S'il est quelque part une âme tendre, dont les aspirations se poétisent et qui cherche un idéal, elle éprouve en ce triste monde des déceptions particulièrement intimes et profondes. Quand elle veut recevoir du ciel l'eau vive qui doit la désaltérer, la vie devient une aspiration continue. Il ne lui faut pas seulement l'apaisement de la conscience, mais une communion réelle et constante avec son Seigneur. C'est lui qu'elle aime, c'est sa présence qu'elle cherche: non pas une théorie, une science, mais un objet , un être qui vive avec elle, en elle. L'idée pure ne peut la satisfaire.
0 vous qui, en nos jours de réveil, avez senti se ranimer vos désirs, et qui, pour atteindre les plateaux élevés où d'autres vivent près de Dieu et sous le constant regard de sa face, vous êtes élancés déjà dans les espaces sans limites de l'aspiration, venez! Nous allons vous faire contempler votre portrait, tracé d'une main divine dans le Cantique des, cantiques.
La Sulamite cherche le Maître comme vous, et elle le trouve. Venez apprendre comment elle l'a trouvé.
Égarée dans la cour mondaine d'un Salomon, comme vous l'êtes dans un monde christianisé, pour n'avoir pas su garder sa propre vigne, elle est environnée de flatteries et de tentations.
Mais son Berger absent possède déjà le meilleur de son coeur, et tous ses plus ardents désirs se rapportent à lui. Elle le demande à tous, elle l'implore, elle ne parle que de lui à ceux qui la louent et qui veulent détourner son attention vers elle-même.
Son bien-aimé semble répondre à son appel, mais il ne se montre qu'à travers le treillis; il heurte de nuit et se retire aussitôt. D'où vient qu'ils se cherchent l'un l'autre sans se rencontrer? Il y a là, sûrement une méprise. Cette méprise existe aussi pour l'âme qui vit d'aspirations et qui ne possède pas son Seigneur en réalité. Comment se rencontreraient-ils puisqu'ils ne sont pas d'accord? Le Berger dit à la Sulamite : « Viens! viens aux champs, » c'est-à-dire loin du monde, dans les régions plus sereines de la liberté, du plein soleil, de l'air pur... Mais elle refuse et garde son propre terrain. Elle lui crie en vain : « Reviens! Puis, agitée, elle se lève, parcourt les rues et le demande aux gardes des murs qui ne le connaissent pas mieux qu'elle, au lieu de tout quitter pour le suivre. N'est-ce pas ici l'histoire de vos vaines recherches, ô vous qui souffrez de vides profonds et désespérants, et qui, retenus par des liens terrestres, supportez avec impatience les constantes intermittences de vos joies spirituelles ?
La Sulamite refuse, de suivre son Maître, et le Maître, ne peut se donner à elle dans le séjour où elle s'obstine à demeurer.
Parfois, dans sa vive imagination surexcitée par la douleur, la Sulamite croit saisir celui qu'elle aime et s'efforce de le retenir.
Dans son extase, elle lui parle comme à un être présent. Mais ce n'est qu'un rêve.. , « Ne la réveillez pas Jusqu'à ce qu'elle le veuille! » Elle se complaît dans ses imaginations, ne la réveillez pas ! Ce n'est qu'une bénédiction fugitive; la nuit sera plus sombre, encore lorsque le rayonnement aura disparu. L'âme altérée connaît ces météores qui s'éteignent, et quand la présence désirée du Seigneur s'est évanouie, elle se demande avec désespoir si tout ce qu'elle éprouve n'est pas qu'une pure illusion.
Mais le jour arrive enfin où la Sulamite trouve celui qu'elle aime. Elle S'indigne, rompt tous les charmes qui l'attachent au monde et s'en va au désert. Connaissez-vous ce que c'est que le désert, le désert où l'on est seul avec Jésus? Un jour ou l'autre, il faudra être seul avec lui. Ce sera le moment décisif, l'heure bénie, quels que soient les découragements ou les épreuves qui vous y amèneront.
Là vous mettrez tout le poids de votre faiblesse sur Jésus, vous vous appuierez en réalité sur lui seul, alors vous éprouverez que son bras est fort et que son coeur est un rocher.
Vous remonterez ensuite de votre désert spirituel pour vivre en ce pauvre monde, mais quelle différence! Jésus sera comme un cachet sur. votre coeur, et vous reconnaîtrez que son amour est au-dessus de tous les biens terrestres que vous lui préfériez.
L'âme a cessé ses ardentes poursuites, elle ne sent plus de vide ni d'angoisse, elle garde sa propre vigne et peut dire à son Seigneur « Va-t'en! » Reste dans ton ciel en attendant l'heure marquée pour ton glorieux retour. Jusque-là je te serai fidèle, et tu demeureras auprès, de moi par ton Esprit jusqu'au jour où tu m'appelleras auprès de toi dans ta gloire.
X.
La volonté de Dieu peut faire souffrir; mais c'est la volonté de Dieu.
QUESNEL.