Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

BIOGRAPHIE RELIGIEUSE

Anaïs B***.

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(On vient de publier, sous le titre de Combat et Victoire, le récit des derniers moments de cette jeune fille, morte à Grenoble le 16 avril de cette année. En empruntant à cette notice les principaux détails qu’elle renferme, nous sommes sûrs de contribuer à l’édification de nos lecteurs.

Quoi de plus propre, en effet, à produire de douces et salutaires impressions que la vue de la paix dont peut jouir, à l’heure de son délogement, une âme qui connaît le Seigneur! Cette paix est ici d’autant plus remarquable qu’elle a été le fruit immédiat de l'acceptation du salut, et qu’elle a succédé à UN ÉTAT DE TROUBLE CAUSÉ PAR L’ABSENCE DE LA FOI.

Nous espérons que cette courte brochure parviendra en beaucoup de mains, et c’est pour engager les chrétiens à se la procurer et à la répandre que nous en reproduisons ici des fragments.)


* * *


Anaïs avait été élevée dans les principes de l’Évangile auprès de son oncle, pasteur de l’église de Grenoble. Elle connaissait pleinement la vérité. La Parole de Dieu avait même assez fait d’impression sur elle, pour lui faire désirer sérieusement son salut, et lui faire beaucoup plus redouter la mort qu’auparavant. Mais les distractions et la légèreté de son âge l’avaient empêchée de se donner véritablement au Seigneur, et d’assurer sa paix et son salut en lui.

Cependant Dieu semblait préluder aux vues de sa miséricorde envers elle, en lui mettant au cœur l’instinct qu’elle mourrait jeune. Un jour elle disait à sa sœur, en pension avec elle: «Il est inutile que mes parents me fassent tant apprendre, car je mourrai jeune.»

Au commencement d’octobre 1837, elle fut envoyée en pension à Lyon, dans un but particulier qu’on se proposait à son égard. Il paraît que là, sans qu’on sache pour quelle cause, elle ne se nourrissait que d’idées tristes et mélancoliques qui ont bien pu provoquer la maladie dont elle fut atteinte, ou du moins en favoriser les progrès.

Le premier jour de l'an, se trouvant malade, elle ne put, selon l’usage de la pension où elle était, préparer une composition pour l’envoyer à ses parents. On lui permit d’en choisir une parmi les sujets qu’elle avait déjà traités. Elle se sentit le besoin de s’arrêter à celui-ci: Une promenade dans un cimetière. Cette composition, d’un côté, est empreinte d’un vrai talent, et, de l’autre, n’est point un vain exercice de style, mais frappe par la solidité et la gravité des réflexions. Il paraît qu’elle était à l’unisson de son âme, et que cette chère enfant s’en fit une occasion d’épancher son cœur; n’osant dire ses intimes pensées à ses parents ni à ses amis, elle les confia au papier, et les fit parvenir à sa famille sous le voile de la fiction. Elle éprouva avant sa mort précisément tout ce qu’elle avait exprimé dans cette composition; elle fit donc en quelque sorte la notice anticipée de ses derniers moments.


Au mois de décembre 1837, elle tomba sérieusement malade. Peu de temps après, on écrivit à ses parents qu’elle était beaucoup mieux et comme guérie. Mais le mal couvait encore comme un feu sous la cendre, et il éclata plus fortement que jamais vers la fin de février 1838. Son père, en étant averti, partit pour aller la chercher; mais comme sa ville natale était à une trop grande distance, on se décida, vu son état, à la ramener à Grenoble. Là elle fut soumise à un traitement tout nouveau qui ne tarda pas à diminuer les douleurs violentes quelle éprouvait. On crut alors qu’elle allait guérir, mais le mal était trop ancien et trop avancé pour pouvoir être détruit dans son principe; il faisait sourdement ses ravages; et peu après, tout espoir fut perdu.

Ses parents de Grenoble, qui l’aimaient tendrement, ne pouvaient prendre sur eux de lui parler de la mort. Il est des sentiments de la nature que le sentiment chrétien même ne peut toujours vaincre, et souvent ceux qui aiment tendrement un malade ne sont pas ceux qui se sentent le plus de courage pour lui annoncer que la mort s'avance pour frapper son terrible coup.

Cet office fut rempli par notre sœur en Christ, Mlle R... Déjà même avant de lui parler directement de la mort, elle avait depuis plusieurs jours des entretiens spirituels dont elles étaient convenues ensemble. La malade y prenait plaisir, ainsi qu’à la lecture de la Parole de Dieu, quoiqu'elle avouât qu’elle n'avait pas encore trouvé le Sauveur.


Le Vendredi saint, quand toute la gravité du mal se fut révélée, Mlle R... sentit qu'il était de son devoir de lui faire connaître ce qu'il y avait de sérieux dans son état. Alors Anaïs lui dit:

Croyez-vous, Mademoiselle, que je doive bientôt mourir?

Nous ne pouvons le dire, lui répondit Mlle R.. ; Dieu est tout-puissant pour vous retirer de cet état, et nous ne connaissons point sa volonté; mais à n’en juger que sur les apparences, nous serions portés à croire qu’il veut vous retirer à lui.

Et M. B.. (le médecin) vous a-t-il parlé de ma mort prochaine?

Non, il n’en a rien dit, il se tait tout à fait là-dessus; mais son silence même ne peut être interprété d’une manière favorable.

Ah! s'écria alors Anaïs, en portant sa main sur son front, je ne serai pas sauvée!


Mlle R... s’appliqua à l’encourager et à la fortifier, en lui représentant la grande charité de Jésus qui n’était précisément venu sur la terre que pour chercher et sauver ce qui était perdu, et qui invite si tendrement tous les pécheurs travaillés et chargés à aller à lui.

Quant à nous, ses parents, nous que notre tendresse portait encore à nourrir d’irrésistibles illusions sur son compte, si d'un côté nous ne lui parlions pas de sa mort prochaine, de l'autre nous priions beaucoup pour elle; nos amis priaient beaucoup aussi, et ces prières, grâces à Dieu, n’ont point été vaines.

L’un a bien vu en cette chère enfant les deux états où peut se trouver une âme à cette heure redoutable avant et après sa réconciliation, et les fruits opposés de ces deux états.

Avant d’avoir reçu la paix, Anaïs se rattachait très fortement à la vie. Les deux derniers jours, se sentant plus fatiguée, quand on approchait de son lit, elle vous fixait avec ses beaux yeux expressifs, cherchant à lire dans vos regards ce que vous pensiez d’elle, et vous interrogeant avidement dans cet entretien muet.


Le lundi de Pâques, 16 avril, sur les sept heures du soir, comme je me disposais à vite terminer un travail pressant, pour être ensuite tout à fait à cette chère enfant, sa tante, ma sœur, vint me dire qu’elle me demandait.

À l'instant je quittai tout, et j’allai auprès d'elle. Je la trouvai bien plus souffrante, et surtout moralement inquiète et agitée. Elle se plaignait d’un point de côté assez fort, et d’avoir de la peine à respirer. Elle tournait sa tête d'un côté et de l’autre, et, sentant bien elle-même qu'elle était beaucoup plus mal, elle me dit, avec un air de frayeur:

Mon oncle, qu’est-ce que j’ai?... Si je venais à mourir cette nuit!...

Eh bien! ma chère enfant, le Seigneur est toujours avec nous; confie-toi en lui, il sera aussi avec toi.

Mais, si je n’étais pas sauvée! continua-t-elle avec un ton croissant de trouble et de frayeur.

Angoisse vraiment digne de compassion! Angoisse redoutable qui montre bien l'état d'une pauvre âme qui se sent en face de la mort, pressée par sa main inévitable d’entrer dans l’éternité, de PARAÎTRE DEVANT DIEU, ET N’AYANT PAS ENCORE TROUVÉ LA RÉCONCILIATION, la délivrance, cette délivrance si importante et si désirée en Jésus-Christ! Tel était l’état de cette chère enfant, profondément digne de compassion, de larmes et de prières.


Que les lecteurs y réfléchissent sérieusement; ce moment-ci est digne de toute leur attention Notre malade veut fuir la mort qu'elle voit approcher, parce qu’elle ne se sent pas encore reçue en grâce avec Dieu, et ceci est parfaitement naturel.

Elle s’agite, elle s’inquiète, elle nous demande le médecin, elle supplie, et d’un air pressé et tout troublé: Qu’on fasse venir de suite M. B. afin, dit-elle, qu’il lui donne quelque chose pour la faire respirer plus à l’aise et pour calmer sa douleur. Nous l’envoyons chercher à l’instant, quoiqu’il y eut à peine une heure qu’il fût venu la voir. Cependant nous lui parlons, pour tâcher de lui faire trouver du calme, de la patience et de la force en Dieu. Mais son agitation continue.

Ce sont des mots entrecoupés, c’est une expression de tristesse et de douleur morale autant que physique... «Ah! que je suis malheureuse!» s’écriait-elle en soupirant, et d’un ton à fendre le cœur.

Ces paroles douloureuses pénétraient jusqu’à mes os. Ma chère épouse était avec moi près de son lit; après que nous lui eûmes adressé quelques paroles d’exhortation et d’encouragement, vivement touché de la prolongation de son inquiétude, le Seigneur me mit au cœur de lui lire quelque chose de sa bonne Parole, dans le petit livre intitulé: La rosée d'Hermon; c’est un recueil où se trouvent deux passages pour tous les jours de l’année, dont l’un est une prière du fidèle, l’autre une réponse ou promesse du Seigneur.

Ma chère Anaïs, lui dis-je, voici un livre qui m’a fait une profonde impression la première fois qu’étant dans une très vive peine, je me sentis le désir de lire les deux passages du jour; ils étaient si bien appropriés à mon besoin actuel, et ils me firent tant de bien, que depuis lors je porte toujours ce petit livre avec moi; veux-tu, ma chère enfant, que je te lise les passages d’aujourd’hui?

Oui, me répondit-elle.

J’ouvris le livre au 16 avril, ignorant les paroles que j’y trouverais. Voici quelle était la prière:

«Éternel! écoute ma requête, et prête l’oreille à mon cri, ne sois point sourd à mes larmes.» (Ps. XXXIX, 12.)

Eh bien! lui dis-je, ma chère amie, en fermant un moment le livre, ces paroles ne sont-elles pas bien faites pour toi? Ne sont-elles pas conformes à l’état de ton âme? Et n’est-ce pas aussi la prière que tu adresses au Seigneur?

Alors ma femme dit:

Écoute maintenant la réponse du Seigneur à cette prière.

Nous l'ignorions encore, je lus les paroles suivantes:

Tu ne pleureras plus; il te fera grâce, sitôt qu’il aura ouï ton cri; sitôt qu'il l’aura ouï, il t'exaucera. (Ésaïe, XXX, 19.)

Je ne puis dire combien je fus frappé de ces paroles.

Regarde, chère amie, lui dis-je, quelle douce promesse! Aie donc bon courage, et confie-toi au Seigneur.

Nos sœurs Mme G... et Mlle E. B... entrèrent dans la chambre, suivies bientôt de deux autres, et un moment après, elles sortirent toutes ensemble pour aller prier dans une autre pièce. La chère malade était toujours inquiète; la servante l’entendit qui disait: «JE NE T'AI PAS ENCORE TROUVÉ!»

Cette servante chrétienne avancée, profondément émue de ces paroles, sortit pour aller demander à nos amies de beaucoup prier pour elle; mais elle les trouva déjà aux pieds du Sauveur. Bientôt elles rentrèrent vers la malade qui était encore dans son combat moral, et dont la fatigue physique avait aussi augmenté.

La voyant dans cet état, je lui dis à voix basse:

Ma chère Anaïs, je désire prier pour toi; dis-moi, que veux-tu, en ce moment si important, que je demande au Seigneur pour toi?

Elle ne me répondait pas.

Ne crains pas de me le dire, chère amie; tu dois bien certainement former en ce moment un désir; dis-le-moi, si tu le veux, secrètement entre toi et moi.

Eh bien! me dit-elle, qu’il me guérisse, ou qu’il fasse de suite de moi son enfant.

Réponse qui était bien la véritable expression de son cœur, et parfaitement appropriée à son état; car ne se sentant pas encore dans la paix du Sauveur, ni assurée de son salut en lui, elle devait naturellement fuir la mort et désirer de guérir; mais comme d’un autre côté elle avait le sentiment de la gravité de son état, quelle entrevoyait sa mort prochaine, elle désirait dans ce cas devenir de suite l’enfant de Dieu.

Or, pour ne pas préoccuper l’esprit de la malade de l’idée fort vaine d’une guérison, je ne parlai à nos amies que du désir correspondant à sa prochaine mort; tous les assistants, réjouis et émus de cette demande, fléchirent aussitôt le genou, et je priai le Seigneur d’une manière conforme à ce qu’il avait entendu lui-même de sa bouche.

J’ai la ferme assurance que les prières ferventes que nos amies lui avaient sans cesse adressées dans d’autres lieux de la maison, et cette prière, tout imparfaite qu’elle était, furent exaucées de sa miséricorde; et ici commencent les scènes les plus solennelles de cette mort remarquable.


* * *


L’agonie ne tarda pas à se déclarer; sa poitrine devint plus oppressée, sa respiration plus agitée, elle perdit tout à fait la parole. Notre sœur Mme G lui faisait plusieurs questions pour savoir si elle avait enfin trouvé la paix de Jésus; elle ne répondait rien, elle ne pouvait pas répondre Oh! c’est fini, dit enfin Mme G , elle ne parle plus; elle ne nous entend même plus.

Je crois, lui dis-je, qu’elle nous entend encore, car l’ouïe est le sens qu'on garde le plus longtemps; au reste, je vais m’en assurer.

Je dis à notre chère amie, que si elle m’entendait, je la priais de m’en donner un signe, de me serrer la main; un instant après, elle la serra. Je lui parlai alors de la confiance à mettre en Jésus, lui disant que c’était surtout pour ces moments solennels qu’il avait obtenu pour nous la victoire et qu’il réservait la puissance de sa grâce.

Pendant que je lui parlais, ses yeux tournés vers le ciel avaient une expression toute particulière. Elle s’efforçait de répondre; on voyait un léger mouvement des lèvres, ou entendait dans sa bouche fermée des sons confus et sourds qui ne pouvaient parvenir au-dehors.

La vue de cet état me brisait le cœur;je priais instamment le Seigneur d’avoir pitié d’elle et de nous, et de la délivrer d'une position si pénible. Enfin, comme j’étais à son chevet, je m’approchai plus près d’elle, je pris sa tête que j’appuyai contre mon sein en la tenant de ma main droite, et me penchant sur elle, je lui dis:

Ma bien-aimée Anaïs, ne sens-tu pas, dis, ne sens-tu pas que le Seigneur est en ce moment la force, ton appui et ta paix?

À cet instant sa langue fut déliée par Celui qui disait au paralytique: Je te dis, lève-toi, prends ton petit lit et marche. Elle me répondit nettement et à haute voix:

Si (Expression très communément employée dans le midi de la France pour dire oui).

Cette parole retrouvée et la nature de la réponse nous remplirent tous de joie et de reconnaissance envers le Seigneur. — bientôt elle ajouta:

Jésus..., Jésus est mon ... Jésus est mon... Elle avait peine encore à achever.

Mme G... lui dit: Votre Sauveur?

Oui, répondit-elle d’une voix forte et prolongée.

Avez-vous trouvé la paix de votre âme? lui dit encore Mme G

Oui, répéta-t-elle avec la même force.

À ces mots et au ton de conviction dont ils furent prononcés, un cri de délivrance et de bénédiction envers Dieu s’échappa de toutes les bouches. Elle faisait encore des efforts pour parler, car sa langue n’avait pas encore repris toute sa liberté; et appelant les signes au secours de la parole, elle nous dit, en écrivant de la main droite sur l’autre:

Ne pourriez-vous pas.... entre tous écrire ce que je dis?

Va, ma chère Anaïs, lui répondit sa tante, cela n’est point nécessaire; tout ce que tu nous dis est écrit dans nos cœurs.

Bénissez Dieu, ajouta-t-elle; bénissez Dieu avec moi de la grâce qu’il me fait et du bonheur qu’il m’accorde; car sa langue reprenait de plus en plus sa liberté; le Seigneur en rompait tout à fait les liens, pour lui faire rendre témoignage à sa miséricorde. Ouvre mes lèvres, et ma bouche annoncera ta louange; j'enseignerai tes voies aux transgresseurs, et les pécheurs se convertiront à toi. (Ps. LI, 15.)

Ma tante, continua-t-elle, en s’adressant à ma femme, dites, s’il vous plaît, à ces demoiselles que je les prie de me pardonner si je leur ai fait quelquefois de la peine. Dites-leur aussi que je les trouve bien heureuses de ce que leurs mamans les ont placées dans une maison où on leur parle de leur salut et où ou les conduit à Dieu.

Veux-tu, lui dit alors sa tante, que nous fassions venir ces demoiselles?

Oui, répondit-elle; mais faites venir Fanny; c’est ma cousine; je veux la voir la première.

Quand elle fut venue:

Fanny, lui dit-elle, j’ai voulu te voir pour te dire adieu. Fanny, tu es bien heureuse d’être venue dans cette maison; fais bien attention à tout ce qu’on te dit et ne l’oublie pas.

Après cela, ayant demandé ses autres compagnes, Fanny tout émue alla elle-même les chercher. Elles s’empressèrent de venir et remplirent la chambre. Quelques-unes étant restées au fond sur le seuil de la porte, Mme G., quand la mourante se mit à parler, eut soin de répéter à haute voix ses paroles, afin que tout fut entendu des plus éloignées. Placée presque sur son séant et soutenue par un carreau, Anaïs, les regardant fixement, leur dit:

Mesdemoiselles, j’ai été votre compagne, je vous ai aimées, je vous aime toujours, je vous demande pardon si je vous ai fait de la peine. Je veux vous dire que vous me voyez aujourd’hui dans un état bien différent de celui où j’étais quand je partis pour Lyon . Maintenant je suis heureuse, oui, je suis heureuse. Je suis si heureuse d’être avec le Seigneur, que je crains de ne pas y aller, de ne pas mourir.

Oh! oui, s’écria une de ses compagnes, tu es bien heureuse! Anaïs, ah! que tu es heureuse! combien je voudrais être à ta place!

Bénissez Dieu avec moi, reprit Anaïs, de cette grâce qu’il m’a faite. Bénissons Dieu tous ensemble. Et vous, mes demoiselles, écoutez; je vous parle comme du fond de mon tombeau. Il est de votre devoir de bénir Dieu, et vous devez lui rendre grâces de ce que vos parents vous ont placées dans cette maison ou vous pouvez apprendre à connaître le salut de vos âmes... Dans bien d’autres pensions on n’en parle pas... profitez-en.

Épuisée, elle s’arrêta. Elle voulut recommencer; mais ses forces ne répondant plus à sa foi, on entendit seulement qu’elle parlait de son bonheur, de son Jésus, de ses compagnes. Donnant une dernière pensée à ses chers parents, elle put encore ajouter:

Ma tante, embrassez pour moi papa et maman, et dites-leur que je meurs heureuse.

Oh! quels moments solennels!

Oh! que la mort est terrible et douce, terrible, mais douce aussi, quand le Seigneur est là! Ô Dieu! quelles scènes ici! quels adieux déchirants et doux à la fois!

Quand le Seigneur triomphe à un lit de mort, quel mélange inexprimable il y a, dans la mort, pour ceux qui y assistent, mélange de terreur et d’espérance, d’amertume et de douceur, d’angoisse et de consolation, de défaite et de glorieuse victoire dans le Seigneur!


Bientôt l’agonie de notre amie recommença, mais beaucoup plus douce que la première fois. On fit retirer ses compagnes qui étaient tout en larmes. Nous pleurions d’une joie chrétienne. Il me semblait, à moi en particulier, que le Seigneur célébrait des noces dans notre maison, tant était grand le contraste entre les deux états de cette chère âme; tant était belle et inattendue la scène dont nous venions d’être les témoins!

Elle nous paraissait être encore bien pleine de vie, nous pouvions craindre une agonie encore longue.

Notre bien-aimée sœur Em. B s’approcha de cette chère enfant, et pria le Seigneur d’abréger son agonie. Viens, Seigneur Jésus, dit-elle, viens chercher ton enfant. Oui... oui, répéta plusieurs fois encore la chère mourante.

Bientôt le râle s’affaiblit, et l’heure glorieuse ayant sonné, elle s’endormit paisiblement au Seigneur. Elle était dans sa dix-huitième année. Sa jolie figure, de son vivant animée et expressive, était pleine de cette sérénité céleste qu'elle avait revêtue depuis que la paix du Sauveur était descendue dans son âme. La mort est belle quand le ciel y a imprimé son sceau de gloire.


* * *


Lecteur, qui devez un jour mourir, cette mort n’a-t-elle rien de désirable à vos yeux?

Ah! quand on ne serait chrétien que pour mourir de cette manière, il vaudrait bien la peine de le devenir. Hâtez-vous, si vous ne l’avez déjà fait, d’aller à CELUI QUI S’APPELLE LA RÉSURRECTION ET LA VIE, et qui, ayant acquis aux siens une rédemption éternelle par son précieux sang, leur a donné le pouvoir de dire avec assurance:


L’aiguillon de la mort c'est le péché, et la puissance du péché c'est la loi;

mais grâces à Dieu qui nous a donné la victoire

PAR NOTRE SEIGNEUR JÉSUS-CHRIST.

(I. Cor. XV, 56-57.)


Archives du christianisme 1838 09 22


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