Walther Rathenau (1867-1922)

 

Ce très important politicien juif actif entre les deux Guerres mondiales est né à Berlin comme fils de l'industriel Emil Rathenau (1838-1915), fondateur de la Société générale d'électricité (AEG). Ses études terminées, le Dr Walther Rathenau occupa tout d'abord des postes de direction dans diverses entreprises industrielles pour reprendre ensuite, au début de la Première Guerre mondiale, le leadership de l'AEG, marchant ainsi sur les traces de son père. Fort de son esprit pionnier et de son talent d'organisateur, il comprit très vite que, pendant ce conflit, l'utilisation des matières premières se trouvant dans le pays devait être coordonnée par des services officiels. C'est ainsi que le ministère de la Guerre lui confia l'installation d'un secteur adéquat, qu'il dirigea de 1914 à 1915. Ensuite, il se consacra de nouveau à ses activités dans le domaine de l'économie et dans celui de l'écriture.

Patriotisme et haine des Juifs

Le patriotisme fervent de Rathenau s'exprima après la guerre par son soutien sans réserve à la République de Weimar. Il fut l'un des fondateurs du DDP (le Parti démocratique allemand) et le défenseur d'une alliance politique avec les sociaux-démocrates sous Friedrich Ebert. Mais il se fit aussi remarquer lors de la préparation des négociations de paix et également comme expert à la Conférence de Spa en 1918. Il joua aussi un rôle déterminant dans les travaux préparatoires à la Conférence de la réparation, de Londres. Quand, en 1921, il entra comme ministre au gouvernement de Karl Joseph Wirth, il comptait parmi les défenseurs du respect des obligations prévues par le traité de Versailles, et cela en tant qu'élément d'un plan européen global pour la reconstruction des pays ayant subi des dommages de guerre.

Durant les cinq mois de son activité comme ministre des Affaires étrangères, il obtint des résultats remarquables, en particulier dans la conclusion du traité de Rapallo, un accord signé en 1922 avec l'Union soviétique. Ce document établit la normalisation des relations diplomatiques ainsi qu'une collaboration économique renforcée entre l'Allemagne et la Russie, deux pays qui, après la Première Guerre mondiale, avaient été exclus de l'Alliance des puissances européennes.

A l'époque de la République de Weimar, les personnes de croyance juive obtinrent, pour la première fois devant la loi, l'égalité des droits; mais ce progrès fut entravé par un sombre antisémitisme, soutenu surtout par des cercles radicaux de droite, un antisémitisme qui, finalement, atteignit un affreux sommet dans les horreurs de la dictature hitlérienne. Walther Rathenau écrivit dans une lettre datant de 1917: « ... si moi et mes ancêtres avons servi notre pays du mieux de nos forces, je suis quand même, ainsi que vous pouvez le savoir, citoyen de deuxième classe, parce que Juif.» Il rejeta la solution du baptême choisie par de nombreux juifs de l'époque: «Je suis resté dans la communauté de culture juive, parce que je ne voulais échapper à aucun reproche et à aucune charge; et jusqu'à ce jour, j'ai connu pleinement les uns et les autres.»

Les efforts couronnés de succès de Walther Rathenau pour une amélioration de la triste situation dans laquelle l'Allemagne se trouvait après la défaite de 1918 ne lui valurent nullement la reconnaissance des milieux nationalistes allemands et des radicaux de droite. On le calomnia et le menaça en le qualifiant de «politicien de la réalisation juive». De plus, il était le symbole de l'ensemble du système de l'après-guerre, profondément détesté par l'extrême-droite. On lui reprochait la conclusion du traité avec l'Union soviétique, qui était considéré comme une alliance avec le bolchevisme qui constituait une menace.

L'attentat et ses suites

En 1922, les murs des maisons à Berlin portaient des inscriptions de ce genre: «Descendez Walther Rathenau - ce damné salaud de Juif!» Bien que sachant que ces mots devaient être pris avec le plus grand sérieux, Rathenau ne se laissa pas intimider, et il refusa toutes les mesures de protection à son égard. Le 24 juin 1922, alors qu'il se rendait à son ministère des Affaires étrangères, il fut abattu par des anciens officiers et membres d'un corps franc. L'attentat déclencha dans le public une tempête d'indignation qui, finalement, amena la mise en place de «1'ordonnance du président du Reich pour le soutien de la république>,. Cette loi conférait au gouvernement des pouvoirs considérables pour contenir les groupes extrémistes; mais elle fut essentiellement utilisée contre l'extrême-gauche. L'attitude tolérante du gouvernement vis-à-vis des activités des cercles radicaux de droite permit, en fin de compte, la montée du national-socialisme et la dictature d'Hitler.

A classer parmi les mérites de Walther Rathenau, il y eut, outre ses succès dans le domaine politique, surtout son esprit de pionnier au plan des théories économiques. Déjà dès après la Première Guerre mondiale, il était persuadé que le temps du capitalisme absolu était passé. Dans le journal Die neue Wirtschaft (La nouvelle économie) édité par lui, il publiait, en 1928 déjà, des idées d'avant-garde sur un système économique, très proche de l'actuelle «économie sociale de marché».

PROF. MARK ZONIS

Nouvelles d'Israël Septembre 2000

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