Pluralisme et choses secondaires

 

VIGI-SECTES, lancée officiellement en 1998, est une association européenne chrétienne de prévention et d'aide aux victimes des sectes. La publication « La route droite», de M. Christian Piette, est devenue le périodique de «VIGI-SECTES», dont le président est M. Gérard Dagon et les vice-présidents Christian Piette et Paul Ranc.

Ledit périodique contient d'intéressantes et d'utiles présentations de mouvements connus (par ex. les «Témoins de Jéhovah») et moins connus (par ex. « Les Pèlerins d'Arès»), avec de sérieuses mises en garde. (Voir «La route droite», no 26-27, octobre 1999-mars 2000). Dans ce dernier numéro se trouve aussi un exposé intitulé «Pluralisme dans l'Eglise de Christ?», dans lequel Christian Piette rejette la position soutenue dans un ouvrage de Pierre Le Fort, professeur retraité de Nouveau Testament à la Faculté protestante de Bruxelles.

Ce professeur traite de la question: «Porte ouverte ou examen d'entrée», laissant entendre que Jésus n'accueillait pas les pécheurs pour les convertir. Christian Piette dénonce très justement cet «accueil inconditionnel» en démontrant que, si nous devons évidemment témoigner l'amour de Christ aux inconvertis, ces derniers ne sauraient être considérés comme chrétiens et admis comme membres d'église avant d'être effectivement sauvés. Il est écrit: « Le Fils de l'homme est venu sauver ce qui était perdu » (Mat. 18: 11).

Christian Piette dit bien que le pluralisme a ses limites, mais par ailleurs il parle d'une liberté dans tout ce qui est secondaire en citant quelques cas typiques:

1. La question du baptême du Saint-Esprit comme «deuxième expérience», dont le signe initial serait le parler en langues, ou le baptême du Saint-Esprit compris comme incorporation au Corps de Christ.

2. L'eschatologie et les diverses positions quant au millénium.

3. L'arminianisme et le calvinisme.

4. Le baptême des adultes et celui des nourrissons.

5. Les modes de direction des assemblées.

 

Est-ce que ces cinq points sont vraiment tous à considérer comme « secondaires » ? Reprenons-les brièvement:

1. Le baptême du Saint-Esprit, présenté comme une « seconde expérience » après celle de la nouvelle naissance, divise artificiellement le Corps de Christ en deux catégories de chrétiens d'inégales qualités:

a) ceux qui croient avoir fait cette expérience et pensent donc qu'il manque quelque chose à ceux qui ne l'ont pas faite,

b) ceux qui n'ont pas fait cette expérience et sont exhortés par conséquent à la rechercher.

Mais que dit l'Ecriture ? « Nous avons tous, en effet, été baptisés dans un seul Esprit, pour former un seul corps» (l Cor.12:13). Il s'agit donc bien d'une expérience unique initiale qui se produit au moment de la conversion. Jamais les apôtres n'ont invité les convertis à rechercher une soi-disant «deuxième expérience» nommée improprement « baptême du Saint-Esprit».

2. En ce qui concerne l'eschatologie (les choses de la fin), et en particulier la question du millénium il faut reconnaître qu'il existe parmi les évangéliques des divergences qui, sans être tout à fait secondaires, n'empêchent pas la communion fraternelle quand il n'y a pas d'exclusivisme de la part des uns ou des autres (1), sinon la question devient essentielle.

3. L'arminianisme (2) et le calvinisme (3) ne sont certainement pas considérés comme «secondaires» par leurs partisans. Il s'agit de deux doctrines apparemment inconciliables qui, pour leurs ardents défenseurs, rendent tout au moins la cohabitation problématique.

4. L'aspersion des nourrissons vue comme l'équivalent d'un vrai baptême est à l'origine des Eglises multitudinistes qui considèrent comme chrétien tout enfant soumis à ce rite. C'est ce qui a donné cette chrétienté de nom dont seul un faible pourcentage de membres sont vraiment nés de nouveau, alors que Jésus a dit: «Si un homme ne naît de nouveau, il ne peut voir le Royaume de Dieu... Il faut que vous naissiez de nouveau» (Jean 3:3-7). Ce n'est manifestement pas une question secondaire.

5. Sur les modes de direction des assemblées (gouvernement de l'Eglise) on constate aussi qu'il n'y a pas unanimité. Toutefois, une image claire se dégage de l'enseignement du Nouveau Testament, même si les éléments sont dispersés dans le livre des Actes et les Epîtres. Il en ressort que le gouvernement de l'Eglise est confié par Dieu à un collège d'anciens-évêques, nommés par l'assemblée (Actes 14:23; Tite 1 :5- 6), voués au ministère de la prédication et de l'enseignement (I Tim. 5:17, 18), et dont la tâche est pastorale (Actes 20: 17, 28; 1 Pierre 5:1, 2), à l'instar de celle de leur Maître, sous l'autorité et l'exemple duquel ils travaillent (l Pierre 5:3, 4; Hébreux 13:20). Même si des divergences sur ce sujet ne constituent pas nécessairement un obstacle insurmontable à la communion - comme le seraient les questions qui touchent aux points cardinaux de la foi - est-il juste de classer le problème du gouvernement de l'Eglise comme « secondaire » ?

 

Christian Piette dit encore: « En Belgique, l'expérience de collaboration et de fraternisation élaborée dans la Fédération évangélique est porteuse des plus belles bénédictions... Une solide et claire confession de foi commune permet de constater que les Assemblées de Dieu (4), les Eglises de Frères, les communautés évangéliques, les Mennonites, les charismatiques et l'éventail des indépendants sont en harmonie totale sur les doctrines capitales». Il précise «que cette constatation est également vraie pour les «communautés évangéliques» au sein des grandes familles dites historiques», c'est-à-dire «officielles». Pour lui « ce pluralisme de bon aloi doit être encouragé dans la vie de nos églises tout en respectant les particularismes des autres dénominations, même si l'on n'y adhère pas. » On peut ne pas partager cette vision optimiste, réductrice des profondes divergences, causes de douloureuses séparations. Peut-on, dans ces conditions, dire qu'il existe une harmonie totale sur les doctrines capitales entre tous les milieux nommés plus haut?

Le travail de VIGI-SECTES sera d'autant plus apprécié que l'on n'y dénoncera pas seulement les sectes les plus notoires, mais que l'on osera aussi signaler les erreurs ou hérésies qu'enseignent et que répandent certaines assemblées ou Eglises, même de celles qui jouissent d'une reconnaissance officielle. Le modernisme ou le libéralisme théologique, l'universalisme, le mysticisme religieux, le sacramentalisme, l'hégémonie religieuse, la nouvelle morale immorale, etc., qui ont cours dans

bien des milieux «chrétiens», peuvent être plus dangereux que les Mormons, la Science chrétienne ou d'autres mouvements qualifiés de sectes. Alors à l'oeuvre pour la Vérité et contre l'erreur sans acception de personnes ou de milieux.

J. Hoffmann

La Bonne Nouvelle No 2 / 2001

© La Bonne Nouvelle


.

1 Voir la « Déclaration de Vaux » des professeurs de Théologie relevant les points communs et les divergences des chrétiens évangéliques» sur l'eschatologie.

.

2 Les Arminiens (Arminius 1560-1609) croient au libre-arbitre, c'est-à-dire à la liberté de se déterminer sans d'autre cause ou intervention que sa propre volonté. Pour eux l'oeuvre expiatoire de Jésus-Christ a été accomplie en faveur de tous les hommes et chacun peut donc choisir librement sa destinée.

.

3 Pour le calvinisme (Jean Calvin 1509-1564), il y a prédestination inconditionnelle des seuls élus, et Jésus n'est mort que pour eux et non pour tous les hommes.

.

4 Les Pentecôtistes.