Source: Pompignane

Un roi né dans une étable.

Luc chapitre 2, verset 1 à 20

 

Napoléon ROUSSEL (1805-1878)

 

Si dans le cours des évènements ordinaires, rien n'arrive sans la volonté de Dieu, combien à plus forte raison devons nous supposer que dans un des évènements le plus considérable qui se soit jamais vu sur la terre, la naissance d'un Sauveur pour le genre humain, tout avait été prévu et déterminer de Dieu ?

Nous pouvons donc étudier jusqu'aux plus petites circonstances qui environnent le berceau de Christ pour y chercher la pensée divine. Or, voici ce qui frappe d'abords le regard c'est que tout se passe dans les lieux et parmi des personnages humbles s aux yeux de Dieu, bas au yeux des hommes. Le père de Jésus selon la chair est un charpentier, sa mère fiancée d'un charpentier doit appartenir au même rang de la société. Leur retraite, passagère il est vrai, mais par cela même plus significative, puisque Dieu l'a choisi ainsi, leur retraite est une étable, et le berceau du fils de Dieu, une crèche.

Les hommes invités par un ange à visiter le Sauveur sont de pauvres pâtres, et enfin le signe donné par Dieu pour reconnaître le Christ, le Seigneur, est celui ci : qu'il sera trouvé emmailloté et couché dans une crèche. Certes, si ceux qui parlent du hasard pouvaient lui attribuer une de ces circonstances, ils leur seraient difficiles de regarder encore comme disposés par lui une série d'évènements qui forment un ensemble si propre à prêcher l'humilité. Oui, Jésus, notre maître, a voulu que sa naissance, comme sa vie, comme sa mort, nous fut un exemple, et que nous, ses disciples, nous comprissions que rien n'est trop petit pour ceux qui adorent un Dieu déposé à sa naissance dans une étable.

Nous avons une pente si fortement prononcée à nous croire toujours placé dans des circonstances au dessous de nos mérites, et un désir si vif de nous élever à des destinées plus hautes qu'il est bon que chaque jour cet Evangile mis sous nos yeux nous dise dans une des ses pages : Ton maître est né dans une crèche, il a vécu parmi les péagers, il est mort sur une croix.

Oui, conçu dans le péché, élevé au sein d'un monde corrompu, nous avons des idées si fausses sur la véritable grandeur, que les plus fortes leçons nous étaient nécessaires pour redresser notre jugement vicié. Il fallait que le Seigneur naquît de parents obscurs pour nous convaincre qu'il n'y avait pas plus de honte dans la pauvreté que de mérite dans la fortune ; Il fallait que des bergers fussent invités par des anges à la même fête où des mages étaient conduits par une étoile, afin que les chrétiens sentissent qu'en présence de Dieu, les pâtres et les rois sont parfaitement égaux et que tous ont un égal besoin d'un sauveur.

Oui, cette naissance de Christ place au même niveau tous les hommes en les rabaissant également, et au même niveau toutes les conditions, en les élevant à la même hauteur, le plus orgueilleux est ici humilié, et la position la plus humble relevée ; admirable doctrine, qui selon l'expression de Marie, " abaissant les coteaux, relevant les vallées ", conduit l'homme a cherché sa grandeur dans la sainteté, et lui fait accepter l'indigence et l'obscurité aussi volontiers que la richesse et que la gloire.

Pour voir plus clairement le doigt de Dieu dans toutes les circonstances qui accompagnèrent la naissance du Sauveur, supposez un moment que tout soit changé : Jésus naît dans un palais, les rois de la terre seuls sont appelés auprès de sa couche d'or et de soie, et ce n'est que par le mouvement de fête de sa somptueuse demeure que le peuple est informé de sa naissance. Qu'aurions nous pu conclure de cet ensemble de circonstances, nous, chrétiens du 19ième siècle, aussi bien que les bergers de Bethléem ? Hélas ! Que Jésus était trop grand et nous trop petits pour que nous puissions jamais l'approcher ; qu'à ses yeux le rang, la fortune et le luxe sont quelque chose en eux-mêmes, et que nous, pauvres et petits, c'est-à-dire, nous, la presque totalité du genre humain, sommes, par notre misère, méprisable à ses yeux. Dès lors l'orgueil des riches, sanctionnés, écrase le pauvre, déjà si faible sur la terre. Dès lors le pauvre, refoulé dans les besoins de son coeur, s'irrite davantage, comme un fils déshérité, ou se dégrade encore plus comme un être qui sent son infériorité.

Ah ! Que le Dieu qui dispose des évènements et des hommes est bien plus sage, bien plus juste, et bien plus saint ! Pour le comprendre, il nous a fallu mettre en contraste la crèche que lui-même a choisi pour son fils, avec le faste creux de nos propres idées, et nous avons vu qu'il n'y avait de vrai grandeur que dans la sainteté, de véritable petitesse que dans le péché.

Aussi pouvons nous reconnaître qu'à cette mesure là, nous sommes tous petits ; Mais, Dieu en soit loué ! Tous destinés à grandir.