On appelle Messianisme toute croyance, toute foi, toute espérance qui a pour objet une intervention de Dieu active, salutaire et libératrice. Selon la plupart des textes bibliques qui l'évoquent, l'action divine doit se manifester à travers un « envoyé », sorte de lieutenant de Yahvé, agissant en son nom et réalisant son oeuvre. Certains cependant ne lient pas le messianisme à une personne attendue.
L'espérance messianique fut surtout soutenue et alimentée par la prédication des prophètes. On peut cependant en trouver les lointaines origines dans des livres antérieurs. Ainsi la Genèse (chap. 49, vers. 8-12), dans la louange que Jacob sur son lit de mort adresse à Juda, semble parler d'un souverain auquel les peuples obéiront et dont la venue inaugurera une ère paradisiaque. Les oracles de Balaam (NOMBRES, chap. 24, vers. 17-19) saluent probablement, sous l'image d'une étoile (symbole royal en Orient : cf. ISAIE, chap. 14, vers. 12), la même souverain universel issu de Jacob. Les psaumes 2 et 109, parmi bien d'autres dits «messianiques»(1), probablement composés en l'honneur de David ou de l'un de ses descendants, chantent la domination promise par Yahvé à cette maison royale. Dans cette première période on semble considérer le roi messianique comme le plus parfait des rois de la terre et son royaume comme le prolongement et l'épanouissement triomphal du royaume terrestre.
Chez les prophètes, ce messianisme primitif se nuance en de multiples thèmes. L'espérance d'Israël situera volontiers le règne messianique aux derniers temps : le Messie entrevu viendra à la fin du monde. Situées dans ce cadre général, trois images principales, quoique d'importance inégale, se font jour à travers d'innombrables évocations : d'abord celle du roi-Messie qui prolonge les antécédents bibliques déjà mentionnés; celle, si mystérieuse, du serviteur souffrant, évoquée dans la seconde partie du livre d'Isaïe; enfin celle du « fils de l'homme », propre à Daniel (chap. 7, vers. 13), personnage surhumain malgré son nom.
Pour le Nouveau Testament et la tradition chrétienne, la conciliation entre ces figures se fait en la personne de Jésus né à Bethléem. Il est descendant de David et Messie royal à sa manière, bien que son règne « ne soit pas de ce monde » (LUC, chap. 1, vers. 32; MATTHIEU, chap. 22, vers. 41-46; ACTES DES APOTRES, chap. 2, vers. 34). Il est fils de l'Homme en raison de sa pré-existence auprès du Père avant « sa venue parmi nous » (MARC, chap. 15, vers. 28; ACTES DES APOTRES, chap. 3, vers. 18). Il est serviteur souffrant de par la passion qu'il lui faut endurer pour entrer finalement dans sa gloire (MATTHIEU, chap. 24, vers. 30 et chap 26, vers. 64; LUC, chap. 24, vers. 4446).
Pas plus dans les livres prophétiques que dans les autres, l'intervention divine qui apportera au monde le salut définitif n'est cependant toujours annoncée comme devant obligatoirement passer par un personnage bien individualisé. En sorte qu'il existe aussi une sorte de messianisme sans Messie, dont les Psaumes dits « du règne » (Ps. 95 à 98)(2)sont la meilleure expression. Bien des passages des prophètes ressortissent à cette même vision de l'avenir.
« L'heureux terme» espéré de tous
Quels que soient les aspects qu'il puisse prendre, ce messianisme-là apparaît pour l'essentiel dans la tradition juive comme une véritable philosophie de l'histoire : celle-ci a un sens et progresse vers un heureux terme.
Cette conception messianique n'est pas totalement étrangère à la tradition chrétienne elle-même qui a reconnue dans la naissance du Christ la venue du Messie. L'Apocalypse de saint Jean, par exemple, chante certes l'immolation et le triomphe de l'Agneau, mais s'emploie à soutenir le courage des chrétiens dans l'existence temporelle, par l'espérance de ce qui n'est pas encore, de ce qui « viendra bientôt» et qui seul comblera vraiment l'aspiration des hommes au bonheur total : là où il n'y aura plus ni deuil, ni larmes, ni mort, parce que le premier monde - le nôtre - aura pris fin irrévocablement et que Dieu fera alors « toute chose nouvelle » (APOCALYPSE, chap. 21, vers. 1-5).
Dom Jacques GOLDSTAIN
1. - Voir No 45, p. IV.2. - Voir No 47, p. IV.
En ce temps-là, la BibleNo 61 page 1.