Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

ÉTUDES CHRÉTIENNES.

UN DEVOIR HABITUELLEMENT NÉGLIGÉ DANS LE CULTE PUBLIC


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Il a paru dernièrement un petit livre intitulé: lettre du révérend H.Venn à Jonathan Scott. L’auteur s’adresse à une personne dont le cœur vient de s’ouvrir à la connaissance de Christ, et il lui donne des conseils sur les moyens d’avancer et de persévérer dans le chemin de l’Évangile. Au milieu d’un grand nombre de sages réflexions inspirées par une longue expérience de la vie chrétienne, nous avons remarqué le passage suivant qui mérite, à plus d’un égard, d’être pesé avec une sérieuse attention:

«La prière et une étude pieuse de la Bible, dit M. Venn, vous prépareront à servir Dieu dans sa maison. Et ici, vous devez vous mettre en garde contre une erreur fatale dans laquelle tombent souvent ceux qui aiment entendre l'Évangile.

Convaincus par les Saintes Écritures que la prédication de l’Évangile est le moyen destiné à convertir les pécheurs, et sachant qu’ils ont été eux-mêmes éclairés de cette manière, bien des gens s’imaginent que toute leur édification doit résulter des paroles du prédicateur.

De là vient que, tandis que le ministre et le troupeau devraient:

s’humilier devant Dieu en confessant leurs iniquités,

invoquer sur eux l’efficace du sacrifice et de l’intercession de Christ pour obtenir leur pardon, et demander avec ardeur le secours de la grâce pour servir le Seigneur en tout ce qui lui est agréable;

tandis qu’ils devraient, remplis d’amour pour leurs semblables, les recommander aux tendres soins de leur Père céleste, et lui rendre de sincères actions de grâces pour l’amour et la tendre charité dont il use envers les hommes.


il est facile de remarquer, pendant toute cette partie si importante du service, une complète inattention sur beaucoup de visages, l'intérêt ne paraissant excité que lorsque le prédicateur a pris son texte. Grossière ignorance! coupable légèreté!

Vous qui faites profession de croire, pouvez-vous penser que vous pourrez jamais être béni dans l’usage d’un moyen de grâce, tandis que vous en méprisez un autre? ou que, après avoir assisté à une partie du service sans aucun sentiment de repentance, d’amour et de piété, vous pourriez être convenablement préparé à recevoir les choses qui vous seront adressées de la chaire?

Détrompez-vous; c’est votre curiosité et votre amour pour la nouveauté qui seuls sont satisfaits dans les discours que vous admirez. Je voudrais, au contraire, cher monsieur, vous voir faire un grand cas des bénédictions que vous pouvez retirer de ces premiers vœux que vous adressez à Dieu avec tout le troupeau, comme enfant de Dieu par la foi en Jésus-Christ, avant d'entendre les pasteurs de l'Église.

Cette première partie du culte est nécessaire; elle est destinée à préparer le terrain qui doit recevoir la bonne semence, et à ouvrir le cœur pour qu'il croie et obéisse à la vérité.

Souvenez-vous que s’il est ordonné de prêcher Christ pour rassembler les brebis égarées, une fois qu’elles sont réunies

elles doivent offrir des prières, des louanges, des intercessions et des actions de grâces, présentant à l'Éternel une oblation selon la justice.

Souvenez-vous que la prédication cessera bientôt, mais que le culte spirituel durera toujours. C’est pourquoi, si nous avions le choix d'entendre prêcher Paul, ou de nous prosterner avec lui pour prier, nous devrions choisir la prière; car qui ne préférerait se présenter devant son Maître adorable pour lui demander ce qu’il a promis, que d’entendre exalter sa puissance et sa gloire!

C'est une maladie aussi dangereuse qu'épidémique que de désirer d'avoir les oreilles chatouillées par des discours agréables; et SI LA PRÉDICATION NE NOUS A PAS FAIT AIMER LA MAISON DE PRIÈRE, IL EST DIFFICILE DE CROIRE QU'ELLE NOUS AIT FAIT AUCUN BIEN.»

Ces observations, écrites par un membre de l’Église anglicane, il y a près de soixante-dix ans, peuvent encore s’adresser aujourd’hui à beaucoup de membres de l’Église réformée de France.


Il est hors de doute qu’une grande partie de ceux qui fréquentent le plus assidûment nos temples, n’attachent qu’une médiocre importance au culte proprement dit, et qu’ils réservent toute leur attention, tout leur intérêt, toute la puissance de leur vie religieuse pour la parole du prédicateur.

Les prières liturgiques sont à peine écoutées par forme de bienséance; il est facile de voir sur le visage de la plupart des assistants qu’ils ne s’y joignent pas de cœur, qu’ils ne s’humilient pas intérieurement quand la prière exprime l’humiliation, qu’ils n’ont ni douleur ni repentance quand la prière parle de vive douleur et de sérieuse repentance, qu’ils ne supplient point Dieu de leur pardonner quand la prière implore le pardon de Dieu, en un mot, qu’ils ne prient point quand le pasteur prie.

Il y a même des personnes, et en grand nombre, qui manifestent leur indifférence pour les prières liturgiques avec une étonnante naïveté. Demandez-leur, lorsqu’elles se rendent habituellement trop tard au service divin, pourquoi elles ne prennent pas à tâche d’y venir plus tôt. — Mais nous y arrivons bien à temps, répondent-elles sans hésitation, car nous sommes toujours là quand le pasteur lit son texte!

Si l’on veut une preuve palpable et matérielle, pour ainsi dire, de la profonde inattention qu’on apporte à la partie liturgique du culte, il suffira de rappeler ici un fait qui ne peut être ignoré de personne.

La prière qui ouvre notre liturgie, et qui se nomme la confession des péchés, prière sublime, la meilleure et la plus évangélique, peut-être, après l’oraison dominicale, qu’il ait été donné de prononcer à des lèvres humaines, cette prière contient en peu de lignes tous les dogmes fondamentaux de l’Évangile.

Nous y proclamons solennellement:

1. que nous sommes nés dans la corruption (doctrine du péché originel);

2. que nous sommes incapables par nous-mêmes de faire le bien (impuissance absolue de l’homme à mériter le salut);

3. que nous avons attiré sur nous la condamnation et la mort (malédiction universelle prononcée par la loi).

4. Nous supplions le Seigneur d’avoir pitié de nous, et de nous pardonner nos péchés à cause de Jésus-Christ (salut par grâce, complète rédemption en Christ);

5. nous sollicitons enfin les grâces du Saint-Esprit, pour pouvoir porter des fruits de sainteté et de justice qui soient agréables à Dieu (nécessité de la régénération, de la nouvelle naissance par le Saint-Esprit).


Eh bien! lorsque plusieurs ministres de l’Évangile ont recommencé, dans ces derniers temps, à prêcher avec foi et fidélité sur toutes ces doctrines, quelle est la réclamation qui a été élevée contre eux?

A-t-on dit que leurs paroles étaient dures? On comprendrait ce reproche; la parole du serviteur de Christ est dure, comme l’était la Parole de Christ lui-même, pour les pécheurs qui ne veulent ni se convertir ni se repentir.

Mais non; chose inouïe et incroyable! chose qu’il nous est impossible de comprendre, même après l’avoir vue de nos yeux, entendue de nos oreilles, et comme touchée de nos mains! on a reproché aux ministres de l'Évangile d’enseigner une doctrine nouvelle; oui, retenez cette expression qui passe toute idée, une doctrine nouvelle! 


Et qui est-ce qui a dit cela?

Des hommes du monde qui ne viennent écouter qu’une ou deux fois par an la confession des péchés, et qui peuvent aisément l’oublier dans l’intervalle?

Non, non; ceux qui ont dit cela sont des auditeurs assidus (pour ne pas remonter plus haut); ce sont des personnes qui avaient entendu, chaque dimanche, depuis trente ans peut-être, qui avaient entendu cent et cent fois la confession des péchés. Quelle preuve évidente et déplorable du peu d’attention qu’on accorde aux prières liturgiques!

Ces membres du troupeau, que l’on tenait pour les plus fidèles, avaient donc eu l’apparence d’écouter, de prier, de s’humilier, de se repentir, d’implorer le pardon de Dieu en Christ, et ils n’avaient pas écouté ni prié, ils ne s’étaient ni humiliés ni repentis, ils n’avaient pas demandé le pardon de Dieu en Christ!


Ils mentaient donc au Dieu fort, à Celui qui sonde les reins et les cœurs!

Mais je me trompe; ils ne mentaient point; car, pour mentir, il faut au moins savoir ce qu’on dit, et ils n’apportaient pas même assez d’attention pour le savoir.

Cette habitude d’inattention et d’indifférence à l’égard des prières qui se font dans le service divin est un mal qu’on ne peut signaler avec trop d’énergie.

Le culte religieux n’est plus alors un culte, c’est une leçon;

le temple n’est plus un temple, c’est une école;

le pasteur n’est plus un pasteur, c’est un professeur;

les assistants ne sont plus des fidèles, ce sont des élèves ou des juges, suivant l’esprit de docilité ou de critique avec lequel ils écoutent le discours;

la religion enfin n’est plus la religion, c’est une simple affaire d’étude ou de curiosité.

Nos sanctuaires ne sont alors peuplés que de gens semblables aux auditeurs de Saint Paul dans l’aréopage; on se rassemble au pied de la chaire chrétienne pour entendre quelque chose de nouveau!

Prenons-y garde; la partie essentielle et fondamentale du service divin, c’est l’adoration; NOUS NOUS RÉUNISSONS POUR ADORER, ou comme l’indique le mot usuel, pour servir le Seigneur.


On peut concevoir un service religieux sans prédication,

mais on ne le conçoit pas sans prière.


La prière en est le commencement et la fin; elle est l’âme de tout culte, soit public, soit particulier. Faibles créatures de péché, imperceptibles vermisseaux, plus faibles encore et plus imperceptibles, ce nous semble du moins, lorsque nous sommes isolés, nous allons nous joindre à nos frères dans une maison consacrée à Dieu; nous y allons sur la foi de cette Parole de notre divin Maître: «Là ou il y en a deux ou trois assemblés en mon nom, j’y suis au milieu d’eux;» nous y allons mettre en commun toutes nos misères, avec l’espoir que Dieu aura pitié de cette grande et universelle misère; nous y allons unir toutes nos supplications en une seule supplication, afin qu’elles montent avec une voix plus haute et plus forte jusqu’à l’Être qui habite dans les cieux des cieux; nous y allons enfin présenter des hommages unanimes à celui qui «a fait d’un seul sang tout le genre humain.»

Voilà le culte; c’est une prière, une prière collective, et le pasteur est l’homme de prières; il est la voix de l’Église auprès de Dieu.

La prédication, bien que très importante et d’institution divine comme la prière, bien que fort utile quand elle est fidèle, la prédication n’est que l’accessoire du service religieux.

Que fait donc celui qui n’écoute pas les prières, qui ne s’y joint pas, et qui ne donne son attention qu’au discours de l’orateur chrétien?

Il fait une œuvre qui n’est plus du tout celle que Dieu attend de lui dans sa maison; IL ANÉANTIT LE CULTE, et lorsqu’il sort du temple, il ne s’est pas plus approché du Seigneur que s’il n’y était pas venu.


Sans nul doute il est convenable d’écouter le prédicateur;

mais, avant tout, il faut prier avec le pasteur.


Ces réflexions pourraient s’étendre beaucoup, car la matière est grave; elle renferme peut-être le secret de la langueur spirituelle d’un grand nombre d’âmes, et le moyen de les faire vivre d’une nouvelle vie en Christ. Mais qu’il nous suffise d’avoir indiqué ce sujet; c’est à la chaire chrétienne à le présenter dans tous ses développements.

Archives du christianisme 1834 01 25



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