Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

LE CONTREBANDIER

ou encore

une preuve de la puissance du christianisme.


1835


***

(résumé)


Un contrebandier (à ce que nous croyons du nord de la France), après avoir passé la vigueur de son âge dans une vie de brigandage et d'impiété, est rendu sérieux sur les intérêts éternels de son âme.

Sa femme qui a trouvé dans la lecture du Nouveau-Testament et dans la prédication protestante du lieu, une lumière qu’elle avait cherchée vainement à la messe, l’engage à suivre le même chemin, qui le conduit au même but, une conversion du cœur à Jésus- Christ.

C’est bien là, en effet, une nouvelle preuve de la puissance de l'Évangile; mais il nous semble que dans le Contrebandier, la preuve de la méchanceté de l'homme qui fait ressortir la première est un peu trop prolongée. On se lasse presque des scènes de contrebande qui se succèdent pendant les deux tiers du volume. Mais on n'en suit qu'avec plus d’intérêt les premiers rayons de la vérité qui pénètrent dans cette âme ténébreuse. Cette dernière partie du récit est attachante.

La première fois qu’il eut en main un Nouveau Testament, il l'ouvrit au hasard. — «Je tombai, raconte-t-il, sur le troisième chapitre de S. Jean, que je lus et relus plusieurs fois. Le verset 16 surtout captivait mon attention; je le comprenais mieux. Dieu a tant aimé le monde, qu'il a donné son fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu’il ait la vie éternelle.

Ce mot tant trouvait de l'écho dans mon cœur; Dieu a tant aimé le monde, répétais-je souvent avec un plaisir vrai et profondément senti. Ah! s’il a aimé un être tel que moi, certes son amour a été grand!


Mais suis-je compris dans l’amnistie générale?

Puis-je avoir part au pardon que Dieu fait proclamer par Jésus?

Ne me suis-je pas fermé les portes de la miséricorde divine?


Ma conscience me le dit, mais le mot QUICONQUE qui se trouve dans ce passage semble démentir un tel langage: afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu’il ait la vie éternelle.

QUICONQUE, QUI QUE CE SOIT, moi-même enfin, EN CROYANT, JE PEUX AVOIR LA VIE ÉTERNELLE.

Chaque mot de ce passage me parut gros d’idées consolantes.

Le lendemain, mon premier soin fut de prendre mon Testament; je l’ouvris comme la veille, indistinctement, et je tombai sur le chapitre neuvième du livre des actes des Apôtres, où la conversion de S. Paul se trouve décrite.

Le caractère de cet homme, ses efforts cruels contre les chrétiens, le but de son voyage, cette vive lumière qui l’arrêta sur son chemin; ces paroles qui retentirent jusque dans les replis les plus cachés de son cœur: Saul! Saul! pourquoi me persécutes-tu?

Son changement subit, sa prédication à Damas, tout m'étonna.

Une voix secrète me dit alors que celui qui avait eu la miséricorde de changer un persécuteur si acharné des chrétiens, pourrait bien me changer aussi.

Je crus voir dans cette conversion un gage de la mienne. Cette confiance me donna du courage; non seulement je continuai à lire le Nouveau Testament tous les jours, mais je mis à exécution mes plans de réforme.

Je m'éloignai en effet de tous mes camarades;

Je ne mis plus les pieds dans les cabarets;

Je fis la contrebande seul;

et le dimanche j'avais toujours soin de garder mes enfants, afin que ma femme pût se rendre au temple.


***


Sa première entrée dans un temple protestant peint au naturel le coeur de l’homme:

Ma femme désirait ardemment que j’entendisse le pasteur qui avait opéré un si grand changement en elle par sa prédication.

Souvent elle me suppliait de l'accompagner au temple; mais retenu par des préjugés, par une fausse honte, par l’étonnement qui devait se peindre sur tous les visages quand on me verrait franchir le seuil d’une maison de prière, je trouvais mille prétextes pour ne pas me rendre à son invitation; tantôt c’était ma chaussure qui n’était pas en bon état, tantôt c’était une autre partie de mon costume qui n’était pas assez propre; souvent je m’arrangeais de manière à ce qu'elle ne pût laver mes effets le samedi, afin d’être dans l’obligation de garder la maison le dimanche.

Une lutte régulière s’engagea ainsi pendant près de quatre mois entre ma femme et moi; c’est à celui qui emploierait le plus de ruses....

Pendant quelque temps ma femme garda le dessus le plus enfin le dimanche des rameaux de l'année 1831, elle me dit:

Iras-tu au temple lorsque M. le pasteur viendra?

Oui, lui dis-je, tu sais que je te l'ai promis!

S’il était aujourd’hui ici, y viendrais-tu?

Très volontiers.

Eh bien! il est arrivé!

Pourquoi ne m'en as-tu rien dit hier? Tu sais qu'il m'est impossible d’aller au temple avec les habits que je porte, et les autres n'ont pas été lavés.

Que te manque-t-il, je te prie?

Tu le sais bien, mon gilet n’est pas propre, et je doute fort que toutes les autres parties de mon costume du dimanche soient en état d'être portées aujourd'hui....

Ma femme, pour toute réponse, lève la couverture du lit, et là je vois avec surprise tous mes effets, du plus petit jusqu’au plus grand, raccommodés, lavés, repassés, en un mot dans le meilleur étal possible.

Cette bonne amie s’était levée dès qu’elle m’avait vu endormi et avait passé toute la nuit à les préparer.

Privé de toute excuse par une adresse aussi heureuse, je résolus d’aller au temple. Nous sortîmes ensemble de la maison; mais craignant que les voisins ne soupçonnassent le but de ma sortie, et ne vinssent à me railler, je marchai à une bonne distance de ma famille; arrivé dans l’édifice sacré, je m’assis négligemment près de la porte pour faire croire à toutes les personnes qui m'apercevraient, que je n'y étais allé que par une pure condescendance et par curiosité.


«Le chant fini, le pasteur lut un chapitre du Nouveau Testament, fit une prière appropriée aux besoins de ses auditeurs, et surtout aux miens, et prit son texte dans le même chapitre. Il s’attacha à montrer d’une manière incontestable la corruption de l’homme, son penchant à faire le mal. Il fit ensuite une sérieuse application de ses paroles aux cœurs de ses auditeurs, et il les pressa d’employer les moyens offerts par la miséricorde divine pour changer de cœur et naître de nouveau.

Son discours fit une profonde impression sur moi.

Je crus d’abord que ma femme lui avait révélé mon état présent et ma vie passée, et qu’il n'avait fait son sermon que pour moi; aussi, en regagnant ma demeure, je dis à ma femme:

On a déclaré au Pasteur tout ce que j’ai fait, je l’ai bien vu, il a trop souvent parlé de moi, de mes infirmités et de mes faiblesses, pour que j'en puisse douter; n'importe, je retournerai l’entendre cet après-midi; mais si l’on ne me dit pas qui lui a fait connaître mon histoire, je ne remettrai de ma vie le pied dans le temple.

Ma femme m’assura que personne ne lui avait parlé de moi, qu’il ignorait même mon existence, et que dans son sermon il n’avait fait que nous donner une peinture fidèle du cœur de l’homme.

Selon ma promesse, je retournai l’après-midi au temple; le Pasteur nous lut une portion de la vie de Samson. Il nous montra avec force l’influence d’un premier faux pas dans le chemin du devoir, et tout ce qu’il y a de honteux et de dégradant pour l’homme dans le vice de l’incontinence.

Ses observations me firent mal, et me rendirent confus; elles pouvaient m’être applicables d’une manière toute spéciale, aussi n’osais-je lever la tête.

Je restai néanmoins à l’école du Dimanche. Le soin que prenait chaque moniteur de sa classe, l’affection qu’il portait à ses élèves, l’intérêt qu’il prenait à chacun d’eux; la manière simple, grave, sérieuse avec laquelle il leur expliquait la parole de Dieu, la patience qu’il mettait à les entendre, tout enfin captiva mon attention, me toucha le coeur.

Qu’ils sont heureux, me dis-je, ces êtres qui apprennent à connaître leur Créateur dès les jours de leur jeunesse! Ah! si j’eusse joui de ce précieux privilège, je n'aurais pas traversé une carrière si déplorable, j’aurais été un membre utile de la société un citoyen fidèle aux lois de son pays. Il me tardait de voir mes enfants jouir des mêmes avantages, et recevoir une instruction si solide.

L’école finie je rentrai chez moi, éprouvant une joie secrète, profonde et vraie. L’horizon le plus clair et le plus brillant se levait à mes regards étonnés, et venait sourire à mon cœur. Je compris enfin qu'en suivant le chemin qui se présentait devant moi, j’allais remplir mes devoirs, et être heureux sur cette terre.

À peine fus-je rentré dans ma chaumière, que ma femme me demanda si j'étais fâché d’avoir été au temple.

Bien loin d’en être fâché, lui dis-je, je me propose d’y retourner tous les dimanches, et de mener avec moi ceux d'entre nos enfants qui pourront assister à l'école. Je leur apprendrai à lire la Parole de Dieu, je tâcherai de leur être un exemple en toutes choses; tu prieras avec eux chaque matin et chaque soir.

Nous ferons nos efforts pour les élever dans la crainte de Dieu, et dans l’obéissance à ses commandements, et j’espère qu’à l’avenir la paix régnera entre nous et dans notre maison.

Ma femme me répondit par des larmes de joie; elle se croyait sur une autre terre, tant elle était peu accoutumée à entendre un tel langage sortir de ma bouche.

Tous les faits de ce récit sont vrais, c’est l’auteur qui nous l’assure; et nous le croyons sans peine....

Ouvrage proposé à la lecture par les archives du christianisme du 14 février 1835


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