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MARIE-MAGDELEINE(suite)

 

La voyez-vous, mourant de la mort de Jésus et languissant de ses langueurs, frémissant au bruit de ce marteau tour à tour levé et abaissé, dont les coups retentissent au fond de son âme, et de ces clous enfoncés qui la déchireraient moins., lui semble-t-il, plantés dans ses mains que dans celles de son Maître? La voyez-vous, recueillant tour à tour les sept paroles de la croix, qui ont fait l'étude et l'admiration de l'Église pendant dix-huit cents années, avant de faire l'objet de notre méditation chaque soir de cette semaine ? La voyez-vous, prêtant l'oreille aux outrages des prêtres, aux railleries des bourreaux, à la prière du larron pénitent, à la confession du centenier, - enfin au dernier soupir du Crucifié, qu'elle attendait pour respirer à l'aise et pleurer sans contrainte?

Jamais elle ne l'a tant aimé vivant, qu'elle l'aime mourant. Pourquoi cela? C'est qu'elle l'aimait vivant comme son Libérateur, et qu'elle l'aime mourant comme son Sauveur; un Sauveur, qui ne la délivre qu'en souffrant pour elle, qui ne lui donne de vie et de félicité que ce qu'il prend sur la sienne, et qui, comme la semence déposée en terre, ne porte son fruit précieux qu'à la condition de mourir (*36). Ainsi que le bienfait de Jésus, l'amour de Marie-Magdeleine a changé de caractère : autant l'un est devenu plus douloureux, autant l'autre est devenu plus tendre. C'est pour les pécheurs que Jésus souffre, et par les pécheurs ; c'est plus spécialement pour elle, et par elle, la plus misérable de tous à ses yeux, et à qui sa misère est révélée par cette croix, comme elle ne le fut jamais en Galilée. Elle s'indigne, sans doute, contre les auteurs iniques et les exécuteurs barbares du plus détestable des jugements; mais elle s'indigne surtout contre elle-même - ce sont ses péchés, à elle, elle dirait volontiers à elle seule, qui ont imposé à l'amour de Jésus cet affreux sacrifice; sa main, sa propre main a conduit les mains qui ont manié ce marteau, planté ces clous, dressé cette croix. Il lui semble que le monde entier va lui dire : C'est pour toi, c'est par toi que tout ceci lui arrive; et si le monde ne le lui dit pas, elle est prête à le dire au monde : C'est moi qui ai tout fait; moi, indigne entre les indignes; moi, la plus ingrate de toutes les créatures, si je n'en étais pas la plus reconnaissante, et si mon amour ne croissait pas avec ses douleurs !

 

Sympathie combien méritée, combien naturelle ! Oui, mais combien rare ! rare, comme le sentiment profond de désordre réparé, de coulpe effacée, de peine remise, qui a poussé Marie-Magdeleine au pied de la croix, et que la croix lui rend doublé, centuplé. Vous-mêmes, la connaissez-vous, cette sympathie ? Y a-t-il quelque chose de pareil aux pensées de Marie-Magdeleine, dans les pensées avec lesquelles vous contemplez votre Sauveur mourant? quelque chose qui soit en rapport avec l'excès de son amertume, ou avec l'objet de son sacrifice ; avec ce qu'il vous doit de douleur, ou avec ce que vous lui devez de délivrance ? que dis-je ? quelque chose qui soit en rapport avec ce que vous avez éprouvé peut-être pour la souffrance d'un indifférent, ou pour le supplice d'un criminel, ou pour des malheurs de roman ou de théâtre ? Coeurs égarés, où la fausse sensibilité a tué la véritable; tendres à l'excès pour tout le reste, sans pitié pour lui seul ! C'est affreux, ce que je dis là, c'est effrayant, - mais n'est-ce pas vrai ? Ah ! c'est que vous n'avez jamais eu conscience, comme Marie-Magdeleine, d'une calamité immense dont Jésus vous a retirés c'est qu'il ne vous a pas délivrés de sept démons !

 

Aussi, de quelle ardeur Marie-Magdeleine cherche-t-elle son Sauveur ressuscité ! C'est ici le dernier période, et le triomphe de son amour; c'est ici ce qui a inspiré à saint Marc le rapprochement indiqué dans mon texte : « Il apparut premièrement à Marie-Magdeleine, de laquelle il avait chassé sept démons. » Jésus, celui qu'elle aimait, sans qui elle ne peut vivre, est mort : elle l'a suivi vivant; elle l'a pleuré mourant ; mort, que ferait-elle? Mort, - mais l'est-il tout entier? l'est-il pour toujours? l'est-il pour longtemps? Son coeur lui dit là-dessus des choses étranges; et la parole de Jésus vient en aide à son coeur. Il a annoncé qu'il mourrait, et qu'il ressusciterait le troisième jour (*37); cela est si bien connu que ses ennemis prennent des précautions pour empêcher l'enlèvement de son corps. Il est vrai que les disciples de Jésus n'ont pas cru cette parole, ou plutôt ne l'ont pas comprise (*38); Marie-Magdeleine ne l'a probablement pas plus comprise que les autres ; les aromates qu'elle apporte pour embaumer le corps de Jésus (*39), et sa plainte répétée : « On a enlevé mon Seigneur, et je ne sais où on l'a mis (*40), » donnent à connaître qu'elle le cherche plutôt mort que vivant. Et pourtant, il y a dans le fond de sa pensée quelque autre chose qu'elle ne dit pas, qu'elle ne saurait dire : ce n'est pas ainsi qu'on cherche un mort. En Jésus-Christ ressuscité, Marie-Magdeleine trouve plus qu'elle n'osait chercher, j'en conviens; mais certainement aussi dans son seul cadavre, elle eût trouvé moins que ce qu'elle cherchait; et toute préparée qu'elle est pour l'embaumer, elle s'attend vaguement à avoir quelque chose de meilleur à faire. Après une telle vie et une telle mort, elle compte sur quelque chose d'extraordinaire qu'elle n'avoue à personne, dont elle ne se rend pas compte à elle-même; elle pressent confusément la résurrection de son Maître, à peu près comme Marthe celle de son frère; et sa lumière va croissant par degrés, jusqu'au moment où l'événement vient tout ensemble réaliser ses espérances et les dépasser. Quand je veux me faire quelque idée de ce qui se passe dans son coeur, je me figure une mère qui vient de perdre son fils bien-aimé, mais à qui une parole vénérée a fait concevoir, comme celle d'Élisée à la Sunamite, je ne sais quelle espérance incertaine qu'il va lui être rendu. Je me la figure courant à son tombeau, le trouvant vide, n'ayant plus qu'à choisir entre une résurrection et un enlèvement, n'avouant que' l'enlèvement, mais inclinant vers la résurrection, demeurant la dernière près du sépulcre où elle est venue la première, pleurant, cherchant, interrogeant, attendant, et trouvant enfin son fils, - son fils vivant, - sans oser d'abord le reconnaître, de peur d'avoir à redescendre d'une illusion trop ravissante dans une trop amère réalité... Ce n'est là qu'une image affaiblie de l'histoire de Marie-Magdeleine, devançant tous les autres et prévenant le jour; trouvant la pierre roulée et le sépulcre vide ; courant vers les apôtres, qui semblent ne se mouvoir que sur sa parole; les rendant témoins de ce qu'elle a vu, mais demeurant après eux pour voir davantage; seule, faible femme, près d'un tombeau ouvert; pleurant, et demandant à tout ce qui l'entoure celui qui seul remplit son coeur; le demandant aux anges, en qui rien ne la touche ni ne l'intéresse que le témoignage qu'elle sollicite d'eux; le demandant à lui-même, qu'elle prend pour un autre, - jusqu'au moment où, reconnaissant enfin sa voix aimée dans l'accent dont il l'appelle, elle est rassurée par cet entretien en deux mots, en deux noms: « Marie ! Rabboni ! » mais deux noms, dont l'un dit tout ce que Marie est pour son Sauveur ressuscité, et l'autre tout ce que Jésus ressuscité est pour Marie sa servante, de laquelle il a chassé sept démons. C'est toujours à ces sept démons qu'il en faut revenir, c'est par ces sept démons qu'il faut tout expliquer; le Saint-Esprit l'a fait comprendre à Marc, et Marc nous le fait comprendre à son tour. Marie-Magdeleine, premier témoin de la résurrection, choisie pour l'annoncer à ceux qui ont été choisis pour l'annoncer au monde, simple femme, qui n'a que son coeur pour elle, mais dont ce coeur fait l'apôtre des apôtres ; Marie-Magdeleine, la grande figure de cet admirable vingtième chapitre de saint Jean, où elle occupe, dans la première journée du royaume des cieux, cette première place que les apôtres eux-mêmes lui cèdent sans hésitation ; Marie-Magdeleine, les prémices de l'Église consolée, la première voix terrestre qui ait frappé l'oreille de Jésus ressuscité, et la première oreille humaine que la voix de Jésus ressuscité ait rendue attentive; Marie-Magdeleine, à laquelle il n'est pas un disciple, si froid soit-il, qui n'ait donné au moins une fois dans sa vie un mouvement de sympathie et une larme d'attendrissement; eh bien , cette Marie-Magdeleine, qui est-elle enfin et d'où vient-elle ? Est-ce une sainte accomplie, qui puisse se vanter d'une vie sans tache, d'une perfection surérogatoire, que sais-je? d'une conception immaculée? Non, vous dis-je, non, mais une pauvre et indigne pécheresse; mais l'objet d'une obsession maligne et infernale.; mais une femme, que vous auriez rougi d'avoir pour fille ou pour soeur; une femme, que vous auriez tremblé de voir s'asseoir à vos côtés ; une femme, que vous auriez fait enfermer dans quelque Salpêtrière et revêtir de la camisole de force ; une femme enfin, de laquelle Jésus avait chassé sept démons. Voilà, voilà le principe de sa vie en Galilée, de sa douleur sous la croix, de sa joie près du sépulcre, enfin de toute sa grandeur ; grandeur dont elle ne sait rien elle-même, suivant, avec la simplicité d'un enfant, le mouvement d'un coeur qui la pousse à chercher celui qu'elle a perdu, sans plus songer à mériter le témoignage que je lui rends aujourd'hui, et que le Saint-Esprit lui a rendu avant moi, que vous ne songez, vous, à vous obtenir l'estime ou l'admiration des générations à venir par l'émotion qui remplit en ce moment votre coeur, et que vous allez porter à la table de ce même Jésus, mort pour vous comme pour Marie-Magdeleine, et pour vous comme pour elle, ressuscité d'entre les morts Mais le remplit-elle en effet? Entrez-vous dans l'esprit du dialogue échangé entre Marie-Magdeleine et son Maître ressuscité ? Entendez-vous, en esprit, Jésus vous disant Marie ! et se réjouissant sur vous, qu'il a déjà affranchi de la mort, déjà fait monter au ciel, déjà fait asseoir à la droite de Dieu avec lui? Et Jésus vous entend-il à son tour lui disant Rabboni ! et vous réjouissant dans la pensée qu'il a tout accompli, qu'il ne souffre plus, qu'il vit aux siècles des siècles, et qu'il recueille auprès du Père le prix de son abaissement et de son sacrifice ? Votre coeur, en un mot, célèbre-t-il la Pâque comme une vraie Pâque du Seigneur, qu'il a aimé, qu'il a cherché, qu'il a trouvé? - ou bien célébrerait-il la Pâque, parce que c'est le jour de Pâques, sans tressaillement, sans amour, prêt à retourner demain aux pensées terrestres de ses joies, à l'abattement de ses douleurs, ou à l'entraînement de ses convoitises, tout comme si Jésus n'était pas ressuscité? Mais pourquoi? si ce n'est parce que vous n'avez rien connu qui ressemble à la plaie du coeur de Marie, et que Jésus ne vous a pas délivré de sept démons ?

 

Tel est le secret de Marie-Magdeleine, pour croître dans cette grâce qui l'a retirée de l'abîme : l'amour par l'humilité. Son premier secret, avec Jésus vivant, c'est un premier pas dans l'amour par un premier pas dans l'humilité ; son second secret, avec Jésus mourant, c'est un second pas dans l'amour par un second pas dans l'humilité ; son troisième secret, avec Jésus ressuscité, c'est un nouveau pas dans l'amour par un nouveau pas dans l'humilité en attendant que son secret final., avec Jésus glorifié, ce soit le complet épanouissement de l'amour par l'humilité, son âme élue plongeant du plus haut des cieux dans le plus profond de cet enfer auquel elle a commencé par être livrée... Mais quoi ? Tant de grâce n'est-elle donc accessible qu'à la victime de sept démons ? Pour avoir été préservés de l'excès de misère qui a été la première condition de Marie-Magdeleine, nous sera-t-il impossible d'aimer comme elle? et serons-nous réduits à souhaiter d'avoir été plus coupables pour être plus reconnaissants ? Non, mes frères, non: nous serons réduits seulement à nous connaître mieux,; car nous n'avons qu'à nous mieux connaître pour nous trouver les sept démons dont elle a été délivrée, si ce n'est pour nous en trouver davantage, hélas ! et celui qui s'en voit le moins, est celui qui en a le plus.

 

La pécheresse de saint Luc n'a pas été délivrée de sept démons, comme Marie-Magdeleine; et cependant, elle ne peut trouver de marques ni assez humbles ni assez tendres de sa reconnaissance et de son amour : « Elle a beaucoup aimé or celui à qui il est moins pardonné, aime moins (*41). » Saint Pierre n'a pas eu à rompre, comme cette pécheresse, avec les indignes convoitises de la chair; et cependant, il peut dire d'un coeur sincère : « Seigneur, tu sais toutes choses, tu sais que je t'aime (*42). » Saint Paul n'a pas, comme saint Pierre renié trois fois son Maître après l'avoir connu; et cependant, il a pu écrire : « Jésus-Christ est venu au monde pour sauver les pécheurs, desquels je suis le premier (*43). » C'est pour lui-même, comme pour saint Pierre, comme pour la pécheresse, comme pour Marie-Magdeleine, comme pour nous tous, que ce même saint Paul a écrit encore : « Nous aussi étions autrefois insensés, rebelles, abusés, asservis à diverses passions et voluptés, vivant dans la malice et dans l'envie, dignes d'être haïs et nous haïssant l'un l'autre (*44). » Ah ! quand on est tel , je le demande, pour entrer dans l'esprit de Marie-Magdeleine, faut-il plus que de se connaître ?

 

Quand Jésus oppose cette pécheresse qui a beaucoup aimé parce qu'il lui a été beaucoup pardonné à Simon le pharisien qui aime moins parce qu'il lui a été moins pardonné, ne voyez-vous pas que ce n'est qu'à ses propres yeux que Simon est moins coupable que la pécheresse, et que la dureté superbe du premier, son incrédulité soupçonneuse, surtout sa complaisance pharisaïque en lui-même, balancent les péchés plus éclatants de la seconde, si elles ne les dépassent pas devant Dieu ? Et vous, qui vous croyez si fort au-dessus de Marie-Magdeleine aux sept démons, vos démons à vous, présents ou passés, votre incrédulité, votre avarice, votre égoïsme, votre convoitise, votre vanité, votre impureté peut-être, - en voilà six, - ne valent-ils pas les siens? J'ai gardé pour le dernier le plus mauvais de tous, votre orgueil, qui vous fait accroire que vous êtes meilleurs qu'elle. Et qu'en savez-vous ? Ne comprenez-vous pas que la justice de Dieu, à la différence de celle des hommes., pèse avec l'acte visible les sentiments cachés dans le coeur, et tient compte à chacun des ressources, des exemples, des occasions, des lumières, des avertissements même intérieurs, dont il a joui ou dont il a été privé ? Eh bien, qui êtes-vous pour faire la part de toutes ces choses ? Qui êtes-vous pour balancer votre fardeau avec celui de Marie-Magdeleine? Et quelle est votre sûreté, sinon « d'estimer les autres, par humilité, » - y compris Marie-Magdeleine, - « plus excellents que vous-même (*45) ? » Le premier des pécheurs, pour saint Paul, c'est saint Paul; pour saint Pierre, c'est saint Pierre; pour la pécheresse, c'est la pécheresse; pour Marie-Magdeleine, c'est Marie-Magdeleine; et pour vous, ce doit être vous.

 

Non, non : ce n'est pas nous, ô mon Dieu, que pourrait aborder le souhait téméraire d'offrir un champ plus riche aux merveilles de ta grâce ! Pour l'apprécier, cette grâce toute gratuite, nous n'avons pas plus besoin de nous voir pires que nous ne sommes, que nous n'avons besoin de te voir meilleur que tu n'es ! Révèle-nous seulement à nous-mêmes tels que nous sommes, - si toutefois nous pouvons supporter ce spectacle, et si nous n'avons pas à craindre que la tête ne nous tourne en nous penchant sur cet abîme ! Tu es sage, Seigneur, pour nous faire croître dans le sentiment de ta miséricorde, en même temps que tu nous feras croître dans celui de notre injustice; de cette injustice, que nous apprenons d'année en année, et presque de jour en jour, à sonder plus avant, et que nous n'aurions pu voir telle que nous la voyons aujourd'hui, quand nous n'en étions encore qu'aux premiers éléments de ta grâce, sans risquer de tomber par trop de lumière dans le désespoir ! Ah! si tu devais étaler devant le monde les plaies de chacun de nous, comme tu as étalé celles de Marie-Magdeleine; si tu devais proclamer devant cette assemblée seulement tout ce qui s'est passé entre toi et chacun de nous, les actions de notre vie, les paroles de nos lèvres, les pensées de nos coeurs, - dans la confusion' dont nous serions couverts, la crainte qui nous préoccuperait ne serait plus celle de trouver en nous moins à pardonner, moins à effacer, moins à laver dans le sang de la croix, qu'elle ne trouve en elle ! Viens donc, Seigneur Jésus, viens créer en chacun de nous un coeur de repentance et d'humilité, afin que chacun, ne cherchant plus qu'en lui-même, comme Marie-Magdeleine, le plus coupable, le plus indigne, le plus vil de tous, puisse désormais, à force d'amour pour celui qui l'a sauvée telle qu'elle était, et qui nous sauve tels que nous sommes, l'égaler en communion avec ta vie, en sympathie pour ta mort, en joie dans ta résurrection. jusqu'à ce que nous l'égalions en possession ineffable de ta gloire et de ta félicité !

 

Communiants ! dans cette fête de votre Sauveur ressuscité, approchez-vous de sa table dans l'esprit de Marie-Magdeleine, le cherchant du coeur ; le cherchant dans la parole, le cherchant dans le sacrement, le cherchant dans le pain et dans le vin, le cherchant dans la prière, le cherchant jusqu'à ce que vous le trouviez et que vous échangiez avec lui Rabboni contre Marie; de peur que vous ne rentriez tristement dans vos maisons, sans avoir plus reçu à cette fête que vous n'y avez apporté, et que vous ne vous arrêtiez à moitié chemin entre l'incrédulité et la foi, entre la mort et la vie, entre le Vendredi et le Dimanche, dans ce cri douloureux de Marie-Magdeleine encore incertaine et tremblante : « On a enlevé mon Seigneur, et je ne sais où on l'a mis! »

Catéchumènes! vous êtes jeunes encore, mais pas trop jeunes pour avoir besoin du Dieu de Marie-Magdeleine. Hélas ! vous savez à quoi vous en tenir sur cette innocence prétendue que le monde attribue à votre âge, et au milieu de laquelle vous avez commencé de sentir se former en vous, avec les années, un trésor de péché et de désobéissance, qui déjà vous laisserait sans espérance, si vous n'aviez appris aussi à voir dans votre Dieu Sauveur un trésor de grâce et de pardon. Oh ! puissiez-vous, mes chers enfants, ne pas plus valoir à vos propres yeux que Marie-Magdeleine ne valait aux siens, le jour qu'elle donna son coeur à Jésus, et qu'elle puisa dans les profondeurs de sa misère naturelle les richesses divines de son dévouement et de son amour !

 

Et vous, qui que vous soyez dans cet auditoire, vous qui, touché, pour la première fois peut-être, de tout ce qu'il y a en vous de misère et de tout ce qu'il y a en Jésus de grâce gratuite, souhaitez intérieurement de finir comme Marie-Magdeleine, après avoir commencé comme elle; vous, mon frère, vous, ma soeur, qui avez vécu jusqu'ici ou pour le péché, ou pour l'incrédulité, ou pour l'égoïsme, ou pour le monde, mais à qui l'Esprit (le Dieu dit au-dedans du coeur : Et pourquoi ne passerais-tu pas, comme Marie-Magdeleine, « des ténèbres à la lumière, et de la puissance de Satan à Dieu? » je le redis avec lui et avec votre conscience : Pourquoi pas ? et j'ajoute : Pourquoi pas aujourd'hui? Pourquoi pas dès ce moment? Pourquoi ne pas mettre cette communion comme une barrière entre votre ancienne vie dont il vous tarde de sortir, et la vie nouvelle où vous êtes impatient d'entrer ? Si votre coeur est droit devant Dieu, venez, c'est la meilleure des préparations, et la seule nécessaire : venez, tels que vous êtes, je vous y invite au nom du Seigneur ; venez, « quand vos péchés seraient rouges comme le cramoisi, ils seront blanchis comme la neige; » venez, et cherchez désormais dans la mesure de votre injustice passée celle de votre sainteté future, au service de celui qui est venu, sur notre terre souillée, vivre pour notre salut, mourir pour notre rédemption, et ressusciter pour notre délivrance !

 

Si celui qui, dans le jour dont nous célébrons l'anniversaire, choisit pour premier témoin de sa gloire nouvelle cette Marie-Magdeleine de laquelle il avait chassé sept démons, devait apparaître dans ce moment au milieu de nous, et choisir dans cet auditoire celui qu'il daignera honorer aujourd'hui de ses communications les plus intimes et de ses bénédictions les plus précieuses, sur qui pensez-vous que tomberait son choix? Sur celui de tous qui entre le mieux dans l'esprit de Marie-Magdeleine; sur celui de tous, peut-être, pour qui nous attendrions le moins la préférence du Maitre; sur celui de tous, à coup sûr, qui l'attendrait le moins pour lui-même !

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-36. Jean XII, 24. -37. Matth. XVI, 21, etc. -38. Luc XVIII, 31-34.

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-39. Marc XVI, 1, 2. -40. Jean XX, 2, 13, 15. -41. Luc VII, 47.

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-42. Jean XXI, 17. -43. 1 Tim. I, 15. -44. Tite III, 3. -45. Phil. II, 3.


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