Question de fond

Le cri du prophète Amos

 

L'on regarde souvent le chrétien comme l'adepte irrationnel d'un mode de vie impossible, et sa foi comme une chose acquise ou non par nature. «Il est religieux», dit-on, comme s'il s'agissait d'un défaut congénital, de quelque syndrome mystique inné ou, surtout en cas de conversion spectaculaire, d'un virus qu'il aurait «attrapé»!

L'homme de la rue aujourd'hui (il s'agit d'un rationaliste post-darwinien) conçoit un grand fossé entre la foi et la raison. La méthode scientifique lui tient lieu de mesure du rationnel et du raisonnable. La science « prouve » les choses. En revanche, tout le reste se contente de deviner (de « croire») sur des bases invérifiables par une investigation scientifique.

La science, bien entendu, se limite aux phénomènes naturels: observables, accessibles et expérimentalement manipulables. Elle ne peut donc toucher au surnaturel, qui n'a aucun poids ni valeur pour une appréhension rationnelle de la réalité. Les limites légitimes de la science servent à définir la réalité, le raisonnable et le vrai.

En conséquence, l'homme moderne rejette Dieu et sa Parole car ils n'apportent rien à sa vie ou sa compréhension du monde. L'Écriture et la vie chrétienne n'expriment plus pour lui une vérité absolue et éternelle. Elles se contentent de manifester une évolution intellectuelle de l'homme et les expressions de son désir de sécurité dans un environnement souvent hostile.

La religion constitue pour notre temps une bizarrerie, d'une certaine utilité à tel ou tel individu en particulier, mais sans aucun statut fondamental ni même quelque incidence sur l'organisation, l'origine ou le destin de l'humanité.

Dans une telle atmosphère, cet homme de la rue considère le messager de Dieu comme un bigot illuminé qui se délecte à appeler le feu du ciel sur un monde largement indifférent.

Les absolus de la Parole de Dieu n'ont jamais été reçus comme une bonne nouvelle par notre humanité déchue. L'humanisme séculier, fondé sur le rejet scientiste et matérialiste des revendications de la révélation divine, constitue aujourd'hui l'excuse principale pour se moquer de Dieu.

Dans l'Israël d'Amos, il s'agissait de l'adoption d'une religion de facilité, dont les principes permettaient toute la latitude nécessaire à l'exercice des péchés favoris de l'époque. La prospérité même de la nation démontrait l'approbation de Dieu (le Yahvé redéfini par les théologiens modernes de Dan et de Béthel) sur leurs agissements. Le Dieu démodé et fondamentaliste d'Amos était mort.

Ceux qui vivaient tranquilles en Sion et se croyaient en sécurité sur la montagne de Samarie (6: 1) se regardaient sans aucun doute comme des hommes «mûrs,>, libérés de la morale austère du passé. Ils récoltaient les fruits de leur comportement éclairé dans la politique nationale et l'éthique personnelle. Ils avaient maintenant trouvé un «équilibre» concernant le rôle de la religion dans la vie moderne! À bas les prophètes de malheur!

Un examen attentif du message divin montre cependant que le Seigneur s'adresse toujours aux hommes comme à des êtres capables de penser et de raisonner. Les Écritures ne constituent pas un pot-pourri d'invectives irréfléchies et d'émotionalisme extatique. La doctrine biblique ne fait aucune part à l'anti-intellectualisme.

Dieu révèle sa Parole dans l'histoire et plaide sa cause en prêtant soigneusement attention aux faits indéniables de l'expérience humaine. Esaïe commence sa prophétie par un plaidoyer passionné:

«Venez et plaidons! dit l'Éternel. Si vos péchés sont comme le cramoisi, ils deviendront blancs comme la neige; s'ils sont rouges comme la pourpre, ils deviendront comme la laine. Si vous avez de la bonne volonté et si vous êtes dociles, vous mangerez les meilleures productions du pays; mais si vous résistez et si vous êtes rebelles, vous serez dévorés par le glaive. » (1 : 18-20.)

«Venez et plaidons. Examinez les arguments. Réfléchissez aux propos de Dieu et voyez s'ils s'appliquent à la réalité de votre expérience.» Voici le défi du témoignage prophétique. Amos donne un exemple clair de ce dont Esaïe parlait (3:1-8). Il appelle Israël à réfléchir et à faire face à la réalité en examinant les arguments de Dieu, l'un après l'autre.

Cette démarche les convaincra de la justice et la sainteté des voies divines à l'égard de son peuple. La Parole de Dieu procède toujours ainsi. Jésus par exemple employa cette méthode avec la Samaritaine et le jeune homme riche (Jean 4:1-26; Marc 10: 17-22).

Dans les deux cas, il conduisit leur raisonnement de telle manière à ne leur laisser d'autre alternative que d'admettre la vérité, l'une s'en alla tout heureuse, l'autre empli de tristesse, mais tous deux connaissaient leur position car le Seigneur en avait donné à leur esprit la démonstration irréfutable. La puissance de conviction de la Parole de Dieu ne se trouve pas dans l'émotion de son appel, mais elle tient au caractère rationnel de son argumentation.

Oui, la prédication de la Parole de Dieu s'accompagne aussi de passion. Peut-on rester sans émotions à l'écoute de ses avertissements et du message de salut par la grâce souveraine de Dieu en Jésus-Christ? Il s'agit après tout d'un message de vie ou de mort, qui touche le temps et l'éternité!

Mais, c'est saisi par la vérité que notre esprit s'en émeut; pour se réjouir « d'une joie merveilleuse et glorieuse » ou se « remplir de colère » (1 Pierre 1 :8; Luc 4:28). Dans un cas, l'on embrasse la vérité par la foi, dans l'autre, on la rejette dans l'incrédulité. Amos plaide sa cause de sorte à convaincre des gens doués de raison.

Pour cela, il insiste à nouveau sur la responsabilité des enfants d'Israël devant Dieu (3: 1, 2), avant de continuer en posant quelques questions essentielles à propos des voies de Dieu à leur égard (3:3-6). Finalement, il tire quelques conclusions quant à leur réponse à la Parole de Dieu (3:7, 8).

Gordon J. Keddie Extrait de «Moi l'Éternel»

Europresse

La Bonne Nouvelle No 4 / 2000

© La Bonne Nouvelle