Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

BIOGRAPHIE CHRÉTIENNE

LOUIS HOFACKER.

1834


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La vie du chrétien dont le nom est inscrit en tête de cet article fut tellement humble et cachée en Christ, que nous avons hésité de la faire connaître à nos lecteurs de crainte d’en détruire le charme en soulevant le voile de nos mains. Nous allons laisser parler le pasteur Hofacker lui-même, et puissent ses simples et pieuses confessions édifier ceux qui auront voulu les lire!

Les lignes suivantes sont extraites d’une notice que Hofacker lut à son troupeau le jour où il fut installé comme pasteur de l’église de Rielingshausen (royaume de Wurtemberg).

«Je n’aime pas à parler de moi. Quoique toute mon existence soit une preuve de la fidélité immuable et de la paternelle providence de Dieu, mon orgueil trouve néanmoins son compte à l’entendre raconter; j’eusse mieux aimé que cette existence eût été tout à fait oubliée des hommes; mais une église peut et doit demander ce qu’est son pasteur, et c’est pour cela que je vais vous faire connaître les principaux moments de ma carrière.


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«Je naquis le 15 avril 1798 à Wildbad, dans le fond de la Forêt-Noire. Feu mon père qui est mort à Stuttgart en 1824 , et qui est mort dans la paix et dans la joie de son Maître, était le pasteur de mon village natal. À mon baptême je reçus les noms de Guillaume-Gustave-Louis. Mon père s’occupa avec beaucoup de zèle de mon éducation et de celle de mes frères; j’en avais six; le Seigneur en enleva trois dès leur enfance. Je fus destiné d’abord à entrer dans une administration civile.

Au printemps de 1812, mon père (qui avait été envoyé depuis dans une autre Église) me reçut à la Sainte-Cène; et ce jour-là, en sortant du temple, il me demanda si je me sentais effectivement disposé à devenir commis? Il ajouta qu’il croyait, lui, que je devais étudier la théologie; en même temps, il me fit savoir combien j’aurais encore à travailler avant de pouvoir aller à l’Académie. Je répondis que je voulais étudier la théologie, et que je n’aurais point peur de travailler beaucoup. Je me voyais déjà pasteur!

Après quatre années d’études préparatoires faites en partie chez un de nos parents qui était directeur d’une institution, et en partie dans des collèges secondaires, je quittai, en 1816, la maison paternelle, et fus à Tubingue.

Pendant les deux premières années de mon séjour dans cette ville, je menai une vie d*étudiant, c’est-à-dire, travaillant peu et m’amusant beaucoup. Je rougis au souvenir de mon temps d’études!

Éloigné tout à fait de Dieu, j’étais plongé dans le mal.

Toute ma manière d’être était comme un mauvais rêve. Je fus, pendant ces deux années, en philosophie, comme on dit. Dans l’automne de 1818, je commençai ma théologie. Déjà plusieurs fois, depuis quelque temps, il m’était venu de sombres pensées sur l’état de mon âme; mais je tâchai de m’étourdir et de chercher la paix dans le monde, où elle n’est pas.

Qu’est-ce que la vérité? Telle fut la question que je m’adressai continuellement, et malgré moi, à moi-même. J’avais étudié de mon mieux les systèmes de beaucoup de sages anciens et modernes, mais je n’avais trouvé nul contentement d’esprit. Tel système admet comme vraie telle opinion, tel autre système telle autre opinion, et souvent ces deux opinions, également données pour vraies, sont diamétralement opposées.

La vérité que je cherchais devait être, au contraire, tellement au-dessus de toute discussion et de toute opposition, que je pusse y baser, comme sur un roc, tout l’édifice de mes connaissances et de mes convictions; je voulais une vérité pour la vie et pour la mort.

Pendant que toutes ces pensées travaillaient mon esprit, je lus un livre qui raconte la fin bienheureuse d’un homme qui avait cru en Jésus; c’était la vie de Jung-Stilling. En lisant ce livre, je reconnus que cet homme avait eu, lui, une vérité pour la vie et pour la mort, et je me mis à étudier l’Évangile. Dans le même temps, mon frère cadet vint à Tubingue pour commencer ses études.

Guillaume avait déjà fait les premiers pas dans le véritable Christianisme et son zèle aimable exerça une grande influence sur moi. Le ministère de la Parole m’apparut de plus en plus beau et désirable, mais le monde conserva encore tous ses attraits pour moi, et je me fusse volontiers partagé entre ce monde et Dieu. Ce partage perfide ne fit qu’ajouter aux agitations de mon âme; une indicible angoisse s’empara, par moments, de tout mon cœur, et j’arrivai enfin à la résolution de suivre Christ; mais alors j’avais encore les idées du scribe ou du disciple dont saint Matthieu nous parle dans le chap. VIII de son Évangile.

«Je lus la Bible avec une grande ardeur, mais les ténèbres de mon entendement furent encore plus grandes, et l’incrédulité vint me tourmenter. Pendant longtemps je ne pus croire que la Bible fût vraie: je suppliai cependant sans cesse mon Sauveur, et il me donna enfin de recevoir la Parole comme venant de Lui, comme étant la Parole de grâce et de vérité.

Oh! que j’ai profondément senti durant ce temps d’incrédulité toute la malice et tout l’orgueil du cœur de l’homme! Je pensai bien que si ce que la Bible annonce du Sauveur n’était pas vrai, l’homme serait la plus misérable des créatures; et malgré cette pensée, mon cœur se refusa d’abord de recevoir le Sauveur.

Dieu eut pitié de moi. Il me supporta, me soutint, et me fit avancer vers la paix.

J’avais quitté mes anciens camarades pour fuir la colère à venir; j’eus alors des frères en Christ. L’un d’eux, le pasteur Roos, qui est venu m’installer ici, devint mon plus intime ami; nous priâmes et travaillâmes beaucoup ensemble; mais notre faiblesse était encore immense, et nous prîmes souvent pour des perles de grand prix les pierres les plus communes.

Nous croyant forts de nos bonnes intentions, nous planâmes ainsi sur plus d’un précipice: la Grâce du Seigneur nous empêcha d’y tomber et d’y périr. J’étais encore entièrement sous la loi; ignorant encore que cette loi ne peut aboutir qu’à une condamnation, je voulais me sanctifier, je voulais me sauver par elle. À force de sonder les Écritures et de prier, j’appris enfin que ce qui fait la base de la révélation de Dieu: C’EST LA PAROLE DE LA RÉCONCILIATION PAR GRÂCE, SANS LES ŒUVRES.

La miséricorde de Dieu se révéla de plus en plus au regard de mon âme, et le Seigneur me fit connaître de plus en plus ma propre misère.

«En 1820, à la fin d’août, je traversai un jour les rues de Tubingue; mon cœur était rempli de joie, car je songeais aux gratuités de l’Éternel dont la main puissante rajeunissait alors ma vie; soudain je tombai sur le pavé, privé de connaissance et comme frappé de la foudre. Je fus relevé et transporté chez moi. Une fièvre putride se déclara. Pendant quatre semaines, je fus aux portes du tombeau; «les cordeaux de la mort m’avaient environné

«Au bout de quatre semaines j’entrai en convalescence. Mes études à Tubingue étaient finies; je passai l’hiver à Stuttgart, où je prêchai quelquefois, quoiqu’encore bien faible. J’attendais mon entière guérison du printemps, lorsqu’au mois de février 1821, je retombai dangereusement malade; toute occupation me fut interdite, ce qui me contraria beaucoup.

Ah! que j’eusse voulu être délivré de mon mal! Je murmurai; je priai, mais le Seigneur ne me délivra point.

Pendant deux ans je restai dans le même état. L’Esprit de Dieu voulait, sans doute, me faire comprendre que je n’étais qu’un ouvrier faible et inutile et que si je me remettais jamais à l’œuvre, ce ne serait que par grâce, par pure grâce; peu à peu mes forces revinrent; cependant ma tête était encore si faible que je m’évanouis plusieurs fois pour avoir lu quelques lignes.

Au commencement de l’année 1820, mon père devint malade; je fus désigné pour être son suffragant; je prêchai dès lors, pendant deux années, tous les dimanches, à Stuttgart; et j’ai la certitude que je n’ai pas prêché en vain, O Seigneur! à toi est la gloire.

Après la mort de mon cher et fidèle père (en décembre 1824) je retombai malade et il fallut aller aux eaux; ma mère m’accompagna; nous fûmes successivement dans plusieurs endroits; d’abord à Deinach, ici dans notre pays, et finalement à Saint-Maurice dans le canton des Grisons. Toutefois nos précautions furent vaines. «Car mes pensées ne sont pas vos pensées, et mes voies ne sont pas vos voies, dit l’Éternel.»

Mon état alla en empirant; je fus au plus mal. Le mois de novembre de 1825 est pour moi comme s’il n’avait point été; jamais je n’en ai rien su; je fus pendant trente jours comme mort; les médecins m’avaient tous abandonné; mais le Seigneur me soutint et me conserva. «Éternel, tu as fait remonter mon âme du sépulcre; tu m’as rendu la vie, afin que je ne descendisse pas dans la fosse.»

Oh! par quelles profondeurs la sagesse miséricordieuse de l’Éternel ne m’a-t-elle pas conduit durant les longues semaines de ma maladie! Pendant que mon corps gisait sur un lit de souffrances, immobile et presque glacé, mon âme était vivante; elle parcourait les régions de l’éternité, que l’ange de la mort devait d’un instant à l’autre lui ouvrir; elle se présentait devant le tribunal de Dieu! D’abord elle fut seule, plaidant elle-même sa cause et succombant sous le fardeau de ses péchés, sous le poids du juste jugement de Dieu; puis, elle s’adressa, à la fois pleine de désespoir et d’espérance, au Sauveur, à celui qui veut donner le repos aux âmes, et mon âme eut la paix. Ainsi, pendant que mes amis pleuraient autour de ma couche, et qu’ils me prodiguaient les preuves de cette pieuse charité à laquelle je ne pouvais alors répondre, mais que je ne veux jamais oublier, Dieu me donna les plus salutaires instructions et les consolations les plus puissantes.

Cette dernière maladie acheva de me pénétrer du sentiment de mon néant et de l’immensité du salut que le Seigneur nous offre et nous donne. Ma maladie ne fut donc «point à la mort, mais pour la gloire de Dieu, et afin que le Fils de Dieu fut glorifié.» Je guéris entièrement.

Après un temps assez long donné aux soins de la convalescence, et consacré à la recherche d’un champ où je pusse travailler selon la volonté du Seigneur, le Seigneur m’appela dans cette église de Rielingshausen, et me voici, mes biens aimés frères, me voici au milieu de vous! «Que rendrai-je à l'Éternel? Tous ses bienfaits sont maintenant sur moi!»

Mes frères, ce que je viens de vous dire ne peut vous donner qu’une faible idée de la patience et de la longue attente dont j’ai forcé, pour ainsi dire, le Seigneur à user envers moi. Dieu seul sait combien mon coeur a été rebelle et dur. Dieu m’a comblé des bénédictions de sa miséricorde! C'est lui qui a commencé son oeuvre en moi; c’est lui aussi qui l’achèvera.»

Hofacker, qui vient de nous faire ces touchantes confessions, ne put jouir que pendant un temps très court du bonheur de rendre dans son église témoignage à la puissance et à la miséricorde de l’Éternel. Les plus douloureuses épreuves vinrent le visiter de nouveau.

En 1827, il lui fallut se résigner à l’amputation d’un des doigts de la main gauche, et à la même époque le Seigneur lui enleva soudain sa mère chérie, qui l’avait toujours soigné avec la plus tendre affection et qui lui était unie par les liens d’une même foi et d’une même espérance. Notre ami sut donner quelque relâche à ses peines par le zèle avec lequel il surveillait alors la publication de la première partie de ses discours chrétiens, discours qui portent le sceau de la pure vérité, et qui sont tous imprégnés de la charité qui animait leur auteur, et de l’énergie avec laquelle ce fidèle ministre travaillait à l’avancement du règne de son Seigneur et son Dieu.

Avec l’année 1828 ses forces tombèrent à vue d’œil; pendant les premiers mois de cette année, il prêchait encore chaque dimanche. Le jour de Pâques, il prononça son dernier sermon, Jésus, le vainqueur de la mort.

De ce jour, il ne dut plus revoir le temple dans lequel il avait annoncé tant de fois et avec tant de force Celui qui «nous a été fait de la part de Dieu, sagesse, justice, sanctification et rédemption

Une hydropisie des plus intenses vint l’accabler; la respiration devint extrêmement pénible et l’enflure des jambes fut telle que le moindre attouchement lui arrachait des cris; il ne pouvait rester couché; pendant les trois derniers mois de sa vie il se tint, nuit et jour, dans son fauteuil, et n’eut pas un seul moment de bien-être, presque pas de sommeil.

Au milieu de tant de souffrances corporelles, son âme fut constamment en présence du Seigneur et de l’éternité. Toutes ses pensées tendaient à se dépouiller de plus en plus de sa propre justice, à s’attacher avec toujours plus d’amour à son Sauveur et à s’affermir toujours davantage dans la foi en la miséricorde gratuite de ce grand et bon Dieu.

Et cette foi, il l’annonçait encore de sa bouche mourante à ceux qui l’entouraient: il leur répéta que le désespoir serait notre partage, si l’amour de Dieu n’était pas infini; il les supplia de persévérer jusqu’à la fin pour être sauvés.

Sa fin, à lui, il la voyait venir avec joie, et cette joie ne fut point altérée par les douleurs inouïes qui l’accablèrent durant ses dernières journées. Le calice d’amertume était plein, et il fallut que notre ami le vidât jusqu’à la lie; mais quelques gouttes de la grâce divine étaient tombées dans ce calice, et Hofacker le but avec le courage du chrétien.

Il ne pouvait plus parler, seulement quelques paroles, prononcées d’une voix éteinte, sortirent encore de temps à autre, de sa poitrine oppressée: «Seigneur, en est-ce assez? Mets une fin à tant de douleur! Père, si tu voulais transporter cette coupe loin de moi? Toutefois que ma volonté ne soit pas faite, mais la tienne!»


Il invita ses amis à prier Dieu de le laisser mourir; et quand, le 18 novembre au matin, on lui annonça qu’il ne verrait probablement pas la fin de cette journée, tous ses traits exprimèrent le plus vil contentement et aussi la plus douce patience. On ne s’était pas trompé, ce jour devait être le dernier de ceux que le jeune et bon pasteur eut à vivre ici-bas. À midi il dit: «Je marche par la vallée de l’ombre de la mort.» Son intime ami lui répondit: «Le Seigneur est avec toi, il est ton bâton et ta houlette;» et Hofacker reprit: «Je ne craindrai aucun mal!» —

Bientôt après il joignit ses mains maigres et froides en disant: Priez, priez! Le même ami s’approcha de lui en le bénissant et en prononçant une prière. À peine eut-il cessé de parler, que Hofacker employa sa dernière force pour dire Sauveur! Sauveur! — «Et quand il eut dit cela, il s’endormit. »

Archives du christianisme 1834 05 24



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