La pression américaine favorise les Libanais

Les désavantages pour Israël / Arabes irréconciliables

 

Peter M. Ranke, Beyrouth

Pendant les négociations avec Israël, l'intermédiaire en chef libanais, Antoine Fattal, fait rarement l'effort d'un sourire. Il aurait pourtant suffisamment de raisons. Les Américains se rangent du côté libanais, quant au retrait des troupes israéliennes, qui devrait passer avant tous les autres «arrangements». Il est vrai que l'ambassadeur extraordinaire américain Habib aimerait arriver à ce que le Liban mette fin à l'état de guerre maintenu depuis 35 ans contre Israël, dès la première évacuation, et sans attendre le retrait total - comme le voulait Fattal. Mais la pression politique de Washington est dirigée de manière fatale et avec partialité contre Israël et sa position au cours des négociations ce qui fait le profit des Libanais.

D'autre part, les Libanais peuvent, lors des négociations, faire jouer la «pression» des Etats arabes, surtout de la Syrie et de l'Arabie Saoudite. Cette résistance arabe contre un accord de paix ou de sécurité avec Israël, est stipulée dans les coulisses, et renforce la délégation libanaise. Ainsi, le président syrien Assad, duquel on attend aussi le retrait de ses troupes, s'oppose à une concession libanaise, en exigeant qu'Israël ne tire aucun profit militaire ou politique de son agression.

En effet, la Syrie est loin de songer à un abandon du no man's land libanais. Assad semble avoir été encouragé dans cette attitude par le prince saoudite Abdallah. On entend aussi dire qu'il avait l'intention de traiter avec les Américains. Des observateurs politiques n'excluent pas le fait qu'il pourrait y avoir des négociations avec l'aide d'Habib, comme en été 1982. A l'époque, les Saoudites auraient payé de sept à onze milliards de dollars pour le retrait des Syriens de Beyrouth-ouest vers Damas. Cette fois encore, Assad affirme qu'un abandon du Liban par la «troupe de paix» syrienne, le priverait du soutien saoudite pour ses 30 000 hommes, et il réclame un dédommagement.

 

Du côté libanais, ce n'est que parmi les partis chrétiens qu'on note une opposition contre ces manoeuvres de pression arabes. Fady Frem, chef militaire des milices chrétiennes de l'armée libanaise, prit une nouvelle fois position pour un traité de paix avec Israël, afin que le Liban puisse se défendre contre «l'étreinte» syrienne et palestinienne.

Lors des négociations avec les Israéliens, les Libanais ont obtenu des succès d'estime considérables, grâce à l'intervention américaine. Ainsi, selon les dires du coordinateur des négociations Ghassan Tueni, il n'existe pas d'obstacle insurmontable entre le retrait des troupes israéliennes et les accords de sécurité ou de relations réciproques futures.

Les Libanais parlent simplement d'une «fin d'état de guerre», ce qui leur évitera de faire des concessions puisque, déjà en 1949, un cessez-le-feu avait été conclu avec Israël. Tueni intervint en faveur d'un «statut de frontière international», au lieu des conventions de sécurité bilatérales, ce qui demanderait une élaboration prolongée et permettrait le séjour des casques bleus de l'ONU (Unifil) au Sud-Liban; Israël s'y refuse.

Les négociations ont sans doute bénéficié d'un redressement grâce à la collaboration d'Habib, car il pousse avant tout Israël à se hâter. Les Israéliens s'attendent maintenant à un appel libano-américain d'engager le retrait partiel des troupes au plus tard au début mars, pour que les Syriens soient forcés de faire de même. Jusqu'à présent, Israël insistait sur un retrait simultané des troupes, même si cela devait se faire par étapes, en commençant d'abord par l'OLP au nord du Liban.

Un retrait unilatéral, partiel, aurait le désavantage pour les Israéliens de devoir abandonner l'importante route de montagne entre Beyrouth et Damas, et de ce fait, de perdre la liaison par voie de terre, avec les milices chrétiennes autour de Beyrouth. D'autre part, ils n'ont aucune garantie que les Syriens ou l'OLP n'occuperont pas immédiatement la route, vu l'impuissance de l'armée libanaise et le fait que la troupe de paix de 2400 hommes à Beyrouth n'ait pas été renforcée.

Les Libanais attendent. La délégation libanaise enregistre un succès aux négociations, sans aucun effort personnel, grâce à l'attitude d'Habib qui, en accord avec l'opinion de Beyrouth, déclara être contre les stations de contrôle radars au Sud-Liban, contre un statut spécial pour les milices d'Haddad au Sud, et contre un retrait de l'Unifil.

Nouvelles d'Israël 05 / 1983

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