Sécheresse, l'écosystème et les rivières se meurent en Gallilée

 

La sécheresse qui sévit en Israël depuis plusieurs années menace les réserves naturelles du pays. Des cours d'eau disparaissent, mettant en péril de nombreuses espèces animales et végétales. Explications.

Depuis presque deux ans, l'ablette du Yarkon [qui coule au nord de Tel-Aviv] nage dans une piscine de l'université de Tel-Aviv. Ce poisson, une espèce unique en Israël, devrait évoluer dans son environnement naturel, le fleuve Yarkon. Mais ce cours d'eau est presque asséché. Pour éviter l'extinction de l'espèce, les chercheurs et les employés de l'Autorité israélienne des parcs naturels (AIPN) ont décidé de céder quelques spécimens d'ablettes à l'université. Le Yarkon illustre parfaitement l'état de la plupart des cours d'eau israéliens en ce début d'été. Après trois années de pluviosité médiocre, ils sont de moins en moins alimentés, et les responsables des réserves naturelles se sentent impuissants dans la compétition féroce qui les oppose aux besoins de l'industrie et l'agriculture.

Depuis les années 50, c'est devenu un lieu commun en Israël que de "consacrer l'eau à la nature". A cause de l'emprise presque totale des activités humaines sur les ressources en eau, le besoin s'est fait de plus en plus sentir d'allouer des quantités d'eau spécialement aux zones humides : cours d'eau, sources, étangs et marais saisonniers. Si, dans certains cas, on s'est contenté de laisser s'écouler naturellement les eaux sans les détourner, il a été la plupart du temps nécessaire de mettre sur pied des systèmes d'irrigation et de détournement. Le volume des eaux attribuées aux réserves naturelles est toujours minime, même pendant les périodes de pluviosité normale. Au moins les pluies parvenaient-elles à compenser le déficit d'attribution. Mais, aujourd'hui, les responsables des réserves naturelles ont du mal à recevoir des volumes d'eau décents. Il en résulte une sécheresse continue dont les conséquences se font particulièrement sentir sur la plaine côtière et dans le nord du pays.

Les principaux cours d'eau de Galilée - Keziv, Bezet et Ammud - voient leurs sources se tarir et le peu d'eau qui leur reste être prioritairement affecté à la consommation des villages de la région. Hillel Glazman, de l'AIPN, affirme que de nombreuses espèces animales, dont la survie dépendait de ces cours d'eau, ont presque totalement disparu. Les célèbres platanes du Keziv devraient être les prochaines victimes. Le Nord abrite deux grandes réserves naturelles : Ein Afeq et Houla. Elles reconstituent en partie la riche flore qu'abritaient jadis les marais, les lacs et les étangs asséchés à la fin des années 40. Ces deux réserves se sont contractées de moitié. Si les responsables d'Ein Afeq sont parvenus à limiter les dégâts, la réserve du Houla est mal en point. Non seulement ses étangs se sont asséchés, mais les sources qui alimentaient la réserve se sont évaporées.

Des dégâts particulièrement graves ont été causés à la vallée de Beit Tzayda, au nord-ouest du lac de Tibériade. Les rivières du Golan qui alimentent normalement cette vallée avaient jadis donné naissance à des lagons qui comptaient parmi les plus célèbres sites touristiques du Nord. Depuis deux ans, la vallée de Beit Tzayda s'assèche, et les lagons ont désormais disparu. Ces zones qui, en hiver et au printemps, étaient d'habitude inondées par les eaux du lac de Tibériade ont laissé la place à une forêt de buissons et qui ont transformé l'écosystème.

L'altération des réserves naturelles vient s'ajouter aux dégâts infligés aux autres zones humides par la pollution. "Le sionisme n'a pas seulement réussi à conquérir le désert. Il l'a aussi asséché", ironise Yossi Inbar, directeur au ministère de l'Environnement. Avital Gazit, professeur à l'université de Tel-Aviv, rappelle volontiers la réponse d'enfants à qui on avait demandé ce qu'était une rivière : "C'est un canal qui pue quand vous passez à côté."

Reouven Ortal, de l'AIPN, estime que "les zones humides abritent encore quelque 500 espèces végétales, mais 250 d'entre elles sont menacées d'extinction. On recense également une centaine d'invertébrés. Si on garde à l'esprit que les pays arabes voisins n'ont aucune politique de protection des zones humides, cela signifie que, si les réserves israéliennes venaient à disparaître, c'en serait fini." Les experts tiennent à souligner que les rivières et les réserves naturelles n'ont pas seulement une valeur biologique. Le directeur du département des eaux du ministère de l'Environnement, Yeshayahou Bar-Or, souligne que leur importance repose également sur leur potentiel économique. D'une part, leur exploitation touristique peut dégager des bénéfices non négligeables ; d'autre part, une réhabilitation des rivières devrait avoir pour conséquence un accroissement des valeurs immobilières.

Pourtant, les programmes de réhabilitation des rivières polluées sont également menacés. Ils reposent en effet sur le détournement massif d'eaux traitées. Le ministère de l'Environnement planche pour l'instant sur l'évaluation du volume d'eau à détourner pour préserver la flore et la faune israéliennes. La raréfaction de nos ressources en eau a aggravé la rivalité entre les collectivités locales pour obtenir de l'eau traitée.

Voilà dix-huit mois, un conflit violent opposait l'autorité responsable du Yarkon et le ministère de l'Environnement à la commission des eaux de la municipalité de Kfar Sava. En cause : le projet de Kfar Sava d'affecter les eaux recyclées aux besoins de son agriculture plutôt que de les laisser s'écouler dans le Yarkon.

Zeev Golani, un expert de la commission, tout en disant comprendre la nécessité de laisser les eaux s'écouler naturellement, n'en a pas moins déclaré qu'il était impossible d'allouer les quantités nécessaires à la protection de la nature à cause de la sécheresse. Selon lui, il faudra attendre 2012, lorsque certains programmes de dessalement seront opérationnels et que la situation des nappes phréatiques se sera améliorée, pour que les cours d'eau et les réserves naturelles reviennent à une situation normale et stable. Mais le ministère de l'Environnement ne veut pas entendre parler de restrictions. Ses responsables estiment que le temps est venu de traiter la nature comme un consommateur exigeant dont l'espérance de vie ne peut en rien être menacée.

Pour les responsables de l'AIPN, il est certain que leurs ressources en eau seront drastiquement limitées à court terme. Et si la pluviosité continue à diminuer, les choses iront en s'aggravant. Dès maintenant, la commission des eaux a dans ses cartons un plan de dessalement des eaux saumâtres, lesquelles pourraient constituer une ressource essentielle pour certaines réserves naturelles. Un facteur qui ne fait qu'exacerber la crise de l'eau est la nécessité de planifier la distribution d'eau destinée aux communautés palestiniennes [de Cisjordanie]. La crainte est réelle qu'un assèchement de l'aquifère oriental n'aboutisse à l'assèchement des sources proches de la mer Morte."

(Ha'aretz) ajouté le 3/10/2001

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