Évolution, un mot, une théorie,
dont il ne se trouve pas trace dans la
Bible.
Révolution, oui, pas
évolution.
L'homme, Adam, ce chef-d'oeuvre
sorti des mains du Créateur, et sa race,
nous les voyons rétrograder, nous ne les
voyons pas évoluer. Et leur salut
présent, comme leur salut final, seront le
produit, non d'évolutions, mais de
révolutions : la nouvelle naissance est
une révolution, la transfiguration du
croyant à l'image et à la
ressemblance de Jésus-Christ,
l'établissement du Royaume de Dieu, de
nouveaux cieux et d'une nouvelle terre, sont,
seront, des révolutions.
Nous ne voyons pas évoluer,
au cours de son histoire, le peuple d'Israël,
produit, cependant, de la plus remarquable
sélection, nous le voyons
rétrograder, s'abîmer dans une ruine
sans nom, pour n'avoir pas voulu accepter les
révolutions nécessaires.
Et l'Eglise, qui ose dire
qu'elle
obéit à une loi
d'évolution ? Produit d'une
sélection supérieure encore à
celle d'Israël, l'Eglise part d'une cellule
à peu près parfaite - l'Eglise du
lendemain de la Pentecôte - pour aboutir
à la confusion de nos temps
modernes.
Des voix généreuses se
font entendre à cette heure en faveur de
l'Union des Églises, de l'Unité
même, comme l'avait voulue
Jésus-Christ.
L'unité des croyants,
ah ! certes, quelle prédication elle
serait pour le monde !
Mais est-ce bien par là qu'il
faut commencer pour sauver l'Eglise ? Ne
met-on pas la charrue devant les boeufs. ?
Consommer une Unité dont
devrait faire les frais la Vérité
serait trahir aussi bien la pensée du
Maître.
Qu'est-ce qui seul pourrait
sauver
l'Eglise en danger ? - Une
évolution ? Non. Une révolution,
une série de révolutions.
Le « Christianisme »
du 26 septembre 1918 publiait un remarquable, un
puissant article du doyen Doumergue.
Je l'ai précieusement
conservé : Les Révolutions
nécessaires. - « Je ne suis
point prophète », disait
modestement notre vénéré
doyen.
Or, il fut prophète ;
on
le sent, quand on relit, après treize ans,
cette belle page.
Passant en revue quelques-unes
des
réformes, d'ordre ecclésiastique,
qu'appelait alors l'Eglise, - qu'elle appelle
toujours - notre Église
réformée, si elle voulait vivre, il
concluait :
- « Il faut, - et je n'aborde pas la question capitale, celle de la foi - il faut des révolutions intimes et profondes dans notre Église.
« Et ce qui m'effraie, c'est que, ces révolutions-là, on n'a pas l'air de les désirer et de les préparer. »
J'attendis impatiemment - et ne fus sans doute
pas le seul - la conclusion de cet
article.
Les semaines, les mois
passèrent. C'étaient, il est vrai,
les formidables semaines de la fin du gigantesque
conflit. À l'effort suprême il fallait
les paroles correspondantes d'encouragement au pays
qui haletait, après ces cinquante mois
d'enfer, et notre doyen les prodigua...
Alors, vers la fin de
décembre, je me décidai, moi, le
dernier et le moins qualifié de tous,
à reprendre le poignant
sujet et j'envoyai quelques notes au journal que le
directeur d'alors, M. Couve, voulut bien, en bonne
place, insérer.
C'est de ces notes,
résumé de ma pensée, que ces
lignes s'inspireront. La situation, depuis, ne
s'est pas améliorée, il s'en faut
(1).
L'une des graves raisons de la
stérilité de notre prédication
et, par conséquence, de la mort de nos
églises, c'est que notre parole n'est
à peu près plus uniquement qu'un
effort d'intelligence, de connaissances
philosophiques, morales et religieuses, au lieu
d'être une démonstration d'esprit et
de puissance.
- « Ma parole
et ma
prédication, dit l'apôtre, ne
reposaient pas sur les discours persuasifs de la
sagesse - au sens grec du mot : science,
instruction, connaissance approfondie des choses - mais sur une
démonstration d'Esprit et de
puissance. »
Nous sommes rongés,
desséchés, par l'intellectualisme
religieux, tous, pasteurs comme laïcs,
laïcs comme pasteurs.
Certes, on ne préparera
jamais trop une prédication, mais c'est
à genoux, mais c'est dans l'intercession, et
non point plongés dans des notes et des
livres, c'est en nous offrant en sacrifice vivant
à Dieu, le suppliant de nous utiliser comme
de simples canaux où passera l'effusion de
la Grâce.
Les apôtres ne connaissaient
que deux catégories : d'âmes : des
sauvées et des perdues. Et ils
prêchaient en
conséquence :
-
« Sauvez-vous... ! »
criaient-ils. « Fuyez la colère
à venir... ! »
À nous entendre, mais il
semble vraiment que nous croyons au
purgatoire ! (2)
Si quelqu'un pense donc parmi
nous
qu'il faille parler aux sages et aux riches de ce
monde un autre langage qu'aux humbles, aux
ignorants, ou aux gens de mauvaise vie, il n'a rien
compris au ministère
évangélique.
Rien ne ressemble plus au coeur du plus pauvre et du plus misérable des hommes, que le coeur du plus riche et du plus instruit. Et les péchés de ceux-ci sont aussi rouges et aussi répugnants, parfois plus, que les péchés de ceux-là. Les intellectuels et les riches nous maudiront éternellement de ne pas leur avoir parlé aussi simplement et aussi franchement de leurs péchés que nous le faisons aux pauvres.
Disons-nous bien que l'impersonnalité, en
religion, est une manière d'hypocrisie. Il
faut en finir avec le pluriel de majesté qui
endort les âmes et entretient en elles la
plus fatale sécurité.
Il ne s'agit pas de parler du
péché en général
à nos auditeurs, mais de leurs
péchés.
« Vous... »,
« Vos
péchés... ». Si le
prédicateur se met, peut-on dire, dans le tas, s'il
donne, si peu
que ce
soit, l'impression qu'il a besoin du salut, du
pardon de ses péchés, comme le plus
impénitent de son auditoire, son
autorité spirituelle sera nulle, et il ne
devra s'attendre à aucun résultat de
ses paroles.
Même remarque pour ses visites
pastorales et ses conversations avec ses
paroissiens : - Êtes-vous
sauvé ? Avez-vous la certitude du
pardon de vos péchés ?
Êtes-vous né de nouveau ? Comment
va votre âme ?...
C'était le langage de
Félix Neff, bien avant que l'Armée du
Salut vît le jour.
Et si, sur la réponse d'une
âme hésitante, ou troublée par
un appel direct, le pasteur n'a pas la puissance
spirituelle de conduire sur-le-champ,
résolument, cette âme au pied de la
croix, à la certitude glorieuse du pardon et
de l'adoption en Christ, ce pasteur est insuffisant
à sa tâche. Il a la mission de
conduire au salut les autres, est-il sauvé
lui-même... ?
Peut-être eût-il fallu commencer par
là. Car, en définitive, tout
découle de là. - « La
foi vient de ce qu'on entend, et ce qu'on entend
vient de la Parole de
Dieu. »
Ébranlez l'autorité de
la Bible, et tout l'édifice
évangélique se lézarde, et par
ces mille fissures pénètrent tous les
ferments du doute et toutes les tares de
l'impuissance. Croire à l'autorité
souveraine de la Parole de Dieu, c'est commencer
par vivre cette Parole. Sans doute. Mais c'est
encore autre chose :
Croire à l'autorité de
la Bible c'est, lorsque par exemple il est
écrit : « L'Éternel
dit à Abraham... » tenir pour
vrai que cela signifie exactement :
L'Éternel dit à Abraham. C'est donner
aux mots employés dans la Bible leur sens
usuel, le sens du dictionnaire, adoptant pour
l'Écriture la définition de Fustel de
Coulanges : Quand un mot a un sens net et
clair, ne pas lui chercher d'autre sens.
La Bible appelle un miracle,
miracle. Elle ne dit point par exemple que le
passage du Jourdain put s'accomplir grâce au
concours de certaines conditions
atmosphériques, ou naturelles, mais elle dit
que cet événement inouï de
séparation des eaux se produisit sur-le-champ, et par un effet
surnaturel,
immédiat, de la seule volonté
de Dieu. La Bible dit cela. Croire à
l'autorité de la Bible, c'est tenir pour
rigoureusement exacts les récits bibliques,
c'est ne rien y ajouter, ne rien en retrancher. De
même pour les autres miracles, et prodiges,
et accomplissements de prophéties, de
la Bible.
Nos confessions de foi modernes disent,
même parfois celles
d'amis dont le drapeau est le plus
évangélique, - autorité
souveraine des Saintes Écritures en
matière de foi. Pourquoi cette
restriction : en matière de foi ?
Elle ne se trouve pas, il s'en faut, dans la
Confession de 1559 (3).
Cette restriction est grave.
Elle
est lourde de conséquences. Elle me permet
de déchirer le premier chapitre de la
Genèse, et cent autres chapitres autre
part.
Si la Bible se trompe
en
matière de Science, quelle confiance puis-je
avoir en elle en matière de foi ? Pour
ma part, aucune.
- « Un tel est un brave homme,
de très bonne foi et
morale ; malheureusement, c'est un grand
ignorant. »
Acceptez-vous l'autorité
spirituelle souveraine de cet un tel ?
Non ? Moi non plus.
Croire à l'autorité de
la Bible c'est, surtout, avant tout, croire
à l'autorité transcendante, absolue,
de notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ,
c'est-à-dire croire à sa
déité, à sa conception
miraculeuse de la Vierge Marie par le
Saint-Esprit : « Au commencement
était la Parole, et la Parole était
avec Dieu, et la Parole était Dieu. Elle a
été faite chair... »
« En vérité, en
vérité, je vous le dis : Avant
qu'Abraham fût, je suis. »
« Moi et le Père nous sommes
un. »
Seul, un dieu, ou un fou, peut
parler ainsi.
Et comme le Christ a couvert de
son
autorité, par des déclarations
formelles et répétées, tous
les récits, toutes les prophéties, de
l'Ancien Testament, croire à
l'autorité de l'Écriture, c'est en
définitive faire équivalentes les
paroles des prophètes et celles du
Christ.
La Bible est la robe sans
couture
qui recouvre la pensée de Dieu. Elle est la
volonté écrite de notre Père
céleste pour notre salut.
- « Elle n'est pas tant
écrite d'encre que du sang du Fils de
Dieu », disait Calvin.
Y toucher est un sacrilège
doublé d'un incommensurable appauvrissement.
C'est le signal de l'écroulement prochain de
tout édifice religieux, de quelque nom qu'on
le nomme.
La douloureuse - disons le mot,
la
scandaleuse, - situation déficitaire de nos
budgets, la stagnation spirituelle lamentable - le
paganisme, disait crûment une enquête
récente - de nos Églises, n'en
cherchons pas la cause dominante autre part que
dans une infidélité persistante
à la Parole de Dieu, infidélité d'autant
plus grave et dangereuse qu'elle est savamment
camouflée
d'évangélisme.
En Angleterre, aux
États-Unis, en Suisse, partout, le mal
s'aggrave de jour en jour.
La tendance toujours plus
marquée au « Puseysme »
et à l'anglo-catholicisme, qui se manifeste
en Angleterre et ailleurs n'a pas d'autre cause que
l'irrespect croissant pour l'Écriture dans
ces pays.
Et nous sommes ici logiquement
obligé d'aborder un sujet brûlant,
infiniment délicat, celui de nos
Facultés de théologie.
Nous le ferons avec tout
l'amour,
toute la réserve, toute la
déférence qui leur sont
dus.
Autant il serait injuste de
généraliser ou de contester la
piété, la haute valeur morale des
professeurs, autant il serait insensé de
dissimuler le mal, de se dérober aux
responsabilités comme aux mesures qui
s'imposent.
Nous devons donc être, en
même temps, d'une sincérité,
d'une fermeté auxquelles nous donneraient
droit plus de trente ans passés au service
de nos Églises. Mais comment oser parler de
droit quand nous sentons d'une manière
cruellement douloureuse notre indignité, et,
aussi, combien il conviendrait plutôt
à d'autres, incomparablement mieux
qualifiés que nous, de prendre ici la
parole.
C'est uniquement parce
qu'ils se
taisent que, contraint par l'Esprit, nous
élevons la voix.
Dans les Facultés de
théologie, des réformes radicales
s'imposent si l'on ne veut pas que nos
églises finissent toutes par s'enliser dans
l'indifférence, le formalisme et
l'incrédulité.
Sans doute nos pasteurs ne
seront
jamais trop cultivés ; mais il ne
faudrait pourtant pas perdre de vue que théologie
signifie connaissance de Dieu, et que se
préparer au Saint Ministère c'est
viser avant tout à devenir un dispensateur
fidèle, un « ministre »
de la Parole divine ; qu'une des
premières conditions pour réussir
dans cette sainte vocation c'est de cultiver le
respect du « Il est
écrit » que pratiquait
à un si haut point le Sauveur.
« Celui qui
gagne les
âmes est sage ». Gagner des
âmes à Jésus-Christ, n'est-ce
point le premier, le suprême savoir, à
emporter de ces études de
théologie ? Or, pour ce combat, l'arme
par excellence, c'est la Parole de Dieu.
Hébr. IV, 12, 13.
« Les armes de
notre
guerre, dit le grand gagneur d'âmes saint
Paul, ne sont pas charnelles (psychiques), -
et l'intellect ressortit au psychique de l'homme,
non au spirituel -, mais puissantes par Dieu
pour détruire les raisonnements et toute
hauteur qui s'élève contre la
connaissance de Dieu, amenant toute pensée
captive à l'obéissance du
Christ... » 2
Cor. X. 4.
Un collègue nous disait que,
durant ses quatre années de Faculté,
il n'avait étudié de l'Ancien
Testament que le seul livre de Job, et quelques
psaumes. Un autre faisait devant plusieurs cette
déclaration, qui nous serra violemment le
coeur :
- Durant mes études de
théologie, j'ai dû lutter quatre
années pour défendre ma
foi... »
Aussi n'est-elle pas surprenante
cette parole d'un récent discours de
consécration, que reproduisaient les
journaux :
- « Pendant mes
premières années de théologie,
j'ai passé par une crise dans laquelle ma
foi a failli sombrer... »
Et cependant, si les Facultés
de théologie n'existaient
point, pas un instant ne serait à perdre
pour les inventer.
Et à ceux qui objectent que
le Sauveur ne choisit aucun de ses apôtres
parmi les hommes instruits de son temps, il est
facile d'opposer la parole de l'un des moins
suspects, à ce propos, des disciples :
« Joignez à votre foi la vertu,
et à la vertu la connaissance
(gnôsin)... »
Combien en effet serait amoindri
un
ministère qui n'aurait eu sa
pénétrante, sa profonde
préparation théologique et
intellectuelle.
Nous sommes le premier à
déplorer que par la misère des temps,
et à cause de la grande pitié de tant
d'Églises sans berger, on doive donner
à celles-ci des hommes hâtivement
préparés. Mais il faut avertir ces
hommes, il faut qu'ils comprennent, qu'ils ne
pourront vraiment suffire à leur tâche
que s'ils étendent largement, dans la suite,
et consolident, par un labeur acharné, leur
sommaire instruction (4).
On ne peut donc se méprendre
sur notre pensée. Mais voici ce que nous
demandons, pour l'amour des âmes qui
périssent, pour le salut de nos
Églises, c'est : que ce qui semble ne
plus être que l'ACCESSOIRE dans les
programmes des Facultés de théologie
y devienne l'ESSENTIEL.
Il faut que nos futurs pasteurs,
non
seulement ne risquent plus de voir sombrer leur foi
durant leurs années d'études, mais
que nos Écoles visent, avant tout, à former
des
hommes « versés dans la
connaissance des Écritures ».
(Actes
XVIII, 24.)
Un pasteur a besoin, c'est
entendu,
d'un bagage solide, mais non spécialisé. Et ici nous
touchons à la conception fausse de la
préparation des pasteurs : On voit la
Faculté sous forme d'une miniature d'Université, au lieu
d'École
où l'on forme des ouvriers de Dieu pour le
salut des âmes.
Et c'est ainsi que l'on se
noiera,
toute une année durant, dans des
détails, des précisions inutiles,
sur l'Histoire religieuse, alors que l'on ne
consacrera que deux leçons au
Réveil.
À quoi cela peut-il bien
servir au futur pasteur de savoir qu'il y a
soixante opinions différentes sur tel
verset, et qu'en retiendra-t-il ? Ou que l'on
lui donne toutes les conceptions possibles de la
Conversion sans arriver à une conclusion
pratique, sans enseigner à cet homme, dont
la carrière, par définition, n'a
d'autre fin que d'amener des âmes à
Jésus-Christ, la voie apostolique,
sûre et droite, d'atteindre ce
but ?
Et comment un professeur, qui a
peu,
ou qui n'a pas, exercé le ministère,
peut-il former pour le
ministère ?
Quel sens ont dans nos
Facultés les mots, inscrits en lettres d'or
dans les Confessions de foi : autorité souveraine des
Écritures ?
Et n'est-ce pas un défi
à toute sagesse spirituelle et à
toute foi qu'une Faculté de théologie
puisse avoir pour idéal de ressembler
à une Faculté de médecine,
où les corps à disséquer
seraient la Parole vivante de Dieu et la personne
sacrée de
Jésus-Christ ?
La pratique de telles
opérations, qui presque toujours,
hélas ! sont des profanations,
s'imagine-t-on qu'elle pourra enrichir la
pensée religieuse de
l'étudiant ? Et que pourra celui-ci,
plus tard, apporter aux âmes sinon un
squelette de Jésus, sinon une lettre morte
de l'Écriture ? On ne saurait avec des
cadavres mettre au jour des vivants.
C'est ainsi qu'un professeur
pourra
consacrer une année de cours à
démontrer, essayer du moins, que l'expiation
ne se trouve pas dans la Bible...
Comment le futur pasteur
aura-t-il
ensuite le courage de prendre pour programme de
prédication celui de
l'apôtre :
- « Parmi
vous, je n'ai
jugé savoir qu'une seule chose :
Jésus-Christ et Jésus-Christ
crucifié. » ?
En sorte qu'un jeune pasteur
formé de cette manière pour le
ministère ressemble à un soldat qui
jeté soudain dans la plus terrible des
batailles ferait la tragique constatation que
l'épée mise entre ses mains, à
la poignée toute dorée, sertie de
diamants, ciselée avec un art
raffiné, n'est qu'en carton, et que ses
cartouches ne sont bourrées que
d'étoupe...
En somme, l'étudiant ne
reçoit par de base biblique au sens
positif de ce mot. On ne lui donne pas un esprit
biblique. Et, jeune pasteur, il arrive dans son
église avec le plus douloureux
« déficit » biblique. Il va lui falloir
apprendre l'A B
C de la Bible pour être capable d'enseigner
ceux dont il a la responsabilité devant
Dieu.
L'élève de Saint-Cyr,
en entrant à l'École, a un bagage
intellectuel sensiblement équivalent
à celui de l'étudiant de
Faculté à sa seconde année.
Mais à Saint-Cyr, tout va tendre à
faire de cet élève non un spécialiste des questions militaires
- il y a pour cela l'École supérieure
de guerre - mais un entraîneur d'hommes, un
soldat. Il faut qu'il sorte de là un
maître dans l'art de tuer.
De quoi l'Eglise a-t-elle le
plus
urgent besoin ? Qu'attend-elle de ses
Facultés ? Des spécialistes des
questions théologiques ?
Non.
Qu'on lui envoie des maîtres
dans l'art de sauver.
Sera-t-il donc éternellement
vrai que « les enfants de ce
siècle sont plus sages que les enfants de
lumière » ... !
Arrivé dans sa paroisse, les
plus douloureuses, les plus décevantes
expériences attendent le pasteur. Qui en
fera les frais ? L'Eglise.
Que le pasteur soit aux
écoutes de l'Esprit et lui obéisse,
il lui faudra refaire sa théologie. Que
d'années perdues !
Quelles pages de l'Écriture
devraient être plus lues, et relues, dans une
Faculté de théologie, et
commentées, et méditées, avec
la plus sainte émotion, ainsi que dans la
veillée d'armes, autrefois, le chevalier
faisait au seigneur l'oblation totale de son
être, que les trois Épîtres,
celles dites pastorales, de l'apôtre
Paul à Tite et à
Timothée ?
Hélas ! de quel poids
sont aujourd'hui ces appels poignants de
l'héroïque athlète qui
écrivait en prison, quelques heures
peut-être avant que sa tête
roulât sous le glaive, l'épître
qui va nous servir de conclusion ?
Plaise à Dieu qu'à
cette heure sombre de la destinée des
nations et de l'Eglise, ce cri pathétique,
couvrant le vain bruit du nôtre, soit
entendu :
- « Je t'en conjure,
devant
Dieu et devant Jésus-Christ, prêche la
parole, insiste, reprends, censure, exhorte... car
il viendra un temps où les hommes ne
supporteront pas la saine doctrine... Ils se
donneront une foule de docteurs selon leurs propres
désirs, et détourneront l'oreille de
la vérité...
« Efforce-toi de te présenter
devant Dieu comme un homme éprouvé,
un ouvrier qui n'a point à rougir,
dispensant droitement la parole de la
vérité... Pour moi, je sers
déjà de libation. J'ai combattu le
bon combat... J'ai gardé la
foi !... »
Quelle est donc la Faculté
idéale ? - C'est la Faculté
fidèle, qui forme des ouvriers
fidèles, remplis d'amour pour les âmes
qui périssent et passionnés pour la
gloire du Crucifié.
C'est le Réveil, qui par la
puissance du Saint-Esprit, peut seul accomplir
cela.
Souvent, dans les Évangiles et les Actes,
cette expression revient : rempli du
Saint-Esprit, baptême du Saint-Esprit
...
Le mot, et surtout la chose,
sont
lamentablement absents des préoccupations
religieuses modernes.
C'était par un baptême
du Saint-Esprit que commençaient tous les
ministères, toutes les charges apostoliques,
même la consécration au
« service des
tables ».
L'imposition des mains, oui,
c'est
entendu, nous l'avons. C'est une
cérémonie très solennelle,
très imposante. Mais c'est une
cérémonie. Le baptême du
Saint-Esprit, c'est une puissance.
Est-ce que la forme nous
suffit ?
Le Saint-Esprit était
appelé, dans la pensée de Dieu,
à remplacer Jésus-Christ sur la terre
après son ascension au ciel. -
« Il vous est avantageux que je m'en aille,
car si je ne
m'en
vais, le Consolateur ne viendra pas à
vous. » Nous savons que ce
Consolateur, c'était le Saint-Esprit. Nous
savons quel rôle unique,
prépondérant, il devait remplir dans
le monde. Pas de repentance, pas de force pour
résister au mal, pas d'autorité
spirituelle pour amener les âmes au pied de
la croix, sans le Saint-Esprit.
On pourrait rééditer,
au sujet du Saint-Esprit, le mot de
Siéyès à propos du
Tiers-État : - « Qu'est-ce
que le Tiers-État ? Tout. -
Qu'est-il ? Rien. - Que demande-t-il à
être ? Quelque
chose. »
Avoir reçu le Saint-Esprit,
avoir reçu le baptême d'Esprit et de
puissance, voilà ce qui devrait qualifier,
avant tout, un candidat au Saint
Ministère.
Voilà la révolution la
plus nécessaire, la plus urgente à
introduire dans nos Facultés de
théologie et dans nos
Églises.
Tout cela est vrai !
Mais tout cela est-il
possible ?
Puisque cela est vrai, cela est
possible.
Et cela sera possible si nous le
voulons, sincèrement, loyalement. Alors,
Dieu fera le reste.
On vous appellera théopneuste attardé, minus,
fossile et autres aménités dont
s'honore tout fidèle serviteur du Dieu
vivant.
Et puis après ? Si
votre
témoignage privé et public est en
accord avec votre position théologique, si
vous êtes un homme de prière, un
homme qui aime les âmes, à
commencer par l'âme de vos contradicteurs,
vos insulteurs même, si vous êtes un
homme tenace, d'une persévérance
à toute épreuve, votre volonté
s'imposera dans votre milieu, de Faculté, de
synode ou de paroisse, et le
réveil souhaité viendra et
récompensera vos efforts.
Si même il ne vous est pas
accordé de voir le fruit de votre
fidélité, eh bien, vous aurez
été une vaillante sentinelle. Vous
aurez sonné de la trompette. Vous serez net
du sang de vos frères.
« Et si après
avoir averti les âmes pour les
détourner de leurs erreurs et de leurs
mauvaises voies, elles ne s'en détournent
pas, elles mourront dans leur iniquité. Et
vous, vous sauverez votre
âme. »
(Ezéchiel
XXXIII.)
Mon frère, ma soeur, notre Église tant aimée est en danger.
Criez-le sur les toits pour en avertir vos frères !
Criez à Dieu dans son sanctuaire, pour le supplier d'intervenir.
Que l'Éternel nous soit à tous en aide pour que s'accomplissent les révolutions nécessaires, avant qu'il soit trop tard.
Pasteur A. ANTOMARCHI
La Batie-Rolland, septembre 1931.
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