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 « BEAUCOUP A FAIRE »

 

Nous prions peu; c'est la plainte universelle. L'excuse la PLUS commune est que l'on à « beaucoup à faire, » qu'on est tellement occupé que l'on trouve à peine le temps de prier.

Ne serait-ce pas le coeur qui manque, plutôt que le temps? Si l'on s'approche à peine de Dieu, n'est-ce pas faute d'amour pour lui? Et, par exemple, la prière trop courte n'est-elle pas souvent la conséquence du sommeil trop long?

Mais, sans entrer dans cet examen de conscience, admettons la sincérité de l'excuse alléguée : nous avons beaucoup à faire et par conséquent nous. prions peu. Ah 1 que voilà un étrange raisonnement et une conclusion inattendue! Cet ouvrier a devant lui une journée de rude labeur, et par conséquent il ne prend PAS la peine d'aiguiser ses outils; ce bateau à vapeur va entreprendre un long voyage, et par conséquent le capitaine n'a le temps de se MUNIR ni de combustible ni de provisions; ce chrétien a beaucoup à faire, et par conséquent il n'a pas le loisir de prier!

 

Luther consacrait trois heures par jour à la prière. Eh quoi! nous écrions-nous, il priait trois heures par jour ET cependant IL A tant travaillé, tant prêché, tant écrit, il a accompli une oeuvre colossale! Nous devrions dire : il priait trois heures par jour, et c'est pourquoi il a été CE qu'il a été, il a fait ce qu'il a FAIT.

 

Daniel était un homme très occupé, un homme d'État, le ministre d'un vaste empire. Il vivait dans le monde, dans le grand monde, au milieu des pompes d'une cour orientale. Il avait à surveiller l'administration de quarante provinces, et le faisait si parfaitement que ses ennemis mêmes ne trouvaient rien à dire contre lui. Il réussissait - oeuvre plus difficile - à vivre saintement malgré les séductions ou les persécutions du paganisme. Son secret, le voici : « Il se mettait trois fois le jour à genoux, et priait (1). » Il cherchait sans cesse auprès de Dieu la lumière, le pardon, la force, le calme, la patience, la foi, la fidélité, l'amour, le courage, et son Père, 'qui le voyait dans le secret, le récompensait publiquement.

 

Si saint Paul pouvait dire: « J'ai travaillé plus qu'eux tous, » c'est qu'il savait mieux que PERSONNE « faire en tout temps par l'Esprit toutes sortes de prières et de supplications (1.). »

 

Jésus-Christ allait de lieu en lieu faisant le bien, guérissant les malades, annonçant la bonne nouvelle. Sans doute il n'avait pas le loisir, en tous cas il n'avait nul besoin, d'abonder dans la prière? Les Évangiles nous racontent qu'il se retirait dans la solitude pour prier (2); qu'il se levait de grand matin pour prier (3) ; qu'il lui arrivait de passer toute la nuit à prier (4).

 

Et nous, quand donc comprendrons-nous que le temps employé à la prière, bien loin de nuire en quoi que ce soit à notre activité légitime, lui profite? L'expérience ne suffit-elle pas à nous en instruire? Les jours où nous avons moins prié, avons-nous mieux travaillé? Notre activité a-t-elle été plus satisfaisante pour nous, plus bienfaisante pour les autres? Ou plutôt n'a-t-elle pas été fiévreuse, fatigante, stérile? Au lieu d'être fervents d'esprit, servant le Seigneur, nous avons été tièdes et infidèles. Nous n'avions pas trouvé le temps de prier : hélas! nous avons trouvé le temps de pécher.

Et quand, au contraire, malgré tous les obstacles au dehors et au dedans, nous avons dès le réveil répandu notre coeur devant Dieu, lui apportant et lui consacrant le travail de la journée, lui demandant conseil, et appui, notre activité ne s'en est-elle pas ressentie? N'a-t-elle pas été tout ensemble plus énergique et plus douce, plus prompte et plus facile, accompagnée de joie et de bénédiction? Notre conscience en paix,. notre coeur au large, Jésus-Christ demeurant avec nous, notre tâche, même la plus humble, la plus pénible, la plus vulgaire, ne s'est-elle pas trouvée embellie, relevée, sanctifiée et comme transfigurée, parce qu'elle avait la grâce de Dieu pour inspiration et la gloire de Dieu pour objet?

Si nous n'avions que peu de chose à faire, il pourrait nous suffire de prier un peu si - et n'est-ce pas le cas pour tout serviteur, pour toute servante de Jésus-Christ? - nous avons beaucoup à faire, il nous est indispensable de prier beaucoup.

TH. MONOD.


Table des matières


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1) Dan. 6: 10.

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1*) Ephés. 6: 18. -

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2) Marc 6: 46; Luc 5: 16; 9 : 18, 28. -

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3) Marc 1 : 35. -

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4) Luc 6: 12.