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 LE MOUVEMENT D'OXFORD.(1)

 

.... Le vrai moyen de sanctification, c'est l'attitude à la fois réceptive et active par laquelle la volonté se fait à chaque instant l'organe de la volonté de Christ qui, lui prêtant sa force, accomplit ainsi par elle le devoir de la situation donnée. Voilà, non pas une nouvelle révélation assurément, mais la mise en lumière d'un point très essentiel, et bien peu compris d'ordinaire, de la vérité évangélique.

 

Mais quelle est la condition à laquelle chacun peut avoir part à cette force triomphante? Encore ici le réveil nouveau accentue un fait moral qui avait été laissé dans l'ombre. Il y a une contradiction singulière dans les reproches qu'en adresse à ce mouvement. D'un côté, on lui reproche d'être « quiétiste, » et de l'autre, on lui fait un grief de cet acte énergique et décisif qu'il réclame avant tout sous le nom de consécration. Le fait est que rien n'est plus conforme aux Ecritures que cette crise décisive à laquelle il cherche à pousser chaque âme, et qui consiste dans le don sans réserve qu'elle fait d'elle-même à son Dieu.

S'il y a un acte dans lequel l'homme dispose de lui-même avec une souveraine liberté et une intensité d'activité sans pareille, c'est celui-là d'un autre côté, c'est un fait d'expérience que cet acte rend seul le coeur accessible à l'action divine, et que, jusqu'au moment où il est consommé, la relation entre Christ et l'âme, dont nous parlions tout à l'heure, ne peut devenir une réalité. La condition indispensable de la part de l'homme pour devenir l'organe de l'action de Dieu, c'est donc de commencer par se mettre une fois sérieusement sous cette action, en faisant à Dieu le sacrifice absolu de tout ce qui nous sépare de lui dans notre coeur et dans notre conduite; puis de nous remettre toujours de nouveau, et à la même condition, sous cette action; car rien n'est fait une fois pour toutes dans la vie Spirituelle. Ce qui est fait aujourd'hui et ne se refait pas demain, commence à se défaire.

Cette consécration dont parle le réveil n'est donc que l'acte initial d'une, consécration quotidienne. C'est en cela que consiste le travail humain. Dans et par l'être ainsi consacré, Dieu agit : « Vous en moi, moi en vous, » disait Jésus. Vous en moi, c'est le consacré se détachant du sol naturel, le moi, la vie propre, pour se transplanter en Christ; moi en vous, c'est Christ descendant dan§ le consacré et déployant sa force dans ce coeur ouvert à lui. Saint Paul a-t-il dit autre chose quand il écrivait aux Philippiens : « Travaillez à votre salut avec crainte et tremblement » (par la constante consécration de vous-même), « parce que c'est Dieu qui produit en vous la volonté et l'exécution » (dans votre âme une fois qu'elle s'est consacrée à lui).

Mais encore une fois, si tous ces points de vue sont vraiment bibliques, et se trouvent même indiqués, comme le fait 'remarquer avec raison M. Monod, 'dans les ouvrages de nos principaux auteurs évangéliques, comment se fait-il qu'ils produisent l'effet de quelque chose de nouveau et occasionnent chez plusieurs une véritable surprise? C'est, il faut bien le dire, qu'ils apparaissent aujourd'hui avec toute la puissance d'un fait expérimenté. Ce n'est plus seulement de l'exégèse, de la dogmatique ou de la morale; ce sont des hommes qui se lèvent et qui disent : « Voilà ce qui s'est passé en nous. » Il y a une grande puissance dans un fait. Quand l'aveugle-né disait : « J'étais aveugle et maintenant je vois, » il mettait aux abois tous les orateurs et tous les disputeurs du sanhédrin.

C'est là, ce me semble, le secret de la puissance étonnante qu'a déployée jusqu'ici le mouvement dont nous sommes témoins. On ne peut nier que dans ce protestantisme, qui semblait frappé de paralysie, ne se soit réveillé, depuis ces deux dernières années, un intérêt pour les choses religieuses assez vif pour qu'en plusieurs pays et en une multitude d'endroits aient été tenues des réunions de pure édification qui ont duré du matin au soir, bien des jours de suite, parfois plus d'une semaine, sans qu'il y ait eu lassitude, et même avec un zèle toujours grandissant,- phénomène qui eût paru complètement impossible bien peu de temps auparavant. C'est un fait que, dans ces réunions, l'idée de l'alliance évangélique, la coopération fraternelle des chrétiens de toutes les dominations . a pris corps avec une facilité sans pareille, absolument comme s'il n'y avait plus de barrière à surmonter, tant le niveau spirituel commun s'était élevé et dominait les anciennes séparations. Serait-il possible de méconnaître ici une puissance supérieure à celle de l'homme et une sainte réalité?

Ce n'est pas à dire, sans doute, que quelque alliage ne se soit mêlé à ce travail de l'Esprit de Dieu. On ne demande pas s'il y a de l'humain dans une chose humaine; cela s'entend d'avance. La question est de savoir si le divin est là et s'il y domine. Cette question résolue, une critique pleine de sympathie peut et doit se faire entendre. - Pourquoi ne le dirions-nous pas aux promoteurs de ce réveil, et pourquoi ne le reconnaîtraient-ils pas eux-mêmes? Les expressions hasardées et inexactes, les moyens d'excitation »factices, les promesses exagérées n'ont pas toujours manqué ce sont surtout ces dernières qui nous ont paru dangereuses, parce qu'elles doivent conduire à des déceptions et aboutir ainsi à de nouveaux découragements.

Les vives expériences faites par les premiers témoins du mouvement ne sont pas de nature à se reproduire telles quelles chez le plus grand nombre de ceux à qui on les expose comme des faits à la portée immédiate de tous. Il y avait chez ceux qui les firent les premiers des besoins déjà réveillés, des luttes antérieures, dé profondes aspirations, une préparation - spirituelle, en un mot, qui donne pour eux un relief, un prix., une efficacité incomparables aux vérités dont nous parlions tout à l'heure, tandis que la masse de ceux à qui on les prêche dans les réunions dites « de consécration, » n'ayant point encore subi une préparation pareille, se trouvent hors d'état de les expérimenter avec la même intensité, et font bientôt la triste expérience que rien n'est décidément changé dans leur vie.

Alors ils se demandent ce que sont devenues les promesses de paix inaltérable, de luttes toujours victorieuses, de douleurs toujours consolées, qu'on leur avait faites et que les cantiques du réveil leur avaient mises sur les lèvres. Et quand, à la suite de ce que l'on avait cru être une consécration définitive, le péché se montre de nouveau dans quelque acte d'une poignante réalité, que deviennent les espérances surexcitées? Il y a là, ce nous semble, un avertissement sérieux pour ceux qui se trouvent appelés à diriger ce mouvement. La brochure de M. Monod nous prouve que la sagesse et la prudence nécessaires ne leur feront point défaut. Puissent-ils s'appliquer à demeurer fidèles aux Écritures ! Nous demandons au Seigneur, de tout notre coeur, qu'il soit leur lumière et leur force dans l'oeuvre importante qu'il leur a confiée, en sorte qu'ils puissent toujours dire comme saint Paul : « Grâces à Dieu qui nous fait partout triompher en Christ et qui manifeste par nous l'odeur de sa connaissance en tout lieu. »

Qu'il nous soit permis, en terminant, de faire un rapprochement. Dans ses quatre grandes épîtres, saint Paul eut à lutter pour établir la justice de la foi. Cette tâche remplie, et la victoire remportée sur ce point, il traita dans les épîtres de la captivité (Ephésiens, Colossiens, Philippiens), de ces relations intimes avec Christ, le chef glorifié du corps, qui sont le secret de la vraie sanctification. Le réveil de l'Église au dix-neuvième siècle paraît suivre la même marche. Dans sa première phase il a proclamé le pardon gratuit; dans la seconde il convie les âmes croyantes à la réalisation de la vie de Christ. C'est bien là ce que saint Jean appelle : «Recevoir grâce sur grâce. » Que l'Église prenne donc courage! L'Agneau de Dieu est là qui la conduit aux sources d'eau vive. Qu'elle le suive avec confiance partout où il marchera devant elle!

F. GODET.

 

Que chaque croyant ne craigne pas de dire: Je suis saint. Ce n'est point là de la présomption, mais de la reconnaissance. L'orgueil consiste à vous dire saints par vous-mêmes; mais si, en votre qualité de croyants et de membres de Christ, vous refusez de vous nommer saints, vous êtes des ingrats. Quand l'apôtre reprend les orgueilleux, il ne dit point : Tu n'as rien!... mais. « Qu'as-tu, que tu ne l'aies reçu ?... » Dit es donc à votre Dieu: Je suis saint, parce que tu m'as sanctifié, parce que tu m'as donné ce que je ne méritais pas. si vous ne voulez pas prendre ce titre, vous risquez d'offenser notre Seigneur Jésus-Christ, car puisque tous ceux qui croient en lui et ont été baptisés en son nom, ont revêtu Jésus-Christ, comme dit l'apôtre, étant devenus ainsi membres de son corps, s'ils ne sont pas saints, ils offensent le chef lui-même, dont les membres, en ce cas, ne seraient pas saints.

SAINT AUGUSTIN

 

Respectez les voies de Dieu dans toute votre destinée. Que tout ce qui vous arrive vous inspire des sentiments d'adoration pour Celui qui a permis que cela eût lieu, et sans la volonté duquel rien ne peut arriver. Ce que Dieu fait doit être sacré pour vous. Que votre joug vous devienne une chose sainte, comme l'amour et la sagesse de Celui qui vous l'impose. « Prenez mon joug « sur vous, » dit Jésus, « et apprenez de moi que je suis doux et humble de « coeur, et vous trouverez le repos de vos âmes. Car mon joug est aisé, et « mon fardeau léger. »

Consolations et conseils de l'expérience.

 


Table des matières


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1 Grâce à la fraternelle courtoisie de M. le professeur Bonifas, nous avons le plaisir d'offrir à nos lecteurs une partie d'un article que Monsieur F. Godet doit faire paraître dans le prochain numéro de la Revue théologique,

 

FEVRIER 1876.