Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

BIOGRAPHIE RELIGIEUSE.

HARLAN PAGE.

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Nous emprunterons les faits qu’on va lire à un petit volume qui vient de paraître aux États-Unis sous ce titre: Memoir of Harlan Page, etc.

Cette biographie, publiée par la Société américaine des Traités religieux, a été accueillie avec beaucoup de faveurs par les chrétiens. Une traduction française de cet écrit ferait sans doute quelque bien; mais il faudrait avoir soin de supprimer un grand nombre de détails, qui ne peuvent guère intéresser que nos frères des États-Unis.

Nous nous bornerons à traduire ici les deux derniers chapitres de cet ouvrage, en leur faisant subir plusieurs abréviations.


* * *

Harlan Page naquit à Coventry, dans le comté de Tolland, Connecticut, le 18 juillet 1791.

Au mois de mars 1814, il professa publiquement sa foi au Sauveur, et entra dans l’Église visible.

Il fut, dans les dernières années de sa vie, l’un des agents de la Société des Traités religieux à New York, et mourut au mois de septembre 1834, âgé de 45 ans.

Toute sa vie offre les preuves les plus éclatantes du bien que peut faire un seul homme, quoiqu’il soit placé dans une humble position, lorsqu’il s’applique de toutes ses forces à l’avancement du règne de Christ.

Le salut des âmes était le besoin de son cœur et le but de sa vie.

Au milieu de ses occupations journalières, il méditait constamment sur les moyens de servir les intérêts spirituels des personnes dont il connaissait l’état religieux; et l’on a appris que, dans les dernières années de son pèlerinage ici-bas, il portait presque toujours sur lui une liste contenant les noms et la demeure de ceux avec lesquels il se proposait de s’entretenir. Il se rendait auprès d'eux, lorsqu’il allait à ses devoirs et aux assemblées religieuses, ou lorsqu’il en revenait, et s’il n’y avait plus de noms sur sa liste, il se reprochait de faire trop peu de bien.

Il avait aussi coutume de porter un certain nombre de traités, afin de pouvoir offrir aux personnes qu’il rencontrerait ceux d'entre ces petits écrits qui seraient le mieux adaptés à leur état spirituel.

Souvent il prenait quelques instants sur ses travaux pour aller converser sur des choses sérieuses; et quand ses occupations de la journée étaient finies, il s’empressait d’aller à quelque assemblée d’édification ou de remplir quelque autre engagement religieux, pour employer utilement les heures de la soirée.

Des mois entiers se passèrent fréquemment, durant lesquels il ne s’était pas assis une heure pour prendre du repos, même dans le sein de sa propre famille. Toute manifestation d’un bien réalisé lui inspirait une nouvelle joie, et toute occasion de se rendre utile imprimait à son zèle une nouvelle impulsion.


Il sentait que le bonheur ou le malheur éternel des âmes auxquelles il pouvait s’adresser dépendait, après Dieu, de sa fidélité.

Chaque jour et chaque heure lui apportaient sa tâche à accomplir, et il s’acquittait des devoirs du moment présent avec une activité que la faiblesse même de son corps ne pouvait ralentir.

Lorsqu’on le priait, au terme d’un jour de fatigue, de s’épargner lui-même et de passer la soirée à la maison, il répondait: «N’essayez pas de me détourner de mon devoir. Je sens en moi-même assez de motifs qui m’engageraient à prendre du repos dans ma famille; mais ce n'est pas ainsi que les âmes seront sauvées!»

Peu de temps avant sa dernière maladie, comme il revenait de l’église en toussant beaucoup, on lui demanda s’il n’avait pas parlé trop longtemps dans l’école du dimanche: «Peut-être, répondit-il, mais que pouvais-je y faire, lorsque tous les yeux étaient fixés sur moi, et que les enfants semblaient dévorer chacune de mes paroles?»

Son amour des âmes était si ardent et si continu que, dans les heures mêmes consacrées au sommeil, il rêvait encore qu’il s’adressait aux inconvertis; et plus d’une fois il s’est réveillé les yeux pleins de larmes, et agité d’une vive émotion à la vue du misérable état de ceux auxquels il croyait s’adresser.

Son angoisse était grande, quand il n’apercevait aucune manifestation de l'Esprit de Dieu; il priait alors avec un redoublement de ferveur pour le réveil des impénitents et le rafraîchissement des chrétiens, et ses ardentes requêtes étaient ordinairement suivies de quelques conversions.

En un mot, le salut des autres l'occupait autant que le sien; il ne songeait pas seulement à goûter les joies de la religion, mais à les faire goûtera ses semblables, et se dévouait tout entier, en mourant chaque jour comme l’apôtre, à l'avancement du règne de Christ.

Il était intimement persuadé qu’il est nécessaire à tout homme de naître de nouveau. Aussitôt qu’il se trouvait avec une personne quelconque, il semblait s’adresser à lui-même cette question: est-elle amie ou ennemie de Dieu?

Dans ce dernier cas, il tâchait de faire quelque chose pour sa conversion; et si c'était un chrétien, il s'efforçait de l’encourager à l’accomplissement de son devoir.

Quelque aimables que fussent les qualités d’un individu, il sentait que cela ne lui servait de rien jusqu’à ce qu’il eut reçu Christ dans son cœur par une foi vivante. C’était là ce qu’il regardait et indiquait comme le premier et le grand point qui peut seul rendre une âme agréable à Dieu.


Tous les triomphes de la religion chrétienne, il le savait, consistent dans la conversion et la sanctification des individus.

Aussi ne se contentait-il pas de prier et de souscrire pour l'évangélisation du monde dans son ensemble, ni de voir une impression générale produite sur une congrégation, IL DÉSIRAIT SURTOUT QUE LES INDIVIDUS FUSSENT CONVERTIS DU PÉCHÉ À DIEU.

Quand il lui arrivait d’observer dans la congrégation une personne inconnue, qui semblait écouter la Parole de Dieu avec une solennelle attention, il s'informait de son nom, de sa demeure, et tâchait d’avoir avec elle une entrevue particulière. Dans tous les cas, s'il laissait quelqu'un dans un état d’esprit intéressant, il s’efforçait de le revoir dès le lendemain, et suivait cette impression à des intervalles rapprochés, jusqu’à ce qu’il n’y eût plus d’encouragement, ou qu’il y eût évidence d’une sincère conversion.

Il éprouvait un sentiment profond de l'obligation qui est imposée aux pécheurs de se repentir, et aux chrétiens de se dévouer.

«Frère, disait-il à un chrétien qui veillait près de lui, lorsque vous rencontrez un pécheur impénitent, ne vous bornez pas à lui dire avec froideur: Mon ami, vous êtes en danger; mais approchez-vous de lui avec une sainte violence, et travaillez à l’arracher du feu. Ils vont à la perdition. Il a un ciel et il y a un enfer.» .

Pour donner un exemple de la manière dont il insistait auprès des âmes, nous citerons le passage suivant de la lettre d’un jeune homme, qui est aujourd’hui ministre de l’Évangile.

«Le nom du frère Page, écrit-il, sera toujours associé dans mon esprit avec tout ce qui est digne d’imitation dans le caractère d’un chrétien. Un de mes amis m'avait engagé à être instituteur dans une école du dimanche, et quoique je fusse alors privé de la foi en Christ, Page me fit un accueil bienveillant, et gagna ma confiance et mon amitié.

Il commença bientôt à m’interroger avec beaucoup d’affection et d’anxiété sur mon propre salut. Ses paroles descendaient fort avant dans mon cœur. C'étaient pour moi des paroles étranges; car quoique j’eusse vécu parmi des personnes qui professent la religion, c’était la première fois, depuis neuf ou dix ans, qu’on m’avait pris par la main, et demandé affectueusement: êtes-vous chrétien? Avez-vous l'intention d’être chrétien? Pourquoi pas dès aujourd'hui?

Chaque dimanche ramenait ses questions sur l'état de mon âme.

Le troisième ou quatrième dimanche, il me remit un traité, «Le Chemin du salut», qui me rendit plus sérieux.

À sa demande, j’assistai aussi à une réunion de prières des instituteurs, où mon âme fut accablée et gémit sous le fardeau de ses péchés. Après la réunion, Page me prit par le bras pour retourner dans nos habitations respectives, et insista sur le devoir et le privilège d'une soumission immédiate du cœur à Christ.

Au moment de nous séparer, il me tendit la main, et par une nuit d’hiver, au coin de la rue, il s’arrêta à plaider avec moi l’obligation de la repentance et de l’obéissance à Dieu.

Je retournai dans ma maison, et pour la première fois, depuis nombre d’années, je ployai les genoux devant Dieu dans mon cabinet, et lui promis solennellement de le servir désormais avec et par l’Évangile de son Fils.

Dieu daigna, je le crois, sceller mes vœux par son Esprit. Si depuis lors j’ai goûté quelque joie chrétienne, si j’ai fait quelque chose pour avancer le règne de Christ, il faut l’attribuer à la fidélité du frère Page, accompagnée des bénédictions du Seigneur.»


C’était un homme de prière, dans toute l’étendue de ce mot.

Il aimait la prière, et croyait à son efficace pour le salut des âmesmes. Il priait seul; il priait avec la compagne de sa vie; il priait avec sa famille; il priait avec ses frères dans les assemblées religieuses.

Si quelqu’un des siens était sur le point de faire un voyage, il réunissait sa famille pour le recommander à Dieu.

Ses prières étaient habituellement courtes et ferventes, il les regardait comme un privilège; son cœur y puisait de grandes consolations. Et l’on ne peut mettre en doute que c’est à l'abondance et à la ferveur de ses prières qu’il dut ce vif sentiment des choses éternelles, cet amour des âmes, cette action céleste qui furent la source de sa fidélité, et, après Dieu, le fondement de ses succès.


Il était uniforme et constant dans sa conduite.

«Pendant neuf ans que nous avons été associés aux mêmes travaux,» dit l'auteur de cette notice, qui est secrétaire de la Société américaine des Traités religieux, «je ne me souviens pas d’avoir eu avec lui une seule entrevue, assez longue pour échanger nos pensées et nos sentiments, sans recevoir de lui une impulsion vers le ciel, et une impulsion vers l’obéissance à Dieu et le salut des âmes.»

Comme père de famille, il travaillait activement au bien-être spirituel de sa maison, et surtout à la conversion de ses enfants. De treize personnes qui ont résidé en différents temps dans sa famille à New York, douze ont eu des impressions sérieuses. Quant à sa fidélité envers ses enfants, voici quelques mots écrits par l’un de ses fils:

«En repassant les lettres de mon père, j’y trouve partout l’expression de la plus tendre sollicitude pour mon bien-être temporel et spirituel.... Je ne puis m'empêcher de rendre témoignage à sa fidélité pour mon âme. Je me rappelle très bien ses efforts dans ma première enfance pour me conduire au Sauveur, ses prières, ses entretiens, et l'anxiété avec laquelle il m’a suivi d’année en année, soit de près, soit de loin, jusqu'à ce qu’il ne put plus me parler.»

Il s’intéressait vivement à toutes les Sociétés religieuses; il contribuait par tous les moyens en son pouvoir, et par des sacrifices personnels autant que par ses exhortations, à étendre leurs ressources et leur sphère d’influence.

Est-il étonnant que Dieu ait béni ses efforts? que, dans toutes les églises avec lesquelles il a été en relation, il y ait plusieurs individus qui, en racontant leurs expériences spirituelles, font remonter aux efforts de cet excellent chrétien l’origine et le moyen de leur conversion que beaucoup d'âmes aient été converties dans le lieu de sa naissance? que trente-deux instituteurs de l’une des écoles du dimanche qu’il dirigeait, aient été amenés à confesser publiquement Jésus-Christ, et que neuf d’entre eux soient entrés dans la carrière du ministère évangélique?

Est-il étonnant que trente-quatre âmes aient été recueillies par lui et par ses compagnons de travail dans un seul quartier de la ville, et que cinquante-huit aient été conduites à se joindre au peuple de Dieu dans les Sociétés de la bible et des Traités?

Est-il étonnant que beaucoup de personnes, étendues sur leur lit de mort, le bénissent avec larmes de ce qu’il a été fidèle pour leurs âmesmes?

Considérez sur une large échelle l'influence d’une telle vie chrétienne.

Supposez que chaque chrétien travaillât, je ne dis pas avec le même talent, mais AVEC LE MÊME ZÈLE DE CŒUR, supposez qu’il y ait seulement dix chrétiens semblables dans chacune de nos églises évangéliques, et que Dieu daignât bénir également leurs travaux:

comme ils seraient puissants pour exciter leurs frères au devoir!

comme ils iraient dans les carrefours des chemins pour inviter les passants à entrer dans la salle de noces!

comme ils instruiraient la génération qui s’élève!

comme ils soutiendraient les mains des pasteurs fidèles! que d’effusions du Saint-Esprit en réponse à leurs prières!

comme leur influence pénétrerait dans chaque veine de ce grand corps! et quelle piété vivante répandrait bientôt son influence sur notre contrée bénie du ciel!

La lumière serait si grande qu’elle ne pourrait plus être cachée; elle éclairerait le monde, et Christ viendrait gouverner les nations.


* * * *

Nous avons montré ce que fut Harlan Page durant sa vie; il nous reste à voir ce qu’il a été dans ses derniers jours.

Sa maladie était dans les poumons, et une toux continuelle ne pouvait guère lui laisser de doute sur sa fin prochaine. Environ six semaines avant sa mort, un pieux et habile médecin examina soigneusement sa poitrine à l’aide d’un stéthoscope; puis, en ami fidèle, il lui annonça que le terme de ses jours approchait. Page reçut cette communication, dit le médecin, avec beaucoup de calme, et comme un homme qui sentait que c’est une chose solennelle de passer d’un monde à l’autre, mais qui avait une maison dans le ciel.

Harlan Page désirait, avant tout, d’avoir une entière évidence de son union avec Christ, et un sentiment continuel de la présence du Seigneur. Il ne fut pas entièrement exempt d’agitation, et se reprocha plus d'une fois de n’avoir été qu’un serviteur inutile. Mais les promesses de l’Écriture que lui rappelaient ses amis étaient un rafraîchissement pour son cœur.

Au bout de quelques jours ses prières furent exaucées. Il paraissait avoir une vue toute nouvelle de l’amour de Christ, et s’écriait avec transport: Je n’ai jamais connu jusqu’ici, il me semble, ce que c’est que d’aimer Christ. Je viens de le suivre dans tout son ministère, d’après le récit des évangélistes; j’ai examiné comment il guérissait les malades; comment il nourrissait ceux qui avaient faim; comment il chassait les démons, consolait les affligés, et enfin comment il est mort pour les pauvres pécheurs. Et d’une voix entrecoupée de sanglots, il ajouta: Oh! qui pourrait ne pas aimer un si charitable Sauveur?

Il dit encore: Si j’allais dans une assemblée religieuse, et qu’il y eut là un chrétien qui, les yeux en pleurs et le cœur rempli d’amour pour les âmes, suppliât les pécheurs d’aller à Christ et de vivre, comment ne l’aimerais-je pas?

Et lorsque Christ lui-même vient et pleure pour de pauvres pécheurs, et dit: «Jérusalem, Jérusalem, combien de fois ai-je voulu rassembler tes enfants comme une poule rassemble ses poussins sous ses ailes, et vous ne l’avez pas voulu!» pourrais-je ne pas l’aimer?

J’aimerais un frère chrétien qui aurait de tels sentiments, et je n’aimerais pas Christ! Oh! oui, je l’aime, je l’aime.

Harlan Page avait été employé, dans ses dernières années comme agent de la Société des Traités religieux de New York. Le secrétaire de cette Société vint le voir, et il s’établit entre eux la conversation suivante.

J’ai souvent pensé à vous pendant mon absence, frère Page, et maintenant que je vous revois, il m’est bien triste de vous trouver si mal. Que les voies de Dieu envers nous sont insondables! Il a jugé à propos de me retirer deux de mes enfants; vous êtes sur le bord de la tombe, et votre fils, en tombant du haut d’une fenêtre, s’est vu bien près de la mort.

Oui, répondit-il d’une voix faible, mais affectueuse, Dieu mêle des miséricordes aux afflictions. Je dois le remercier d’avoir garanti la vie de mon fils; c’est une grande grâce.

On s’étonne de voir, poursuivit le secrétaire de la Société des Traités, que Dieu prenne souvent ceux, dont l'Église paraît avoir le plus besoin. Le frère Hunter est parti; Evarts et Cornélius sont partis; Dieu fait de grandes brèches dans l’Église.

Oh! s’écria-t-il en m’interrompant, et comme ne pouvant supporter l’éloge indirect qui s’adressait à lui; oh! je ne suis rien; je n’ai rien fait. Je ne suis qu’un pauvre pécheur, une créature de néant, et rien de plus. Je m’appuie uniquement sur les mérites de Christ.

Est-ce que ce n’a pas été pour vous une grande épreuve de renoncer à votre femme, à vos enfants, et à toute votre œuvre ici-bas?

Oui, ç’a été une épreuve, mais non ma grande épreuve. J’avais besoin surtout de sentir vivement la présence de Christ dans mon cœur.J’ai renoncé à tout ce qui est de ce monde. L’œuvre que j’avais à faire ici-bas est achevée. Ce que je désire, c'est de sentir toujours mieux la présence de Christ; et je crois qu’il est avec moi et me soutient.

Je m’eu réjouis, et que sa grâce vous accompagne jusqu’au bout! Je veux vous remercier, frère Page, avant que vous parliez, de la constante affection que vous m’avez témoignée pendant les neuf ans que nous avons travaillé ensemble, et spécialement des secours que j’ai trouvés en vous pour ma vie spirituelle.

O mon frère! ne me remerciez pas. Je n’ai rien fait, et ne suis rien qu’un pauvre misérable pécheur. Je ne mérite pas de remerciements.

Mais j'ai toujours éprouvé que vous m’avez puissamment aidé dans la carrière chrétienne.

Ah! j’ai souvent eu de mauvais sentiments et fait le mal. J’ai besoin que vous me pardonniez tous mes torts.

Je n’ai rien à vous pardonner; c’est à moi plutôt de vous confesser mes fautes.

Oh! ne parlez pas ainsi; j’ai été en arriéré sur toutes choses.....

Et les larmes qui coulaient abondamment de ses yeux l’empêchèrent de continuer. C'est ainsi que s’exprimait sur sa propre conduite l'un des chrétiens les plus actifs et les plus zélés qui aient paru dans notre siècle.

Humilité! humilité! admirable fruit de l’Esprit! où se trouve-t-elle plus complète et mieux enracinée que chez les plus dévoués des serviteurs de Christ?

Un vieil ami d’enfance lui demanda s’il avait quelque message à lui donner pour ses parents et pour ses amis de sa ville natale.

Oui, répondit Harlan Page, dites à mes vieux parents de ne pas s'abattre parce que Dieu me prend le premier; car il sera leur bâton et leur soutien, et nous nous retrouverons bientôt là où il n’y aura plus de séparation. Dites aussi à mon ancien pasteur que je me souviens avec reconnaissance des instructions qu’il m’a données.

Choisiriez-vous, lui demanda quelqu’un, de partir maintenant?

Oui, répondit-il, si c’est la volonté de Dieu.

S’il lui plaisait de vous rétablir, ne seriez-vous pas disposé à rester ici-bas et à travailler un peu plus longtemps?

Oh! oui, je le crois, si c’était la volonté de Dieu. Mais mon œuvre ici-bas est finie. Je désire maintenant, de partir et d’être avec Christ. Les prophètes, les apôtres et les martyrs sont là; beaucoup de mes pieux amis sont là; je sens que je serai heureux, de les voir. Christ aussi est là; nous le verrons tel qu’il est, et nous serons semblables à lui; que pourrions-nous demander de plus?

N’est-il pas étonnant que les chrétiens ne fixent pas plus souvent et plus étroitement les yeux sur la mort?

Oh! oui; je m’en étonne pour moi-même; je n’ai pas senti assez combien la vie est courte.

Il ne prenait plus plaisir qu’aux choses spirituelles, et regrettait de n’avoir pas enrichi sa mémoire d’un plus grand nombre de portions de l’Écriture. Le psaume vingt-troisième et le dernier chapitre de l’Apocalypse lui étaient particulièrement précieux.

Trouvant que sa vie se prolongeait plus qu’il ne s’y attendait, il dit: Je regardais mon œuvre comme achevée, mais elle ne l’est pas. Je dois exhorter de ce lit de mort les chrétiens et les pécheurs à remplir leurs devoirs. Et deux de ses amis s’étant approchés, il leur dit: Vous me permettrez de vous parler avec liberté, comme doit le faire un mourant.

Les chers frères de notre troupeau sont-ils vigilants et fidèles?

Travaillent-ils pour le salut des âmes?

Si je me relevais de ce lit de mort, ne sentirais-je pas que je dois être fidèle? Et ce devoir est-il moins le vôtre qu’il ne serait le mien?

Il répéta souvent: Oh! qu’il y ait de pieux ministres! des ministres pleinement dévoués au salut des âmes! Je ne puis supporter que l’on perde tant de temps dans les matières de controverse. Si tous se dévouaient au salut des âmes, combien de pauvres créatures qui échapperaient à la condamnation éternelle!

Les paroles qu’il prononçait dans les heures d’un sommeil fréquemment troublé montraient constamment quelle avait été la grande affaire de sa vie. C’étaient en général des prières, des exhortations aux chrétiens, ou des appels aux impénitents.

Plus de peine, plus de péché, s’écria-t-il une fois à son insu. Seigneur, révèle-toi toi-même à nous. Montre-nous ta gloire. — Chers frères! dit-il une autre fois, où êtes-vous? où êtes-vous? Êtes-vous sous la lumière de la face de Dieu? Êtes-vous sous la lumière du soleil de justice? — Une autre fois, s’adressant à un pécheur, et toujours dans ses heures de sommeil: C’est maintenant le temps favorable; c’est maintenant le jour du salut! Oh! pourquoi ne voulez-vous pas vous convertir et donner votre cœur à Dieu? Voulez-vous aller en enfer?

Jamais peut-être la musique sacrée n’a été une source de plus de jouissances spirituelles que dans cette chambre de maladie et de mort. Harlan Page en avait fait, dans les dernières années de sa vie, un article essentiel de dévotion; il employait le chant sacré dans le culte domestique et dans toutes ses réunions d’édification. Un de ses amis, qui excellait dans la musique, vint le voir fréquemment durant sa maladie, et les hymnes qu’il lui chantait étaient un baume précieux pour le cœur du mourant.

Un jour, après que cet ami eut chanté, Page s’écria: Que cela est doux! Et si la musique de la terre est si douce, que doit-il en être de la musique du ciel, où les dix mille milliers de l'armée céleste unissent leurs voix? — Je m’étonne, disait-il encore, qu’on ne fasse pas un usage plus fréquent de la musique près du lit des malades. Elle me semble admirablement propre à les soutenir et à les consoler. — Il exprimait vivement le désir que toute sa famille apprit à chanter. Alors, ajoutait-il, vous aurez une petite image du ciel sur la terre. — Oh! comment les églises, continuait le malade, peuvent-elles être si indifférentes aux louanges du sanctuaire? N’est-ce pas là l’occupation des habitants du ciel? Pourquoi les chrétiens chantent-ils si peu dans leurs familles? C’est le commencement du bonheur céleste, c’est le ciel sur la terre.

Une fois, il chanta avec beaucoup d’efforts:

Mon âme lève-toi, mon âme, ouvre tes ailes;

mais ne pouvant continuer, il dit: Oh! quand serai-je dans ma maison? Jusqu’à quand porterai-je le poids de ce corps? Le Seigneur sait combien je dois souffrir pour être disposé à entrer dans son royaume.

Harlan Page employait toutes les forces qui lui restaient à consoler sa femme. Il la voyait souvent pleurer auprès de son lit, et il lui disait alors de se remettre entièrement, elle, ses enfants et toute sa famille, à la bonne Providence de Dieu; puis, lorsqu’il la voyait fortifiée, il ajoutait avec des sentiments de joie et de reconnaissance: Dieu prendra soin de vous, j'en suis assuré. Confiez-vous seulement en Dieu, et il pourvoira à tous vos besoins. Ses promesses à la veuve et à l’orphelin sont précieuses; la Bible en est remplie.

Après un violent accès de toux, il dit: Mes enfants, vous voyez ce que c’est que la souffrance. Nous souffrons pour le péché.

Il dit une autre fois: La Bible parle de perfection. Je ne trouve aucune perfection en moi; je suis tout péché. Mais Christ est parfait, et son sang purifie de tout péché.

Comme un frère le remerciait, en pleurant, de ce qu’il l'avait arrêté sur le chemin de la perdition et conduit dans le sentier de la foi: Je n'accepte pas ces remerciements, répondit-il; on attribue beaucoup trop à l’homme dans l’œuvre de la conversion.

Il répéta souvent ces paroles: Ma patrie! ma patrie! Puis il se mettait à prier: Oh! que j’obtienne ma délivrance gratuite et entière! Seigneur Jésus-Christ, viens promptement! Pourquoi les roues de ton chariot tardent-elles si longtemps à descendre? Je me donne complètement à toi. Puissé-je avoir la victoire! Viens promptement, viens, Seigneur Jésus!

Quelques moments avant de mourir, toute sa famille étant assemblée autour de lui, il fit une courte prière, et adressa ensuite une parole à chacun des assistants.

Je désire que vous soyez tous, dit-il, un seul faisceau uni par le lien de l’amour.

Alors il se mit de nouveau à prier: Seigneur, je te remercie pour mes souffrances. Je les mérite. Combien j’ai mérité la mort, la mort éternelle! Délivre-moi d’une longue suite de douleurs, si tu le juges à propos; mais je me soumets. Je ne dois ni me plaindre ni rien dicter. Souviens-toi de ta servante, souviens-toi d'elle dans ses épreuves. Tu sais les secours dont elle a besoin; veuille les lui donner pleinement. Puisse-t-elle se remettre volontairement entre tes mains! Bénis sa fille, et tous ces enfants, et tout ce qui les concerne. Je me remets moi-même à toi, Seigneur Jésus, Sauveur des pécheurs. O amour infini de Christ! Je dois mettre la main sur ma bouche, et me prosterner dans la poussière.


Tel fut le legs de Harlan Page à sa pauvre veuve et à ses quatre orphelins. Ce legs fut réalisé, sous la bénédiction du Seigneur, par des amis pieux qui firent une souscription pour Mme Page.

Le 23 septembre 1854, Harlan Page remit son âme à Dieu.

Archives du christianisme 1836 02 27

Archives du christianisme 1836 03 12


 

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