La restauration de la synagogue de Hurva à Jérusalem

 

A la recherche de l'arche perdue

By LAUREN GELFOND

L'investissement de 28 millions de shekels de l'État pour la restauration de la synagogue de Hurva deviendra-t-il un symbole de renouveau ou de division ?

 

À sept ans à peine, Pouah Steiner croyait avoir découvert le lieu le plus divin au monde. À cette époque - le milieu des années quarante - la vie était difficile dans la vieille ville de Jérusalem. Le quartier juif était surpeuplé et ses habitants étaient pauvres ; le Mur lui-même projetait une ombre de deuil et de déclin.

Mais le vendredi, à la tombée de la nuit, Pouah savait que sa mère l'habillerait d'une jolie robe et que son père lui tiendrait la main pour l'accompagner à la grande synagogue de Hurva. À l'intérieur, les sons et les lumières l'élèveraient bien au-delà des murailles de la ville.

"Le Beit Hamikdash (le Temple) était-il aussi magnifique que cela ?" demandait-elle d'une voix admirative mêlée de respect et de crainte.

Tandis que son père se balançait en priant, elle essayait de deviner le sens caché des peintures murales aux vives couleurs et des vitraux, et elle contemplait les soieries d'or qui recouvraient les nombreux rouleaux de Tora. Mais ce qu'elle aimait par-dessus tout, c'était lever les yeux pour regarder ce qui se passait sous le dôme. Là-haut, sous la coquille bleu clair de la voûte géante, des dizaines ou des centaines d'étoiles dorées semblaient lui sourire. "Par moments, je croyais vraiment que c'était le ciel que je voyais", se rappelle-t-elle.

"Les gens allaient au Mur et pleuraient. Mais dans la Hurva, tout était si heureux."

Sur les 58 synagogues qui existaient là-bas avant que la Légion arabe ne conquiert et ne rase le quartier juif durant l'été 1948, la Hurva était la plus haute, la plus grande, et la plus magnifique de toutes, disent les résidents et les historiens.

Aujourd'hui, 54 ans après sa destruction, la Hurva n'est plus qu'une légende planant au-dessus de quelques ruines éparpillées. Lorsque Pouah passe devant les lieux de son enfance, c'est bien le ciel qu'elle voit à travers la seule arche qui reste.

Mais pendant que les guides vendent les ruines bien préservées de la Hurva comme un monument national de la guerre de 1948 et de la destruction de Jérusalem pendant l'occupation jordanienne, quelques urbanistes ont décidé de changer de tactique.

Après cinquante ans de débats pour savoir s'il fallait reconstruire ou non, ils ont finalement décidé de restaurer la synagogue, conformément à son style du 19e siècle.

La restauration, dont le coût est estimé à 28 millions de shekels, et qui devrait changer de façon spectaculaire la ligne des toits de la vieille ville, suscite espoir et doute à la fois.

À midi, le soleil tape fort sur la vieille ville, mais ses habitants et des nuées d'étudiants de yeshiva s'assoient, voûtés sous le soleil, autour de la Hurva.

David Akerman de Paris, prenant des photos sur la place de la Hurva, hoche la tête, incrédule. "Il y a plein d'autres endroits où construire des synagogues. Il est important que cela reste un mémorial. Cela me rappelle ce que les Jordaniens ont fait à nos sites sacrés. Je me dis que ça pourrait facilement se reproduire et que nous ne devons pas oublier."

Depuis des années la synagogue de Hurva est devenue un symbole fort de continuité juive, existant tantôt paisiblement, tantôt en conflit aux côtés des voisins arabes.

En 1699, le terrain de la cour de la Hurva fut acheté par le rabbin polonais Yehouda He'hassid, qui croyait que les Juifs de diaspora devaient revenir à Sion afin de hâter la rédemption. Les 1 500 disciples ashkénazes qui le suivirent vécurent autour de la cour et construisirent une synagogue en son honneur et en son nom. Mais peu après que la synagogue du rabbi Yehouda He'hassid fut achevée en 1706, le rabbin mourut et la communauté qu'il avait soutenue s'enfonça dans des dettes.

En 1721, lorsque la synagogue fut détruite par un incendie, on dit que les coupables n'étaient autres que les créanciers ottomans qui n'avaient pas été payés depuis des années. Selon certains rapports, la communauté ashkénaze tout entière se serait enfuie, et selon d'autres, elle aurait été exilée.

En 1836, la terre fut rachetée principalement grâce à un don de la famille Rothschild, et une nouvelle communauté de Juifs ashkénazes, des disciples du Gaon de Vilna, demandèrent au sultan turc la permission de reconstruire.

Non seulement le sultan accepta, mais il offrit aussi son aide.

Ce fut l'architecte du sultan qui conçut la synagogue. Le toit en forme de dôme et le style turc devinrent un modèle pour les synagogues du monde entier. L'architecte musulman travailla dans le calme et main dans la main avec les propriétaires et ouvriers juifs, et en 1864, la synagogue surnommée 'Hurva' - ruine - fut restaurée.

À la fin du 19e siècle, la synagogue à dôme était considérée comme l'une des plus importantes à Jérusalem et était une des caractéristiques les plus proéminentes de l'horizon de Jérusalem.

Trois structures à dôme se détachaient particulièrement du paysage : la Hurva juive, l'église chrétienne du Saint-Sépulcre, et la mosquée musulmane du Dôme du Rocher.

Sous l'autorité britannique, les relations entre Juifs et Arabes de la vieille ville dans les années qui précédèrent 1948 étaient plutôt cordiales, voire même souvent amicales.

Mais lorsque Israël déclara son indépendance en 1948, la Légion arabe jordanienne attaqua le quartier juif et fit sauter la Hurva, ainsi que le quartier juif, y compris des synagogues et des yeshivot. Après une bataille acharnée, le quartier juif se rendit et les habitants furent exilés pendant 19 ans.

Dans les décades qui ont suivi la guerre des Six-Jours en 1967, quand les Juifs revinrent dans le quartier juif et le reconstruisirent, la Hurva devint un sujet de dispute.

Des dizaines de projets proposaient la réalisation d'une nouvelle synagogue, la restauration de l'ancienne synagogue, de la reconstruire à un autre endroit, ou de conserver un mémorial de guerre.

La plupart des visiteurs ne réalisent pas que l'arche commémorative qui fut construite il y a environ 30 ans a toujours été considérée comme une solution temporaire. Mais personne ne pouvait se mettre d'accord quant à des plans définitifs, et on remit chaque fois le projet à plus tard.

Certains leaders et universitaires disent que le fait que la Hurva soit ressuscitée aujourd'hui, en ces temps d'intense conflit avec les Palestiniens n'est pas une simple coïncidence.

"La vieille ville est un lieu de symboles, un peu comme le Vatican", dit le géographe Ronnie Ellenblum de l'université de Jérusalem.

Ellenblum s'inquiète de ce que la décision de reconstruire la Hurva soit politique et puisse ressembler à une provocation.

"Après deux ans d'Intifada et deux ans et demi après Camp David, ils décident finalement de reconstruire la Hurva. J'ai lu que c'était un acte très symbolique, mais ce n'est pas comme si on construisait quelque chose de nouveau.

"Comment se peut-il que nous soyons en 2002 et qu'il n'y ait pas un seul immeuble officiel israélien dans le quartier juif. Nous ne cessons de parler de Jérusalem, mais personne au gouvernement n'a jamais jugé raisonnable de construire, disons, la maison du président ou la Cour suprême là-bas. Mais ils vont reconstruire la gigantesque synagogue ashkénaze qui s'élèvera au-dessus de l'horizon ? Jérusalem aurait-elle besoin d'une autre synagogue ? Non. C'est juste un message de force qui signifie 'nous sommes souverains'." "Cette construction est un signe de faiblesse, pas de force. Nous retournons à un mode de pensée du 19e siècle, avec en jeu le paysage de Jérusalem."

Ouri Ben-Asher, qui a travaillé comme ingénieur pour la ville de Jérusalem de 1995 à 2000, est lui aussi mécontent du projet.

"Ce n'est pas une coïncidence si Natan Sharansky est le ministre du Logement qui a approuvé ce projet. Il est évident que c'est un acte politique et symbolique de notre gouvernement à Jérusalem-Est."

À Jérusalem, en ce qui concerne l'urbanisme, toute entreprise privée peut soumettre un projet de construction au comité de l'urbanisme et de la construction. Le comité, puis ensuite le public, peut s'opposer à des points précis, mais pas à l'idée de construire ou de ne pas construire.

Cela signifie que si un individu, une entreprise, ou des représentants officiels du gouvernement s'opposent à l'idée de retransformer le mémorial de la Hurva en synagogue, ils ne peuvent pas soumettre cette objection au comité d'urbanisme et de construction. Seuls ceux qui vivent dans le quartier ou ceux qui sont considérés comme "les parties intéressées" ont le droit d'élever une objection, et uniquement s'il est question de bruit, de sécurité ou de qualité de vie dans le quartier. Pour le grand public, le seul moyen de protester contre un projet qui ne les concerne pas directement est de signer une pétition ou de se joindre à la bataille aux côtés d'une partie intéressée.

Les détails des propositions de construction sont publiés dans des annonces de journaux et passent facilement inaperçus.

En ce qui concerne la Hurva, c'est l'Entreprise de Développement du Quartier Juif, qui appartient au gouvernement, qui a soumis la proposition la plus récente.

"Nous nous sommes demandés s'il était important de reconstruire et avons conclu que oui. Les Jordaniens ont détruit ce qui était le centre communautaire et spirituel le plus important de Jérusalem après l'exil romain et nous voulions que cela redevienne ce que c'était", dit Yinon Asinon, président de l'EDQJ.

"Le symbolisme de la restauration, n'est en aucun cas politique.

C'est un symbole du renouveau juif et un symbole architectural important qui est devenu un modèle pour de nombreuses synagogues."

Si tout se passe comme prévu, d'ici trois mois, l'entreprise commencera à aménager le lieu pour des fouilles archéologiques, pour rechercher sous les fondations d'éventuels artéfacts de l'époque du premier et du second Temple, et d'autres antiquités éventuelles. Ensuite, l'an prochain, il est prévu qu'ils commencent à reconstruire la synagogue, conformément aux plans des architectes Nachoum Meltzer et Shaï Levy. La restauration est supposée durer trois ans.

Des représentants officiels de la ville de Jérusalem tels que le maire Ehoud Olmert et l'ingénieur de la ville Ouri Shetrit ont soutenu le projet, de même le président Moshé Katsav, le ministre du Logement et de la Construction Natan Sharansky, et le Conseil pour la préservation des édifices et des sites historiques.

La Fondation de Jérusalem - fondée par l'ancien maire Teddy Kollek, récemment cité dans la presse pour s'être dit en faveur d'une forme de division de Jérusalem - a toujours soutenu la reconstruction de la Hurva, et ne l'entend pas comme un acte politique ou de provocation.

"Même si un jour Jérusalem doit être divisée, le quartier juif sera toujours le quartier juif. On ne devrait pas interpréter comme une provocation la reconstruction de quelque chose qui fut à nous et qui a existé des générations durant", dit la présidente de la Fondation de Jérusalem, Ruth Cheshin.

Dans le quartier juif, les résidents qui sont au courant du projet parlent eux aussi, mais principalement des conséquences que la synagogue aura sur leur vie.

Kayla Becker, qui habite près de la cour, a passé nombre d'après-midi de son enfance à jouer à cache-cache et à assister à des mariages et à d'autres célébrations dans les ruines de la Hurva, jusqu'à ce que les portes ne soient fermées à clef il y a deux ans, car des pierres commençaient à se détacher des vieilles fondations.

Lorsque sa famille a appris qu'elle allait être restaurée, elle a décidé d'en devenir membre et d'acheter des places dès que cela sera possible. Mais Kayla émet des réserves.

"C'était la synagogue du quartier et aujourd'hui nous n'avons plus d'endroit semblable", dit-elle. "C'est encore comme un lieu sacré. Mais si c'est reconstruit et que ça a l'air tout brillant et tout neuf, le lieu risque de perdre ce qui le rendait si particulier."

Pour Pouah Steiner - une des rares parmi les résidents actuels du quartier juif a avoir aussi habité là avant 1948 - c'est comme si un rêve se réalisait, mais même elle, a des sentiments partagés.

Parfois, elle regarde les ruines de la Hurva et se souvient des magnifiques peintures murales et des vitraux qui nourrissaient son imagination de petite fille.

"Cette arche que vous voyez, elle était deux fois plus haute. Elle était si grande, géante, magnifique. Et aujourd'hui c'est si triste de regarder, toutes ces années, et de penser au sacrifice. Je suis si heureuse de penser qu'elle va être reconstruite : cela pourrait être une sorte de rédemption", dit-elle.

(Jerusalem Post) ajouté le 21/9/2002

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