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Table des matières

Vendredi-Saint ou...

LA PATIENCE DE DIEU


La pensée naturelle que les hommes ont de Dieu est aujourd'hui particulièrement amère. Alors qu'en temps de paix et de prospérité chacun peut remarquer que tout va très bien sans lui et, par conséquent, se dispenser de répondre à la voix de celui qui nous appelle sur le ton du bonheur, maintenant que le ton a changé, maintenant que les hommes sont appelés sur le ton du malheur, ils n'ont tous à la bouche, ou du moins dans le coeur, qu'une seule question: « Comment Dieu peut-il souffrir ces choses ?»

Comment peut-il supporter l'iniquité des hommes ?

Certes, tous ceux qui se posent cette question sont loin d'en imaginer la vertigineuse profondeur, loin de penser que toute la Bible a été écrite précisément pour y répondre. Ce qu'il y a de curieux, c'est que tous ceux qui posent cette question ne s'attendent pas à une véritable réponse, ne sont pas du tout prêts à se laisser instruire par la Bible de la manière justement dont Dieu est venu souffrir la méchanceté des hommes, et de la raison pour laquelle il est venu la souffrir.

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De quelle manière...

Comment Dieu peut-il souffrir la guerre ?

Au fond, nous ne croyons pas à notre question. Nous pensons que Dieu n'en souffre pas et ce que nous lui reprochons c'est son impassibilité. Cette question n'est que le reproche amer de celui qui souffre à celui qui ne souffre pas, l'envie désespérée du malheureux à l'égard du bienheureux, la protestation du mourant contre le vivant. Les hommes ne peuvent s'empêcher de comparer leur situation à celle du Dieu qu'ils imaginent.

Pendant que des millions de jeunes hommes sont en ligne dans la nuit et dans le froid, prisonniers d'une alternative singulière: tuer des hommes ou tuer le temps, - ce qui n'est pas plus facile l'un que l'autre - où est Dieu ? Que fait Dieu ? Il se repose dans son éternité ? Il se croise les bras ? Ou peut-être l'avons-nous mobilisé, préposé au moral de l'arrière ? Qu'a-t-il à craindre, lui ? La bénédiction qu'il nous envoie par le moyen de ses prélats ne lui coûte point trop cher. Dieu fait figure de réformé dans cette guerre. Dieu est bon, Dieu supporte les hommes, Dieu les laisse faire, nous dit-on. Mais qu'est-ce qu'il risque à être bon ? Et à nous supporter ? C'est bien facile quand on est Dieu de laisser faire. Car, enfin, il n'existe pas d'avions stratosphériques pour aller bombarder la demeure du Très-Haut. Il est trop facile de supporter que les maisons croulent sur de pauvres familles finlandaises ou chinoises quand on habite soi-même un refuge inaccessible. C'est bien là notre réaction, n'est-ce pas ? Il y en a qui le disent, d'autres qui n'osent pas le dire, mais tout le monde le pense. C'est bien là tout ce qui se cache dans la question: « Comment Dieu souffre-t-il ces choses ?» Ainsi nous errons tous dans notre souffrance et notre incrédulité, dans notre soif de justice et notre ignorance du vrai Dieu.

Et maintenant, si tout d'un coup l'on répondait sérieusement à cette question, si l'on nous disait comment Dieu a pu souffrir le péché des hommes, si l'on nous disait que Dieu est sorti de sa demeure inaccessible, de son éternel refuge, pour venir se mêler à nous sous le bombardement et que cela n'était pas à proprement parler pour lui un avantage, car enfin il était mieux chez lui que chez nous. Entrer dans ce monde où l'on se moque de lui, où l'on se ment, où l'on se tue, ne pouvait pas lui faire spécialement envie. Et si l'on nous faisait remarquer que rien ne l'obligeait à venir partager notre misérable existence, à venir s'exposer à nos coups, à venir se livrer à nos mains d'injustes, lui le saint des saints, mais que cependant il l'a fait librement, souverainement, dans un mouvement d'incompréhensible solidarité. Bref, si l'on nous disait que, dans cette guerre, Dieu est un engage volontaire, qu'il est aux avant-postes, qu'il pose comme sentinelle, qu'il a les pieds sinon gelés, du moins percés d'un immense clou, ce qui n'est pas plus agréable, oui, si l'on nous disait tout cela qu'est-ce que nous penserions ? Nous hausserions les épaules. La chose nous semblerait si absurde que nous n'essayerions pas même de la croire. Nous continuerions à Lui reprocher de ne pas faire ce que nous ne voudrions pas croire qu'il a fait.

Et si non seulement on nous disait une chose pareille, mais si elle s'était réellement produite, si l'on nous racontait comment elle est arrivée ?

Voici près de 2000 ans que vivait en Palestine un peuple qui avait pour caractéristique étrange d'attendre ardemment, d'attendre obstinément son Roi, et non pas un roi comme les autres, mais un roi qui serait la manifestation même de Dieu et qui établirait la justice et la paix sur toute chose. Durant des siècles, tous les grands hommes de ce peuple n'avaient fait que cela: annoncer la venue de ce Roi de Justice, de ce Prince de la Paix. Au milieu des pires détresses et des plus effroyables déceptions, accablé par les pires épreuves, ce peuple n'a jamais cessé, par la voix de ses prophètes, d'être rappelé à l'espérance de son Dieu qui viendrait lui-même établir la justice et la paix. «Je viens pour habiter au milieu de toi! », dit le Seigneur.

Et voici qu'un jour, un homme né de la manière la plus misérable, le fils d'un charpentier de Nazareth, se met à parcourir la contrée en proclamant: «Les temps sont accomplis, le règne de justice que vous attendez va commencer. L'alliance de paix va être conclue. » Et, pour en donner des signes, cet homme guérissait les malades et pardonnait les péchés. En même temps qu'il agissait ainsi avec la souveraineté même de Dieu, il se tenait dans une réserve inexplicable, défendant qu'on parle de lui, gardant jalousement l'incognito, s'appliquant pour ainsi dire à rester méconnu et à dérouter systématiquement ses admirateurs. Il n'était qu'un pauvre homme, un homme quelconque, le fils de Joseph et de Marie, dont les frères et les soeurs étaient parmi nous. Aussi les rumeurs les plus contradictoires circulaient sur son compte. Il était un objet de scandale et de division. Les uns disaient (et en particulier sa famille) : «IL est fou, il a perdu l'esprit. » D'autres affirmaient « C'est un fourbe, un imposteur. » D'autres encore «Mais non, c'est un homme de Dieu, un prophète » d'autres : «C'est un révolutionnaire» d'autres enfin disaient: « C'est lui ! C'est bien lui le Roi que nous attendons, le Dieu tout-puissant qui est venu visiter son peuple. » Et ils laissaient tout pour le suivre, attendant que cet homme se manifeste et monte sur son trône royal.

Mais le temps passait. Et à mesure que le temps passait, il devenait plus difficile de penser que cet homme qui n'avait rien de ce qu'on attend ordinairement d'un roi pût être vraiment le Seigneur attendu. Le temps qui passait sans que rien de sensationnel n'arrivât, sans qu'aucune prise de pouvoir éclatante ne se produisît, chaque heure qui s'écoulait ainsi donnait raison aux moqueurs et aux incrédules, et diminuait le nombre des croyants. Poux finir, il n'y avait presque plus personne avec lui qu'un tout petit groupe d'amis qui s'obstinaient, qui espéraient toujours que cet homme allait enfin se manifester et établir le Royaume de Dieu, le Paradis sur la terre. Mais leur dernier espoir allait s'éteindre. Cet homme, arrêté et jugé par les prêtres et les chefs religieux de son peuple, est finalement convaincu de blasphème et d'imposture et condamné pour cela même au supplice le plus terrible, à la mort la plus infamante. Et voici que la sentence s'exécute. C'est un effondrement indescriptible. Celui que beaucoup avaient cru être le Roi de Justice et le Prince de la Paix meurt de la mort d'un criminel. Il agonise aux yeux de tous, torturé par la douleur et par la soif, en criant: « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ?» Il expire un vendredi à trois heures de l'après-midi. Il descend dans la tombe et avec sa tombe se ferme toute l'espérance humaine. Le Royaume de ce soi-disant Roi est enterré. C'est fini et bien fini. Cette aventure suspecte s'est terminée dans l'absurdité et le scandale.

A ceux qui l'ont suivi il ne reste qu'à plonger à tout jamais dans l'immense déception, dans l'immense douleur qui, déjà, monte de l'Ancien Testament. Jérémie l'avait bien dit: «C'eu est fait de la confiance que j'avais mise dans le Seigneur.» Et Job: «Il a arraché mon espérance comme un arbre. Où est donc mon espérance ? Qui pourrait la voir ? Elle descendra aux portes du sépulcre quand nous irons ensemble reposer dans la poussière. »

C'est littéralement vrai pour ces hommes: leur espérance est descendue aux portes du sépulcre. Deux d'entre eux s'en retournent à leur bourgade: « Nous avions cru que c'était Lui! » Joli retour vraiment!

Pensez donc 1 Revenir d'avoir enterré non pas le meilleur des amis, ou la mieux aimée des femmes, mais l'espérance du Royaume de Dieu, mais la foi dans la victoire éternelle du Dieu vivant. Si jamais sur la terre des hommes ont perdu la foi, ce sont assurément les disciples de Jésus de Nazareth.

Tout cela d'ailleurs n'a aucune importance, n'est plus qu'un fait divers. N'en parlons plus! Il suffit amplement que Tacite note dans ses annales que sous le règne de Tibère Auguste un certain Chrestos a été crucifié par les Juifs.

N'en parlons plus 1 Ah oui, certes! Mais nous n'aurions pas besoin de cette recommandation, car nul n'aurait jamais eu l'idée d'en parler, de ce pauvre prophète victime de ses illusions; son nom même ne serait pas parvenu jusqu'à nous si quelques jours plus tard la nouvelle la plus inattendue ne s'était ébruitée : Ce Jésus de Nazareth que vous avez crucifié, Dieu l'a fait Seigneur et Christ, Dieu l'a déclaré votre Roi, en Le ressuscitant. C'était bien Lui! Un flot de lumière tombe sur l'événement le plus obscur. Tout ce que cet homme avait apporté dans la nuit de notre monde, ce pardon, cette guérison, cette justice et cette paix, tout cela sort de la tombe et vient à la lumière de l'éternité. A cette lumière nous regardons la croix, la passion et la mort de Jésus, et nous sommes confondus de ce que nous voyons.

« Vous avez fait mourir le Prince de la Vie !», s'écrie l'apôtre Pierre. Cela veut dire que dans cet homme qui meurt cloué sur le bois, c'est Dieu lui-même qui souffre. Ici s'achève le mystère de Noël: «Un enfant nous est né, un fils nous est donné on l'appellera le Dieu fort, le Prince de la Paix. » C'est ainsi que Dieu s'y est pris : Il est devenu l'un d'entre nous, il est devenu comme nous. « La Parole a été faite chair et elle a habité parmi nous. » D'un seul coup, tout est devenu concret, réel, vrai. La patience de Dieu n'est plus une notion abstraite, un argument théologique, une « bonne parole ». Elle a pris corps, elle porte un nom. Elle s'appelle Jésus-Christ. La vie et la mort de Jésus, c'est la manière dont Dieu a pu nous souffrir, nous supporter. La patience de Dieu, c'est la passion de Jésus-Christ. Il ne s'agit plus d'un Dieu qui laisse faire, mais bien qui se laisse faire, qui se laisse conduire comme un agneau à l'abattoir et n'ouvre pas la bouche. Ce n'est pas une souffrance vague, générale, répandue on ne sait où. C'est une souffrance précise, aiguë, bloquée dans la souffrance de Jésus. Vous souffrez de ce qui se passe. N'ayez crainte! Dieu en souffre davantage. L'iniquité des hommes, Dieu s'est incarné pour être le premier à en souffrir. Devant tout ce qui se passe, «Dieu ne garde pas les bras croisés, il garde les bras en croix » (R. Chapal). Et rien ne l'y obligeait, il ne nous devait rien, c'est bien un engagement volontaire : « Je donne ma vie.... personne ne me l'ôte, mais je la donne de moi-même », dit Jésus. C'est un acte de pure miséricorde. Rien ne l'y a poussé que son amour.

Telle est la manière que Dieu a employée. Pourriez-vous peut-être lui en indiquer une autre ? Nous savons toujours si bien ce que nous ferions à la place de Dieu 1

Il s'agissait donc pour Dieu, pour le seul vrai Dieu, de souffrir l'inimitié des hommes; pour le Créateur de supporter les coups de sa créature, et de manifester ainsi en une fois toute sa patience et toute notre méchanceté, tout son amour et toute notre haine. Cela n'était pas un problème facile à résoudre. Ce fut une entreprise de longue haleine, que Dieu a poursuivie avec une persévérance, une fidélité inlassables. Il fallait d'abord qu'il se fît attendre, qu'il choisît un peuple au milieu duquel il habiterait, afin que le jour où il serait là, la question se posât pour les hommes : «Est-il celui qui devait venir ?» Et afin qu'il pût lui-même poser la question: «Qui dites-vous que je suis ? » Mais il fallait surtout qu'au cours d'une telle rencontre, les rapports ne fussent pas faussés, c'est-à-dire que Dieu fût vraiment ce qu'il est: un Dieu patient, et l'homme vraiment ce qu'il est, un ennemi de Pieu. C'était là tout le problème : sous quelle forme, de quelle manière Dieu viendrait-il visiter la terre pour que les hommes ne se contiennent pas devant lui et démasquent leurs batteries.

Car vous ne pensez pas tout de même que l'homme irait s'attaquer à son Dieu venant à lui dans sa majesté royale et dans sa force divine, qu'il irait manquer de respect au Christ le jour où il le verrait venir sur les nuées du ciel. Le Malin est plus malin que cela ! Ceux-là même qui ont réclamé la mort de Jésus n'étaient-ils point ceux qui avaient loué les meilleures places aux tribunes dressées pour l'entrée triomphale du Christ ? Tant qu'il reste au Seigneur la moindre trace extérieure de sa majesté, le moindre insigne de sa puissance, la moindre preuve de sa divinité, l'homme ne se montre pas comme il est. Devant le Seigneur glorieux, les pires incrédules rivalisent de courbettes religieuses. Lorsque Jésus comparaît devant le sanhédrin et que le Grand-Prêtre lui pose cette question : «Je t'adjure par le Dieu vivant de nous dire si tu es le Christ, le Fils de Dieu», si, au lieu de répondre: «Tu l'as dit (je le suis), et même désormais vous me verrez assis à la droite de la puissance de Dieu! » Si, au lieu de dire cela, il était réellement apparu dans la gloire éternelle, tous ces messieurs du sanhédrin se seraient inclinés bien bas; ils n'auraient pas fait subir au Christ la mort de la croix; ils se seraient tous proclamés ses amis, ses serviteurs. Ce qu'ils avaient dans le coeur n'aurait pas été révélé. Et ce que Jésus avait pour nous dans le coeur ne l'aurait pas été non plus. Ils se seraient prosternés, ils auraient adoré et n'en seraient pas moins demeurés, dans leur prosternement et dans leur adoration, ceux qui réclamaient la mort de Christ, ceux qui voulaient ôter Dieu de la terre, ceux qui ne l'aimaient pas. Toute leur haine de Dieu se serait introduite dans leur service de Dieu. Ils auraient éternellement joué la comédie.

Si Jésus ne s'était pas laissé crucifier, s'il était sorti de son incognito, alors le diable aurait remporté sa plus belle victoire: le Royaume de Dieu eût été envahi par des comédiens, par des enfants du Démon jouant le rôle d'enfants de Dieu. Le diable serait parvenu à placer ses propres serviteurs à la cour du Roi des rois. Il se serait emparé de l'éternité, sans que jamais personne ne s'en doutât. Tout aurait semblé être soumis à Dieu, et tout aurait été en réalité soumis au Malin. (Et c'est bien toujours ce qu'il cherche à obtenir: que nous paraissions aimer Dieu, alors que nous n'aimons que nous-mêmes.)

Mais Jésus ne sort pas de sa réserve, de son incognito. Car c'est seulement devant sa faiblesse et son dénuement que peuvent se révéler la lâcheté et la révolte des hommes. C'est en face de la présence concrète de ce pauvre homme impuissant que l'iniquité humaine peut se donner libre cours, car elle n'a plus rien à craindre, personne ne risque rien à frapper ce pauvre diable. A mesure qu'il se laisse faire, on voit bien que Jésus n'est pas le Christ, car s'il était le Christ il descendrait de la croix; on peut donc y aller, chaque coup que nous lui donnons est une preuve que nous avons raison. C'est ainsi qu'en crachant sur lui, en le souffletant et le clouant au bois, les hommes prouvent irréfutablement que cet individu n'est pas le Seigneur, et que Dieu son Père n'existe pas. La patience même de Jésus fait sortir tout le venin, toute l'incrédulité du coeur des hommes. Elle vide entièrement l'abcès.

Il faut donc ce dépouillement total du Christ pour que les hommes ne se gênent plus, cessent de jouer la comédie et se montrent comme ils sont. Il faut ce dépouillement de Jésus pour que Dieu souffre en lui tout ce que nous pouvions lui faire endurer, et se montre comme il est. «Il faut que le Fils de Dieu soit rejeté », répète Jésus presque à chaque page de l'Evangile. Et, après sa résurrection: «Ne fallait-il pas que le Christ souffrît ces choses ? » Il faut ce dépouillement, il faut cette patience pour que l'on se rende compte que l'homme, et en particulier l'homme religieux, ne veut pas de Dieu, qu'il ne cherche pas Dieu. Car lorsque Dieu est là lui-même, là en personne, dépouillé et misérable, il n'en a cure. Ce que l'homme veut, ce sont les avantages, la sécurité qu'il retirera de ses relations avec le Tout-Puissant. Dieu n'est pas le but, il n'est qu'un moyen. Les hommes ont fait de Dieu le suprême moyen de satisfaire à leur réclamation. Dieu est « une corde de plus à leur arc» (J.-L. Leuba) pour atteindre le but de leur amour-propre.

Tout cela éclate au jour quand Dieu s'étant dépouillé jusqu'à n'être plus qu'un être pauvre et nu, jusqu'à ne plus rien pouvoir offrir d'autre que lui-même, les hommes l'ont rejeté comme une chose inutilisable. Il ne peut plus servir à rien. En effet, Jésus-Christ est un Dieu parfaitement et radicalement inutilisable. En lui Dieu ne nous donne que Lui. A ce Dieu qui souffre en Jésus-Christ nous demandons : « Qu'as-tu à nous offrir?» Il répond: «Moi, rien que moi! » Nous nous éloignons, déçus; ce n'est pas cela que nous voulions. Nous voulions autre chose que Lui. Nous voulions le bonheur, nous voulions la vie, nous voulions la puissance, nous voulions la paix, la vertu, nous voulions mille très belles choses, mais nous ne voulions pas de Lui. Nous voulions le salut. Mais il ne faut pas vouloir le salut, il faut vouloir Dieu. Alors, on est sauvé. Tant que Dieu est pour nous un moyen de salut, nous sommes perdus. Notre Dieu n'est encore qu'une idole. On aurait bien voulu que Jésus en restât à ses miracles, à ses guérisons, cela servait à quelque chose au moins, cela prouvait son utilité, on pouvait encore croire en lui parce que cela rapportait. Mais quand il est crucifié, qu'est-ce que cela rapporte de croire en lui ? Le Christ crucifié n'est plus un moyen de salut, il n'est plus un moyen de quoi que ce soit. Il n'est que le but, le but absolument pur de nos vies, l'éternelle fin de toutes choses; il n'est plus que Dieu, ou il n'est plus rien du tout.

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Pour quelle raison...

Il ne suffit pas qu'en Jésus-Christ Dieu nous montre une patience sans limite, encore voulons-nous comprendre la raison d'une telle patience. Et c'est la seconde réponse qui nous est faite.

Jésus-Christ ne nous révèle pas seulement comment Dieu est venu souffrir ces choses, mais aussi pourquoi il les a souffertes. Si Dieu patiente, en effet, c'est en attendant de juger, et c'est ce jugement qui, lui aussi, nous est annoncé sur la croix.

Revenons un instant sur le terrain des réclamations humaines. L'homme est vraiment passé maître dans l'art d'échapper à la vérité de Dieu et d'en savoir plus long qu'elle, et de se justifier. En effet, lorsqu'en temps ordinaire nous entendons la Bible proclamer le jugement de Dieu, c'est-à-dire la condamnation éternelle de l'incrédule (Jean 3, 36), nous protestons contre cette justice: «Mais voyons! Qu'est-ce que vous me dites là ? Dieu est trop bon pour faire une chose pareille. Notre désobéissance n'est pas si grave que cela. Tout s'arrangera pour le mieux avec un Dieu si bon.» Et quand un jour (et ce jour semble bien être arrivé) les fruits du péché de l'homme sont mûrs et que nous en avons l'amertume plein la bouche, et que la Bible nous dit que, dans un véritable excès de bonté, Dieu souffre encore l'humanité pour quelque temps, «Dieu use de patience envers vous (et à quel prix !) voulant que personne ne périsse, mais que tous viennent à la repentance» (2 Pierre 3, 8), nous protestons alors contre cette bonté qui nous fait souffrir évidemment, et nous réclamons justice, et nous prétendons: Dieu est trop juste pour souffrir tout cela. Ainsi, comme dit l'apôtre Paul, «nous retenons la vérité captive» (Romains 1, 18). Dieu est trop bon pour être juste, et il est trop juste pour être bon. Que voulez-vous qu'il fasse ? Le Seigneur est vraiment captif de notre incrédulité.

Cependant, en Jésus-Christ, Dieu s'est libéré de notre incrédulité. Il a arraché de nos mains d'impies sa vérité. Sur la croix il nous la montre tout entière et c'est elle qui nous tiendra captifs, car nous n'y voyons pas seulement sa patience, c'est-à-dire sa bonté et son amour, mais nous y voyons encore sa justice. En effet, Jésus-Christ selon le témoignage biblique n'est pas seulement Dieu qui souffre l'homme, il est en même temps l'homme que Dieu ne souffre pas, l'homme que Dieu rejette. Sur lui s'abat cette justice qu'avec pas mal de légèreté nous réclamons pour le monde. Ce ne sont pas seulement les hommes qui veulent la mort du Christ, c'est aussi, c'est d'abord Dieu. «Que ta volonté soit faite et non la mienne!», prie Jésus la veille de sa mort. Ce que Jésus souffre de la part des hommes en tant qu'il est le Christ, en tant qu'il est Dieu, il le souffre de la part de Dieu en tant qu'il est homme, à notre place. «Dieu le traite comme le péché même. » «Il a été maudit pour nous. » Souffrance inconcevablement doublée! Patience indescriptible! Rejeté de la terre et rejeté du ciel. Abandonné des hommes et abandonné de Dieu. Il n'a plus un lieu où reposer sa tête. Il porte en lui tout ce que nous faisons subir à Dieu et tout ce que Dieu doit nous faire subir. Sur lui s'abat la guerre que l'homme pécheur fait à Dieu et la guerre que Dieu fait à l'homme pécheur. Jésus souffre à la fois l'injustice de l'homme et la justice de Dieu. Ainsi la patience de Dieu c'est la passion de Jésus-Christ, mais la justice de Dieu c'est encore la passion de Jésus-Christ. Tout est là. Du même coup tout est manifesté. Toute la patience et toute la justice de Dieu. Une patience un peu plus grande que nous ne le pensions, et une justice un peu plus absolue.

L'agonie du Fils de Dieu, c'est-à-dire la souffrance de Dieu rejeté par l'homme et de l'homme rejeté par Dieu, contient le déroulement de toute l'histoire humaine, l'unique secret de tout ce qui se passe. L'apôtre Pierre nous dit bien que, pour Dieu, mille ans sont comme un jour. La passion de Jésus-Christ condense tous les siècles et tous les événements de notre histoire. Les milliers d'années que va le monde sont les heures où le Christ agonise. Nous vivons au pied de la croix. L'humanité n'avance pas, elle tourne autour de la croix. « Christ est en agonie jusqu'à la fin du monde », on pourrait aussi dire: L'agonie du Christ commence et termine l'histoire du monde. Il faut s'arrêter là. Si vous voulez chercher plus haut, plus loin que la croix, vous n'atteindrez jamais qu'un Dieu fantasmagorique, un Dieu trop bon pour être juste, et trop juste pour être bon. Et vous n'atteindrez qu'un homme plus fantasmagorique encore, un homme illusoire, un masque religieux, un comédien.

La croix du Christ, mystère de la patience et de la justice de Dieu, projette donc son ombre et sa lumière sur toutes les époques, sur la nôtre particulièrement. Christ, c'est l'attitude que Dieu prend «une fois pour toutes» à l'égard du monde. Une fois, pour toutes les autres fois. «Il a para une seule fois à la fin des âges », dit l'épître aux Hébreux. Par rapport à cette seule fois de la venue du Christ, tous les âges, y compris le xx ème siècle, ne sont que des «autrefois ». Cette guerre est une guerre d'autrefois. Notre vie est une vie d'autrefois. Tout ce qui arrive et tout ce qui arrivera encore ce ne sont que des choses passées, indéfiniment reproduites, l'interminable réédition d'une histoire morte. Le répertoire du Malin est désespérément maigre. Il n'y a que la vie et la mort de Jésus-Christ qui ne soient pas d'autrefois, et qui soient l'actualité vivante de tous les âges, l'unique fois présente à toutes les autres fois.

Que se passe-t-il donc aujourd'hui dans ce terrible autrefois d'aujourd'hui? Il se passe que Jésus-Christ est crucifié. Il ne pourra jamais rien se passer d'autre jusqu'à la fin du monde. Dans notre monde, le Christ ne peut que mourir. Nous voyons dans le monde présent s'accomplir la justice et la patience de la croix. Cette guerre est en effet un jugement que Dieu porte sur le monde, une effroyable condamnation, mais que Dieu porte par le moyen de la méchanceté humaine, en livrant l'homme à son propre péché. Ce n'est pas lui qui jette les bombes, ce n'est pas lui qui plante les clous. C'est nous. Son jugement est de laisser le péché porter ses fruits. Jérémie nous dit bien: «Ta méchanceté te châtiera, tes infidélités te puniront. Tu sauras et tu verras que c'est une chose amère, mauvaise, d'abandonner le Seigneur ton Dieu» (2, 19). Et pareillement Esaïe: <4 Les nations sont tombées dans la fosse qu'elles avaient creusée... L'Eternel a manifesté sa justice : le méchant a été enlacé dans son propre filet.» Et encore Ezéchiel: «J'ai livré Samarie au pouvoir de ses amants » (23, 9). Elle a donc ce qu'elle veut, Samarie. L'Europe aussi a ce qu'elle a voulu. La guerre est donc le châtiment de Dieu, la manifestation de sa justice exactement dans le sens où l'est la croix: Dieu livre les hommes à leur iniquité comme il a livré son Christ à leur iniquité.

Mais dans la méchanceté qui se déchaîne, nous voyons autant que le jugement de Dieu sa patience à l'égard du méchant. «Il est bon pour les ingrats et les méchants, il fait lever son soleil sur les justes et sur les injustes », dit le Sermon sur la Montagne. Cette patience, bien sûr, nous trouble parce qu'elle implique une quantité effroyable d'injustice et de souffrance innocentes. Elle nous torture même. Elle nous paraît un laisser-aller coupable. Nous sommes aussi désemparés souvent que les apôtres le soir du Vendredi-Saint, qui pouvaient assurément se dire comme nous que si Dieu existait, il ne permettrait pas cela. Nous nous impatientons contre une telle patience. Nous n'en voyons plus le sens. Nous ne voulons pas souffrir ce que Christ a souffert. Nous ne voulons pas porter la croix. Nous demandons justice 1 Et il faut que Dieu nous rappelle que sa justice sera notre mort, que sa justice c'est la mort du méchant. «Et je ne veux pas la mort du méchant, mais qu'il se convertisse et qu'il vive. » Cette déclaration que Dieu fait à Ezéchiel contient toute la raison d'être de l'histoire du monde autour de la croix.

Si la fin de toutes choses et le jugement dernier ne sont pas encore arrivés, si le train de ce monde continue, c'est seulement à cause de cette intention miséricordieuse de Dieu qui ne veut pas la mort du méchant, et qui vient en Jésus-Christ souffrir et mourir à sa place, pour qu'il se convertisse et qu'il vive. Si l'histoire du monde ne s'est pas encore arrêtée, c'est-à-dire si Christ n'a pas encore fini de mourir, c'est qu'il y a donc encore pour le méchant une possibilité de salut, une chance d'entrer dans le Royaume de Dieu. Serions-nous jaloux de cette chance que Dieu laisse aux pécheurs ? Allons-nous murmurer comme les pharisiens qui trouvaient un peu fort tout de même que le Christ pardonnât à des vauriens, ou réclamer comme les disciples que le feu du ciel consume ceux qui avaient refusé de recevoir leur Maître ? Sans doute le monde abuse d'une manière atroce de la patience de Dieu et accumule sur les épaules du Christ toutes les monstruosités. Mais de quel droit limiterions-nous cette patience alors que nous en vivons nous-mêmes? Aurions-nous perdu de vue le but que Dieu poursuit et n'a pas encore atteint: « Dieu use de patience envers vous, voulant que personne ne périsse, mais que tous parviennent à la repentance» ? Le but est là pour lequel Christ est mort et n'a pas encore cessé de mourir : notre repentance. Ce qu'elle a coûté est inconcevable. Mais il serait encore plus inimaginable que ce prix eût été payé en vain et que, voyant sur la croix de quoi nous sommes capables et de quoi Dieu est capable, nous ne nous abandonnions pas nous-mêmes enfin et ne soyons pas vaincus par un tel amour. « Méprises-tu les richesses de sa bonté, de sa patience, de sa longanimité, et ne reconnais-tu pas que la bonté de Dieu te convie à la repentance ? Par ton endurcissement et l'impénitence de ton coeur, tu t'amasses un trésor de colère pour le jour de la colère et de la manifestation du juste jugement de Dieu, qui rendra à chacun selon ses oeuvres» (Romains 2, 4-6).

Le monde continue et la souffrance s'accumule indescriptiblement. Mais le Christ en est le but. Il n'est pas seulement sur la croix le centre, la substance de tout ce qui se passe, il est aussi par son retour et l'établissement de sa justice le but de tout ce qui se passe, le but de cette longue, déchirante attente. La repentance en vue de laquelle il patiente sur la croix, c'est pour chacun de nous la possibilité d'entrer dans le Royaume de Sa justice qui vient; c'est pour chacun de nous la possibilité de naître de nouveau et de l'aimer. Pour nous, et pour tous ceux auxquels il nous faut annoncer cette patience et ce jugement, avant que ne les frappe la sentence éternelle, et qu'ils ne soient à jamais rejetés. Certes, le délai que sa souffrance nous accorde est précieux, car le jugement dernier, c'est-à-dire la destruction de toute injustice, est aussi certain que la patience qui, aujourd'hui encore, supporte notre injustice. Il en est inséparable. Nous le savons maintenant, n'est-ce pas, puisque nous avons vu sur la croix à la fois comment Dieu peut nous souffrir et comment il ne peut pas nous souffrir; comment il nous laisse faire et comment il ne nous laisse pas faire; sa patience et son impatience. Nous ne pouvons plus échapper maintenant ni à l'une ni à l'autre. Nous sommes pleinement avertis, revêtus de la connaissance de Jésus-Christ, captifs de la vérité.

Les mains de notre juge sont encore retenues à la croix. Mais déjà nous entendons, dans l'Apocalypse, la voix de ceux qui se prosternent en disant: «Nous te rendons grâces, Seigneur Dieu tout-puissant, toi qui es et qui étais, de ce que tu as pris en mains ta puissance souveraine et de ce que tu es entré dans ton règne. Les nations s'étaient irritées, mais la colère est venue ! Il est venu, le moment de juger les morts et de donner leur récompense à tes serviteurs, les prophètes, aux saints, à ceux qui craignent ton nom, aux Petits et aux grands, et de détruire ceux qui détruisent la terre » (Apocalypse 11, 17-18). Le jour vient où Dieu prendra en main, dans ses mains percées de clous, sa puissance souveraine et jugera. Pour le moment, il souffre tout jusqu'au bout et sa patience est sans limites. Mais elle n'aurait aucun ,sens si elle ne devait prendre fin. Elle serait vaine et nous n'aurions pas besoin d'elle, si elle n'aboutissait pas au jugement. Le temps de la patience sans limites dans lequel nous vivons n'est qu'un temps intermédiaire, provisoire, qui laissera la place un jour au temps de la justice. «Nous attendons selon sa promesse de nouveaux cieux et une nouvelle terre où la justice habite» (2 Pierre 3, 16). Voilà ce qui rend grave, ce qui rend décisive notre existence présente ! Chacune des heures de notre vie a coûté la vie du Fils de Dieu. Nous ne pourrons pas, au jour du jugement, faire appel à une plus grande patience que celle qui nous est faite aujourd'hui même, nous ne pourrons pas réclamer de Dieu qu'il nous souffre plus qu'il ne nous a soufferts en ce moment et qu'il retarde davantage la prise en main de sa juste puissance. Il ne sera plus possible alors de se repentir et de demander pardon. C'est pourquoi la Bible répète: « Repentez-vous, car le Royaume de Dieu est proche. Le jour du Seigneur viendra comme un voleur.»

Seigneur, jusques à quand supporteras-tu ce qui se passe ? demandons-nous dans notre impatience. Mais Christ nous répond en nous retournant la question: Race incrédule et perverse! jusques à quand vous supporterai-je ? Peut-être qu'alors en entendant, nous, cette question, notre impatience changera quelque peu de ton et que nous dirons plutôt: « Seigneur, patiente encore un petit moment! Retire-toi de moi qui suis Un homme pécheur! Supporte-nous encore quelque temps, qu'enfin nous produisions des fruits pour ta gloire.» Devant la croix où Dieu souffre notre iniquité, nous demanderons sans doute plus que jamais que sa justice vienne. Seulement ce ne sera plus sur le ton de la réclamation, mais avec crainte et tremblement et avec espérance. En Jésus-Christ, Dieu s'empare en quelque sorte de tout ce que nous lui reprochons pour nous le reprocher. A notre: « jusques à quand nous feras-tu souffrir ? » Dieu répond: « Jusques à quand me ferez-vous souffrir ? » Les questions que nous posons à Dieu se changent en questions que Dieu nous pose. Les rôles sont renversés. Dieu a repris sa place. Ce n'est plus nous qui mettons Dieu en question, c'est lui qui nous met en question. Grâce à la croix, l'amour de Dieu et sa justice sont maintenant hors de question. C'est nous qui devons lui répondre. La seule chose qui est en question c'est nous-mêmes ici, et l'illusion dans laquelle nous vivons, et l'estime où nous nous tenons, et la comédie que nous jouons, et l'indifférence où nous barbotons.

Non, ce n'est plus Dieu qui doit nous répondre de ses actes et de ses pensées, puisque Jésus-Christ en est la réponse éternelle, mais c'est nous qui avons à lui répondre de nos actes, de nos pensées, qui avons à répondre à la question que Jésus pose à tous ceux qu'il rencontre: «Mais vous, mais toi, qui dis-tu que je suis ?» Vous ne pouvez empêcher Jésus de vous la poser ce soir et de vous obliger à jouer votre destinée éternelle sur la réponse que vous lui ferez. Jésus est-il le Christ, le Roi des rois? Est-il vraiment mon Seigneur et mon Dieu ? Cet homme rejeté, ce condamné à mort ? Qu'attendre pour répondre ? Un supplément d'informations ? Il n'y a pas de supplément au témoignage biblique. Une propagande un peu mieux faite ? Mais Jésus est le Christ parce qu'il refuse toute propagande. Qu'il sorte de son incognito ? Mais il est le Christ parce qu'il demeure dans son incognito. Qu'il descende de la croix et se manifeste au monde ? Mais il est le Christ parce qu'il demeure attaché à la croix. N'est-ce pas comique de voir que les hommes, pour pouvoir croire que Jésus soit le Christ, réclament justement comme les juifs qu'il ne soit pas le Christ, qu'il soit un Christ à leur manière ?

Eh bien oui, il sortira un jour de son incognito, il se manifestera au monde, il reviendra dans la gloire, et donnera son Royaume aux siens. Mais les siens ce seront ceux qui l'auront reconnu pour leur roi quand il était sans royaume. Que penseriez-vous de l'amour d'un jeune homme qui attendrait pour se déclarer le moment précis où la jeune fille ferait un gros héritage ? Est-ce cela que nous attendons pour répondre à Jésus-Christ, pour le suivre et pour l'aimer ? Nous attendons qu'il soit riche ? D'être bien sûr qu'il le soit ? Ou bien est-ce que nous le voulons lui, rien que lui, pour lui-même, comme Seigneur, et voulons-nous le suivre quoi qu'il arrive ? Cela revient à demander: «Sommes-nous des comédiens, sommes-nous pour l'éternité les prisonniers du rôle que le diable nous fait jouer, ou bien devenons-nous ce soir, par la réponse que nous donnons à Jésus-Christ, des hommes réels, des êtres vrais, des enfants de Dieu ?»


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