Clarification à propos des « béatifications »
Le dimanche 3 septembre 2000 le pape Jean-Paul Il a « béatifié» les papes Pie IX (pape de 1846 à 1878) et Jean XXIII (pape de 1958 à 1963). En 23 années de pontificat Jean-Paul Il a ainsi «béatifié» 990 personnes défuntes.
Que veut dire béatifier?
Béatifier, c'est déclarer bienheureux. Selon le catholicisme romain le pape aurait le pouvoir de proclamer bienheureux des trépassés. La Bible, par contre, déclare heureux ou bienheureux (1) dès à présent - sans aucun cérémonial - ceux qui meurent dans le Seigneur (Apoc. 14:13). Et sont également déclarés bienheureux:
- ceux dont les iniquités sont pardonnées (Rom. 4:7-8),
- ceux qui écoutent la parole et qui la gardent (Luc 11 :28),
- ceux qui croient sans avoir vu (Jean 20:29),
- ceux qui ont un coeur pur (Mat. 5:8),
- ceux qui sont persécutés à cause de la justice (Mat. 5: 10),
- ceux qui sont outragés pour le nom de Christ (Il Pierre 4:14), - ceux qui ont tenu ferme (Jacq. 5: 11), etc. (2)
N'y a-t-il pas usurpation d'autorité ?
C'est donc Dieu seul qui rend bienheureux ses fidèles, ce qu'aucun mortel ne saurait faire à sa place, fût-il monarque ou pape! En béatifiant - ou en canonisant (3) - des défunts les papes s'attribuent un pouvoir que Dieu ne leur a pas confié. Tout le système papal est d'ailleurs en cause, parce qu'il n'est pas d'institution divine. Même si l'apôtre Pierre a joué un certain rôle à l'origine de l'Église, il ne fut pas le premier pape et la Bible ne contient aucune trace de la transmission d'une pareille fonction à un quelconque successeur qui serait devenu le «vicaire» du Christ sur la terre. C'est en 455 que l'empereur Valentinien III publia un édit soumettant à l'évêque de Rome, - Léon le Grand, surnommé avec raison «le premier pape », - tous les évêques de l'Empire .(4) Ce fut à une époque où les innovations et traditions humaines avaient déjà considérablement supplanté la foi et les pratiques des premiers chrétiens. Et ce n'est d'ailleurs qu'en 1049, au Concile de Reims, que Léon IX fut déclaré « primat apostolique de l'Église universelle».
Qui fut Pie lX?
Il fut l'auteur du fameux Syllabus par lequel il lança 80 anathèmes (6) contre le socialisme, le communisme, le protestantisme, les sociétés secrètes, les sociétés bibliques, etc., les traitant tous et toutes d'inventions pestilentielles. Voici quelques exemples d'anathèmes figurant dans ledit Syllabus: (7)
XV Anathème à qui dira: Chaque homme est libre d'embrasser et de professer la religion qu'il aura réputée vraie...
XVIII Anathème à qui dira: Le protestantisme n'est pas autre chose qu'une forme diverse de la même véritable religion chrétienne, forme dans laquelle on peut plaire à Dieu, aussi bien que dans l'Église catholique.
XXIV Anathème à qui dira: L'Église n'a pas le droit d'employer la force...
LV Anathème à qui dira: L'Église doit être séparée de l'État, et l'État séparé de l'Église.
LXXVII Anathème à qui dira: Il ne convient plus, à notre époque, que la religion catholique soit considérée comme unique religion d'État, à l'exclusion de tous les autres cultes.
LXXVIII Anathème à qui dira: Aussi on ne peut que louer certains pays catholiques où la loi a pourvu à ce que les étrangers qui s'y rendent y jouissent de l'exercice public de leurs cultes respectifs. etc.
C'est donc l'auteur de déclarations aussi aberrantes et sectaires que le pape actuel a « béatifié ». Vu l'infaillibilité en matière de foi et des moeurs décrétée par Pie IX lui-même (1870) les anathèmes du Syllabus ne sauraient être retirés ou annulés par ses successeurs. Ils sont donc toujours valables et applicables, même si de nos jours la curie romaine n'en fait pas directement état, sans doute par crainte de heurter l'opinion publique. Ajoutons que l'on reproche aussi à Pie IX d'avoir été antisémite, ce qui fait que cette « béatification» a provoqué de vives réactions en Israël que le pape vient de visiter peu avant. Par ailleurs, Pie IX a également promulgué le dogme de l'immaculée conception de Marie (1854) (8) qui ne repose pas plus sur un fondement biblique que le dogme de l'infaillibilité papale.
Diplomatie vaticane
Jean-Paul Il aurait pu ne pas évoquer le souvenir de cet homme pour ne pas réveiller de vieux démons en scandalisant Juifs et chrétiens. Mais il a sans doute voulu rassurer sa droite intégriste après avoir satisfait sa gauche plus libérale ou plus large d'esprit. En béatifiant simultanément le pape Jean XXIII, qui passe pour avoir été «bon et favorable aux rapprochements oecuméniques», Jean-Paul Il a manifestement voulu équilibrer son jeu par une diplomatie astucieuse destinée à éviter des ruptures au sein même de son Église. Sous le titre «Compromis révélateur d'une double faiblesse» un commentateur de cette « béatification » écrivait: «Les voies du Seigneur sont insondables, dit-on. Celles de Rome sont franchement tortueuses»! (9)
J. H.
La Bonne Nouvelle No 1 / 2001
1 « Makarios » en grec. « La Bible emploie le mot bienheureux dans le même sens que heureux» (Nouveau Dictionnaire Biblique, Emmaüs).
2 Voir entre autres les 8 béatitudes dans Mat. 5:3-11.
3 «Canoniser », c'est encore un pouvoir que le pape s'attribue en proclamant « saints » des trépassés. La béatification est souvent le prélude à la canonisation.
4 Voir le « Précis d'Histoire de l'Église » de J. M. Nicole, pp. 63-64, aux Éditions de l'Institut Biblique de Nogent-sur-Marne.
5 - Rome face à l'Évangile» A. Antomarchi (épuisé).
6 Anathème = maudit.
7 « Le Syllabus» en français et en latin, texte officiel et quelques notes, « De l'avenir des peuples catholiques>,, Fischbacher, Paris.
8 Marie serait née sans péché, alors qu'elle appelle Dieu son Sauveur (Luc 1 :47).
9 P.-A. Chapatte dans « Le Quotidien Jurassien « du lundi 04-09-00, p.3.
Note
Il y a dans le Nouveau Testament deux anathèmes prononcés par l'apôtre Paul:
1. Dans 1 Corinthiens 16:22 il écrit: -Si quelqu'un n'aime pas le Seigneur qu'il soit anathème ». Ne pas aimer Celui qui nous a aimés le premier, c'est le rejeter et courir à la perdition éternelle.
2. Dans Galates 1 :8 le même apôtre écrit: « Si nous, ou si un ange du ciel vous annonçait un évangile différent de celui que nous vous avons annoncé, qu'il soit anathème! »
Le critère est donc l'Évangile tel qu'il a été annoncé par les apôtres, c'est-à-dire tel qu'il nous est rapporté dans la Bible. Un évangile différent, ou un autre évangile, ce fut et c'est encore, l'annonce du salut par la loi, les oeuvres, les souffrances ou les mérites humains, des rites ou des sacrements. Ce sont ceux qui ont altéré l'Évangile par des traditions, des pratiques et des commandements d'hommes qui tombent, selon l'Écriture, sous le verdict divin de l'anathème.