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 EN AVANT!

 

Au moment où M. Moody quittait l'Europe, on lui demanda une dernière parole pour les milliers de chrétiens auxquels il venait d'annoncer l'Évangile. « Eh bien, répondit-il, donnez-leur de ma part ce mot d'ordre : En avant! » - C'est le mot que nous nous sentons pressés d'adresser aujourd'hui aux âmes qui se sont données à Jésus-Christ sans partage, pour lui obéir sans réserve.

En avant! sous peine de retourner en arrière et de voir se perdre dans de stériles théories ou dans des discussions plus stériles encore la vie que le Sauveur ne veut nous communiquer que pour son service. Fournir des explications sur la sainteté ou sur la foi, dissiper les malentendus qui se présentaient tout d'abord, était indispensable et pourra parfois encore être nécessaire; mais notre point de départ, notre but, notre conception de la vie chrétienne sont aujourd'hui suffisamment compris de quiconque désire les comprendre. Il est temps de passer outre, et « d'avancer vers l'état d'homme fait, sans poser de nouveau le fondement de la conversion quant aux oeuvres mortes et de la foi en Dieu (1). »

S'agit-il de nos rapports personnels avec le Seigneur? Apprenons à le connaître mieux, non-seulement dans sa justice sans tache et dans sa paix ineffable, non-seulement dans sa force et sa joie, mais dans les trésors de sa lumière et de sa sagesse, dans ses souffrances, dans sa charité.

S'agit-il de la Bible? Ne nous bornons pas à relire ni même à approfondir nos passages de prédilection, mais apprenons à nous orienter dans ce jardin de Dieu, à en connaître les sentiers, à en cueillir les fleurs, à en savourer les fruits, à creuser le sol où sont enfouies d'inépuisables richesses; à laisser de côté tantôt les détails pour l'ensemble d'un livre, tantôt l'ensemble pour les détails, sans, négliger ni l'une ni l'autre étude; à nous familiariser avec les patriarches comme avec les évangélistes, avec les prophètes comme avec les apôtres, et par-dessus tout avec Jésus-Christ, annoncé, manifesté, crucifié, ressuscité, remonté au ciel pour en redescendre avec Jésus-Christ, cette Parole vivante à laquelle la Parole écrite tout entière rend témoignage.

S'agit-il de la prière? Il y faut devenir de jour en jour plus fervents et plus réguliers, plus enfantins et plus importuns, plus pénitents et plus joyeux.

S'agit-il du vieil homme? Remettons-nous chaque matin en présence de la croix sanglante où il a été cloué avec Christ, mais d'où il n'est pas descendu avec lui (Rom. 6 : 6; Gal. 2 : 20; 5 : 24); affermissons-nous par la pratique dans la sainte habitude de nous tenir pour morts au péché par la mort du Rédempteur; ne permettons pas que ni Satan, ni le monde, ni nos frères, ni notre propre - coeur nous fassent abandonner ce terrain, le seul où la victoire soit promise, le seul où elle soit possible.

S'agit-il de l'homme nouveau? Nous n'avons pas à arrêter sur lui un regard complaisant qui serait coupable, mais à « courir avec persévérance dans la lice qui est devant nous, regardant à Jésus (2), » recevant de sa plénitude grâce pour grâce, et reconnaissant d'autant mieux la distance qui nous sépare de sa stature parfaite.

S'agit-il du grand adversaire? Il change chaque jour de tactique il est tantôt violent et tantôt flatteur ; il se fera pieux, au besoin, pour détourner notre regard du crucifié. Nous n'avons pas à argumenter, moins encore à parlementer avec lui, mais simplement à marcher en avant, « résistant au diable et il s'enfuira de nous (3). »

Notre tâche devient-elle plus grande, plus complexe, plus pesante? notre sentier plus rude? notre avenir plus sombre ? Des compagnons d'armes disparaissent-ils ou restent-ils en route? Des voix dont nous attendions les encouragements sont-elles muettes ou moqueuses, hostiles peut-être? Au lieu de la sympathie rencontrons-nous l'indifférence ou le dédain? au lieu de la coopération, l'inertie? - En avant ! « nous n'avons point encore résisté jusqu'au sang, en combattant contre le péché (4). »

 

D'ailleurs, de quoi nous plaindrions-nous? S'il s'est trouvé des âmes fatiguées, altérées (les plus faibles de toutes, sans doute), qui ont désespéré d'elles-mêmes pour aller s'abreuver à la source et y trouver le rafraîchissement, le repos, la délivrance, - il en est d'autres, moins lassées jusqu'ici de leur volonté propre, et pourtant peu satisfaites, travaillées par l'Esprit-Saint, désireuses d'une vie plus abondante, et qui se demandent encore si, oui ou non, c'est un souffle de Dieu qui visite aujourd'hui l'Église. A quoi le reconnaîtront-elles? Non pas à nos expériences intimes, qu'elles ne voient point, non pas même au témoignage de nos paroles, si sincères d'ailleurs 'et si chaleureuses qu'elles puissent être, mais à celui de notre conduite, et ce témoignage emprunte sa principale valeur à sa durée. Soyons fidèles, fidèles en tout temps, en toutes choses, surtout dans les petites choses, fidèles de plus en plus, et les âmes se donneront au Sauveur, et il se formera dans nos églises un courant de vie qui entraînera tout ce qu'il y a de coeurs droits ayant faim et soif de la justice.

Prêts à agrandir la sphère de notre activité si Dieu nous y appelle, commençons par où il faut commencer, par les devoirs prochains (v. 1 Tim. 5 : 8 ; Tite 2 : 1-14); Jérusalem vient avant la Judée; celle-ci avant la Samarie, et la Samarie avant les extrémités de la terre (Actes 1 : 8). Notre âme, notre famille, notre cité, notre nation, l'oeuvre de Dieu dans le monde , voilà l'ordre dans lequel se présentent à nous ces cercles de plus en plus vastes dont le centre commun est la croix. A côté des questions du domaine purement spirituel, il se pose aujourd'hui - il s'impose, faudrait-il dire - des questions sociales à l'examen desquelles le disciple de Jésus-Christ ne saurait se soustraire. Il y a des souffrances poignantes à soulager, des iniquités criantes à réprimer, des plaies honteuses à guérir, et par qui donc tout cela doit-il se faire si ce n'est par le témoignage, par l'action, par le sacrifice de ceux qui déclarent ne vouloir vivre que pour Jésus-Christ? On leur reproche parfois d'être « peu pratiques ; » nous avons la confiance qu'ils seront bientôt trouvés trop pratiques au gré de ceux qui voudraient sommeiller dans le mal !

Le Seigneur rassemble aujourd'hui de toutes parts son armée, il groupe ses soldats, il assigne aux combattants leur poste, il leur met les armes à la main, il les passe en revue, il se place à leur tête , il leur annonce une guerre terrible, une victoire certaine... En avant!

TH. MONOD.


Table des matières


 


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1) Hébr. 6: 1.

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2) Héb. 12: 1, 2. -

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3) Jacq. 4: 7.

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4) Héb. 12: 4. - Dans ce passage remarquable, il s'agit, comme l'indique le contexte, du péché qui s'oppose à nous du dehors. On l'applique souvent à nos habitudes coupables, mais de ce péché-là il est dit (v. 1) que nous devons le déposer.