L'AN DE LA BIENVEILLANCE.

 

« Et Jésus vint à Nazareth, où il avait été élevé et il entra, selon sa coutume, le jour du sabbat, dans la synagogue, et il se leva pour lire. Et on lui présenta le livre du prophète Esaïe; et ayant déployé le livre, il trouva l'endroit où il est écrit: L'Esprit du Seigneur est sur moi, c'est pourquoi il m'a oint, pour annoncer la bonne nouvelle aux pauvres, pour guérir ceux qui ont le coeur brisé pour publier la liberté aux captifs, et le recouvrement de la vue aux aveugles; pour renvoyer libres ceux qui sont dans l'oppression, et pour publier l'année de grâce du Seigneur. Et repliant le livre, et le rendant à celui qui en avait la charge, il s'assit et les yeux de tous ceux qui étaient dans la synagogue étaient arrêtés sur lui. Alors, il se mit à leur dire : Aujourd'hui est accomplie cette Écriture que vous entendez. » (Luc 4: 16-21.)

 

Les paroles d'Esaïe qui servirent de texte à notre Seigneur pour sa première prédication dans la synagogue de Nazareth, étaient admirablement appropriées à cette occasion. On trouverait difficilement dans l'Ancien Testament un passage qui définisse d'une manière plus brève, plus complète et plus touchante le caractère et l'oeuvre du Messie; un passage surtout qui fût moins de nature à porter ombrage aux habitants de Nazareth si prompts à se scandaliser au sujet du « fils du charpentier, » et si peu disposés à reconnaître dans l'humble artisan dont la jeunesse laborieuse et pure s'était écoulée sous leurs yeux, l'envoyé de l'Éternel.

IL y a dans les paroles du prophète une allusion évidente à une institution mosaïque dont le caractère typique est incontestable, nous voulons parler du Jubilé. (Voir Lévitique XXV.) - Si les Israélites, entrant dans le pays de la promesse, s'étaient soumis à la loi de Dieu et s'étaient laissé conduire par son Esprit, ils auraient mené une vie heureuse, tranquille; chacun se serait assis sous sa vigne et sous son figuier, nul n'aurait été asservi à son frère, et le pays découlant de lait et de miel eût été pour le peuple comme un nouvel Éden. Mais, hélas! le péché ne devait pas tarder à altérer les rapports fraternels que Dieu avait prescrits entre les membres de son peuple. On allait voir bientôt les uns obligés d'aliéner leur patrimoine, d'autres réduits en captivité pour des dettes qu'ils ne pouvaient acquitter, d'autres enfin tombés dans l'esclavage, soumis à une dure servitude par leurs propres frères; en un mot, il était facile de prévoir que la paresse ou les vices des uns, l'orgueil et la dureté des autres, auraient bientôt porté leurs fruits et répandu partout la misère et la douleur. - Pour apporter à ces maux un remède relatif, Dieu avait institué le Jubilé qui devait revenir tous les cinquante ans. Au septième jour du dixième mois, le jour des propitiations, on sonnait de la trompette dans tout le pays, et dès que cette joyeuse fanfare avait retenti, les esclaves étaient libres, les prisonniers étaient relâchés, chaque Israélite était remis en possession de la maison et du champ de ses pères; les conséquences de cinquante années de péché et de souffrance disparaissaient en un clin d'oeil. - C'était l'année du Jubilé, l'année du repos pour la terre aussi bien que pour,le peuple, qui devait cette année-là être affranchi du rude labeur des champs, et goûter un temps de rafraîchissement, de grâce et de bénédiction.

Les intentions du Seigneur, toutefois, paraissent avoir été loin de se réaliser, et, si l'on en juge par les reproches des prophètes, ce sabbat du Jubilé n'a probablement pas été observé plus fidèlement que le sabbat hebdomadaire (Esaïe 58) ; les soixante-dix années de l'exil de Babylone sont représentées comme devant procurer à la terre le repos dont elle avait été frustrée; cet exil devait durer « jusqu'à ce que le pays eût satisfait à ses sabbats (1). » - D'ailleurs, de cette institution comme des autres institutions de la loi de Moïse, on peut dire qu'elle n'était pas capable de rien amener à la perfection (2).C'est vers l'avenir que se portait le regard de l'Israélite fidèle il attendait ce Messie qui apparaît dans la vision prophétique et s'annonce comme ayant mission de proclamer l'an de grâce du Seigneur et de procurer à tous les opprimés, à tous les misérables, ces biens, objet pour eux d'une si longue attente, et cause de si nombreuses déceptions.

Jésus s'approprie, les paroles d'Esaïe. Après les avoir lues en présence de la foule, rassemblée dans la synagogue, il se contente, pour tout commentaire, d'ajouter avec une calme assurance : « Aujourd'hui est accomplie cette Écriture que vous entendez. » Si le texte est admirable en lui-même, combien la brève et substantielle déclaration, qui l'accompagne ne le rend-elle pas plus admirable et plus précieux encore! Ce ne sont plus de belles promesses, de grandes espérances, de lumineuses perspectives; ces promesses sont accomplies, ces espérances sont réalisées. Cette Écriture est accomplie aujourd'hui.

Ce serait donc une erreur grave d'attendre de l'avenir une grâce qui maintenant est mise à notre disposition. Les Israélites se sont rendus coupables de cette erreur. Ne voulant pas croire que rien de bon ait pu venir de Nazareth, ils attendent encore celui que les prophètes ont annoncé de la bienveillance l'année du Jubilé avait déjà commencé lé jour où le Seigneur a pris la parole dans la synagogue de Nazareth, mais c'est surtout à partir de sa mort sur la croix que les messagers du Seigneur ont charge d'aller faire retentir partout, cet Évangile destiné aux pauvres. De même chez les Israélites, c'était le grand jour de la propitiation, après que la victime expiatoire avait été mise à mort, que résonnait la trompette du Jubilé, pour montrer sans doute que c'est seulement après le plein pardon, l'entier effacement du péché, qu'il est possible de jouir de la liberté des enfants de Dieu.

Jésus, est celui qui a reçu l'onction divine ; il est le consacré, le Christ. Dieu l'a qualifié entre tous les fils des hommes pour accomplir cette oeuvre grandiose dont il est chargé. Plein du Saint-Esprit après son baptême (1b), la tentation dont il triomphe devient pour lui un moyen de bénédiction plus riche encore ; il vient en Galilée, « dans la puissance de l'Esprit (2b) » Il a reçu l'onction afin d'annoncer la bonne nouvelle aux pauvres, aux débonnaires, aux humbles. Et cette bonne nouvelle n'est pas seulement une doctrine à comprendre, une vérité à recevoir; elle est la proclamation d'une oeuvre, d'une délivrance, d'une puissance de Dieu, salutaire à tout croyant (3b).

« Il m'a envoyé pour guérir ceux qui ont le coeur brisé. »

« 0 Dieu ! s'écriait David, tu ne méprises point le coeur froissé et brisé (4b). » « A qui regarderai-je? » dit encore l'Éternel, « à celui qui a le coeur brisé (5b). » - Quand Dieu brise votre coeur, ne vous plaignez pas, il vous prépare une grande bénédiction. Pour cela, il se sert tantôt d'un sentiment accablant du péché, tantôt d'un deuil, d'une maladie, d'une profonde humiliation ou de quelque autre épreuve, et lorsqu'il a ainsi abattu une âme jusque dans la poussière, lorsqu'il l'a bien convaincue de misère et d'impuissance, il a préparé le terrain où pourra s'exercer sa miséricorde. Après avoir blessé, brisé, il guérit; le remède est à la hauteur de toutes les maladies, il est d'une efficacité générale, absolue. Jésus ne se contente pas de panser la blessure, d'amortir la douleur; ce n'est pas un simple répit, un soulagement momentané qu'il accorde un malade, c'est une cure radicale, une complète guérison. Le bon Samaritain a vu dans la poussière de la route le blessé près duquel les hommes au coeur insensible, le Lévite, le sacrificateur, ont passé sans daigner abaisser sur lui un regard de pitié non content de le relever, de le ranimer, il prend soin de lui, et ne croit son oeuvre achevée que lorsqu'il le voit entièrement rétabli. - Dans les occasions même où le monde avoue son impuissance et se tient à l'écart par une sorte de pudeur, alors que toute parole humaine semble une profanation et que même les Barnabas, les « fils de consolation», ne trouvent rien à faire que d'imiter le silence des amis de Job (1c) le Seigneur se présente comme le suprême médecin, pour guérir, même les cas les plus désespérés. - 0 vous dont le coeur est tout meurtri et qui trouvez fades les consolations que vos meilleurs amis peuvent vous dispenser, allez à Jésus:

 

Il veut verser sur vos blessures

L'huile et le vin de son amour.

 

Fixez vos regards sur le soleil de justice qui porte la santé dans ses rayons

 

Dès qu'on l'a regardé dans sa vive lumière,

On reprend tout espoir;

Cet affligé criait;

Jésus, à sa prière,

Lui montra son pouvoir.

 

Il m'a envoyé.,- «pour publier la liberté, aux captifs, aux aveugles le recouvrement de la vue, pour renvoyer libres ceux qui sont dans l'oppression. » - En entendant ces paroles, dans un sens purement spirituel, nous leur enlèverions une grande partie de leur valeur; elles sont vraies dans leur sens le plus littéral. Les aveugles reco

vrent la vue, disait Jésus aux disciples du Baptiste, alléguant ce miracle comme preuve de son caractère messianique. Pendant le cours de son ministère il a en effet rendu la lumière à un grand nombre de ce, infortunés, et si actuellement les aveugles qui croient en Jésus ne recouvrent pas immédiatement la vue, ils peuvent du moin. saisir cette promesse avec une ferme confiance et se réjouir dans la certitude que bientôt leurs yeux s'ouvriront à une lumière bien autrement éclatante que celle du soleil, dans cette sainte cité où il n'y aura plus d'infirmités ni de douleurs, où Dieu essuiera toute larme des yeux de-se, rachetés et habitera au milieu d'eux pou, être leur lumière à jamais.

« Pour publier aux captifs la liberté, pour renvoyer libres ceux qui sont dans l'oppression. »Il fallait une grande mesure de foi et de courage pour oser parler de délivrer les captifs, de renvoyer libres les opprimés, dans un temps où la plus grande partie de l'humanité était livrée au bon plaisir de quelques privilégiés et gémissait sous une oppression intolérable. - Le Fils de Dieu a entrepris cette tâche. Sa parol, de vie et d'affranchissement est tombée sur la terre comme semence, dans un vaste champ; mais avec laa semence a germé,ellee est devenue un grand arbre, et la parol, du prophète a commencé à être réalisée. Que de cachots se sont ouverts, que de chaînes ont été brisées sous l'influence toute-puissante de l'Évangile! Partout où la parole du Christ a été portée, les victimes de la cruauté et de l'injustice ont vu se lever pour eux un jour de réparation et d'affranchissement. A qui, en effet, sinon aux efforts persévérants des disciples de Jésus-Christ, sont dus l'amélioration du sort des prisonniers, l'émancipation des esclaves, le règne d'une égalité relative entre les hommes?

Mais nous avons hâte d'arriver au sens le plus riche et le plus vrai de ces déclarations du Messie. Si nous devions les entendre d'une manière exclusivement matérielle, le nombre de ces pauvres auxquels l'Évangile est annoncé serait bien restreint, en comparaison de ceux qui n'auraient rien à attendre du Messie, parce qu'ils ne sont ni aveugles, ni captifs, ni opprimés.

L'orient d'en haut s'est levé sur nous; le peuple qui était assi' dans les ténèbres a vu une grande lumière ; Jésus est la lumière du monde. Mais à quoi servirait-il que le soleil brillât au firmament, si nous n'avions point d'organe pour en percevoir les rayons?

Il a donc fallu que Jésus, en même temps qu'il nous apportait la lumière, nous donnât des yeux pour la voir. C'est ce, qu'il a fait. Il a ouvert les yeux de notre conscience pour nous faire voir nos péchés et la sainteté rigoureuse de Dieu, eès yeux de notre coeur, pour nous faire connaître le grand amour du Père; les yeux, eé notre entendement pour nous faire comprendre sa Parole et les voies admirables de sa Providence. Quiconque a cru en Jésus peut s'approprier ce témoignage, si beau dans sa simplicité : « Je sais bien une chose, c'est que j'étais aveugle, et maintenant je-vois. »

Nous n'étions pas seulement des aveugles, mais aussi et surtout des captifs, des esclaves. Quiconque fait le péché est esclave u' péché (1d). Nous étions captifs sous la loi du péch,(2d) . Mais-le grand libérateur a paru: il nous a rachetés, non-seulement de la condamnation éternelle qui pesait sur nos têtes (3d), non-seulement, de aà crainte de la mort (4d,. mais encore de la vaine manière de vivre que nous avions apprise d- nos pères (5d . Ceux que le Fils affranchit sont véritablement libres (6d). Voilà la bonne nouvell, que nous apporte le Sauveur, et qui doit être une grande joie pour tout le peupl!

Que faut-il pour éprouver cette joie, et pour ressentir les bienfaisants effets de l'oeuvre du Libérateur? Il faut croire cette bonne nouvelle. L'incrédulité empêche d'entrer au pays de la promesse; la foi en ouvre les portes.

 

Reportons-nous par là penséeau temps où la loi de Moïse était en vigueur au milieu du peuple d'Israël, L'année du Jubilé a sonné, le signal de la délivrance a retenti jusque dans les moindres bourgades. Que vont faire les esclaves, les opprimés, les captifs ? Dès le moment où ils ont entendu le joyeux son de la trompette, ils sont libres, ils le savent, ils laissent là, leur dur travail, ils abandonnent leur ancien maître, et mènent une vie toute nouvelle. Si le maître refuse de le, laisser partir, il, invoqueront la protection du magistrat, ils réclameront le bénéfic, de la loi, et nul doute qu, leurs justes plaintes ne soien, accueillis,, qu'il ne soit fait, droit à leurs réclamations.- L. maître le sait; aussi n'usera-t-il pas de force pour retenir son serviteur; il y emploiera la ruse, il essaiera de ei persuader que tout ce bruit ne signifie rien, que les espérances dont il s'est longtemps bercé, sont fallacieuses, il l'effraier

en lui montrant les inconvénients et les périls de la liberté. Si le malheureux esclave se laisse convaincre, s'il révoque en doute la réalité de l'an d, grâce ou s'il en repousse les effets, il gardera ses chaînes, il continuera son pénible labeur, et il nu sera pour lui comme>si; la trompette du Jubilé n'avait jamais sonné.

Nous ignorons si de pareils faits se sont produits sous l'ancienne alliance, mais ce que nous savons, hélas! trop bien, c'est qu'ils se présentent continuellement sous l'économie de la grâce. Le séducteur réussit à merveille à faire mettre en doute la réalité, la grandeur de l'oeuvre du Christ> Quand il ne peut persuader à ses captifs que la soi-disant bonne nouvelle, est un pur mensonge, il s'efforce d'en diminuer à leur, yeux le sens, la portée, d'en ajourner la réalisatio.,

A toutes ces malheureuses victimes du malin nous voudrions crier de toutes no, force:. « Votre tyran vous trompe, la bonne nouvelle est une réalité. » Nous voudrions les rendre attentives à ce brui, de la trompette qui va se renforçant de jour en jour à travers le monde ; nous voudrions leur montrer les chaînes d, multitudes d4'infortunés brisées et gisant à terre; nous voudrions leur faire entendre le chant de triomphe et de délivrance qui retentit dansles tabernacles des, justes! (1e) Frères, n'écoutez pas celui dont toute l'ambition est de vous envelopper dan. sa propre ruine et dont l'intérêt évident est de vous maintenir dan, l'ignorance et l'obscurité, Ouvrez vos oreilles et votre coeur à la voix douce et persuasive de ce Sauveur débonnaire qui vous crie : Je suis envoyé pour annoncer la bonne nouvelle aux pauvres, pour proclamer l'an de la bienveillance d, I'Éternel. Il est puissant pour sauver,pPour sauver pleinement (2e).

Pleinement! Nous voudrions faire entendre cette parole à tant d'âmes pieuse déjà, mais qui n'ont pa> encore compris toute l'étendue de la délivrance dont elles ont été l'objet. Puisque vous avez ét, rachetés par Christ, pourquoi donc croyez-vous encore indispensable de servir encore, quelque temps ou en quelque mesure ce despote qui vou, a accablé si longtemps de son joug? La trompette du Jubilé a retenti,,elle annonce aux; captifs que les verrou, de leurs cachots son, tirés et qu'il ne dépend que d'eux de sortir; elle proclame aux esclaves non un adoucissement de leur servitude, mais une complète et vraie liberté, une liberté à réaliser non dans un


Table des matières


1) 2 Chron. 36: 21.

2) Héb. 7: 19.

1b) Luc 4: 1.

2b) Luc 4 -.14.

3b) Rom. 1 : 16.

4b) Ps. 51: 19.

5b) Esaïe 66: 2.

1c) Job 2: 13.

1d) Jean 8: 34. -

2d) Rom. 7: 2

3d) Rom 8: 1. -

4d) Héb. 2: 15-

5d) 1 Pierre 1: 18, 19. -

6d) Jean 8: 36.

1e) Ps. 118: 15.

2e) Héb. 7 : 25.