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 LA RÉPONSE DE L'AVEUGLE GUÉRI.

 

« Donne gloire à Dieu : nous savons que cet homme est un méchant. » - « Si c'est un méchant, je l'ignore, je sais une chose, c'est que j'étais aveugle et qu'à cette heure je vois. » (Jean 9: 24, 25.)

 

Qu'est-ce donc que nous voyons aujourd'hui et que nous ne voyions pas auparavant? Nos progrès notre sainteté? Non. Ce que nous voyons mieux, c'est d'une part notre péché, et d'autre part la parfaite suffisance de notre Sauveur.

Oui, notre péché nous apparaît toujours plus hideux, et nos péchés toujours plus nombreux, parce que nous en discernons sans cesse que nous n'appelions pas péchés avant d'y voir plus clair. Oui, de nouveaux horizons se découvrent sans cesse à nous, nous apercevons de nouveaux devoirs à remplir, un idéal plus élevé à atteindre, et nous savons que ce qui nous semble aujourd'hui être l'idéal dé la vie chrétienne nous en paraîtra bien éloigné quand nous y serons arrivés. Il en sera de même jusqu'à la fin : étrangers et voyageurs ici-bas, pèlerins toujours en marche vers la patrie céleste, ! nos pieds ne se reposeront, nos coeurs ne seront pleinement satisfaits, que le jour où les portes d'or s'ouvriront devant nous.

Cette vie que l'Écriture compare à un voyage, elle la compare aussi à une guerre, - et comme le voyage, la guerre durera jusqu'à notre dernière heure. Mais nous avons dans cette guerre un allié qui n'a jamais été vaincu et qui ne le sera jamais, ce qui change singulièrement pour nous les conditions de la lutte: vainqueurs par lui, nous participerons avec lui aux fruits de la victoire. Jésus-Christ nous dit : « Prenez courage, j'ai vaincu le monde. » Enrôlés dans son armée, le grand point, le seul dont nous ayons à nous préoccuper, c'est de le suivre dans le chemin de l'obéissance partout où il nous appellera à marcher, ce qui ne signifie pas, assurément, nous asseoir les bras croisés sur le bord de la route.

Nous ne nous laisserons donc pas ébranler par ceux qui nous disent : Prenez garde! Êtes-vous bien sûrs que Dieu ait dit...? Ne vous faites-vous pas de singulières illusions en croyant à la possibilité d'une vie chrétienne plus haute, plus vivante, si l'on peut dire ainsi, que celle que possèdent la plupart des chrétiens? Vous enseignez que les conditions de cette vie, les moyens de la réaliser, sont autres que nous ne l'avons cru voir jusqu'à présent dans la Parole de Dieu : n'y a-t-il pas de votre part beaucoup de présomption à penser que vous avez trouvé je ne sais quel remède nouveau pour guérir ce mal, si ancien, hélas, et toujours le même, de la tiédeur, de l'indifférence, de la stérilité des chrétiens? Vous pensez être réveillés, mais vous rêvez! Vous jugez que vos yeux ont été ouverts : tentation à l'orgueil! ! Votre théologie fait fausse route, si tant est que vous soyez capables de formuler une théologie. Les seules formules qui puissent faire du bien, ce sont les nôtres.

Nous répondrons : - « Nous ne savons qu'une chose, » c'est que nous vivions autrefois tranquilles dans le péché, et que maintenant nous ne pouvons plus en prendre notre parti, que nous ne voulons plus accepter ce honteux esclavage comme étant la volonté de Dieu à notre égard. La preuve que nos yeux sont ouverts, c'est que nous voyons notre misère, qu'elle nous fait souffrir, et que nous ne voulons plus nous en dormir ou nous étourdir pour échapper. à cette douleur.

Comment ce changement s'est-il opéré? Quel genre de réunions, quelle sorte d'appels, quelle doctrine, quels hommes y ont contribué? - Nous n'avons pas besoin de le savoir; mais nous savons une chose, c'est que nous voyons notre monstrueuse ingratitude, notre incrédulité, nos révoltes secrètes, notre péché en un mot, comme nous ne les avions jamais vus. Nous croyons que la volonté de Dieu en Jésus-Christ est que nous ne nous contentions pas du désir de le glorifier dans nos corps et dans nos esprits qui lui appartiennent, mais que nous arrivions à le glorifier réellement, et nous savons que pour y arriver sa force est promise à notre faiblesse.

Nous sommes misérables et pécheurs, c'est donc pour nous que Jésus-Christ est venu; or, il est vivant aujourd'hui pour sauver parfaitement ceux qui vont à Dieu par lui.

N'est-ce pas une chose étrange que ce désir qui se fait jour chez tant de chrétiens, ayant devant eux des frères qui ont trouvé un commencement de guérison, de leur persuader à grand renfort d'arguments qu'ils se trompent sur leur état de maladie, ou que les moyens auxquels ils demandent la santé sont insuffisants? Il a même été question d'orgueil spirituel, de « quiétisme » ... mais ces dangers ne sont-ils pas plutôt à craindre pour les chrétiens qui pensent avoir épuisé la source des grâces de Dieu et n'avoir rien à attendre de plus que ce qu'ils ont?

S'il y avait dans le mouvement actuel quoi que ce fût d'agressif ou de sectaire, nous comprendrions que chacun cherchât à défendre sa maison; mais il ne s'agit de rien de pareil. On a remarqué depuis longtemps que les chrétiens qui insistent le plus sur la vie de la foi, bien loin de se constituer en sectes particulières, s'attachent individuellement, plus fermement que jamais, aux églises dont ils font partie, tout en se sentant plus unis à leurs frères d'autres dénominations; preuve évidente que ce mouvement tend à « l'édification du corps de Christ, » de l'Église, au sens universel, et nullement au profit de telle église plutôt que d'une autre. Ce qu'il est vrai de dire, c'est que du jour où nous avons compris le devoir et senti le privilège de travailler ensemble à l'édification du corps de Christ malgré les barrières qui nous séparent les uns des autres, nous avons tressailli d'une commune joie, et il nous a semblé que nous posions le pied sur un chemin à l'extrémité duquel nous verrions se réaliser le voeu de Jésus-Christ: « Père saint... qu'ils ne fassent qu'un, comme nous. » Nous avons pu alors subordonner dans nos coeurs la prospérité et le succès de nos diverses églises aux intérêts supérieurs de l'avancement du règne de Dieu dans le monde et à la gloire de son nom.

Y a-t-il une âme qui ait cru avoir reçu quelque bien de ces réunions qu'on a appelées de consécration et de réveil, et qui ait été trompée dans son attente? Y a-t-il un chrétien qui ait fait sérieusement l'essai de cette force qu'on lui assurait être au service de quiconque, renonçant à soi-même, était décidé à en faire usage par la foi, et qui n'ait rien trouvé? qui soit demeuré vis-à-vis du péché dans le même état d'impuissance et de chute où il était auparavant? Nous n'avons recueilli jusqu'ici aucun aveu de ce genre. Les voix qui s'élèvent pour nous mettre en garde contre les dangers de cet enseignement, qu'on n'a pas réussi à qualifier, parce qu'il n'est pas autre chose au fond que celui. de la Bible, sont les mêmes qui, dès le début, avaient manifesté de l'éloignement pour le réveil. Celui-ci estime que la question ecclésiastique doit primer toutes les autres; pour celui-là, il y a danger à détourner les âmes de la forme ordinaire des services religieux. Pour cet autre, nous avons de la piété une conception sentimentale et féminine; d'ailleurs il nous manque une doctrine, - à quoi nous pourrions répondre à peu près comme M. Moody à un frère qui lui témoignait le désir de voir exposée par écrit la doctrine qu'il prêchait : « Vous la trouverez dans le chapitre sixième de l'épître aux Romains. » Tel autre, au contraire, discerne fort bien notre doctrine, laquelle fourmille des hérésies les plus dangereuses. Ou bien encore, on juge utile d'appeler notre attention sur tout le temps consacré à ces réunions, au détriment de nos ménages et de nos affaires : « A quoi sert cette perte?... » Nous osons dire à tous ces frères qu'ils n'ont pas obéi au précepte de l'Apôtre, d'éprouver toutes choses; ils n'ont pas soumis à l'épreuve de leur expérience personnelle et pratique l'enseignement particulier de ce qu'on est convenu d'appeler, un peu par anticipation, le réveil actuel. Ils l'ont jugé du dehors, convaincus d'avance qu'il n'y avait rien de bon ni de solide à en attendre.

Il fut un temps et il n'est pas bien éloigné, où ces mêmes amis qui aujourd'hui nous accusent de n'avoir pas, de doctrine nettement définie, nous accusaient de trop appuyer sur la doctrine et pas assez sur la vie. Si nous affirmons qu'il ne nous reste rien à faire pour « parachever » notre salut, sinon de nous approprier par la foi les fruits de l'oeuvre de Jésus-Christ, c'est parce que nous ne savons pas voir autre chose dans la Parole de Dieu.

Un mot encore à l'adresse des frères qui croient devoir détourner les âmes de la recherche de la sanctification par le moyen de ces réunions spéciales et des publications dites de réveil.

Qu'ils nous permettent de leur dire à notre tour : Prenez garde. Ne traitez pas légèrement des choses aussi graves et aussi saintes,; ne leur faites pas la guerre, n'en riez pas non plus. Vous êtes en présence de faibles, de malades au coeur desquels Dieu allume la sainte ambition de quelque chose de plus réel que ce qu'ils ont connu jusqu'ici; pourquoi vous efforcer de les convaincre qu'ils n'ont rien de meilleur à attendre? Ne les troublez pas dans leurs nobles recherches; craignez de mettre une pierre d'achoppement sur leur chemin. Vous savez que le dernier mot de tout ce qu'ils entendent ou lisent est toujours : Jésus-Christ Sauveur, mort à cause de nos péchés, ressuscité à cause de notre justification; Jésus-Christ, notre sagesse, notre justice, notre sanctification et notre rédemption. Ils le reçoivent comme tel, ils se réjouissent dans sa fidélité craignez, ah! craignez de scandaliser un de ces petits !

G. J.


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