Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

BIOGRAPHIE RELIGIEUSE.

Le docteur Capadose.

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Nous avons sous les yeux une brochure publiée récemment à Neufchâtel sous ce titre: Conversion de M. le docteur Capadose israélite portugais. C’est M. Capadose qui raconte lui-même comment il a passé du judaïsme, ou plutôt du scepticisme à la foi en Jésus-Christ, et quelles luttes il a du soutenir, soit contre son propre cœur, soit contre les membres de sa famille. Ce récit nous a paru plein d’intérêt, et nous en offrirons à nos lecteurs les principaux détails.

M. le docteur Capadose est né en Hollande, dans une famille d’israélites portugais. Destiné par ses parents à l'étude de la médecine, il se rendit à l’Université de Leyde, où il apprit à connaître le célèbre et pieux professeur Bilderdeck. Il se sentit électrisé par ses conversations, et commença à diriger ses pensées vers les choses sérieuses. Cependant l’élément religieux, si l'on peut ainsi parler, n’était pas encore entré dans son âme.

Plus tard, le jeune Capadose essaya, de concert avec son ami Dacosta, d'observer rigoureusement tous les articles de la loi mosaïque, sans se laisser arrêter par aucun obstacle ni intimider par aucune autorité.

C’était l'orgueil national qui lui avait inspiré cette résolution; mais il ne put l’accomplir, et, ayant commencé à lire la Bible, il n’alla pas plus loin que la Genèse. L’ironie, l’esprit moqueur, et souvent le blasphème, étaient sur ses lèvres au lieu de la prière. Cela en vint à un tel point qu’il finit par dire à son ami qu’il valait mieux renoncer à la lecture de la Bible que de la faire ainsi.

Ses études médicales achevées, M. Capadose revint à Amsterdam, et demeura dans la maison de son oncle, qui était médecin. Il fut agité pendant plusieurs années de profondes angoisses d’esprit et de cœur; il avait soif de connaître la vérité, et ne savait où la trouver; il aspirait à remplir son âme de nobles espérances, et son âme restait vide. Une sorte de désespoir s’était emparé de lui, et bien souvent il désirait cesser de vivre. Enfin, il reprit la Parole de Dieu avec la ferme intention de l’examiner, ainsi que d’autres livres qui traitent de la divinité du Christianisme. Ces lectures contribuèrent à lui montrer le vrai chemin, et il s’approcha par degrés de la foi au Dieu-Sauveur.

Nous passons sous silence plusieurs faits secondaires pour arriver au moment où le docteur Capadose ouvrit les yeux à la lumière de l’Évangile, en lisant le prophète Ésaïe:

«Une nuit, dit-il, je lisais le prophète Ésaïe. Quand j’en fus venu au chapitre 53e, cette lecture fit sur moi une impression si vive, et me fit voir avec tant de clarté, et tellement trait pour trait, ce que j’avais lu dans l’Évangile des souffrances de Christ, que je crus réellement qu’on avait substitué une autre Bible à la mienne. Je ne pouvais me persuader que ce chapitre 53e, que l’on peut appeler à juste titre un Évangile en raccourci, se trouvât dans l'Ancien-Testament.

Après cette lecture, il est impossible à un israélite de douter que le Christ ne fut pas le Messie promis.

D’où venait une impression aussi forte? car souvent j’avais lu ce même chapitre? — mais cette fois je le lisais à la lumière de l’Esprit de Dieu. Dès ce moment, je reconnus pleinement en Christ le vrai Messie, et nos méditations de la Parole de Dieu prirent un caractère tout nouveau. C'était comme le commencement, l’aurore d’une magnifique journée pour nos âmes; la lumière étendait toujours plus ses rayons vivifiants, éclairait nos esprits, réchauffait nos cœurs, et me donnait déjà à cette époque une consolation indicible.

Je commençais à entrevoir le pourquoi de tant d’énigmes de la vie, qui avaient occupé mon esprit plutôt pour me fatiguer et m’attrister que pour me tranquilliser et m’instruire. Tout semblait reprendre vie autour de moi; le but et l'intérêt de mon existence étaient entièrement changés. Jours heureux et bénis par le sentiment de la présence du Maître, je ne les oublierai pas!»

Devenu chrétien de cœur, M. Capadose rencontrait de grands obstacles à le déclarer publiquement. Son père, sa mère, son oncle, tous les siens, étaient fortement attachés, du moins par leurs traditions et leurs habitudes, à la religion juive et auraient vu avec horreur un membre de leur famille se convertir au Christianisme.

Comment donc leur apprendre une nouvelle qui serait regardée par eux comme le plus grand des malheurs?

Le docteur Capadose hésitait, ajournait, renvoyait cette pénible déclaration; il priait Dieu de le diriger et de le soutenir dans cette épreuve, quand une circonstance particulière vint lui offrir un moyen inattendu pour instruire son oncle de ses nouvelles convictions. Nous le laisserons ici parler lui-même:

«Mon oncle était dans l’habitude, après le dîner, de se faire donner les feuilles publiques, et de les lire à haute voix. Un jour que j’étais, comme de coutume, assis vis-à-vis de lui, dans un état d’abattement inexprimable, je l'entendis qui lisait dans une annonce de Hambourg un article ainsi conçu: «Nous venons d’être témoins d’un fait assez intéressant: un rabbin, après avoir annoncé à ses coreligionnaires, dans la synagogue, qu’un examen attentif des prophéties lui avait donné la conviction intime que le vrai Messie était venu, après avoir fait sa confession de foi chrétienne, a été ces jours-ci baptisé dans notre ville et reçu ministre de l’Église évangélique.»

Sur quoi, mon oncle ajouta ces paroles, que ma position rendait si remarquables: «Tu connais ma manière de voir: si cet homme a fait cette démarche par un motif d’intérêt quelconque, il est digne de mépris; si c’est par conviction, il a droit au respect.

Âmes sensibles, âmes chrétiennes, qui avez le bonheur de compatir aux vives affections de l’âme de vos semblables, non, je n’essaierai pas de vous décrire tout ce qui se passa dans la mienne en ce moment solennel! Je sentis le plancher trembler sous mes pieds, et, dans le transport de ma joie, je sautai au cou de ce respectable vieillard, en m'écriant: Mon oncle, oui, c’est Dieu qui vous donne ces sentiments.

Apprenez que celui que vous aimez avec la tendresse d’un père, et que vous appelez du nom de votre fils, est dans le même cas que ce rabbin. — J’avais prononcé ces mots avec un son de voix et une agitation telle, que mon pauvre oncle, interdit et effrayé, crut que j’avais perdu la tête. Il me fit asseoir sur son canapé, et, après être sorti un moment comme pour me laisser revenir à moi-même, il rentra et parla d’autre chose. Mais mon âme était trop absorbée et trop émue pour prêter quelque attention à ce qu’il me disait. Je m’entretenais, sans rien dire, avec le Dieu de ma délivrance; car dans cette occasion je l’avais senti si près de moi que je l’avais, pour ainsi dire, touché de la main.

C’était la présence de l'Adonaï de mes pères qui m'avait soutenu, et qui, dès ce jour, fit sentir à mon âme une consolation qu’elle n’avait pas encore éprouvée, une joie et une force qu’elle ne connaissait pas.

Cependant je vis bien que mon oncle, quoique troublé de cette scène, n’avait pas accordé à mes paroles l’importance qu’elles méritaient. Je résolus donc, après m’être fortifié en mon Dieu, de lui réitérer le lendemain ma déclaration. Nous étions à table, seuls comme de coutume, mon oncle me paraissait bien un peu préoccupé, mais il fut pourtant très bien avec moi. Après dîner, je pris la parole, mais cette fois avec calme et fermeté, en lui disant que je voyais avec peine que ma déclaration de la veille n’eût pas été bien comprise, ce qui me mettait dans l’obligation de la répéter comme en présence de Dieu, avec l’espérance que lui-même un jour reconnaîtrait la vérité.

Il n'y avait plus moyen de se faire illusion, et il s’ensuivit une scène des plus déchirantes. Mon oncle se frappa la poitrine, maudit ses jours, et s’écria, dans l’amertume de son âme, que j’allais faire descendre avec douleur ses cheveux blancs dans le sépulcre. Ces reproches me perçaient le cœur; mais le Seigneur me fortifia, me consola, et me fit la grâce de donner à ce cher et vénérable vieillard des marques d'amour et de tendresse qui le calmèrent un peu.


Le lendemain, il communiqua le tout à mes parents, et il paraît que l'on s’entendit pour entrer avec moi dans une voie de douceur. Qui pouvait savoir si, en évitant soigneusement toute conversation sur ce chapitre, ces idées ne me passeraient point? Cependant ma famille ne tarda pas à s'apercevoir que c’était chose impossible: je commençais même à m'enhardir quelquefois en leur prêchant l’Évangile, et toutes les fois que l’occasion s’en présentait je ne dissimulais plus mes sentiments...

Enfin mon oncle, voyant que la douceur ne réussissait pas à me faire oublier mes convictions religieuses, et craignant encore davantage la manifestation ouverte de ma foi, eut recours à des moyens d’un autre genre, mais qui amenèrent des résultats tout contraires à ce qu’il attendait. Il n’y eut pas d’humiliations, de sarcasmes, de mépris, de duretés même que je n'eusse continuellement à endurer de sa part; et quoique, hélas! il me soit plus d’une fois arrivé de les repousser avec irritation, je puis dire cependant, à la louange de Dieu, que le plus souvent il m’a été donné de souffrir en silence, et d’épancher mon chagrin dans le sein de mon Sauveur, auprès duquel j’avais déjà puisé de si douces consolations.

Je ne me plains pas de ces épreuves; au contraire, je dois considérer ces traitements durs et pénibles à la chair comme ayant été de vraies bénédictions de Dieu, puisqu’ils m’ont affermi dans la foi, et qu’ils ont été pour moi des témoignages toujours nouveaux de la vérité de l’Évangile dont la confession franche et ouverte a toujours été suivie de persécutions de tout genre.

Mais il arriva qu’un jour, étant seul avec moi, mon malheureux oncle semblait prendre plus particulièrement à tâche de m’attrister par ses ironies amères et poignantes. Je me tus. Enhardi ou irrité par mon silence, il osa prononcer un blasphème contre Celui qui était devenu l’objet de mes adorations et la source abondante des consolations de mon âme. C’était le moment de parler. Je me lève, et me plaçant devant lui:

«C’en est assez, lui dis-je; jusqu’ici, c’est ma personne seule qui a été en butte à vos sarcasmes, à vos injures, et Dieu m’a donné de les endurer en silence; mais à cette heure vous commencez à blasphémer ce que vous ne connaissez pas. Prenez-y garde: car je vous déclare devant Dieu qui m’entend que si vous continuez à parler de la sorte, quoique je ne possède rien en ce monde, je vous quitterai à l’instant même, et ne reparaîtrai plus dans votre maison.»

J’étais décidé à tenir parole. Le ton ferme et inaccoutumé avec lequel je prononçai ces mots, car je puis dire que c’était l’Esprit de Dieu qui me pressait de parler ainsi, produisit son effet. Quelles qu’aient été dès lors les épreuves et les tribulations par lesquelles j’ai dû passer jamais la bouche de ce malheureux vieillard ne s’est ouverte en ma présence pour blasphémer le nom de Christ. Rendez avec moi gloire à Dieu, vous tous qui lisez ces lignes; car c’est Lui qui, dans cette occasion, fit éclater sa fidélité envers l’un de ses pauvres enfants.

Cependant ma famille ne se consolait pas de voir que je persévérais dans ma résolution, malgré tout ce qu’on avait tenté pour m’en détourner, et les duretés exercées à mon égard allaient croissant. Ce fut le temps des plus rudes épreuves pour mon âme. Rarement je rencontrais l’un des miens, soit dans la maison de mon oncle, soit chez mes parents, sans que j’eusse des choses pénibles à endurer de leur part.

Un jour, c’était dans la maison paternelle, mon père, dont le caractère fougueux avait déjà souvent éclaté contre moi, me prit par le bras, et me conduisit dans la chambre de ma pauvre mère que le chagrin rendait malade. Je la vois encore assise dans un coin, et absorbée dans la plus grande tristesse; elle était là comme abattue par la douleur. «Tu la vois, me dit-il; c’est ton ouvrage; tu es le meurtrier de ta mère!»

On conçoit ce que je dus éprouver dans cette situation; jamais je n’avais éprouvé une émotion pareille, et, je dois l’avouer, ce que jamais les persécutions n’avaient pu faire, les larmes et le terrible état de souffrances où je voyais ma pauvre mère auraient pu en venir à bout. Je sentais que ma foi était ébranlée, et que le plus sûr moyen pour moi était de fuir. J’eus un moment de combats affreux; enfin je sortis précipitamment de la chambre, et je m’enfuis, comme effrayé de moi-même, de la maison paternelle. Je courais dans la rue sans trop savoir où, et mes pas se dirigèrent vers la porte de la ville. Qui sait quelle aurait été pour moi la fin de cette journée, si le bras du Seigneur ne m’eût arrêté.

À peine j’eus mis le pied sur le pont qu’un arc-en-ciel éclatant se déroula devant mes yeux humides de larmes, et s’empara de mon attention. Saisissant le signe de la promesse divine: «Voilà, me dis-je, le Dieu de l’éternelle alliance!» Et au même instant toutes mes angoisses se calmèrent, ma foi se raffermit, et l’Esprit de Dieu répandit un baume consolateur sur les plaies de mon cœur. Faible de corps, mais puissamment soutenu au-dedans, je retournai sur mes pas, et je rentrai tranquille et soumis dans la maison paternelle. Christ avait dit à la mer en tourmente: Tais-toi! et soudain il s’était fait un grand calme!»

Il restait au docteur Capadose un grand pas, un dernier pas à faire: c’était d’entrer publiquement dans l’Église de Christ par le baptême. Dieu lui donna la force d’accomplir ce devoir.

Enfin le moment de prendre une résolution définitive était arrivé, dit-il; il m’était impossible de différer plus longtemps. Mon ami, qui était dans une tout autre position que la mienne, et qui n’avait rencontré presque aucune opposition, son père étant mort avant que notre secret eût transpiré, aurait aimé attendre quelque temps encore; mais ma décision étant prise, il s’unit à moi, et je fis part de ma résolution à ma famille.

On voulait que je différasse, ou que du moins je me rendisse en Allemagne ou ailleurs. Peut-être aurais-je dû céder à ce désir; mais la crainte de paraître avoir honte du pas que je faisais, me fit rejeter toute proposition de ce genre: seulement nous nous engageâmes à ne pas nous faire baptiser dans la ville où demeuraient nos deux familles, et comme à la face de notre oncle, qui était le chef d’une commission chargée par le roi de soigner les intérêts des israélites de toute la Hollande. Notre choix devait tout naturellement tomber sur la ville de Leyde, qui avait laissé dans nos cœurs de si doux souvenirs, et où demeurait, avec sa digne épouse, ce cher et respectable professeur dont les écrits et la conversation avaient exercé une influence si marquée sur nos âmes.

Nous partîmes pour Leyde au mois de septembre, mon ami, son intéressante épouse, qui partageait de cœur nos convictions, et moi. Nous fûmes reçus à bras ouverts, et avec un amour vraiment paternel, par ces dignes amis qui avaient pris une part si vive à nos combats. Qui, plus qu’eux, devait participer à la joie céleste qui inondait nos âmes?

Le 20 octobre 1822 fut le jour si ardemment désiré où nous fûmes solennellement reçus membres de l’Église chrétienne. Par l’ordre du pasteur, respectable vieillard auprès de qui nous avions fait notre confession de foi, on avait placé devant la chaire, et en face de l’assemblée, trois coussins: c’est là qu’agenouillés devant le Dieu de nos pères, qui est le vrai Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit, nous eûmes la joie inexprimable, nous indignes et misérables pécheurs, de recevoir sur nos fronts le signe et le sceau de l'alliance de grâce, et de confesser, au milieu de l’Église chrétienne, le nom béni de ce grand Dieu et Sauveur, qui  était venu nous chercher, lorsque nous étions perdus! Gloire à Dieu!

Archives du christianisme 1837 11 11

 
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