passion dominante. Cela est si vrai qu'il nous suffit parfois de parcourir quelques pages d'un livre pour en reconnaître l'auteur, ou d'entendre le récit d'une action d'un de nos amis pour deviner son nom. Mais si ce cachet se retrouve aisément lorsque la nature le pose, il est bien difficile à l'art de l'imprimer d'une manière pure, et c'est une des plus grandes perfections d'un romancier que de bien soutenir les caractères de ses personnages.

Maintenant, à ceux qui ont lu le Nouveau-Testament je pose cette question: Si dans les lignes disséminées sur tout le volume, se trouve, entre les diverses actions, paroles, gestes, sentiments attribué à un même personnage, un ensemble dont chaque partie concourt à orner un tout parfait, un caractère naturel, un type connu, ne sera-ce pas une preuve puissante de la réalité de ce personnage, de la vérité des faits de sa vie, et, par conséquent, un indice de véracité, de sincérité chez les écrivains qui nous en ont parlé aussi fidèlement?

Et si ainsi j'établis que ces écrivains ont été fidèles dans ce qu'ils ont rapporté des hommes qu'ils font parler et agir, ne suis-je pas autorisé à conclure qu'ils n'ont pas dit de faix dans le reste de leurs écrits, dans les récits miraculeux? Un auteur est-il vrai, sincère dans une partie de son livre jusqu'à la minutie, et imposteur et faux dans le reste jusqu'à l'absurde? Je ne le pense pas.


Un doute cependant pourrait encore rester dans l’esprit. Ce naturel, cette identité de caractère ne seraient-ils pas le résultat de l’art chez les écrivains qui auraient voulu donner ainsi plus de vraisemblance à leur récit?

Je conçois qu’on fasse cette objection à priori, mais certainement elle sera dissipée par la lecture de ce qui va suivre. En effet, les indices de vérité que nous ferons remarquer sont si détournés, si cachés, qu’il faut une étude attentive du texte pour les apercevoir. On peut dire qu’ils sont arrachés à l'écrivain à son insu; ce n’est souvent qu’une phrase, qu’un mot, phrase et mot placés là dans un tout autre but, qui révèlent les caractères que nous voulons peindre. Nous choisissons pour cet article LE CARACTÈRE D’HÉRODE ANTIPAS.


Après avoir étudié le caractère de ce tétrarque, nous y avons trouvé une telle unité qu’il nous semble qu’un seul mot pourrait peindre toute cette vie. Ce mot nous ne le trouvons pas, et faute de mieux nous lui substituons celui d'HOMME FAIBLE.

La faiblesse de caractère conduit souvent aux actions les plus disparates, à n'en juger que par leurs apparences.

La conduite d’un homme faible est entièrement dépendante des circonstances et à la merci de ceux qui l’entourent.

Bien conseillé, il fera le bien, entraîné qu’il sera par la supériorité morale ou intellectuelle de celui qu’il consulte.

Mal entouré, il cédera encore à l’impulsion qui lui sera imprimée, la vanité ou la crainte ne lui permettant pas de suivre son propre mouvement.


L’homme faible n'embrassera pas la foi, parce qu’elle exigerait de lui une conduite ferme et conséquente avec ses principes, mais il s’adonnera volontiers à la superstition qui n'exige de lui que des devoirs créés par sa propre imagination.

L’homme faible n’aura pas le goût de l’étude, qui demande de la persévérance, mais il pourra avoir un penchant à la curiosité qui se porte sur tout sans fatigue et sans suite.

Enfin, cet homme ne se plaira jamais dans une entreprise grande, sérieuse; il passera plus volontiers sa vie dans des occupations pusillanimes; il cherchera plus les plaisirs des sens que ceux de l’intelligence, et il deviendra ainsi bientôt impur, cruel même, s’il le peut sans danger, afin de s’abandonner mollement à sa vie de lâcheté et de faiblesse.

Quiconque a étudié le cœur humain et observé quelques caractères dans le monde, reconnaîtra, je pense, que ce n’est pas là un portrait de fantaisie, mais une peinture prise dans la nature et dont chacun a pu connaître un type.

Maintenant voyons comment toutes les actions connues d’Hérode Antipas viennent sans effort se placer dans ce cadre.

Dans le premier fait relatif à Hérode, rapporté par les évangélistes, nous voyons ce tétrarque livré au trait dominant de son caractère, la faiblesse.

Jean-Baptiste lui a reproché de vivre avec la femme de son frère.

Que fera Hérode?

Punira-t-il de mort l’audace du prophète?

Cédera-t-il aux instigations d’Hérodias qui désire la perte de ce conseiller importun?

Non, car «il craint Jean-Baptiste qu’il reconnaît pour un homme juste et saint.» — Mais tolérera-t-il plus longtemps ses remontrances hardies?

Non, car elles fatiguent sa conscience et empoisonnent ses plaisirs; non, car il ne voudrait cependant pas déplaire à cette femme dont il n’ose satisfaire la vengeance.

De ces deux partis lequel choisir: céder aux remontrances de Jean-Baptiste et chasser Hérodias? ou bien plaire à Hérodias et mettre à mort Jean-Baptiste?

Ni l'un ni l’autre; mais chercher un terme moyen comme il convient à la faiblesse, et c’est ce que fait Hérode; il donne ordre d’arrêter Jean-Baptiste et le fait jeter en prison.

Pendant le séjour du précurseur dans son cachot, même faiblesse dans le caractère d’Hérode, même inconséquence, même contradiction avec lui-même.

Hérode, tétrarque, maître, seigneur, va consulter son prisonnier dans les fers; il a pour lui une telle considération qu’il «prend et suit ses avis,» et oublie son rôle au point de «l’écouter avec plaisir.»

Puisqu'il le croit un homme juste et saint, qu’il lui donne donc la liberté!

Si, au contraire, il le juge coupable et veut plaire à son épouse qu’il le punisse donc!

Mais non:

pour calmer cette femme, il ne lui rend pas la liberté;

pour apaiser sa conscience, il ne le punit pas.

Au lieu de tout cela, il le consulte, l’écoute et profite de ses conseils. C’est qu'ici l’homme faible pouvait suivre sa volonté sans s’exposer à la contradiction de personne.


Arrive l’anniversaire de la naissance de ce prince; une fête est donnée aux grands de sa cour, aux officiers de son armée et aux principaux de la Galilée. Lorsque les têtes sont déjà échauffées par le vin, la fille d'Hérodias entre et exécute des danses gracieuses; et l’homme pusillanime, mieux placé dans un festin que sur un trône, plus occupé des pas d’une danseuse que de la marche de sa province, enthousiasmé comme un esprit faible par une agilité et une grâce toutes corporelles, lui sacrifie dans sa folie jusqu’à «la moitié de son royaume!»

La promesse est acceptée, et la haine qui veille toujours, la haine qui est surtout ingénieuse dans le cœur d’une femme, la haine d’Hérodias met à profit cet enivrement passager, et cette femme exige de son époux, pour prix d'un pas de danse, LA TÊTE DU PROPHÈTE!

Cette demande inattendue pour un homme encore plein des images gracieuses qui viennent de se peindre dans son imagination, cette demande consterne Hérode qui s'effraie à la pensée d'une action d'éclat, crime ou vertu, et «il en fut tout triste.»

Cependant l’engagement est pris; les grands de son royaume ont entendu sa promesse faite avec serment. Que penseront-ils de lui s'il la viole? Comment à l’avenir compteront-ils sur lui, et lui seront-ils fidèles?

Et d’ailleurs..., passer dans le monde pour n’avoir pas tenu sa parole, lors même que cette parole est un crime, c’est ce qu'un homme faible n’osera jamais faire; sa conscience se récrie; n’importe, LA CRAINTE DE L’OPINION TRIOMPHE, et il envoie chercher la tête de celui dont la veille il réclamait les avis! Est-ce de la cruauté? Est-ce de la justice? Ni l’un, ni l'autre; c’est de la faiblesse.

Suivons Hérode jusque dans ses pensées secrètes, s’il est possible.

On peut supposer qu'un tel homme, après une semblable action, quels que fussent d'ailleurs les faux, semblants qu'il affichât aux yeux des hommes, devait être poursuivi par le remords, et peut-être même par des terreurs puériles.

Aussi dès qu’il apprend qu’un être extraordinaire, faisant des miracles, parcourt le pays d'alentour, il s’effraie et «il est fort en peine.» Les esprits faibles, dit-on, croient aux revenants; Hérode croit que «Jean-Baptiste est revenu de l’autre monde,» pour le tourmenter. Pour s’en assurer, il souhaite de le voir; mais Jésus ayant appris cela, et devinant son intention, se retire dans un lieu écarté.

Hérode, irrité sans doute d’avoir manqué sa proie et toujours poursuivi par la crainte, cherche encore à se saisir du Sauveur, qu’il prend pour Jean-Baptiste. Les pharisiens viennent dire à Jésus: «Retire-toi, car Hérode veut te faire mourir.» La réponse du Seigneur fait comprendre à quels moyens recourait le tétrarque pour s’emparer de sa personne: «Allez, répond-il, et dites à ce renard, etc.» Jusque dans une action violente l’homme faible laisse percer son caractère et préfère l’emploi de la ruse à celui de la force.

Mais enfin les circonstances le servent mieux que lui-même.

Pilate devant qui Jésus a été envoyé, ayant appris qu’il était de Galilée, l’envoie à son tour à Hérode. Tâchons de prévoir ce que le tétrarque pourra faire dans cette entrevue.

Pourquoi Hérode voulait-il faire mourir Jésus?

Parce qu’il voyait en lui Jean-Baptiste.

Mais on doit s’attendre que, dès qu’il aura reconnu son erreur, il abandonnera son projet sanguinaire, lui homme trop faible pour être cruel en pure perte. Si Jésus, devant Hérode, fait ou dit quelque chose qui puisse faire soupçonner un rapport entre sa cause et celle de Jean-Baptiste, on peut encore supposer qu’Hérode sera tenté de le mettre à mort, ou du moins de le tenir en prison. Mais si Jésus se trouve ne pas être celui qu’il cherche, mais si Jésus ne fait et ne dit rien qui fasse supposer entre lui et Jean une communauté de cause, ne doit-on pas s’attendre à ce qu'Hérode le renvoie sans lui faire aucun mal? C’est précisément ce qui arrive.

Jésus est conduit devant Hérode. Celui-ci, en le voyant, reconnaît aussitôt que ce n’est pas sa victime; dès lors il se montre rassuré et «joyeux,» nous dit Saint-Luc. Non seulement Jésus se refuse à faire des miracles devant lui, non seulement il ne fait aucune allusion au prophète assassiné, mais il n’ouvre pas même la bouche, «il ne lui répondit rien

Alors le tétrarque jugeant sur ces apparences, le prend pour un homme sans importance, conçoit pour lui un souverain mépris, le couvre de railleries pour amuser sa cour, et par dérision le revêt de la pourpre des rois.

Voilà bien l’homme qui donne des festins, qui s’extasie devant une danseuse, qui a peur d’un mort. Voilà bien Hérode tel que nous l’avons vu depuis le premier jour.

Et pour vous, lecteur, voilà bien l'identité de caractère qui prouve la véracité des évangélistes, et par conséquent, la divinité du Christianisme.

Archives du christianisme 1837 04 08

- Table des matières -