UNE DÉLIVRANCE

 

Novembre 1874.

 

Bien cher Monsieur,

Soyez béni et réjoui, mais surtout que l'éternel Dieu d'amour, qui au lieu de mépriser les coeurs contrits les recherche, soit loué et glorifié!

Depuis dix-huit mois l'interdit s'était glissé dans mon coeur; habituée à communier avec mon Sauveur et appelée à sonder le coeur de, beaucoup d'autres j'ai senti tout de suite qu'il y avait entre lui et moi une ombre qui me voilait sa face; mais mille raisons spécieuses me faisaient garder, même comme légitime, ce péché maudit. Plusieurs fois, je me suis dit : « J'irai vers tel serviteur ou vers telle fidèle servante de la vérité, qui m'aidera dans ma lutte; » mais je n'y allais pas, et d'ailleurs je sentais que ce n'était pas tel homme ou telle femme qui pourraient m'aider, mais seulement Celui dont je 'ne demandais pas le secours, parfois craignant de l'obtenir et parfois aussi sentant que c'est se jouer de Dieu que de prier contre ses propres désirs. La ruse de Satan me soufflait: Consulte cette personne, ou bien cette autre, - il y avait un grand choix, - tu verras qu'ils t'approuveront tous... et ma volonté se raidissait, et moi aussi, moi qui pourtant puis dire que j'aimais le Seigneur, je résistais!

Mais Celui qui m'a aimée le premier m'a troublée jusqu'à ce que je me sentisse si malheureuse qu'un beau jour, oui, un bien beau jour, je tombai à ses pieds en lui criant : « Tu vois, je tombe e ne me relève-pas; si tu ne me relèves toi-même, je suis perdue; tu sais que je ne veux pas plus vivre que mourir sans toi, tu sais que je suis à toi, sauve-moi, délivre-moi de mon écharde, et si mon lâche coeur revient sur cette prière, ne l'écoute pas, purifie, brûle tout, malgré moi s'il le faut, mais fais-le, coûte que coûte! » Et le lendemain de ce jour, l'Esprit du Seigneur conduisit une amie à m'apporter un journal religieux, que je lus, copiai, appris presque par coeur, suppliant cet Esprit d'agir en moi, d'y régner en maître et de mettre sa volonté à la place de la misérable mienne.

0 coeur désespérément malin ! Malgré tout cela je ne détruisis point mes idoles, mais les gardai, les mettant de côté pour pouvoir leur donner un coup d'oeil au besoin. Aussi reprirent-elles leur empire, et mon état « devenant pire que le premier, » je fus, Dieu en soit béni ! plus malheureuse qu'avant; quand je voulus prier, je n'entendis plus « le son doux et subtil » me répondre, je revoyais l'interdit que je détestais et pourtant regardais comme légitime.

En entendant parler des réunions, je me dis que si quelqu'un avait besoin, non pas seulement de recevoir le Saint-Esprit, mais d'en être tellement rempli qu'il n'y eût pas la moindre parcelle de place pour quoi que ce fût autre que lui, c'était bien moi; j'y allai. Auparavant, je priai; le matin, et même dans la rue avant de mettre le pied sur le seuil de l'église, je dis au Seigneur : « Permets que je n'aille pas dans ces lieux si je ne dois pas t'y trouver; fais que ma prière soit sincère; si elle ne l'est pas, change-moi pour qu'elle le devienne; ne me laisse pas m'endurcir, viens me délivrer. »

Et il m'a délivrée! Dès le jour même? Non !car j'ai probablement encore essayé de regimber. Mais il ne m'a ni rejetée ni abandonnée; il « a intercédé pour moi par des soupirs qui ne, s'expriment pas, » mais que je sentais, et mes prières, qui peut-être avaient moins d'ardeur, étaient remplies d'une foi et d'une confiance enfantines qui me semblaient étranges; je me demandais à moi-même : « Est-ce lui, cet intercesseur, ce régénérateur, qui met en moi cette attente en ses promesses? » Et quand je vins hier à la réunion de dix heures et demie, je crus que je disais, mais je vois bien que c'était lui qui me faisait lui dire: « Viens quand tu voudras et comme tu voudras, je t'attends, je sais que tu viendras ! Je ne fais plus de résolutions, c'est toi qui les feras et les accompliras en moi. » - Il est venu ce matin, il a brûlé mes vaisseaux, et s'il m'a causé quelques souffrances, et s'il m'en réserve d'autres, je sais qu'il bandera les plaies qu'il a faites. Je lui demande qu'il fasse goûter à tous ceux qui les cherchent, la paix et le contentement inexprimables qu'il m'a donnés à moi-même.

Au Dieu trois fois saint, Père, Fils et Saint-Esprit, soient l'amour de ses rachetés et la gloire de leur salut.

N.

P. S. - Avril 1879. Cher Monsieur, vous me demandez l'autorisation de publier la lettre que je vous ai adressée lors des réunions de consécration à Paris en novembre 1874. Vous me demandez en même temps si l'événement a répondu aux espérances que j'exprimais il y a dix-sept mois. Mes espérances ont été, non pas réalisées seulement, mais dépassées. Dieu m'a fait perdre le goût et presque le souvenir de ce péché qui m'avait enchaînée si longtemps, et cette victoire m'a aidée à en remporter d'autres par la force du Seigneur Si vous jugez que ces lignes puissent être de quelque secours à des âmes travaillées et chargées, je consens volontiers; à leur publication.

N. (1)

 

« TANDIS QUE TOUS LES PEUPLES DE LA TERRE MARCHENT, CHACUN AU NON DE SON DIEU, NOUS MARCHERONS, NOUS, AU NOM DE L'ÉTERNEL NOTRE DIEU, A TOUJOURS ET A PERPÉTUITÉ »

MICHEE 4: 5


Table des matières


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1) cette lettre a été écrite par une personne occupée sans relâche au service dé Jésus-Christ parmi les pauvres. Un tel témoignage est assurément de nature à affermir notre foi, à réjouir nos coeurs et à glorifier Dieu. (Réd.)