Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

ÉTUDES CHRÉTIENNES

(Extrait du journal de Félix Neff.)

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Nous sommes heureux de pouvoir offrir à la méditation de nos lecteurs le morceau qui suit, extrait du journal particulier de Félix Neff.

Ce serviteur distingué de Jésus-Christ n’avait pas destiné ces lignes à la publicité; elles n'en sont que plus précieuses, en nous faisant lire plus intimement dans cette âme si fidèle et si dévouée au service de Sauveur.

Nous nous assurons que nul ne lira ces lignes sans édification ni sans fruit. Elles ont été écrites au temps de la mission de notre bienheureux, frère en Suisse, avant qu’il vint en France.


* * *

«Souvent, comme Moïse, je préférerais garder tranquillement les brebis en Madian, que d’aller en Égypte parler à Pharaon, et délivrer les enfants d’Israël. Je regarde à la faiblesse de mes moyens plutôt qu’à la force de l'Éternel, et oubliant cette parole rassurante je serai avec toi, je suis tenté de lui dire comme l’ancien prophète: Envoie, je te prie, celui que tu dois envoyer.

Mon cœur est attiédi, glacé depuis quelque temps; il me semble qu’il est mort: ce sentiment pénible a augmenté jusqu’à aujourd'hui et a fini par me jeter dans un découragement complet;

- plus de foi,

- plus d’espérance,

- plus de courage pour prier,

- plus de goût pour lire la Bible,

- par conséquent plus de zèle pour annoncer l'Évangile;

aussi je reste muet quand je devrais parler, ou, ce qui est pire encore, je parle de manière à abattre ceux: que je serais appelé à remonter.


En effet, que puis-je dire à quelqu'un qui se plaint de sa stagnation dans le péché, de son peu de vie, etc., si moi-même je doute fortement que je puisse jamais sortir de cet état misérable, et si, comme un homme qui a longtemps et inutilement lutté contre un torrent, je me lasse et suis prêt à m'en laisser entraîner?

Je peux, dire de mon cœur ce qu'on dit de nos montagnes: «Il y neige beaucoup parce qu’il y fait froid, et il y fait froid parce qu'il y neige beaucoup.»


Je suis mal disposé parce que je ne prie pas,

et

je ne prie pas parce que je suis mal disposé.


Plus l'amour de Dieu diminue en moi, plus aussi la charité pour les âmes s'affaiblit:

que m'importe que les âmes soient sauvées, quand il me semble que le salut est une chimère et la joie du salut une illusion?

Quant aux chrétiens, leur état de vie est plus propre à exciter chez moi de la jalousie et de la haine que tout autre sentiment. Je comprends bien alors la tentation de Caïn, et je suis porté comme lui à tuer mon frère parce qu’il me paraît être plus juste et plus heureux que moi; parce que je le vois dans les bonnes grâces du Seigneur, et que je suis tenté de m’en croire repoussé.

Cependant Dieu me dit comme à Caïn: Si tu fais bien, ne sera-t-il pas accepté?

Comme la charité diminue dans mon cœur, le peu d’amour fraternel qui y reste se réfugie du côté de l’égoïsme qui va bientôt ressaisir toute son ancienne autorité, et je me sens plus que jamais disposé à m'aigrir contre tous les chrétiens qui ne coïncident pas en tout avec mes principes; jamais je n’ai eu moins de support, et si une indifférence presque générale ne paralysait en grande partie cette disposition, je paraîtrais dur et intolérant au possible.

Cependant, quelque malheureuse que soit cette situation d’âme, je suis obligé d’espérer contre toute espérance, et même de croire qu'il m’est utile d’être ainsi tenté, quand ce ne serait que pour m’apprendre la puissance de l’ennemi et ma propre faiblesse, et me rendre plus patient avec les autres dans la suite:

Si le Souverain Sacrificateur qui a fait l'expiation de nos péchés a dû être, comme nous, tenté en toutes choses afin qu'il pût compatir à nos infirmités et secourir ceux qui sont tentés, il est convenable que les sacrificateurs qu’il appelle, qu'il choisit pour annoncer ses vertus, soient aussi consacrés par la souffrance, et apprennent par leur propre expérience a avoir suffisamment pitié des ignorants et des errants, étant eux-mêmes environnés d'infirmités.

Il est aussi fort avantageux pour moi de me voir diminuer dans l’opinion des autres, surtout de ceux à qui je m’étais d’abord présenté comme fort et vaillant, car je ne suis pas le seul qui m'aperçoive de mes misères.

Il me semble même que chacun doit avoir les yeux sur moi et me voir plus défectueux encore que je ne puis me voir moi-même; et vraiment on me le fait bien sentir, on ne me compte jamais pour rien, dans les choses mêmes où il semblerait naturel que je figurasse autant que d’autres.

Je n’inspire ni confiance ni considération parce que je suis léger et que ma langueur spirituelle est trop visible.

O qui me transformera?

Qui me sortira de cette espèce d’enchantement qui par une force magique m'empêche de saisir le câble de la délivrance envoyée pour le salut?...


Mais grâces soient rendues dans le temps et dans l’éternité à Celui dont la force s’accomplit dans notre faiblesse!

Qui ne blesse que pour guérir,

n’appauvrit que pour enrichir,

et n’abaisse que pour élever!


OUI QUAND IL EST LE TEMPS IL ME RELEVE.

Je commence cette journée sans prier – comme les précédentes - mais je lis dans le livre des Juges, et je remarque que chaque fois que le peuple élu était dans la prospérité il s’éloignait du Seigneur; tandis que chaque fois que ce Dieu saint les châtiait ils recouraient à lui et s'humiliaient, sans que jamais ce bon Père fût sourd à leurs cris.

Je ferme le livre saint et je me prosterne devant le Père des esprits.

Mon cœur est fermé et ma bouche est muette; mais je tourne faiblement les yeux de mon âme vers Golgotha et j'attends en silence le secours qui doit venir de Sion. S'il tarde attends-le est-il dit, car il viendra bientôt.

Oui, bientôt il viendra, il n'oublie pas ses promesses, IL EST FIDÈLE.

Aussi il vient; le rocher qui semblait écraser mon cœur est ôté, les portes d'airain s’enfoncent, et les barres de fer sont rompues.

Maintenant je sens circuler la vie dans ce cœur engourdi, il soupire, ma bouche s'ouvre, et avouant au Sauveur mes péchés et ma misère je me sens soulagé.

Bientôt une lumière divine illumine mon entendement. Je vois dans tout ce que j'ai éprouvé la main de la toute sagesse, et l'œuvre du suprême amour.


Seigneur, où étais-je?

O mon Dieu! quelle affreuse chute se préparait à mon orgueil; en vain mille avertissements m’étaient donnés, en vain je voyais tomber les autres par orgueil, je savais bien le faire remarquer et exhorter à en tirer une leçon; je me séduisais moi-même, et seul je n’en profitais point; en vain je recevais des humiliations extérieures, je me justifiais à mes yeux et je regardais comme coupables ceux qui étaient assez droits pour me faire sentir que je sortais de ma sphère.

O Dieu! à quelle illusion la pauvre humanité est sujette! Quand donc serons-nous sages?

O quand n'auras-tu plus besoin de nous faire échouer à chaque pas, pour briser ce misérable orgueil?

O quand cette hydre sera-t-elle détruite, quand ces têtes empoisonnées ne repousseront-elles plus;

O Seigneur! sois fidèle à nous abaisser à mesure que nous nous élevons; ne nous épargne pas les humiliations, fais-nous comprendre qu’il faut que le vieil homme meure, et que l'opprobre, l'amertume, la honte sont les seuls aliments qui ne le soutiennent pas.

Oh! abreuve-nous de ce fiel, amer à notre palais, et cependant par la suite si doux à notre cœur!

Arrache ces chairs corrompues, malgré nos cris, et ne nous épargne pas le châtiment qui nous est si nécessaire!


Seulement, Seigneur, donne-nous de te chercher toujours, sans relâche, sous ta forme souffrante, afin que nous te trouvions et te possédions à jamais.

Amen!

Archives du christianisme 1836 08 13


 

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