Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

ACTES ADMINISTRATIFS.

CIRCULAIRE DU MINISTRE DES CULTES.

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M. le garde des Sceaux, ministre de la Justice et des Cultes, vient d’adresser, en date du 5 octobre dernier, la circulaire suivante aux Présidents des consistoires.

«Monsieur le président, il est venu à ma connaissance que l'instruction de mon prédécesseur du 29 octobre 1832, relativement à l’installation des pasteurs et à leur absence temporaire du lieu de leur résidence, ne recevait pas partout l'exécution désirable.

Je suis informé qu’un assez grand nombre s'absentent de leur église sans s’être soumis aux formalités prescrites par cette instruction, et que d’autres, après avoir fait régulièrement autoriser leur absence, la prolongent sans égard au terme de leur congé.

Un pareil abus ne saurait être toléré; soit qu’il provienne d’une fausse interprétation de l'ordonnance du 13 mars 1832, dont la circulaire de mon prédécesseur n’a fait que répéter les termes, soit qu’on doive l’attribuer à toute autre cause, il m’a paru indispensable de donner à d’instruction du 29 octobre des développements plus explicites, en y apportant de légères modifications.


1° J’ai peu de choses à ajouter à cette instruction en ce qui concerne l’installation des pasteurs: elle dispose que cette opération sera constatée par un procès-verbal dressé par le consistoire du ressort, ou par ses délégués.

Dans quelques églises, on a pensé que l'instruction, par le consistoire du ressort, avait voulu désigner le consistoire sectionnaire ou local; c’est une erreur: la loi du 18 germinal an X ne reconnaît que les consistoires constitués conformément à l’art. 18; nulle autre autorité, si ce n’est les ministres ou anciens délégués par elle, ne peut être apte à constater l’installation des titulaires.

À l’avenir, il devra être dressé deux expéditions du procès-verbal d’installation, l’une pour moi, l’autre pour le préfet; vous aurez à les transmettre toutes deux à ce magistrat immédiatement après l’opération; la minute restera dans les archives du consistoire.


2° Relativement à l'absence temporaire des pasteurs du lieu de leur résidence, d’après la circulaire du 29 octobre, les consistoires ne peuvent autoriser l'absence d’un pasteur que pour huit jours seulement, sans en référer à l’autorité locale.

Comme le service de MM. les pasteurs n'est pas quotidien et exige moins d’assiduité que celui de MM. les curés, je crois devoir étendre ce délai jusqu'à quinze jours. Au-delà, et jusqu’à celui d'un mois, le consistoire (et il est toujours entendu qu'il ne s’agit ici que du consistoire légalement constitué) notifiera, quinze jours ou moins à l'avance, le congé au préfet, et lui en fera connaître le motif.

L’autorisation de ce magistrat ne sera pas nécessaire; mais, dans le cas où il ne jugerait pas le motif d'absence fondé, il pourra s'y opposer.

Si l’absence doit se prolonger plus d’un mois, elle ne pourra avoir lieu sans mon autorisation. Dans ce cas, la demande de congé devra être délibérée par le consistoire, qui fera connaître le temps de l’absence projetée du pasteur et la manière dont il sera pourvu à son service pendant ce temps. Autant qu’il se pourra, cette demande devra me parvenir par l'intermédiaire du préfet, un mois avant l’époque présumée du départ du pasteur.


Ces règles sont applicables aux pasteurs des oratoires situés hors le département du chef-lieu de l’église consistoriale comme à ceux des églises sectionnaires. Toutefois, pour les premiers, le congé pourra être donné par la commission ordinairement désignée sous le nom de consistoire local, lorsqu’il n’excédera pas quinze jours.

En cas d’urgence, et lorsque le consistoire ne pourra être assez promptement réuni, le pasteur obligé de quitter inopinément ton poste sans autorisation préalable, en référera sur le champ au consistoire et au préfet, pour être statué ce qu'il appartiendra.


Dans tous les cas où les formalités qui précèdent auront été régulièrement observées, il n’y aura lieu à aucun décompte sur le traitement des pasteurs: dans le cas contraire, il sera opéré pour tout le temps de l’absence non autorisée par conséquent; il frappera sur le pasteur qui aura dépassé le terme de son congé.


Ainsi se trouvera rempli le vœu de la loi elle-même. Celle du 23 avril 1835 dispose en effet que «nul ecclésiastique salarié par l’État ne pourra toucher son traitement s’il n'exerce de fait dans la commune qui lui a été désignée.»


Telles sont, M. le président, les dispositions que j’ai cru devoir prescrire dans l’intérêt d’une bonne discipline. C’est surtout aux consistoires que j’en confie l’exécution: c'est à eux qu’il appartient de ne pas se montrer faciles pour des demandes de congé qui ne seraient pas fondées sur des motifs légitimes.

J'aime à croire, au surplus, que MM. les pasteurs comprendront tout ce que des absences trop prolongées ou trop fréquentes feraient perdre d'autorité au caractère dont ils sont revêtus. Ce n’est que par un zèle soutenu, par un dévouement absolu à leurs devoirs, qu’ils peuvent espérer aujourd’hui d’exercer une salutaire influence sur les populations confiées à leur ministère.


Je vous prie de donner connaissance de la présente circulaire à MM. les pasteurs de votre ressort, et de m’en accuser réception.

Agréez, M. le président, l’assurance de ma considération distinguée,


Le Garde des Sceaux,

Ministre secrétaire d’État de la justice et des cultes,

C. PERSIL.


Pour expédition:

Le chef de la division des cultes non catholiques,

A. Laffon de Ladebat.


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Notre opinion sur cette mesure est connue; nous l'avons consignée dans les Archives en 1832, pp. 527 et 565, et en 1833 , p. 21, à l’occasion d’une circulaire semblable, datée du 29 octobre 1832.

Nous ferons remarquer seulement ici l’application qui nous paraît entièrement fausse de la loi du 23 avril 1833. L’article de celle loi cite dans la circulaire ci-dessus n’a évidemment aucun rapport aux congés momentanés, et ne se rapporte qu’à la résidence proprement dite, ce qui est tout autre chose.

Aujourd’hui, comme en 1802 , nous pensons que la mesure prise par le ministre est d’une exécution impossible, et que pour qu’elle ne demeure pas complètement sans effet, il faudra la raviver tous les deux, ou trois ans. Elle frappera sur quelques pasteurs momentanément absents, quel que soit du reste leur zèle habituel; elle n'atteindra pas les pasteurs qui, occupés toute la semaine de soins étrangers à leur vocation, ne se montrent au milieu de leurs troupeaux qu’aux jours et aux heures de leurs prédications.

Le ministre paraît cependant prendre la chose au sérieux; déjà par décision, en date du 24 octobre, il a ordonné une retenue sur le traitement de deux pasteurs, pour s’être absentés sans son autorisation, bien que l'un d’eux se soit fait remplacer à ses propres frais.

Nous ne prétendons pas dire que les pasteurs doivent être libres de s’absenter quand ils le veulent; mais nous pensons qu'il y avait à prendre à cet égard des mesures meilleures et plus en harmonie avec les habitudes de nos églises.

Archives du christianisme 1835 11 14


 

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