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 5. Voyage aux Etats-Unis

 

Sur le désir fréquemment exprimé de plusieurs «frères » de Sainte-Chrischona à l'oeuvre dans les États-Unis, l'inspecteur entreprit en 1887 un voyage dans le Nouveau-Monde. Le désir du Comité était de resserrer par cette visite les liens qui l'unissaient à ces fils dispersés au loin et de fournir à l'inspecteur l'occasion de connaître de visu les circonstances de ces pasteurs et de leurs Églises et synodes. Ce long voyage de quatre mois et demi fut préparé par beaucoup de prières. Grâce aux lettres qui parvinrent à Bâle, l'itinéraire en fut fixé d'avance, au moins dans ses grandes lignes, et placé devant le Seigneur, comme jadis la lettre reçue par Ezéchias, avec cette joyeuse assurance

« Tu ne m'envoies pas seul, tu viens avec moi! »

L'exaucement fut un splendide encouragement. De semaine en semaine, l'inspecteur put mettre à exécution son programme, montre en main, comme disait un ami, et revenir à Bâle au jour fixé.

Cette fois encore, il se montra correspondant infatigable, tenant les siens au courant de tous ses faits et gestes, et ses lettres sont restées pour lui-même et pour d'autres des souvenirs inappréciables. Impossible de les reproduire dans ce volume ; il faudra nous borner à quelques extraits caractéristiques. Il a une façon d'observer et de décrire qui révèle si bien son âme qu'ils ne seront pas sans valeur, en dépit de leur brièveté.

Parti de Bâle le 18 mars 1887, Rappard alla s'embarquer à Southampton sur l'«Aller» (de Brême), qui le déposa le 2 avril à New-York, où il eut la joie de revoir son frère Auguste, alors négociant dans cette grande cité.

Quand on arrive chez un frère qu'on aime et qui a son chez soi, écrit-il, on se sent bientôt at home. C'est bien ce que j'éprouve en traçant ces lignes dans sa confortable chambre. Avec l'aide d'un jeune ami, j'ai écrit quatre-vingts lettres et cartes, en réponse à des missives venues de tous les États à propos de ma tournée.

Quelle joie de retrouver là le vieil ami, l'ancien compagnon de misères de l'époque « alexandrine », le frère Grandliénard, devenu pasteur de l'église française ! C'est à ses paroissiens que Rappard adressa sa première prédication en Amérique. Il prêcha le Vendredi-Saint dans une église allemande et le jour de Pâques à l'église française de nouveau.

De New-York, en passant par la Pensylvanie, notre voyageur s'en fut à la grande ville industrielle de l'Ohio, Cincinnati, puis à St-Louis (Missouri) d'où il écrit:

J'ai visité le séminaire évangélique, splendidement situé à une demi-heure de la ville, et qui m'a beaucoup rappelé Chrischona.

L'inspecteur et les professeurs m'ont fait l'accueil le plus aimable. Les quatre-vingt-dix étudiants, réunis dans l'oratoire, ont chanté deux cantiques magnifiques. J'ai failli en avoir le mal du pays ! J'acceptai de grand coeur l'invitation qu'on me fit de leur adresser la parole.

A Berger, courte visite au presbytère pour y baptiser un nouveau-né à Springfield, jour de repos chez un vieil ami; ensuite, trente-six heures de chemin de fer pour arriver au Texas, en passant par le territoire réservé aux Indiens, et où les blancs ne peuvent posséder un pied de terre. Profitant d'une halte de cinq heures à Vinite, l'inspecteur écrit :

Désireux de voir une école d'Indiens, je me mis en campagne et découvris qu'on était justement en examens. Le directeur accueillit avec joie ma visite, et ainsi, plus d'une heure durant, j'entendis chanter, réciter, lire, - parfois aussi rester court, - jouer de l'harmonium des enfants indiens, garçons et filles, de six à vingt ans, et je fus fort intéressé. Puis comme conclusion à l'examen, il me fallut aussi leur adresser la parole. Ils avaient tous l'air ravis. On me retint à souper, et à six heures l'aimable directeur, un croyant, me reconduisit jusqu'à la gare.

Dès six heures du soir jusqu'au lendemain après-midi à trois heures, je ne cessai de rouler; ensuite, de trois heures à minuit, nouvelle halte à Hemstead, qui n'est qu'à trente-deux kilomètres de Brenham. Tout en me promenant, je fis une petite visite dans un joli presbytère que j'avais aperçu, puis je repris ma promenade par un splendide coucher de soleil. Arrivent au galop deux noirs, montés sur un « buggy » (voiture légère). Ils s'arrêtent, et je leur demande où demeure le pasteur. « Montez seulement, monsieur, je vais vous y conduire. » Et en effet, peu de minutes après nous étions devant une pauvre hutte de planches, flanquée d'une petite église, en planches également. « Hé! pasteur! » appela mon nègre, et voici paraître Madame la ministre, d'un beau noir d'ébène. Quant au pasteur, il coupait son bois; mais il ne tarda pas à se présenter aussi dans la chambre, qui, avec une petite cuisine, formait tout l'intérieur de la hutte. Le pasteur comprit sans beaucoup d'explications le sentiment qui m'avait poussé à venir lui serrer fraternellement la main dans cet endroit étranger. Il s'en réjouit avec sa femme ; les coeurs s'ouvrirent : il me raconta sa conversion, et comment il était arrivé à être un pasteur consacré. Il m'a fait une excellente impression.

Le voyageur trouva le plus chaud accueil à Brenham, en dépit de l'heure tardive.

Qu'elle est immense, cette Amérique du Nord! écrit-il. A lui seul, l'État du Texas est presque aussi grand que l'Allemagne entière. Que je suis loin de tous mes bien-aimés, là-bas, et pourtant nous sommes un dans le Seigneur notre Dieu, et tout près. Seulement, mes chers, il ne faut jamais détourner les yeux ni le coeur du Roi et de sa Parole!

A Brenham, Rappard eut l'occasion de faire ou de renouveler connaissance avec un bon nombre de pasteurs.

Le synode se réunit à Burton le 27 avril. Voici ce qu'en dit l'inspecteur :

La chapelle est enfouie dans la forêt vierge avec le presbytère, à plus de six kilomètres de la gare, et l'impression qu'elle fait avec ses clôtures et ses jardinets est délicieuse. J'y ai joui pendant six jours de l'hospitalité la plus cordiale de la part du pasteur et de sa femme.

La plupart des synodaux étaient déjà arrivés. L'un après l'autre je saluai vingt anciens élèves de Chrischona ; trois n'avaient pu venir. J'ai aussi fait la connaissance d'autres pasteurs et candidats formés ailleurs. Ils se sont tous, sans exception, comportés poliment avec moi, et l'article du Symbole des Apôtres: «je crois à la communion des saints », dans la mesure où il a été pratiqué et vécu pendant ces journées, a fait ses preuves comme une chose des plus bienfaisantes.

On sait que le synode du Texas a été fondé il y a trente-six ans par des élèves de Chrischona, et que, jusqu'à ces dernières années, il était presque exclusivement formé d'anciens élèves de notre institut. Depuis quelques années d'autres éléments y ont pénétré, qui ont commencé à orienter le synode dans une direction strictement confessionnelle.

De fait le synode s'en tenait officiellement depuis quelques années à cette règle : « Les chaires luthériennes aux seuls prédicateurs luthériens; les autels luthériens aux seuls communiants luthériens. » En foi de quoi, l'inspecteur ne pouvait pas prêcher dans l'église. Sur le désir de beaucoup, la chose fut, il est vrai, mise aux voix, et il fut décidé à une forte majorité qu'il prêcherait, à la demande instante de l'Église. Mais il en jugea autrement :

Comme d'emblée le synode m'avait admis comme membre avec voix consultative, le tact chrétien exigeait que je m'abstinsse de prêcher à l'église, pour éviter de scandaliser un seul des synodaux. En revanche, sur le désir des « frères », je prononçai une allocution l'après-midi sous les arbres devant l'église.

Ce jour-là avait lieu à Sainte-Chrischona notre conférence de mai.

L'amour chrétien triomphait, mais ce petit accroc faisait prévoir un schisme pour un avenir plus ou moins prochain (1).

La session finie, l'inspecteur visita une série de petites villes et de concessions du Texas, dont les pasteurs étaient des « frères » de Chrischona. Après quoi il reprit le chemin du nord, pour aller visiter le Kansas et l'Ouest.

Il écrit de Willow-Springs près Lawrence (Kansas), domaine de son frère Charles :

Je suis arrivé à Kansas-City le vendredi 13 mai. Bien que j'eusse passé deux nuits sans me dévêtir, j'avais fait un voyage agréable. Cet immense territoire réservé aux Indiens, que j'ai pu cette fois traverser de jour, est très beau et riche ; il y a encore place pour des millions de colons. J'ai rencontré mon cher frère à Eudora près Lawrence, où il m'attendait avec sa voiture, à trois heures de sa ferme ; je trouvai sa famille en bonne santé. Quelques jours de repos ne sont pas de luxe pour moi, je le sens, et je les accepte avec reconnaissance de la main de mon Père céleste.

Combien ils jouissaient de se rencontrer, ces deux frères qui jadis avaient demeuré ensemble dans la calme solitude d'Iben, et qui maintenant, séparés par la terre et la mer, étaient encore si étroitement unis dans un esprit de foi et d'amour! Dans ce beau grand cercle de famille, sur la ferme féconde et soignée, les journées ne s'envolèrent que trop vite. Le visiteur écrivait :

 

Le mardi 17 mai au matin, mon frère sellait deux chevaux, et nous partions pour une longue tournée de visites à des malades et à des bien-portants. Le soleil dardait ses chauds rayons, après une pluie qui avait rendu la vie et la fraîcheur à la végétation; nous chevauchions d'une ferme à l'autre, nous attachions nos chevaux aux pieux disposés partout à cet usage, et nous allions à la recherche des gens dans leurs maisons. L'accueil fut partout extrêmement cordial. La plupart avaient assisté le dimanche à mon culte, ce qui fournissait matière à des entretiens bienfaisants. A ma grande joie, je trouvai chez ces fermiers et leurs femmes beaucoup de sens spirituel; il en est de très doués qui distinguent fort bien l'apparence de la réalité dans le christianisme.

Le 19 mai, jour de l'Ascension, pour tenir une ancienne promesse, je devais prêcher à Eudora pour un pasteur dont j'avais fait connaissance à Bâle. Une belle promenade matinale en voiture m'amena à dix heures avec mon frère, sa femme et leur fille aînée, devant l'église d'Eudora, déjà environnée d'un vrai rempart de voitures. Le culte commença peu après. Jugez de ma surprise en voyant devant moi le pasteur et poète Gebhardt, qui était venu faire une tournée de collecte en Amérique. Je n'ai pas besoin de dire avec quelle fraternelle cordialité nous nous sommes serré la main après le culte.

A quatre heures de l'après-midi, il me fallut prendre congé de mon cher frère et des siens et poursuivre seul mon pèlerinage.... C'est dur de se quitter.

Rappard s'en va toujours plus loin vers le nord et l'ouest. Il écrit de Crete dans le Nebraska, le 27 mai :

Si je n'étais pas au service du Roi, j'aurais bien souvent le heimweh. Mais l'affaire du Roi prend le coeur tout entier; et l'Esprit de joie soutient le pèlerin dans la chaleur, la poussière et la fatigue. C'est le diable qui déprime, Jésus relève!

Les points lumineux de mon voyage sont les heures du revoir, surtout quand je sens que nos « frères » sont des sarments vivants du divin Cep.

Il fête Pentecôte à Columbus (Nebraska). Il prend part au synode d'Omaha.

L'église, fondation d'un riche Allemand, est très jolie et ornée de passages bien choisis. Le gouverneur du Nebraska et le bourgmestre d'Omaha étaient venus saluer le synode. Dans leurs allocutions, ils insistèrent tous deux sur le fait que le christianisme est l'unique base solide de prospérité pour les États et les peuples. On me pria de dire quelques mots au synode réuni, en anglais d'abord, puis en allemand.

Bien des lettres, dans la suite, parlèrent encore de l'influence bénie exercée par la présence de Rappard à ce synode.

Du Nebraska, un long trajet par chemin de fer l'amena à St-Pierre, dans le Minnesota, « le pays des vastes forêts et des ondes riantes ». En visite chez un pasteur aimé, ancien camarade d'études, Rappard écrit:

Son luthéranisme ne l'a nullement empêché de m'accueillir amicalement. Les heures ont passé rapidement à des entretiens élevés. En le quittant à la gare, où il m'avait accompagné, j'étais contraint de me dire que, sous cette cuirasse du confessionnalisme strict, qui n'est point la mienne, je sentais pourtant battre le coeur du frère en Christ.

 

Après Henderson et Minneapolis, voici Norwood:

Le pasteur m'attendait à la gare avec son joli cheval et son buggy. Il m'emmène, au travers d'une contrée découverte et d'une forêt vierge, à son église et à son presbytère. Les enfants de l'école du dimanche, que dirige sa femme, étaient venus des fermes les plus lointaines pour me chanter un chant de bienvenue. Ils étaient là devant l'église, par un splendide clair de lune, - avec la forêt sombre comme arrière-plan, - et ils me chantaient des chants aimés....

Après le Minnesota, le Wisconsin, où travaillent aussi bon nombre d'anciens élèves de Chrischona, heureux de revoir le représentant de la maison bien-aimée.

De là dans l'Iowa, où Rappard s'arrête entre autres à Ackerville pour une fête missionnaire.

A Ackerville, église et cure sont adossées à la forêt vierge, à l'écart et cachées aux regards. Le pasteur a le coeur plein d'amour reconnaissant pour Chrischona. Comme l'église est petite, on dresse à côté une tente, d'où les gens pourront tout entendre sans être gênés par le soleil. Dès 9 heures du matin, les voitures des fermiers commencent à affluer et la petite église s'emplit.... Différents frères prennent la parole, et le Seigneur est là qui bénit....

Voici déjà l'heure du départ. je passe une journée à Milwaukee pour assister aux délibérations du synode luthérien du Wisconsin. Les frères me font voir quelques-unes des beautés de leur ville, située dans la fraîcheur des rives du lac Michigan.

J'étais attendu à Germantown le samedi 18 juin. J'y ai retrouvé comme pasteur l'ancien et fidèle « frère » N. qui est déjà sorti vainqueur de tant de combats. Ses adversaires, les cabaretiers surtout, voulaient à tout prix se débarrasser de ce fidèle témoin, mais il tient encore bon à l'heure qu'il est, et les cabaretiers ont dû fermer leurs pernicieuses maisons.

De Burlington, où il jouit de l'hospitalier accueil du président général du synode évangélique, il écrit:

Mon coeur s'envole vers la patrie.... Que l'Éternel soit jusqu'à la fin mon berger, et je ne manquerai de rien....

L'été commençait à se faire sentir de plus en plus péniblement; mais la tournée était loin d'être achevée.

A Primrose, une journée bien remplie se termine par le baptême du dernier-né du pasteur.

Le lendemain, à Quincy (Illinois), l'inspecteur a la joie de rencontrer non seulement un bon nombre d'anciens élèves de Chrischona, mais un ami de jeunesse, le pasteur de Ragué, avec qui il avait joué comme enfant chez le bon oncle Bräm à Neukirchen.

Dimanche, on m'a demandé de prêcher dans trois églises de la ville ; riche journée, à laquelle j'aime à repenser.

A Chicago, visite au frère de Chrischona qui y est à l'oeuvre et aperçu de l'église de Moody. Le grand évangéliste lui-même était absent, mais peu après Rappard le rencontra à Seabright, où il évangélisait, et il eut la joie de renouveler connaissance avec lui.

Puis l'inspecteur traverse le lac Michigan et fait des visites ou des prédications dans plusieurs localités, bien qu'il ne trouve guère d'accès dans les Églises rattachées au synode du Michigan.

Il a cependant ici et là la )oie de faire quelques rencontres réconfortantes.

De pressantes sollicitations lui font modifier son itinéraire. Un de ces appels venait de Berne (Indiana).

Il y a ici, écrit-il, une de ces communautés de mennonites au coeur large, attachées à la Bible et par conséquent vivantes, qui se compose presque exclusivement de Suisses, et surtout de Bernois. Les deux pasteurs de cette grande Église m'avaient invité de la façon la plus amicale à leur faire une visite et, bien que je n'eusse pu m'annoncer que deux jours à l'avance, je trouvai tout préparé pour me recevoir. Il y eut une grande réunion le soir même de mon arrivée, et de nouveau une le lendemain matin. Je pouvais de ma fenêtre voir arriver de toutes parts, sur leurs jolis véhicules à un ou deux chevaux, les fermiers du voisinage, la plupart avec toute leur famille ; car en Amérique, les mamans apportent leurs bébés à l'église, ce qui leur paraît le moyen le plus pratique d'assister au culte. Il y avait bien quatre-vingts voitures autour de l'église, quoique ce fût le moment de la moisson ; preuve qu'en Amérique aussi ces bons Bernois aiment l'Évangile et en connaissent le prix.

 

Pour Rappard, qui prisait l'unité des enfants de Dieu si fort que le besoin en était pour lui vital, cette visite fut un vrai rafraîchissement. Il retrouva d'ailleurs cette même atmosphère bienfaisante à Delphos et à Toledo dans l'Ohio, chez d'anciens élèves « bons luthériens », mais non pas étroits. Dans cette dernière localité, comme il était fort souffrant, il fit une précieuse expérience du secours puissant du Seigneur.

L'Éternel, mon médecin depuis tant d'années, m'a débarrassé de ma fièvre pendant la nuit, écrit-il simplement ; il ne m'en est resté qu'une certaine lassitude, qui ne m'a pas arrêté dans mon travail.

De Buffalo, notre voyageur eut l'occasion d'aller voir la plus célèbre des merveilles du Nouveau Monde.

Je ne veux pas essayer de décrire la cataracte du Niagara, écrit-il. Elle est d'un grandiose extraordinaire, par sa hauteur d'abord, - 180 pieds, - mais aussi par sa masse énorme. Il me semble pourtant que les paysages américains manquent de je ne sais quel attrait ou quelle fraîcheur à laquelle nous sommes accoutumés, nous autres Suisses.

Les deux pasteurs suisses de Baltimore tenaient à montrer à leur cher inspecteur la capitale des États-Unis, Washington, le siège du gouvernement et l'une des plus belles villes du pays, de sorte qu'ils firent ensemble ce petit détour, avant de rentrer à New-York par Wilmington et Philadelphie. Il faisait extrêmement chaud, aussi notre pèlerin lassé apprécia-t-il d'autant plus les quelques jours de repos qu'il put passer aux bains de mer de Seabright, où son frère était en séjour.

Le couronnement de cette tournée aux États-Unis fut une grandiose réunion organisée en faveur des Allemands par la première Église presbytérienne allemande de Brooklyn, de concert avec d'autres Églises, sur l'initiative du pasteur Dr Vollmer. Rappard eut là une dernière occasion de faire retentir au delà de l'Océan son témoignage en faveur de Jésus-Christ, le Seigneur de gloire. Il y mit toute sa force et toute sa joie.

Voici la conclusion du compte-rendu de son voyage:

Que le Seigneur est bon de permettre à ses enfants d'avoir un home terrestre ! Israël devait arriver à son repos en Canaan, et tout père de famille devait pouvoir y habiter sous sa vigne et sous son figuier. Notre Seigneur Jésus-Christ seul n'avait pas ici-bas un lieu où reposer sa tête. Mais pour trois ans seulement, puis il retourna auprès du Père, dans sa véritable demeure !

A son retour en Europe, l'inspecteur eut pour compagnon de route son frère Auguste, qui lui avait rendu tant de services pendant son séjour aux États-Unis, l'accueillant, lui transmettant sa correspondance et d'autre façon encore; il venait en visite sur le vieux continent. Un doux souvenir de la traversée se rattache à un culte organisé en commun avec un autre pasteur, le Dr Seibert, à bord du paquebot.

A cette occasion, écrit-il, j'ai fait la connaissance de deux employés de l' « Aller » qui sont des disciples de Jésus et avec qui j'ai pu lire la Bible et prier le soir dans ma cabine. Partout le Seigneur a son peuple, qui lui reste fidèlement attaché, souvent sous le feu des railleries du monde.

Entre Southampton et Bâle, Rappard s'arrêta à peine quelques heures à Londres pour saluer ses frère et soeur: il tenait à être à Chrischona pour la fête de consécration du 7 août. Au matin du 6, les siens l'accueillaient à Bâle avec des transports de joie.

Voici la conclusion de son rapport:

Vos prières m'ont été fort précieuses. Le Seigneur les a exaucées. A lui, à lui seul soit la gloire pour tant de grâces ! Tout venait de lui, et il a dû supporter son serviteur avec beaucoup de patience et de longanimité.

J'ai pu visiter au cours de ce voyage une centaine d'anciens élèves de l'institut, plusieurs, il est vrai, uniquement aux conférences synodales, mais cinquante-cinq d'entre eux chez eux et sur leur champ de travail, et j'ai pu annoncer le glorieux Évangile dans beaucoup de leurs églises.

Mes frais de route ont été entièrement couverts par les dons reçus en Amérique à cet effet et que j'ai accepté comme contributions faites à notre oeuvre. Comme j'ai eu peu de dépenses à part les frais de transport par paquebot et chemin de fer, j'ai pu rapporter encore à notre cher caissier un beau surplus de 3 500 francs. Ce n'était cependant point une tournée de collecte, car le fidèle Père céleste pourvoit à notre pain quotidien. Mais ce m'était à moi-même un grand encouragement de recueillir de la part de nos « frères » tant de témoignages d'affection.

Que j'ajoute ici quelques strophes du cantique que mes huit enfants et leur mère m'ont chanté une heure après mon retour, car mon coeur aussi déborde de reconnaissance :

 

Nous t'avons entouré de prière et d'amour ,

Nous pouvons aujourd'hui célébrer ton retour,

Et nous voulons bénir, oui, bénir le Seigneur.

 

Il t'a gardé partout par sa toute-puissance,

T'a restauré partout par sa douce présence,

Et nous voulons bénir, oui, bénir le Seigneur.

 

Oui, Seigneur, tu te plais à bénir la prière:

Nous aussi, nous voulons à te bénir nous plaire,

Et nous voulons bénir, oui, bénir le Seigneur.


Table des matières

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1) Effectivement en 1895, le synode rompit les liens qui le rattachaient à la Pilgermission pour se rattacher au synode d'Iowa. Toutefois un certain nombre de pasteurs, n'approuvant pas cette solution, maintinrent leur oeuvre sous le nom d' « ancien synode luthérien évangélique du Texas » et restèrent unis à Chrischona. Il faut dire cependant que l'autre branche continua aussi à témoigner de la reconnaissance et de l'affection à la maison mère et que la correspondance s'est maintenue dans un esprit d'estime mutuelle.