Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

FRAGMENTS SUR LA PRIÈRE.

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(Nous empruntons les fragments qu’on va lire au Voyage en Orient, que M. de Lamartine vient de publier. On lira sans doute avec un vif intérêt les éloquentes paroles de ce poète illustre sur l’un des devoirs les plus importants de la religion chrétienne.)


Autrefois l’homme ne s’endormait pas sur ce lit perfide et profond de la mer, sans élever son âme et sa voix à Dieu, sans rendre gloire à son sublime Auteur, au milieu de tous ces astres, de tous ces flots, de toutes ces cimes de montagnes, de tous ces charmes, de tous ces périls de la nuit: on faisait une prière, le soir, à bord des vaisseaux.

Depuis la révolution de juillet on n’en fait plus!

La prière est morte sur les lèvres de ce vieux libéralisme du dix-huitième siècle, qui n’avait lui-même rien de vivant que sa haine froide contre les choses de l’âme. Ce souffle sacré de l’homme, que les fils d’Adam s’étaient transmis jusqu’à nos jours avec leurs joies et leurs douleurs, il s’est éteint en France dans nos jours de dispute et d’orgueil; nous avons mêlé Dieu dans nos querelles.


L’ombre de Dieu fait peur à certains hommes.

Ces insectes qui viennent de naître, qui vont mourir demain, dont le vent emportera dans quelques jours la stérile poussière, dont ces vagues éternelles jetteront les os blanchis sur quelque écueil, craignent de confesser par un mot, par un geste, l'Être infini que les cieux et les mers confessent; ils dédaignent de nommer Celui qui n'a pas dédaigné de les créer; et cela, pourquoi?

Parce que ces hommes portent un uniforme, qu’ils calculent jusqu'à une certaine quantité de nombres, et qu’ils s'appellent Français du dix-neuvième siècle (ou de notre siècle... !).

Heureusement, le dix-neuvième siècle passe, et j’en vois approcher un meilleur, un siècle vraiment religieux, où, si les hommes ne confessent pas Dieu dans la même langue, et sous les mêmes symboles, ils le confesseront au moins sous tous les symboles et dans toutes les langues.


Je me suis promené une heure sur le pont du vaisseau, seul, et faisant ces tristes ou consolantes réflexions. J'y ai murmuré du cœur et des lèvres toutes les prières que j’ai apprises de ma mère quand j'étais enfant.

Les versets, les lambeaux de psaumes que je lui ai souvent entendu murmurer à voix basse, en se promenant le soir dans l’allée du jardin de Milly , remontaient dans ma mémoire....

La prière que l’on a entendue souvent proférer par quelqu’un qu’on aime et qu'on a vu mourir, est doublement sacrée. Qui de nous ne préfère le peu de mots que lui a enseignés sa mère aux plus belles hymnes qu'il pourrait composer lui-même?


Quel monde que ce monde de la prière!

Quel lien invisible, mais tout-puissant, que celui d’être connus ou inconnus les uns aux autres, et priant ensemble ou séparés, les uns pour les autres!

Il m'a toujours semblé que la prière, cet instinct si vrai de notre impuissante nature, était la seule foi ce réelle, ou du moins la plus grande force de l'homme.

L'homme ne conçoit pas son effet, mais que conçoit-il:


Le besoin qui pousse l’homme à respirer lui prouve seul que l’air est nécessaire à sa vie. L’instinct de la prière prouve aussi à l'âme l’efficacité de la prière:

Prions donc!


Et vous, qui nous avez inspiré cette merveilleuse communication avec vous, avec les êtres, avec les mondes invisibles! vous, mon Dieu, exaucez-nous beaucoup! exaucez-nous au-delà de nos désirs!

Si la prière n’était pas née avec l'homme même, c’est là qu’elle eut été inventée, par des hommes seuls avec leurs pensées et leurs faiblesses, en présence de l’abîme du ciel où se perdent leurs regards, de l'abîme des mers dont une planche fragile les sépare; au mugissement de l’Océan qui gronde, siffle, hurle, mugit comme les voix de mille bêtes féroces; aux coups du vent qui fait rendre un son aigu à chaque cordage; aux approches de la nuit qui grossit tous les périls et multiplie toutes les terreurs.


Mais la prière ne fut jamais inventée; elle naquit du premier soupir, de la première joie, de la première peine du cœur humain, ou plutôt L’HOMME NE NAQUIT QUE POUR LA PRIÈRE.


GLORIFIER DIEU OU L'IMPLORER, CE FUT SA SEULE MISSION ICI-BAS


Tout le reste périt avant lui et avec lui; mais le cri de gloire, d’admiration ou d’amour qu’il élève vers son Créateur, en passant sur la terre, ne périt pas; il remonte, il retentit d’âge en âge à l’oreille de Dieu, comme l’écho de sa propre voix, comme un reflet de sa magnificence; il est la seule chose qui soit complètement divine en l’homme, et qu’il puisse exhaler avec joie et avec orgueil; car cet orgueil est un hommage à Celui-là seul qui peut en avoir, à l’Être infini.


Mon Dieu! mon Dieu ! voir ton œuvre sous toutes ses faces,

admirer la magnificence sur les montagnes ou sur 
les mers,

adorer et bénir ton nom, qu'aucune lettre ne peut contenir,


c'est là toute la vie!

Multiplie la nôtre pour multiplier l’amour et l'admiration dans nos cœurs!

Puis tourne la page, et fais-nous lire dans un autre monde les merveilles sans fin du livre de ta grandeur et de ta bonté!

Archives du christianisme 1835 05 23




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